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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 23:57
Contre l'abandon de l'histoire au lycée
 
                                                    La République, c'est le gouvernement des imbéciles...
                                                                                               Léon Daudet.
 
Dans un récent appel que nous publions ci-dessous, l'association des professeurs d'histoire et de géographie (A.P.H.G.) s'insurge contre la disparition prochaine de l'histoire et de la géographie des enseignements obligatoires de terminale scientifique. Sous prétexte d'allègement des programmes, les aliborons qui nous gouvernent veulent rayer de la carte scolaire toutes les matières qui peuvent éveiller l'esprit critique et le jugement des adolescents. Après le français, supprimé il y a quelques années des programmes de terminale, voilà maintenant qu'on s'attaque aux enseignements qui permettent à l'élève de se forger une image vivante de la richesse, de la grandeur et de la diversité française. On ne s'étonnera pas de trouver le petit Chatel, ministricule sarkozyste, ex employé du groupe Loréal, à l'initiative de cette nouvelle stupidité. Il aura fait plus de mal en deux ans et demi à l'Education nationale que tous les Darcos, Fillon, Lang et Bayrou réunis. Une véritable calamité dont le mauvais travail rejaillira sur des générations d'élèves, de professeurs et de parents. Heureusement, les professeurs d'histoire et de géographie ont décidé de réagir. Ils font circuler une pétition qui a déjà recueilli près de 30 000 signatures et ils tiendront des Etats-Généraux le samedi 28 janvier au lycée Louis-Le-Grand. On regrettera que nos enseignants n'aient pas inscrit à l'ordre du jour de leur assemblée la destitution du ministricule, suivie d'une distribution de coups de pied au derrière ! En attendant ces réjouissances - qui ne sauraient tarder - nous invitons nos lecteurs à signer et à diffuser largement leur appel.
La Revue critique. 
 
 
ASSOCIATION DES PROFESSEURS
D'HISTOIRE ET DE GEOGRAPHIE
Lyon, le 7 novembre 2011
 
Madame, Monsieur,
 
Les professeurs d’Histoire et de Géographie membres de l’Association des professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) ne peuvent accepter qu’à la rentrée 2012 l’Histoire et la Géographie disparaissent des enseignements obligatoires en Terminale Scientifique.
Cette disparition entraîne déjà une profonde modification des programmes de premières. L’enseignement du XXème siècle, réduit et amputé, se traduit par un empilement de faits au détriment de leur compréhension et de leur intelligence.
Notre opposition à cette disparition n’est pas corporatiste, mais citoyenne. Pour nous, et nous sommes très nombreux à le croire, ces deux matières permettent d’acquérir les principes de la citoyenneté nationale et européenne et d’intégrer l’appartenance à une même humanité. Elles sont porteuses du vivre ensemble, vecteur de toute société fondée sur la tolérance. Elles défendent la culture générale, savoir essentiel à toute vie professionnelle et personnelle en démocratie.
De ce fait, l’APHG, association centenaire, organise des Etats Généraux de l’Histoire et de la Géographie le samedi 28 janvier 2012 à Paris avec comme ambition de débattre de la place de ces matières dans l’Ecole et dans la Société actuelles. Nous entendons faire connaître le socle de nos propositions construit autour d’un enseignement obligatoire de ces deux matières de l’école primaire au baccalauréat, autour de programmes qui prennent en compte leur faisabilité et leur cohérence chronologique et territoriale. Nous défendons une formation pour les jeunes collègues diplômés afin qu’ils n’arrivent pas tout nus devant les élèves ainsi qu’une formation continue pour les collègues plus anciens.
Cette lettre a pour but de vous demander de nous soutenir dans notre démarche par votre adhésion à notre comité de soutien, par vos interventions dans les médias, à la Chambre ou au Sénat, ainsi qu’auprès de tous les élus, en faveur de nos revendications, par votre présence aux Etats généraux, enfin par un soutien financier à notre association.
Je vous remercie pour le temps que vous pourrez consacrer à la lecture de cette lettre et à la réponse favorable que vous nous ferez. Je vous prie de croire, Madame,Monsieur, à l’expression de mes salutations les plus cordiales.
Bruno BENOIT
Professeur d’Histoire IEP de Lyon
Président de l’APHG
 
Cet appel peut être signé sur le site de l'APHG.
 
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6 juin 2011 1 06 /06 /juin /2011 09:53
A tous ceux-là ... 
Au commandant Philippe Kieffer.
Au 1er Bataillon de Fusilliers Marins Commandos
A ceux des nôtres qui, partis des plages de Dunkerque, de Bretagne ou d'Afrique, débarquèrent dans l'aube froide du 6 juin, se couvrirent de gloire à Colleville, à Ouistreham, à Benouville, sur l'Orne, puis dans les combats de Walcheren et de Flessingue.
A tous ceux-là et à leurs camarades d'Afrique, d'Italie, de Provence et du Rhin qui refirent de la France une grande nation d'hommes libres.
Ce soir, nous nous souvenons.
 

KIEFFER--Philippe--Commandant.jpg

 
 
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27 juillet 2010 2 27 /07 /juillet /2010 19:42
La journée
de Bouvines              
bouvines vernet

   

27 juillet 1214. Pour la première fois, toute l'Europe est en face de la France.  Avec l'éclatante victoire de Bouvines, fruit de l'alliance d'un roi et de son peuple, commence la partie la plus brillante de l'aventure capétienne. Après les fondateurs, voici les conquérants, puis viendront les grands administrateurs. L'article ci-dessous, que le jeune historien Jean Longnon consacre à Bouvines dans la Revue critique du 25 juin 1914, a quelque chose d'émouvant et de terrible. Dans l'ouragan qui allait emporter quelques semaines plus tard toute l'Europe, et mettre à nouveau la France aux prises avec l'empire allemand, que manque-t-il à cette jeunesse combattante, sinon la présence d'un prince français ? 
  François renié.
 
