La Revue Critique des idées et des livres |
"Ce n’est pas seulement pour vivre ensemble, mais pour bien vivre ensemble qu’on forme un État." aristote |
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green | ||
L'orgue éclate dans la rue Du village d'Otterton. La machine tonitrue Fausse au moins d'un double ton. Ce n'est pas l'humble détresse De nos petits orgues bas. C'est une ardente allégresse Qui tourbillonne et s'ébat. Tzing, tzing ! Vive la musique ! Ça vous saisit à la peau. Tantôt l'hymne britannique Qui soulève les chapeaux, Tantôt le song de la veille, Succès de Gertie Millar Et les groupes s'émerveillent De cet orchestre braillard Qui, sur la rose des dalles Du village d'Otterton Bâtit une succursale Au paradis de Milton. | ||
rené kerdyk (1885-1945). Mercure de France. (août 1913). |
ariette de guerre | ||
Je songe à vous, rayons chargés De mes fins livres reliés, 0 chers bouquins qui consoliez Mes longs nocturnes affligés, A vous les files principales Des classiques de bonne marque, La robe mauve d’Andromaque Et les pâle Provinciales, Et toi, multiple intermezzo; Tout tiède encore de mes mains, Livres jaunes, Régnier, Samain, Et notre Verlaine si haut, Si haut dans la chaleur des lampes, Parmi les roses balancées, Et les caresses tôt passées, Et les distants gestes d'estampes… Et je songe à disposer pour Vous, Despax, Hourcade, Drouet, Et nos moindres frères tués Un coin choisi de tendre amour Où peut-être un soir une femme Mettra, avec des doigts qui tremblent, Ces vers, afin qu'on dorme ensemble Très doucement, serrant nos âmes. | ||
rené kerdyk (1885-1945). Mercure de France. (mars 1917). |
intime | ||
Les lettres sur le bureau Semblent exhaler des plaintes Et la courte horloge peinte Fait des poids comme un vieux beau. L'inutile plume d'oie Et le bloc de pâle azur Dévotement dorment sur L'album de Ma Mère l'Oye. Sous les verres les images Disent des enfantillages Et les parents dans leurs cadres Sont bien sages pour leur âge. Le buvard aux bavardages Rose comme un écolier Attend l'heure de lier Sa bouche aux lèvres des phrases Tandis qu’au loin mes pigeons Roucoulent des gargarismes Et font un Henri Matisse Avec l'ombre du balcon... | ||
rené kerdyk (1885-1945). Nouvelle Revue française (septembre 1921). |
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La Mer et la France. Quand les Bourbons voulaient dominer les océans, Olivier Chaline, Flammarion, octobre 2016, 560 pages.
Olivier Chaline, né en 1964, est historien. Professeur à la Sorbonne, directeur du Centre d’histoire de l’Europe centrale, il est l’auteur de plusieurs ouvrages importants sur la France et l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles. Il a récemment publié : Le Règne de Louis XIV. (Flammarion, 2005), L'Année des quatre dauphins. (Flammarion, 2009), La Mer vénitienne. (Actes Sud, 2010), Les Armées du roi. (Armand Colin, 2016)
sur l'automne | ||
Automne, sur les monts ton règne recommence ! Si je presse des doigts le raisin velouté, Une libation impatiente s'élance Vers ta gloire prochaine et ta divinité. Accourez, vendangeurs, les vignes sont vermeilles ; Sous le soleil la terre a donné tout son sang, Que la faucille sonne à l’anse des corbeilles, Avant de pénétrer dans le cep rougissant. Ornez vos fronts du premier pampre, ô vendangeuses, Et parcourez le mont en chantant avec moi. Pour décider, du haut de ses cimes neigeuses, L'Automne à ramener son cortège de roi. Brillante sous les fleurs, les parfums et les flammes, Sa venue est prédite, à la fois, à nos yeux, Par la forêt qui se dépouille, et, dans nos âmes, Par la victoire du désir délicieux. Célébrons-le, par notre joie et par des danses, A l’heure où le soir monte et rougit l’horizon. Bacchus aimait les chants et les folles cadences, Et qu'on entrât comme des dieux dans sa saison. Laissons les gerbes d'or embaumer la vallée, O compagnons, l’Automne entr'ouvre ses vergers Où la terre de feuilles pourpres est voilée, Où les arbres de fruits et d'ombres sont chargés. C'est là que notre troupe, à l'Automne enlacée, Connaîtra le mystère auguste de l’amour, Quand la feuille, par tous les souffles embrassée, Vivante, volera dans la douceur du jour. | ||
paul souchon (1874-1951). Les Elévations poétiques. (1898). |
salut à la provence | ||
Provence de la mer, des monts et de la plaine, Fille du ciel, de l'onde et du soleil d'été, Accueille ton enfant, que son âme soit pleine Encor de ta beauté ! Je te reviens plus fort mais plus mélancolique : Les Alpes, la grandeur morne de leurs hivers Ont pesé sur mon front, la servitude antique M'a lié de ses fers ! Que tes bois d'oliviers où des maisons dorées Songent sous le soleil, que tes villes, tes champs, Tes rivages, ton fleuve et tes sources sacrées Ressuscitent mes chants ! Comme un jardin privé moi qui t'ai parcourue Je t'aime dans le vol des jours et des saisons O terre maternelle, ô Provence apparue Enfin, aux horizons ! | ||
paul souchon (1874-1951). Nouvelles élévations poétiques. (1901). |
louanges à paris | ||