 
Bouvines
 
Cette année est aux grands centenaires de notre histoire : en février, l'on fêtait le souvenir de la campagne de France ; ces jours-ci, à Bouvines, on commémore la bataille où pour la première fois dans nos annales le sentiment national s'est glorieusement manifesté. Le septième centenaire de Bouvines suit de trois mois à peine celui de la naissance de saint Louis : lorsque le petit prince Louis naquit au château de Poissy, le 25 mars 1214, son père était aux bords de Loire à contenir l'armée de Jean sans Terre, tandis que son grand-père rassemblait ses troupes dans le nord pour marcher contre l'Empereur. C'est en ce double danger que vint au monde celui qui devait être saint Louis. Rencontre digne de remarque : comme l'a dit notre collaborateur et ami M. de Roux en un récent discours, la couronne qui fut sauvegardée à Bouvines est celle de ce petit enfant sans force et sans voix, celle que, par sa vie admirable, il devait ennoblir à tout jamais.
Philippe Auguste, poursuivant la lutte de ses prédécesseurs contre les rois d'Angleterre qui, dominant des deux côtés de la Manche, et par les fiefs de la maison de Plantagenets et le mariage d'Aliénor de Guyenne possédant la moitié occidentale de la France, constituaient un danger perpétuel pour la monarchie française naissante, avait successivement conquis sur Jean sans Terre la Bretagne, l'Anjou, le Maine, la Touraine, une partie du Poitou et la Normandie. Jean sans Terre résolut de prendre sa revanche en 1213 : il ligua contre le roi de France l'empereur Othon IV, les barons de Lorraine et de Hollande, le comte de Flandre et le comte de Boulogne. De Guyenne, il devait pénétrer dans les Etats de Philippe par le Poitou et, passant la Loire, marcher sur Paris, tandis que l'Empereur avec les coalisés s'avancerait par le nord.
Jamais Philippe Auguste, jamais même les Capétiens ne s'étaient trouvés dans un danger pareil ; mais en ce péril la France se resserra autour du Roi et éprouva plus fort encore ce sentiment qu'elle avait déjà eu sous Louis VI lors d'une menace de l'Empereur sur les frontières de la France. Le Roi recueillit alors les fruits de l'œuvre d'ordre et de paix que lui et ses prédécesseurs avaient faite dans le royaume. Les premiers Capétiens, en faisant la bonne police et en exerçant une droite justice sur le pays qui formait la France proprement dite, c'est-à-dire le centre du royaume, d'Orléans à Beauvais et de Dreux à Reims, avaient su gagner à leur affection le peuple des communes et discipliner la petite féodalité. Chacun dans la petite France sentait peser sur lui la main du Roi, la main de justice qui est son symbole, ferme et droite, mais aussi la douce main d'un père affectueux, la main tutélaire d'un protecteur. Etant plus assurés dans leur personne et dans leurs biens, tous, sujets du même roi, sentaient qu'ils avaient quelque chose de commun entre eux, ce même sentiment d'attachement à la terre de leurs pères, sauvegardée par leur prince. Ainsi, dans la paix créée par les grandes chevauchées de justice des premiers Capétiens, s'éveillait confusément le sentiment de la patrie. A l'heure où une menace apparaît, les sujets du roi comprendront qu'ils ont une chose commune à défendre qui est la condition même de leur tranquillité particulière : c'est ce que l'on vit devant la coalition de 1213.
A la première nouvelle de l'entrée en campagne de Jean sans Terre, Philippe Auguste fond sur lui et le force à rentrer en Guyenne ; puis, retournant vers le nord, il se prépare à faire face à l'empereur d'Allemagne, laissant à son fils Louis le soin de contenir Jean sans Terre. Aussitôt après le départ de Philippe, Jean traverse le Poitou et vient assiéger le château de la Roche-au-Moine. Le prince Louis, qui avait affaire à une armée trois fois supérieure à la sienne, n'osait attaquer. Mais son père lui en donne l'ordre. Le 2 juillet 1214, Louis s'avançait vers la Roche-au-Moine, lorsqu’à cette nouvelle l'armée assiégeante abandonne ses bagages et ses machines de guerre, et en désordre repasse la Loire sans avoir affronté le combat. Cette étonnante déroute termina la campagne du roi d'Angleterre.
Cependant Philippe Auguste avait rassemblé ses troupes à Péronne. Toute la France du centre s'était levée : bourgeois des villes du domaine royal et des communes de Compiègne, de Beauvais, d'Amiens et d'Arras, seigneurs ecclésiastiques et vassaux des pays voisins de l'Ile-de-France, chevaliers de Bourgogne, de Champagne et de Normandie, tous unis sous l'oriflamme rouge de Saint-Denis, et que commandait un des plus curieux personnages de ce temps, frère Guérin, évêque de Senlis. Frère Guérin était un ancien hospitalier, plié aux stratagèmes des guerres d'Orient et qui, revenu en France, avait pendant vingt ans rempli l'office de chancelier de France sans en porter le titre. Cette sorte d'Eminence grise, qui se trouvait aussi bien à la tête d'hommes d'armes que des scribes de la chancellerie, qui connaissait aussi bien les principes de la stratégie que les formules des actes et était à sa place sur un champ de bataille comme au chapitre de la cathédrale, était l'homme de confiance du Roi et le méritait : ce fut lui le principal artisan de la victoire de Bouvines.
Par une décision hardie, Philippe Auguste s'avança à marches forcées vers le nord pour couper l'Empereur des secours d'Angleterre. Ce mouvement n'était pas sans péril. Les Impériaux le virent et se crurent déjà vainqueurs. Déjà ils se chargeaient de cordes pour enchaîner les Français et ils se partageaient d'avance le royaume. L'empereur Othon, l'ennemi du pape, rassemblait les principaux chefs de l'armée coalisée et leur déclarait :
 
C'est contre le roi de France qu'il convient de diriger nos efforts ; c'est lui qu'il faut tuer le premier de tous, lui seul qui oppose une barrière à nos succès, qui seul nous résiste et se fait notre ennemi en toutes choses. Aussitôt qu'il sera mort, vous pourrez à votre gré enchaîner tous les autres, soumettre le royaume à notre joug et le partager de cette sorte : que toi, Renaud (de Boulogne), tu t'empares de Péronne et de tout le Vermandois ; toi, Ferrand (de Flandre), nous te concédons Paris ; que Hugues (de Boves) possède Beauvais ; que le héros de Salisbury (Guillaume Longue-Epée) prenne Dreux ; que Gérard (de Randerath) prenne Château-Landon et le Gâtinais ; que Conrad (de Dortmund) possède Mantes avec le Vexin... Quant aux hommes du clergé et aux moines, que Philippe exalte tellement, qu'il aime, protège et défend de toute la vivacité de son cœur, il faut, ou que nous les mettions à mort, ou que nous les déportions, de telle sorte qu'ils ne soient plus qu'un petit nombre, que leurs ressources soient réduites, et qu'ils se suffisent du produit des offrandes.
 
Si le roi tombait dans la bataille, on voit quel bouleversement se préparait pour la France.
 
*
*  *
 
Le 27 juillet 1214, Philippe Auguste, quittant un pays marécageux favorable à la formidable armée de pied d'Othon pour la plaine découverte propice aux chevaliers français, se retirait de Tournai vers Lille ; l'armée marchait en bon ordre, prête au combat, protégée par une forte arrière-garde en contact avec le gros des troupes. Les coalisés, croyant Philippe en fuite, s'avancent en complet désordre contre l'armée royale, « comme s'ils couraient une proie ».
La chaleur était extrême : vers midi, Philippe Auguste, ayant quitté son armure, prenait un peu de repos à l'ombre d'un frêne près de l'église de Bouvines et mangeait dans une coupe d'or du pain trempé dans du vin, lorsqu'il voit accourir à toutes brides frère Guérin qui, étant allé en reconnaissance du côté de Tournai, lui apprend l'approche de l'ennemi. Le roi aussitôt entre dans l'Eglise pour implorer l'assistance divine ; puis il s'arme, s'élance sur son cheval et donne les ordres pour la bataille.
L'Empereur, qui s'attendait à tomber sur l'arrière-garde démunie, trouve l'armée française qui a fait volte-face, disposée en bataille, le dos tourné au soleil et prête à affronter le combat. Frère Guérin va de rang en rang, « encourageant les uns et les autres à veiller chacun à la défense publique, à combattre vigoureusement pour l'honneur de la patrie et du roi, à se souvenir de leur race qui, victorieuse dans tous les combats, a toujours détruit les ennemis ; sur toutes choses à prendre garde que l'ennemi plus nombreux, prolongeant les ailes, ne cherche à les envelopper ; que sa ligne ne s'étende jamais plus que leur propre ligne ; qu'aucun chevalier ne serve jamais de bouclier à un autre, mais plutôt que chacun se présente volontairement pour faire face à un ennemi. [1] »
Les deux armées forment ainsi deux lignes parallèles, mais les soldats d'Othon, de beaucoup les plus nombreux [2], ont une profondeur triple. Au centre, le Roi, entouré des chevaliers de sa maison et précédé des milices des communes et des villes royales, a en face de lui l'Empereur avec la cavalerie allemande, couvert par l'imposante infanterie flamande. A l'aile droite, les chevaliers champenois avec le duc de Bourgogne, le comte de Saint-Pol et les sergents à cheval de l'abbé de Saint-Médard de Soissons, s'opposent à la cavalerie flamande du comte Ferrand. L'aile gauche, moins forte et composée de la cavalerie et des milices du Ponthieu avec le comte de Dreux et son frère l'évêque de Beauvais, a en face d'elle Hugues de Boves, le comte de Boulogne et Salisbury, le frère du roi Jean, avec le contingent anglais.
Au moment d'affronter le combat, Philippe Auguste s'adresse à ses barons [3] et les harangue : « Seigneurs, je ne suis qu'un homme, mais je suis roi de France : vous devez me garder sans défaillir. Vous faites bien en me gardant, car par moi vous ne perdrez rien. Or chevauchez ! Je vous suivrai et partout après vous j'irai. » La grandeur simple de la monarchie française et son rôle tutélaire se découvrent en ces paroles suprêmes où Philippe Auguste se dépouille de la majesté royale pour ne songer qu'aux charges de son office. Puis le Roi embrassa les plus vaillants de ses compagnons d'armes et, à la demande des chevaliers, il éleva les mains pour demander la bénédiction divine. Alors les trompettes retentirent, et la bataille s'engagea. div
Jusqu'au XIVe siècle, la cavalerie seule faisait le fond des armées, les soldats de pied n'existant qu'en fonction des chevaliers qu'ils aidaient. La lutte consistait à renverser par une charge les lourdes masses de fer qu'étaient les chevaliers armés ; alors les hommes de pied accouraient et faisaient prisonniers les chevaliers désarçonnés ou les égorgeaient. Les charges de la cavalerie décidaient ainsi de la victoire. On a souvent attribué le gain de la bataille de Bouvines aux milices communales. Leur rôle, en réalité, fut secondaire. Éloignées du champ de bataille au moment où l'action s'engagea, elles arrivèrent en hâte se placer devant le roi autour de l'oriflamme de Saint-Denis. Ces bons bourgeois étaient tout essoufflés et ne purent supporter le choc de l'infanterie flamande quatre fois plus nombreuse. Mais ils firent leur devoir, sentant bien qu'en ce jouir, ils défendaient leur patrimoine, leur pays et leurs libertés, dans la personne de leur roi.
Les batailles manquaient souvent d'unité et se composaient d'un certain nombre de combats séparés, de corps à corps, parfois d'homme à homme. C'est ainsi qu'à Bouvines, il y eut trois batailles : à l'aile droite, au centre et à l'aile gauche.
 
Le combat commença à l'aile droite, qui, formant auparavant l'arrière-garde, avait été la première touchée par l'ennemi. Ferrand de Flandre avait tenté un mouvement vers le centre pour appuyer Othon ; mais il est arrêté par les chevaliers de Champagne. Alors le comte de Saint-Pol, avec les sergents à cheval de l'abbé de Saint-Médard, s'élance au milieu des chevaliers flamands, culbutant tout sur son passage ; puis, ayant traversé leurs rangs, il retourne, charge par derrière et fait une nouvelle trouée. Cette manœuvre, renouvelée plusieurs fois, jette le plus grand désordre parmi les Flamands : dans leurs rangs tombent Eustache de Macheleu qui hurlait : « Mort aux Français ! » et Buridan de Furne comme il s'écriait : « Que chacun maintenant se souvienne de sa mie ! »
Alors le duc de Bourgogne Eudes III entre en ligne avec de nouveaux chevaliers de l'aile droite. Eudes « très corpulent et de complexion flegmatique », tombe avec son cheval ; on lui en donne un autre et, furieux, il s'élance au milieu des Flamands.
Au bout de trois heures, les Français parviennent jusqu'au centre de l'aile ennemie. Ferrand se défend avec courage ; mais blessé et désarçonné, il finit par se rendre. Sa capture achève la déroute des Flamands ; l'armée française, victorieuse à l'aile droite, peut prendre de flanc le centre allemand et chercher à lui couper la retraite.

 

Au centre, où l'action avait commencé plus tard, le combat avait eu plus de péripéties. L'infanterie impériale se forme en coin et pénètre dans les rangs des milices qu'elle défonce; Othon avec ses chevaliers la suit et marche sur Philippe Auguste. Alors un des plus vaillants chevaliers français, Guillaume des Barres, avec une partie de la Maison du roi, par un mouvement tournant prend l'infanterie impériale à revers et charge sur Othon.
Philippe Auguste, en les suivant, est arrêté et enveloppé par les fantassins d'Othon qui tentent, avec le crochet de leurs piques, de le désarçonner. Ils y parviennent, en effet, et, cherchant le défaut de l'armure, veulent l'égorger. Mais l'armure est bonne, et quelques chevaliers restés autour lui le défendent : Pierre Tristan, descendu de cheval, se jette au-devant des coups, cependant que Galon de Montigny, qui porte l'oriflamme, l'agite pour signaler le péril. Enfin Guillaume des Barres aperçoit le signal et, abandonnant Othon, passe sur le corps des fantassins allemands avec ses compagnons et vient délivrer le Roi.
Le Roi remonte à cheval et charge le corps d'Othon avec ses chevaliers. Guillaume des Barres, Gérard La Truie et Pierre Mauvoisin arrivent à atteindre l'empereur. Mauvoisin saisit son cheval par la bride, tandis que La Truie essaie de frapper Othon, mais blesse seulement le cheval qui se cabre et s'abat. Comme on lui avait donné un autre cheval, Guillaume des Barres saisit Othon par le cou, mais il est entouré, isolé, son cheval tué. Othon en profite pour s'enfuir jusqu'à Valenciennes. « Nous ne verrons plus sa figure d'aujourd'hui, » dit Philippe Auguste.

 

Le combat cependant se poursuit entre Impériaux et Français. La chaleur était torride et la poussière telle que les combattants avaient peine à se reconnaître. Enfin ici encore les Français restèrent maîtres du champ de bataille : le dragon et l'aigle impériaux tombés entre leurs mains étaient portés en trophées à Philippe Auguste.

 
A l'aile gauche, le combat continuait toujours. Un instant Salisbury, repoussant les milices du Ponthieu, avaient menacé de couper la retraite aux Français. Là se trouvait l'évêque de Beauvais, Philippe de Dreux, ancien chevalier croisé, héros des guerres d'Orient. Les règles canoniques lui interdisaient de verser le sang, et jusque-là il n'avait pas pris part au combat, se contentant, comme frère Guérin, de diriger ses troupes. A la vue du péril, sa générosité, le sentiment du pays menacé, l'emportent : il s'élance à la tête des soldats, portant une masse d'armes, — car il avait promis de ne plus porter l'épée, — et d'un seul coup il renverse à terre Salisbury. Tandis que l'on s'empare du prince anglais, l'évêque de Beauvais, réfléchissant à la gravité de son acte, dit à ceux qui l'entourent : « Emportez-le ; vous direz que c'est vous qui l'avez blessé et fait prisonnier » Ainsi tous, bourgeois, chevaliers, évêques, unis dans un même sentiment, concourent à la défense du territoire.
Seul de l'armée impériale combattait encore désespérément Renaud de Boulogne, vassal révolté de Philippe Auguste. Enfin des soldats de pied réussirent à le désarçonner ; et le baron félon fut fait prisonnier et conduit devant le roi.
 
*
*  *
 
Le soir tombait. A l'extrême chaleur, au bruit du combat, succédait un peu de fraîcheur et de calme. L'armée française, épuisée de fatigue, mais glorieuse de ses trophées, se rassembla autour de son chef. Un mouvement général d'enthousiasme souleva les populations lorsque l'armée, avec ses prisonniers si nombreux qu'elle en était presque embarrassée, reprit le chemin de Paris :
 
Qui pourrait raconter, écrit le chroniqueur Guillaume le Breton, s'imaginer, tracer avec la plume sur un parchemin ou des tablettes, les joyeux applaudissements, les hymnes de triomphe, les innombrables danses des gens du peuple, les doux chants des clercs, les sons harmonieux des cloches dans les églises, les sanctuaires parés au dedans comme au dehors, les rues, les maisons, les routes, dans tous les villages et dans toutes les villes, tendues de courtines et d'étoffes de soie, tapissées de fleurs, d'herbes et de feuillage vert ; les habitants de toutes classes, de tout sexe et de tout âge accourant de toutes parts pour voir un si grand triomphe ; les paysans et les moissonneurs interrompant leurs travaux, suspendant à leur cou leurs faux et leurs hoyaux (car c'était le temps de la moisson), et se précipitant pour voir enchaîné ce Ferrand dont peu auparavant ils redoutaient tant les armes... Toute la route se passa ainsi jusqu'à ce qu'on fût arrivé à Paris. Les bourgeois parisiens, et par-dessus tout la multitude des étudiants, le clergé et le peuple, allant au-devant du Roi en chantant des hymnes et des cantiques, témoignèrent par leur geste quelle joie remplissait leur âme. Ce jour-là ne leur suffit pas pour se livrer à l'allégresse : ils prolongèrent leur plaisir dans la nuit, et même durant sept nuits de suite ils illuminèrent, de sorte qu'on y voyait comme en plein jour. Les étudiants surtout ne cessaient de festoyer, dansant et chantant sans s'arrêter.
 
En souvenir de la bataille, Philippe Auguste fit construire près de Senlis, dont Frère Guérin était évêque, l'abbaye de la Victoire dont on voit encore les belles ruines dans un site verdoyant au bord de la Nonette. La légende, qui vient toujours embellir l'histoire, voulut par la suite qu'en cet endroit même se soient rencontrés les courriers annonçant la victoire de la Roche-au-Moine et celle de Bouvines qui auraient eu lieu le même jour.