O Paris ! ô couronne ! ô fleur ! J'ai quitté mon ciel et ma mère, Ma mère et sa pâle douleur, Mon ciel, le plus pur de la terre ! Et, depuis, si j'ai regretté Et ma Provence et ma jeunesse, Chaque fois, Paris, ta beauté M'a séparé de ma tristesse ! Tes bois, tes parcs m'ont révélé La grandeur de l'âme française, L'ordre par le rythme voilé, La force qu'une grâce apaise ! Mais je fus aussi pénétré, O Paris, de clartés intimes, Et l'amour que tu m'as montré M'aura conduit sur d'autres cimes ! Car, sous ton ciel, le sentiment Comme une fleur embaume et passe Et tu recherches seulement Le plaisir de toute une race ! Et j'ai subi l'enchantement Que tu verses aux cœurs, ô ville, Qui revêts par ton mouvement La splendeur d'un astre immobile ! | ||
paul souchon (1874-1951). La Beauté de Paris. (1904). |
Les ombres de l'Europe | LETTRES Jeux de dame. Thierry Dancourt. La Table Ronde. Août 2017. 208 pages. |
sur les môles | ||
Sur les môles aux vieux platanes, Et dans les ports au bord des mers, Où le troupeau des courtisanes S'enivrait de parfums amers, Vous débarquiez, gloires épiques : Un profil droit, entre les piques Se découpait en dominant Sous un portique aux blanches pierres, Mais passez, gloires militaires, Vos lauriers sont tachés de sang ! Caesar n'est rien... La nuit tranquille Descend ; ne sonnez plus, buccins, Et laissez méditer Virgile Sous la douceur des cieux latins. Une étoile tremble et se lève, Le poète poursuit son rêve ; Vénus qui marchait dans le bois S'appuie au bras d'un beau satyre, Et cesse en frémissant de rire Pour écouter la grande voix. Du vieux renom des capitaines, Dans les temps il ne reste rien : Hors les blessés, les sombres plaines, Les corbeaux, nul ne se souvient, Mais lisez ce beau livre antique, Surprenez ce soir idyllique Dans les mots divins de ces vers, Admirez ces têtes fleuries ; Écoutez... les Dyonisies Chantent sous les ombrages verts Tournez les pages... Des colombes Battent de l'aile dans l'azur ; Des rosiers embaument les tombes, Le monde est clair, le jour est pur ; Contre une colonne dorique, Une vierge mélancolique Effeuille sans même les voir Des pétales de marguerite, Tandis que passe Théocrite Dans un vers bleu comme le soir ! Car tout vit dans le livre immense, Il est pareil à la maison Que parfume dans le silence, La muse à la blonde toison ; Et ses fenêtres sont ouvertes Sur les plaines de blés couvertes Où l'on ne voit que des bouviers ; Les dieux y viennent à l'aurore, Laissant à sa porte sonore Des grappes d'or et des ramiers ! | ||
léo larguier (1878-1950). La Maison du poète. (1903). |
crépuscule | ||
Un point d'or, l'azur des coteaux, Le soir d'été baignant la terre, Un vieux chemin plein de mystère, Sous les fronts penchés des bouleaux. Et s'effaçant sous la ramée, Un couple qui s'en va disant, Au bleu clair de lune d'argent : « Mon bien-aimé, ma bien-aimée ! » Ce n'est rien, mais c'est l'infini D'une vie aimable et rapide. Le vent tiédit, l'étang se ride, On entend des voix dans un nid... O planètes, terres lointaines, Avez-vous aussi de beaux soirs, Des chemins creux et des bois noirs Pleins de frissons et de fontaines, Et des lilas et des rosiers, Avec de belles formes blanches, Sous les tremblants arceaux des branches Aux fins de jour, dans les sentiers ? | ||
léo larguier (1878-1950). Les Isolements. (1906). |
de lointaintes choses | ||
J'aime parfois songer à de lointaines choses : A des jardins persans dont les hauts cèdres bleus Bénissent l'air léger tout vanillé de roses, A des maisons d'Asie étouffantes et closes, Aux chalets isolés qui rient d'un seuil neigeux. Aux femmes de Golconde ; à Marie-Antoinette Accoudée en été dans le blanc de midi Sous un rose chapeau d'où naît la pâquerette, Fermant un peu les yeux, penchant un peu la tête Vers les linons mousseux d'un corsage arrondi. Aux brisants hérissés de bêtes aquatiques, A des poissons nageant dans l'eau de Magellan, Aux tempêtes de nuit sur les glaces antiques, Aux lointains amoureux des régions arctiques Que baigne un crépuscule infini, triste et lent. Aux mystères des bois embrumés, à des sentes Que l'automne remplit de feuilles, de bois mort, Aux choses qui la nuit tressaillent dans les plantes, Au-dessous des cailloux, aux rochers pleins de fentes Sur qui jusqu'au matin la tiède lune dort. | ||
léo larguier (1878-1950). Orchestres. (1914). |
Chroniques d'un demi-siècle | LETTRES Résumons nous. Alexandre Vialatte. Robert Laffont. Février 2017. 1344 pages. |
Automne 2017 Changer de modèle | ||
- Notre socialisme, par François Renié. [lire]
Les idées et les livres
- L'affront à l'armée, par Hubert de Marans. [lire]
- Macron et sa vieille Europe, par Vincent Lebreton. [lire]
- Changer de modèle (1). - Le pouvoir aux producteurs, par Henri Valois. [lire]
- Péguy philosophe, par Vincent Maire. [lire]
- Ezra Pound comme éducateur, par Pierre Gilbert. [lire]
- Le souvenir de Paul-Jean Toulet, par Jean-Jacques Bernard. [lire]
- La rencontre de Don Juan, une nouvelle de A. T'Sterstevens. [lire]
- Le jardin français, poèmes de L. Larguier, R. Kerdyk, P. Souchon. [lire]
Chroniques
- Notes politiques, par Hubert de Marans.