Les conséquences de la bataille de Bouvines furent considérables. Elle ruinait la cause d'Othon IV en Allemagne et assurait le triomphe de Frédéric II de Hohenstaufen, le protégé du pape et du roi. Jean sans Terre dut abandonner ses prétentions sur la Normandie, l'Anjou et le Poitou ; retiré en Angleterre, ses barons lui arrachèrent la Grande Charte qui était une diminution de son autorité. Quant à Philippe Auguste, il se voyait assurée la possession définitive de la Normandie, de la Bretagne, de l'Anjou, du Maine, de la Touraine et du Poitou ; son domaine était quadruplé, sa domination s'étendait jusqu'au midi de la France. La Monarchie française sortait grandie de l'épreuve ; autour d'elle une idée commune s'était affirmée : le sentiment national était né dans le danger.

Jean Longnon.
(Revue critique des idées et des livres, 25 juin 1914)


[1]. Guillaume le Breton, la Philippide.
[2]. On en peut fixer le nombre, ainsi qu'en conclut Delpech (La Tactique en France au XIIIe siècle), à 80.000 hommes contre 25.000 Français.
[3]. Le P. Delattre (le Trait d'union, avril 1914) pense que ces paroles sont plutôt adressées à Dieu. Je ne saurais me ranger à cette opinion, suivant laquelle on ne pourrait expliquer les mots : « Or chevauchez ! » D'après le contexte, il semble bien que ces paroles s'adressent aux barons.
 
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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 18:42
Sauvons la nécropole
des Rois de France !           
necropole-rois

 

Nos amis des Manants du Roi et du Cercle Hernani lancent une pétition en ligne pour sauver la basilique de Saint-Denis, nécropole de nos Rois et haut-lieu de la mémoire française. En cette année de la célébration d'Henri IV, il est inconcevable que la République s'associe aux festivités et que dans le même temps elle n'entreprenne aucune action pour restaurer Saint-Denis et le patrimoine royal. Signez, faites signer cette pétition,  faites connaître partout cette excellente initiative.

La Revue Critique.



Pétition en ligne : Sauvons la nécropole des Rois de France !

  A l'initiative des Manants du Roi et du cercle Hernani.


Peut-on sans inconséquence aimer la France et œuvrer à son rayonnement, en reniant dans le même temps les racines de son passé ? A cette interrogation, essentielle en ces temps où l’inconstance des convictions le dispute à l’incertitude des esprits, il est des renoncements qui en disent davantage que bien des discours.

La basilique Saint Denis abrite une nécropole où reposent 43 rois, 32 reines, des princes et des chevaliers, qui incarnent pareillement les mille cinq cents ans de l’histoire de France. Dagobert, Pépin le Bref, Hugues Capet, Saint Louis, François Ier, Henri IV, Louis XIV, tous les rois qui ont fait France y sont inhumés, dans un commun témoignage de la vocation fondatrice de la monarchie française. Plus que tout autre, ce lieu emblématique symbolise et récapitule, dans une continuité généalogique impressionnante, une histoire de France qui se confond puissamment avec la destinée de ses souverains, dont  beaucoup ont marqué à jamais notre imaginaire national.

Dans un heureux reportage paru dans son édition du 7 mai 2010, sous le titre alarmiste « La seconde mort des Rois de France », le Figaro Magazine nous fait découvrir l’état de délabrement avancé de ce prodigieux lieu de mémoire, laissé aujourd’hui à l’abandon dans la parfaite indifférence des pouvoirs publics. Sous l’effet des travaux de construction du RER B, qui ont profondément modifié le cours de rivières souterraines, le sanctuaire royal est miné par de redoutables infiltrations dont l’action irrésistible se conjugue aux désordres dramatiques nés autant de la dissémination sournoise des sels de salpêtre que de la pollution moderne.

Les conséque nces en sont épouvantables.La solidité des caveaux est gravement fragilisée et, atteints par une inexorable humidité, des cercueils, brisés, gisent éventrés, laissant sans protection leurs précieuses reliques…..

Signe de l’incurie patente du Ministère de la Culture, chargé de la conservation des lieux, aucun plan de sauvetage n’a été programmé pour préserver un site qui, par ailleurs, ne bénéfice plus, depuis vingt ans, des crédits budgétaires qui lui permettraient de financer la reprise d’un chantier de fouilles archéologiques, pourtant jugées prometteuses par tous les historiens. Conséquence logique de ces innombrables inerties, opposées dans la plus grande opacité : le projet d’inscrire la basilique de Saint-Denis et sa nécropole royale au patrimoine mondial de l’UNESCO demeure plus que jamais en panne.

Que penser de tout ce gâchis ?

Tandis que nos amis russes redécouvrent lucidement la splendeur de l’histoire tsariste de leur pays, en mettant au cœur de leurs préoccupations contemporaines la protection d’un patrimoine historique monumental inséparable de sa dimension religieuse et que, outre-Rhin, nos voisins s’apprêtent à reconstruire à Berlin le Palais des Hohenzollern, en ne se dissimulant plus le rôle décisif de la dynastie impériale dans la construction de la nation allemande, la France tourne  manifestement le dos à une période insigne de son histoire, celle que l’on désigne communément sous le vocable d’Ancien Régime.

En vérité, ce n’est pas tant la France que ses élites qui, malmenant à ce point son identité millénaire, entendent abolir, dans une rage amnésique, un passé jugé encombrant, au nom d’une vision idéologique de l’histoire. Comment en l’espèce comprendre autrement la carence à agir dont, en effet, la rue de Valois fait preuve avec autant de constance, sinon par la volonté opiniâtre, qui anime inlassablement nos innombrables oligarchies, de détourner les Français d’une composante aussi essentielle de leur passé ?

Sur cette question, disons le tout net, une fois de plus : la France n’est pas née sous X en 1789 !! Les Français se doivent de le rappeler résolument, encore et toujours, et affirmer partout, loin de toute conception hémiplégique de leur mémoire, que l’Histoire de France ne saurait débuter aux prémices de la Révolution française.

Défendons le caractère indivisible de notre histoire, en désavouant dans ce registre toute manipulation intellectuelle, et manifestons notre indéfectible attachement au souvenir de la monarchie française.

Dans l’effort incessant des peuples à préserver et à transmettre l’intégrité de leurs identités séculaires, il est des querelles à affronter qui honorent un peuple et qui attestent, en son sein, d’une vitalité en rien défaillante. Le sauvetage de la nécropole des Rois de France est de ces combats valeureux.

Au rendez-vous permanent de leur histoire, il appartient aux Français de rappeler fermement à leurs devoirs les pouvoirs publics autant que l’ensemble des élus de la Nation, en les invitant à agir pareillement, sans plus tarder, afin de sauver définitivement cet extraordinaire berceau de la mémoire de la France.

L’auteur de ces lignes souhaite que cet appel solennel, qui a valeur de pétition, soit entendu, diffusé et soutenu auprès des Français, le plus largement possible.

Karim Ouchikh, Avocat
9 mai 2010


SIGNEZ LA PETITION EN LIGNE...

En lien avec
Le « Cercle Hernani »

http://cerclehernani.over-blog.fr/


Contact :
françoise.buyrebaud@laposte.net
 ou
cerclehernani@gmail.com


Téléphone: 06.76.83.42.75


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8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 19:42
La Savoie 
et la France               
savoie 3

   

Le 150ème anniversaire du rattachement de la Savoie et de Nice à la France était l'occasion pour le gouvernement de rendre hommage à ces deux belles provinces qui ont tant contribué à l'histoire récente de notre pays. Il n'en a rien été. A peine quelques commémorations officielles, la plupart d'ailleurs à l'initiative des collectivités territoriales ou des associations locales. Rien ou presque de la part de l'Etat, si ce n'est un discours particulièrement insipide de M. Sarkozy, fin avril à Chambéry.

Et pourtant le 22 avril 1860, c'est avec enthousiasme que les Savoyards et que les Niçois se donnèrent à la France.  Les cloches sonnèrent à pleines volées à Chambéry, à Annecy, à Bonneville et à Moutiers lorsque, le 14 juin, les représentants de l'Empereur prirent officiellement possession de la province. "Nous étions des Français de coeur, nous sommes désormais des Français de droit", voilà ce que disaient les discours de bienvenue des nobles montagnards, voilà ce que disaient les foules rassemblées pour accueillir dans la joie les émissaires de la France...

La Savoie a prospéré dans l'ensemble national, elle en est désormais une des régions les plus riches et les plus dynamiques. Elle attend à juste titre une reconnaissance et un hommage que l'Etat républicain ne lui a jamais donné que du bout des lèvres. L'article que nous reproduisons ci-dessous, extrait de la Revue critique du 25 septembre 1910, montre que le cinquantenaire du rattachement ne fut pas mieux fêté par le gouvernement de l'époque. Il est vrai que les Savoyards, profondément catholiques, n'étaient pas perçus comme de bons sujets par le pouvoir jacobin et anticlérical qui sévissait alors à Paris. Ils souhaitent désormais s'affranchir du vieux cadre républicain qui les a divisés en deux départements et se donner leurs propres institutions. C'est sans doute pour celà que la République regarde aujourd'hui encore ces hommes libres avec suspicion. 

  Claude Cellerier.

 

 

Les fêtes du cinquentenaire.

 

Moûtiers-Tarentaise, septembre 1910.

 

Le 24 mars 1860 fut signé à Turin l'acte de cession de la Savoie et de l'arrondissement de Nice à la France. Le 22 avril, par 130.533 oui contre 235 non, le peuple de Savoie donna son assentiment enthousiaste au traité. Le 14 juin, le sénateur Laity prit officiellement possession de la nouvelle province française au nom de l'Empereur. Cinquante ans se sont écoulés; la commémoration s'imposait, les cœurs savoyards ne l'ont pas négligée. Quel jour choisir pour célébrer la fête ? Ces trois dates : 24 mars, 22 avril et 14 juin, en rappelant le pacte des souverains, l'assentiment populaire, la réalisation, marquaient des anniversaires précis. Mais on pouvait aussi bien commémorer l'annexion dans son ensemble en choisissant tout autre jour de l'année qui ne fût l'anniversaire d'aucune de ses étapes.

C'est des Savoyards de Paris qu'est venu le signal de nos fêtes. L’Alliance catholique savoisienne a fait coïncider son assemblée générale annuelle avec la célébration solennelle du cinquantenaire, et l'a placée sous le patronage de ceux qui furent les principaux promoteurs du mouvement de 1860. Elle a convoqué le 10 avril, à la salle des fêtes de Saint-Honoré d'Eylau, les Savoyards de Paris et les Savoyards de Savoie. Ce fut une journée parfaite, uniquement savoyarde. M. Jules Challamel, président de l'Alliance, en fut l'organisateur et l'âme. Tous nos pays : Savoie propre, Chablais, Faucigny, Maurienne, Tarentaise, y étaient représentés. Des discours sur l'annexion furent prononcés par M. Hippolyte Perret et par M. Antoine Pillet. Le baron du Bourget lut une étude sur la fameuse brigade de Savoie. On chanta les chansons du pays : la Pernette, la Marion et le bossu, Mon père avait cinq cents moutons; on grignota des rioutes apportées de Chambéry en les arrosant de vin blanc de Savoie. Un Te Deum solennel, un banquet où M. Emmanuel Dénarié et le chanoine Lavorel, d'Annecy, parlèrent au nom de tous, terminèrent la journée. 

En Savoie, la fête eut lieu le 12 juin. C'était le dimanche le plus rapproché du 14, et ce jour était en outre l'anniversaire de la ratification du traité par le Sénat français. A Chambéry, la journée fut joyeuse, la fête vraiment populaire. Des drapeaux et des guirlandes aux maisons, des jeux dans les rues, une joie franche, unanime et sans apprêt, égayèrent la vieille capitale du duché. L'archevêque avait prescrit un Te Deum dans toutes les paroisses de son diocèse ; il présida lui-même celui de la cathédrale et prononça un discours sur l'annexion. Au théâtre, sous la présidence du maire, qu'entouraient, avec le général Borson seul survivant du groupe de l'annexion, les représentants des familles Greyfié de Bellecombe, Costa de Beauregard, Dénarié, M. Antoine Pillet rappela dans une conférence la longue suite de notre glorieuse histoire et les faits précis qui motivèrent et légitimèrent notre réunion à la France. On ne parla pas d'opinions politiques. Le maire, qui est à la tête d'un conseil municipal entièrement gouvernemental, présida avec tact et uniquement en Savoyard cette réunion de Savoyards. Emmanuel Dénarié, qui a tant d'esprit et tant de cœur, fit une allocution charmante. « Au fond, dit-il, nous sommes bien tous de la même famille ; il en est où l'on se querelle beaucoup, où chacun, quand il n'y a pas de chef, croit avoir la meilleure méthode pour organiser la maison, et nous sommes un peu de ces familles-là. Mais dans les anniversaires tristes ou joyeux, la famille se réunit sous le poids d'une même pensée ou dans l'exaltation d'un même sentiment. » Là, comme à Paris le 10 avril, l'âme savoyarde eut sa journée et nous l'avons sentie revivre.

A Annecy, la fête fut plus bruyante. On avait annoncé à grand fracas une cavalcade dont le succès fut médiocre, ses organisateurs n'ayant pas su lui donner le cachet local et historique que les circonstances commandaient. La garnison sortit de la ville et y revint aussitôt pour figurer l'entrée des troupes françaises en 1860. Le maire harangua la population du haut du balcon de l'Hôtel de Ville ; le préfet reçut le conseil municipal. L'évêque avait prescrit un Te Deum dans toutes les églises. Le Chablais, le Faucigny, la vallée de l'Arve, s'associèrent aux réjouissances et aux prières.

En Tarentaise, où notre évêque présida le Te Deum à la cathédrale, nous eûmes une journée retentissante. Le bruit que firent tous les pompiers du département venus à Moûtiers avec leurs musiques pour la réunion annuelle de leur fédération, accentua notre joie de fêter le cinquantenaire. Nos maisons étaient couvertes de drapeaux et de feuillages. Ceux qui pavoisent pour Jeanne d'Arc et ceux qui pavoisent encore pour la prise de la Bastille se trouvèrent unis dans le même sentiment de piété savoyarde.

En Maurienne, il n'y eut point de fête... L'évêque n'avait pas suivi l'exemple de ses collègues et n'avait prescrit aucun Te Deum. Les municipalités n'organisèrent rien... Cela prouve que chez nous chaque pays fait à sa tête, et c'est une ombre à notre tableau qui lui donne plus de relief. Il était bon que sur un point de la province le silence et l'abstention donnassent une leçon à nos maîtres...

Il faut le dire, sur toute cette joie du cinquantenaire, il a flotté non pas un regret de ce qui s'est fait il y a cinquante ans et qui est fait pour toujours, mais un sentiment de réserve, une sorte de gêne due à la façon dont le pacte de 1860 est exécuté par le gouvernement de la République. La Savoie s'est donnée et on la pille. Le parti conservateur et le clergé furent les artisans de l'annexion contre les libéraux qui n'en voulaient pas ; on les moleste et on les vole. Des engagements solennels avaient été pris de respecter les droits acquis de la province ; ces droits sont anéantis chaque jour un peu plus par la machine à voter que les Parisiens ont installée à la place du gouvernement... Qui s'étonnera que notre élan vers l'union des cœurs, en cette année 1910, ait été voilé de mélancolie? Le chanoine Lavorel l'a dit à l'un des derniers dîners des publicistes chrétiens : « Nous aimions bien nos princes, mais il fallait opter entre « la France et l'Italie. Découragés par la persécution que * Cavour avait fait subir depuis cinq ans à nos prêtres et « à nos religieux, nous nous portâmes du côté de la France « avec d'autant plus d'entrain que nous saluions en elle la « grande nation catholique et que nous comptions partager « ses gloires. Il est probable que si nous avions prévu les « persécutions dont nous avons été victimes dans le quart « de siècle qui a précédé le jubilé d'aujourd'hui nous aurions montré moins d'enthousiasme en 1860. Mais nous n'avons pas de contrition. Nous sommes de vrais Français... »

 

*
*  *


Telles furent les fêtes, les vraies fêtes du cinquantenaire. En face de cela il faut montrer et il faut flétrir l'attitude du gouvernement, qui a été hideuse.