Après cent jours. - Scission au FN. - Le retour des sarkozystes. - Nouvelle Calédonie.
- Chronique internationale, par Jacques Darence.
Le guêpier libyen. - Coup d'Etat bourgeois en Catalogne. - Le poison coréen.
- Chronique sociale, par Henri Valois.
Industrie, la grande braderie. - Jacobinisme. - L'après-Gattaz. - Reconversions industrielles.
- La vie littéraire, par Eugène Charles.
Dancourt. - d'Estienne d'Orves. - Modiano. - Perret. - Saint-Exupéry. - Dupin.
- Idées et histoire, par Pierre Gilbert et Jacques Darence.
Winock. - Desuin. - Todd. - Ortega y Gasset. - Gougenheim. - Charles VII. - Dante.
- Notes d'Art, par Sainte Colombe et Louis du Fresnois.
Monet. - Derain. - Gauguin. - Feydeau. - Molière.
- Revue des revues, par Paul Gilbert.
Trump. - Libéralisme. - Frontières. - Ve République. - Diplomatie. - Christian Millau.
- Les livres, par Paul Gilbert, Eugène Charles, François Renié.
Vers un monde néo-national ? (Michel Foucher). - Le Nouveau pouvoir. (Régis Debray). - Maintenant. (Comité invisible). - Être nationaliste à l'heure des masses. (Olivier Dard). - Rois de France. (Honoré de Balzac). - Vergennes. (Bernard de Montferrand). - L'Astre mort. (Lucien Jerphagnon). - Beauté. (Philippe Sollers). - Petite sélection stendhalienne. - Livres reçus.
Accès à la revue
souvenir | ||
Le jardin se déroule en pelouses précises, Frais tapis étoiles où voltige un oiseau ; Dans l'azur luit le rire argenté du jet d'eau Et de leur propre encens les fleurs paraissent grises. Au firmament léger dérivent des banquises ; L'allée amène au seuil où des roses ponceau Dressent contre le mur la gloire d'un arceau. Dans la grande maison vivent des ombres grises. C'était par un printemps pareil à celui-ci Et dans le clair séjour de l'âge sans souci Que la mort Vous saisit, Vous qui fûtes l'élue. Si j'ai connu depuis l'amour et la beauté, Cette vaine demeure à la nuit dévolue Jamais plus ne s'ouvrit aux splendeurs de l'été. | ||
jean pourtal de ladevèze (1898-1976). Revue « La Muse française ». (1937). |
septembre | ||
Tu t'es réveillé ce matin Parmi les chants, parmi la joie Des oiseaux, des fleurs et la soie Des beaux rayons au ciel sans tain. La douceur du jour, ses dorures T'ont pu laisser croire un instant Qu'au vif de l'été le printemps Renaissait en pales verdures. Le soleil pique de rousseurs La route et les façades blondes ; A la couronne des tours rondes Les pigeons roucoulent, danseurs ; Et le jeune amour que tu portes Vers un chimérique destin Voit se poser dans le jardin Le premier vol de feuilles mortes. | ||
jean pourtal de ladevèze (1898-1976). Sur les Balcons du ciel. (1936). |
stances | ||
La lumière joue indécise Sur les vagues étangs du soir Et rose, mauve et bleue, irise L’onde secrète du miroir. Nul visage n’a laissé trace Du passé sitôt aboli Sur l’insensible et vaine glace Entre les berges d’or pâli. Mais s’y reflète un paysage Lointain et clair, pressé de nuit : Sous le feu rouge d’un nuage La rivière doucement luit. Narcisse est mort sur ce rivage : Une lame d’argent poli N’aurait su garder davantage Sa belle forme de l’oubli. | ||
jean pourtal de ladevèze (1898-1976). Revue « Le Divan ». (1941). |
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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01 |
Présentation
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