Au mois de janvier, quand se constitua à Chambéry, « pour répondre au désir exprimé par les représentants des familles qu'on avait vues en 1860 à la tête du mouvement annexionniste », un comité chargé de préparer la commémoration, ce comité voulut prendre contact avec la préfecture et lui marqua son désir d'agir en communion avec elle ; il fut nettement éconduit. Dès ce moment le gouvernement manifesta sa volonté de ne s'associer en rien à ce que nos fêtes allaient avoir de proprement savoyard et de faire sa fête à part. Le 12 juin, quand nos populations, sous la pression de leur sentiment guidé par les évêques et par les municipalités, célébraient joyeusement l'annexion, le préfet de Chambéry et ses fonctionnaires demeurèrent, par ordre, étrangers à la fête. Le dimanche 12 juin, toutes les maisons de Chambéry furent pavoisées, toutes sauf le palais ducal qui sert de logement au préfet et les demeures des employés de l'Etat. En revanche, le mardi 14, quand chacun de nous avait repris son travail de chaque jour, le préfet fit pavoiser et illuminer...

Le mot d'ordre venait de Paris. Le 10 juillet, on réunit au grand palais les Savoyards de Paris et là, dans un banquet que présidait M. Antonin Dubost, sénateur du Dauphiné, assisté de M. Brisson, député de Marseille, et de M. Briand, le Nantais, on prétendit commémorer l'annexion. « Des vertus savoisiennes, de ce qui distingue notre nation des autres provinces françaises, de ce qui fait notre honneur et notre orgueil, de nos grands hommes et de nos plus chers souvenirs historiques, pas un mot n'a été dit par ces tristes politiciens », nous rapportait au lendemain de cette cérémonie la Savoie républicaine. En revanche, Gambetta et Garibaldi furent exaltés et M. Pichon célébra comme gloires savoyardes Lamartine et Jean-Jacques Rousseau. Rien ne se peut imaginer de plus honteux pour nous.

Enfin, pour accentuer cela, pour essayer de noyer dans le marais de la politique républicaine notre réveil savoyard, le gouvernement, s'appuyant sur la complicité toute naturelle de nos Quinze-Mille, organisa ce voyage de M. Fallières, dont les journaux ont rapporté à la France les détails. Le seul choix de la date du 4 septembre constitue une grossièreté. Le 4 septembre était le seul jour de l'année qu'il fallût éviter. Le 4 septembre, c'est Sedan et la déchéance de l'Empire. Commémorer à la fois l'annexion, qui fut l'œuvre de Napoléon III, et la chute du même Napoléon III, inviter la Savoie à manifester la joie qu'elle éprouve d'être devenue française et l'inviter en même temps à piétiner la mémoire de celui qui la lui procura, une pareille pensée ne pouvait germer que dans des âmes sollicitées par la bassesse et fermées à toute pudeur. Les Savoyards qui furent députés à Paris en 1860 pour régler avec l'Empereur les questions de détail que soulevait l'annexion, furent entourés d'égards et comblés d'honneurs par Napoléon III et par l'impératrice. Le souvenir en est pieusement gardé dans nos familles. Et les représentants de ces familles, ils ont eu le front de les inviter à leur réjouissance du 4 septembre ! Auront-ils seulement compris la portée des refus qui leur ont été opposés ?...

Que pouvaient-ils imaginer encore pour donner à leur fête un caractère anti-savoyard ? Ils ont pensé à Jean-Jacques Rousseau. Oui, ils ont inauguré, le 4 septembre, à Chambéry, une statue de Jean-Jacques Rousseau ! Le souvenir des Charmettes n'implique nulle honte pour nous : nous ne sommes pas responsables. Mais c'est cette saleté qu'ils sont allés évoquer pour l'associer à leur fête en glorifiant le misérable « citoyen de Genève » qui n'est des nôtres ni par sa naissance, ni par sa mort, ni par ses idées, et dont les crimes furent exactement au contre-pied des vertus savoyardes. Dans la patrie de saint François de Sales, de Joseph de Maistre, de tant d'autres gloires moins éclatantes mais dont nous ne sommes pas médiocrement fiers, ils sont venus glorifier Jean-Jacques !

Ces honteuses cérémonies ont été accompagnées d'une revue des troupes acclamées au Champ de Mars et puis, d'Aix-les-Bains à la mer de glace, ils ont exhibé le triste représentant du « parti radical et radical-socialiste » et ils l'ont fait parler... voici comment. Voici qui est extrait, mot pour mot, du texte officiel du discours prononcé au banquet d'Annecy. Voici ce que M. Fallières nous a dit au nom de la France :

Croyez-vous donc qu'il n'y a pas avantage, pour un grand pays comme le nôtre, de pouvoir se parer aux yeux du monde des merveilles que la nature a accumulées sur votre sol, avec une incomparable prodigalité ? Des lacs enchanteurs, des vallées sans rivales, des glaciers éternels, des monts gigantesques, et par-dessus tous les pics qui l'environnent, notre Mont Blanc qui pousse dans les nues une cime tellement élevée qu'il faut traverser toute l'Europe et aller jusqu'au cœur du Caucase pour en trouver une qui soit plus haute que la sienne. Voilà ce que vous nous avez donné.

Cela mérite d'être conservé comme un modèle de bouffonnerie. Cependant ne rions pas. Il est bien fâcheux pour tous les Français que le « chef de l'Etat » s'exprime en adjectifs. Et il est humiliant pour nous Savoyards que, parce qu'on a oublié de seriner au pauvre homme quelques  « traits » de notre histoire, il ait dû se rabattre sur la géographie et nous louer du nombre de kilomètres qu'il faudrait parcourir en partant de chez nous pour trouver une montagne plus haute que la plus haute des nôtres...

 

*
*  *

 

 La morne indifférence de nos populations à de si cruels attentats contre leur nationalité pourrait faire croire à qui ne nous connaît pas que la Savoie est morte, broyée à jamais par la centralisation républicaine. Au contraire, de magnifiques symptômes de renaissance se manifestent. En cette même année 1910, Jules Challamel, à Paris, supprime la Savoie républicaine qu'il avait créée lui-même il y a cinq ans, renonce au ralliement et fonde le Réveil savoyard... Louis Dimier fait à l'Action Française son cours sur l'histoire de Savoie qui, reproduit par nos journaux, a porté partout la vérité historique... A Chambéry, le Bulletin Savoyard, sous la direction de François Grange, répand chaque mois dans la province la vérité politique... L'âpreté de nos vainqueurs à glorifier leur victoire et à en jouir marque aux yeux de tous leur impuissance à la fonder sur le sentiment populaire... L'ombre du grand Savoyard revient planer sur nos esprits; nous allons commémorer solennellement dans quelques semaines le centenaire des Considérations sur la France... Mattis est de chez nous. On a vu par lui comment le sang des enfants de la Savoie est capable de réagir sous l'étreinte de l'étranger de l'intérieur ; et l'on n'oubliera pas plus tard que le premier coup porté à la tête du régime fut d'un poing savoyard...

Rien n'est perdu.

Georges de Fonclare.

(Revue critique des idées et des livres, 25 septembre 1910)


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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 22:48

Le procès

d'une défaite              
 

 

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  Le désastre de 1940 fait partie des plaies mal refermées de notre histoire. Malgré le gaullisme, en dépit de l'épopée de la France libre, de la Résistance et de la Libération, son souvenir amer continue d'empoisonner notre mémoire collective. Pour la France, c'est aujourd'hui encore une histoire qui ne passe pas. Et c'est, en même temps et paradoxalement, une histoire que nous avons du mal à interroger sérieusement, de peur de voir resurgir les fantômes du passé ou d'avoir à bousculer les certitudes du présent. 

Les historiens sont d'ailleurs loin d'être unanimes dans l'analyse des causes de ce désastre. Pour un Jean-Baptiste Duroselle, un Henri Michel, suivant en cela les témoignages d'un Marc Bloch, le drame de l'été 1940 est la conséquence et le point final d'un long affaissement politique, diplomatique et moral, celui de la IIIe République, depuis les lendemains de la Grande Guerre. La France victorieuse de 1918 n'a pas su gagner la paix et son échec s'inscrit dans le temps long d'une génération. A l'inverse, pour d'autres historiens, souvent étrangers et s'appuyant sur des travaux plus récents, comme Martin Alexander, Robert Doughty, Karl-Heinrich Frieser ou Julian Jackson, ce qui se produit en 1940 est d'abord une affaire de militaires, avec sa part de hasard et sa part de savoir faire.

  Le livre de Claude Quétel, L'impardonnable défaite (1) , qui s'appuie sur les données les plus neuves et les mieux assimilées de l'historiographie, se rattache pourtant à la première vision. L'auteur n'hésite pas à rentrer dans la mécanique des évènements, à démonter l'enchaînement des erreurs d'appréciation, des impérities et des aveuglements qui ont présidé au désastre. Il  s'engage, pointe la responsabilité des hommes et ne répugne pas à faire le procès des institutions. Le grand mérite de ce livre, qui n'est pas qu'un ouvrage d'historien, c'est d'oeuvrer dans la clarté, d'opérer des choix - souvent lumineux, parfois contestables - dans les multiples ramifications du cours de l'histoire, de proposer des conclusions. Le débat est alors possible et il peut en sortir des lumières nouvelles.

Pour Claude Quétel, les sources du drame sont d'abord à rechercher dans la "mauvaise paix" signée à Versailles en juin 1919. En s'appuyant très largement sur les analyses de Jacques Bainville (2), il pointe les conséquences d'un traité mal négocié qui mécontente à la fois vainqueur et vaincu. La France, qui n'y trouve aucune garantie réelle, s'acharnera sur la question des réparations qu'elle sera impuissante à obtenir. L'Allemagne, qui considère le traité comme injuste et vexatoire, s'enfermera dans le ressentiment et préparera sa revanche. Quant aux Anglo-Saxons, qui ont largement oeuvré à l'affaiblissement des deux puissances continentales et à l'élimination de la troisième - l'Autriche-Hongrie -, ils seront in fine les victimes de leur double jeu. Quétel met bien en lumière la part de responsabilité des négociateurs français dans ce fiasco: politiciens obtus et divisés, mauvais connaisseurs des réalités internationales, ils laisseront rapidement la main à la diplomatie anglaise et américaine qui saura parfaitement les manipuler.

D'une façon générale, la période 1920-1940 est une mauvaise période pour la diplomatie française. Elle est la première victime de l'exécrable IIIe République, de son régime parlementaire et des crises ministérielles à répétition qui interdisent toute visée à long terme. La France, pleine d'amertume d'avoir gâché sa victoire, s'isole. Par idéologie pacifiste et par sottise, Briand brise les velléités du quai d'Orsay et laisse la main à la SDN de Wilson. Lorsque l'échec de celle-ci est patent, il est trop tard: le jeu d'alliances de la France en Europe est trop faible et sa diplomatie est totalement à la remorque de l'Angleterre,  l'Allemagne met l'Italie dans sa manche, puis l'URSS. La machine infernale est en marche, qui conduira à Munich, à l'abandon des tchèques, au pacte germano-soviétique et à la guerre. Durant toute cette période, la France connait une succession de ministres des Affaires étrangères et de la Défense dont l'aveuglement n'a d'égal que la médiocrité.

 S'ajoute à tout cela la réalité d'une France profondément divisée et paralysée par l'idéologie pacifiste, dont Claude Quétel montre bien toutes les ramifications intellectuelles. Une France qui doute de tout, de sa puissance et de ses capacités de rebondissement, et qui va s'enfermer dans  une logique défensive et frileuse. C'est ce credo défensif qui produit ce que Claude Quétel appelle fort justement "la glaciation de l'armée". Autre victime de la IIIe république avec la diplomatie, l'armée française, traitée avec suspicion par le régime, sacrifiée dans ses budgets, lourdement handicapée par le système de la conscription républicaine, livrée à des généraux politisés et sans envergure, n'est plus que l'ombre du grand corps victorieux de 1918. Ses chefs les plus entreprenants, comme Weygand, sont écartés, ses esprits les plus novateurs, comme de Gaulle, le général Estienne, marginalisés. Face à elle, la petite armée  professionnelle de la république de Weimar, nourrie d'idées modernes et bien souvent françaises, servira de creuset à la redoutable Wehrmacht. A la fin de 1938, malgré les sursauts de la dernière heure, les jeux sont très largement faits et ils ne sont pas en faveur de la France.

Restent les évènements militaires eux-mêmes. La guerre est menée, côté français, avec une désinvolture effroyable. Les gouvernements, profondément divisés entre pacifistes et bellicistes, peinent à imposer leurs vues à un état-major qui, lui même, ne maîtrise à peu près rien. Six figures principales émergent du drame: Daladier, pacifiste honteux, qui fera la guerre le dos au mur sans avoir rien préparé, Paul Reynaud, esprit brouillon, velléitaire, - sans doute, un des principaux responsables de la défaite - qui finira par fuir ses responsabilités, Gamelin, courtisan, futil et inconsistant, Pétain et Weygand, qui, une fois la défaite assurée, chercheront par tous les moyens à préserver l'honneur de l'armée, de Gaulle enfin qui porte une autre voie, celle de la poursuite de la guerre dans l'Empire, voie qui - malheureusement - ne sera pas sérieusement explorée. 

On ne suivra pas Claude Quétel dans toutes ses conclusions. Sa vision des évènements militaires est parfois un peu mécanique, elle laisse peu de place au hasard, heureux ou malheureux. On sait aujourd'hui, notamment grâce aux travaux de Karl-Heinz Frieser (3), que la percée allemande dans les Ardennes est pour beaucoup le résultat d'un concours de circonstance et qu'elle aurait pu tourner au désastre effroyable, si l'état-major français avait su profiter de la situation. On sait également que la troupe française s'est, dans l'ensemble, bien battue, au prix de 100.000 morts en six semaines, et que la poussée allemande des premiers jours n'avait rien d'absolument irrésistible. On s'étonnera aussi que l'historien sérieux relaie, sur le compte de Weygand et de Pétain, l'explication à la mode, un peu facile et que rien n'étaye, d'un complot prémédité contre la République. Claude Quétel avance pourtant une autre explication, sans doute plus simple, de l'attitude des deux militaires : leur imaginaire politique, marqué par la grande guerre, ne leur permettait pas de comprendre qu'il y avait plus qu'une nuance entre l'Allemagne d'Hitler et celle de Guillaume II et que si, en 1918, on avait traité avec un adversaire, en 1940, on traitait avec une idéologie monstrueuse. On regrettera enfin que l'auteur n'ait pas davantage développé les termes du débat qui oppose en juin 1940 les tenants de l'armistice et ceux de la guerre à outrance. Et qu'il n'ait pas exprimé d'opinion personnelle sur ce sujet.

 Toutes ces remarques n'enlèvent rien à la solidité d'un livre qui cherche avant tout à mettre de l'ordre dans les évènements pour en faciliter la compréhension. L'ouvrage de Claude Quétel appelle le commentaire politique et il ne nous en voudra pas de l'exprimer ici. Comment ne pas voir, en effet, derrière le comportements des hommes, la responsabilité majeure, énorme, écrasante d'un régime, celui de la IIIe République ?  L'histoire a jugé ce régime en 1940 et Claude Quétel a raison de rappeler, à l'appui de ce jugement, cette terrible citation de Montesquieu : "Si le hasard d'une bataille, c'est à dire une cause particulière, a ruiné un Etat, il y avait une cause générale qui faisait que cet Etat devait périr par une seule bataille". Les Français l'ont également jugé mais avec retard et sans doute d'une façon inconsciente : non pas en 1945, où c'est Vichy dont on a fait le procès, mais en novembre 1958, en approuvant la Constitution de la Véme République et en écartant résolument la voie du régime parlementaire. A l'heure où l'on évoque à nouveau, sous les traits d'une "VIe République", le retour aux poisons du parlementarisme, souvenons nous des leçons de 1940.

  Claude Arès.



[1]. Claude Quétel, L'impardonnable défaite (JC Lattès, 2010).

[2]. Jacques Bainville, Les conséquences politiques de la paix (Nouvelle librairie nationale, 2020).

[3]. Karl-Heinz Frieser, Le mythe de la guerre-éclair, la campagne de l'ouest de 1940 (Belin, 2003).

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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 23:48
Mai 1940,
le temps retrouvé       
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 En tête de son essai sur la campagne de France de 1940, l'Etrange Défaite (1), l'historien et résistant Marc Bloch place ces quelques lignes d'espoir et de foi dans l'avenir : " Un jour viendra, tôt ou tard, j'en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s'épanouir, sur son vieux sol béni déjà de tant de moissons, la liberté de pensée et de jugement. Alors les dossiers cachés s'ouvriront; les brumes, qu'autour du plus atroce effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant, à accumuler tantôt l'ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à peu ...".

Voilà en effet qu'avec le temps, les vérités de circonstance laissent la place à une meilleure appréciation des évènements qui ont si durablement endeuillé notre pays.

  C'est vrai des évènements politiques qui ont précédé et amené la défaite. Les historiens d'aujourd'hui commencent à les lire avec d'autres lunettes que celles des années 60 et 70. Nous commenterons ici même prochainement l'excellent livre de Claude Quétel, l'Impardonnable Défaite, fruit des travaux historiques récents, qui donne de cette période une vision bien différente des manuels  de l'école républicaine. C'est également le cas pour les faits militaires. Plusieurs  livres parus récemment et rédigés par les meilleurs experts français ou étrangers font justice des  opinions professées jusqu'à présent sur la défaite française.

Pour l'historien allemand Karl-Heinz Frieser, auteur du Mythe de la guerre-éclair (2), la théorie selon laquelle l'Allemagne aurait du sa victoire au rôle décisif d'Adolf Hitler, à sa supériorité blindée et à une stratégie offensive, planifiée de longue date, ne résiste pas à l'analyse.  Le haut commandement allemand, tout comme l'état major français, comptait sur une réédition de la Première guerre mondiale, de ses combats d'infanterie longs et couteux. Ce n'est qu'après  le succès du coup de main de Guderian dans les Ardennes et à Sedan que l'offensive allemande acquit sa dynamique propre et que la Wehrmacht saisit sa chance et révisa complètement ses plans. Quant à la France, si la résistance de ses soldats fut admirable et si son arme blindée fit souvent jeu égal avec l'adversaire, ses chefs militaires furent la plupart du temps paralysés et dépassés par les évènements. Audaces fortuna juvat, rappelle classiquement Frieser. Il souligne également que lorsqu'Hitler voulut réitérer cette manoeuvre contre la Russie, ce fut l'échec total.

L'historien anglais Julian Jackson expose sensiblement le même point de vue dans The Fall of France, the nazi invasion of 1940 (3). Selon lui, la défaite française est moins le fait d'une infériorité technique, que rien ne confirme en réalité, que d'erreurs doctrinales et organisationnelles. Les hésitations du commandement français en Belgique, alors que l'offensive allemande peut être endiguée, les choix exécrables dans l'utilisation des meilleures unités et l'incapacité à utiliser correctement l'arme blindée en sont les meilleures illustrations. La France n'a pas eu non plus beaucoup de chance avec ses alliés, anglais et belges, face à un ennemi constitué d'un seul bloc. Pour Jackson, la défaite n'était nullement inévitable et la troupe française combattit généralement avec brio lorsqu'elle fut convenablement commandée, en particulier dans les premiers jours de mai sur la Dyle ou dans l'Aisne. Plus fondamentalement encore, les carences de formation des conscrits français et les limites imposées par l'armée de conscription, face à une troupe allemande encadrée de façon beaucoup plus professionnelle, sont mises en évidence. Des insuffisances  bien connues, déjà relevées en 1914, qui faillirent nous coûter de sanglantes défaites sur la Marne puis sur la Somme, et auxquelles la République n'apporta aucune solution pendant l'entre deux guerres.

On se réferera également à deux ouvrages français récents, qui sont de première valeur. Le premier,  publié par le général Bruno  Chaix sous le titre En mai 1940, fallait-il entrer en Belgique ? (4), met, lui aussi, largement en cause l'intelligence opérationnelle du commandement français : ambition démesurée du Plan Dyle-Breda, très mauvaise utilisation des grandes unités blindées, hésitations multiples, coordination défaillante avec les alliés... Le second, en deux tomes, de la plume de Jacques Belle, intitulé La défaite française, un désastre évitable (5), est un long exposé, didactique et argumenté, sur les occasions qui se sont offertes au couple Gamelin-George pendant la seconde et la troisième semaine de mai et qu'aucun des deux n'a su saisir. Pour ces deux-là, le jugement de l'histoire reste impitoyable. Il faudra qu'il le soit un jour pour leur protecteur politique, le mirobolant Paul Reynaud. Jacques Belle présente également, dans son second tome, de nouveaux arguments contre l'armistice et en faveur de la continuation de la guerre outre-mer, qui ne sont pas sans force.

Que tous ceux qui, au final, souhaitent rendre hommage à ces magnifiques combattants de mai et de juin 1940, aux 100 000 des nôtres qui moururent au champ d'honneur pendant ces six semaines de gloire et de malheur, que tout ceux-là se plongent dans les beaux ouvrages de Dominique Lormier (6). Lormier, historien, spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale, membre de l'institut Jean Moulin, est non seulement un esprit éclairé, mais aussi un superbe écrivain, dont la prose prend aux tripes. Parmi tant de faits d'armes, de batailles, dont certaines constituent de véritables victoires françaises - que l'on songe à la conduite splendide du corps de cavalerie mécanisée du général Prioux à Hannut et à Gembloux, de la 1ère DLM du général Picard,  des 1ère, 2ème, 3ème et 4ème divisions cuirassées de réserve -  on distinguera le sacrifice de la 3e brigade de spahis à cheval, commandée par le colonel Marc, qui s'opposa, sans espoir, le 15 mai 1940, près de Sedan, à la progression du corps blindé de Guderian. Le récit qu'en fait Dominique Lormier est chargé d'une émotion rare. Il illustre à lui seul la geste de ces soldats un moment oubliés et dont le temps fait à nouveau afleurer la mémoire.

 

Commandant Jean d'Aulon (c.r.).



[1]. Marc Bloch, L'étrange défaite (Gallimard, Folio, 1990).

[2]. Karl-Heinz Frieser, Le mythe de la guerre-éclair, la campagne de l'ouest de 1940 (Belin, 2003).

[3]. Julian Jackson, The Fall of France, the nazi invasion of 1940 (Oxford University Press, 2004).

[4]. Général Bruno Chaix, En mai 1940, fallait-il entrer en Belgique ? (Economica, 2005)

[5]. Jacques Belle, La défaite française, un désastre évitable (2 tomes, Economica, 2007 et 2009)

[6]. Dominique Lormier, Comme des Lions (Calmann-Lévy, 2005), Les victoires françaises de la Seconde Guerre mondiale (Lucien Souny, 2009), Les grandes figures de la Résistance (Lucien Souny, 2009).

 

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11 novembre 2009 3 11 /11 /novembre /2009 11:00
Aux morts de la Revue critique

 

En ce jour de célébration de la victoire, et alors que des esprits faux, futiles et sans mémoire célèbrent " l'amitié franco-allemande", notre première pensée sera pour les morts de la Revue critique des idées et des livres, pour ses vingt quatre rédacteurs tués à l'ennemi, disparus ou morts sous les drapeaux entre 1914 et 1918. La Revue critique a payé un des plus lourds tributs de la presse de l'époque. Elle était l'aile avancée de toute une génération, d'une jeunesse marquée par le retour des idées nationales et classiques, d'une génération que la France avait à nouveau enchantée.

Le 2 août 1914, La Revue critique bouclait son dernier numéro d'avant guerre. Pierre Gilbert, qui faisait office de rédacteur en chef, rédigeait en toute hâte un avertissement aux lecteurs, avant de rejoindre ses camarades déjà mobilisés. Ce petit texte garde, un siècle après, toute sa charge d'émotion :

A nos lecteurs. A l'heure où nous portons sur des épreuves imparfaites le bon à tirer d'un numéro forcément réduit, l'Etat français a donné l'ordre de mobilisation générale et les premières hostilités ont eu lieu. La publication de la Revue se trouve suspendue. Les rédacteurs de la Revue prennent congé de leurs lecteurs pour prendre leurs places sous les drapeaux.

Son ami Eugène Marsan n'avait pu s'empêcher de clore l'avertissement par un vibrant "Vive la France!". Mais Gilbert d'effacer cette dernière ligne : - Quelle idée ! Cela va de soi…

TUES A L'ENNEMI :

- Maurice Luthard: le 18 août 1914, en Lorraine, " avec le plus grand mépris du danger."
- Germain Belmont
(Charles Deschars), aux armées de première ligne sur sa demande : blessé le 22 août 1914, assassiné le 23 à l'ambulance, par un sous-officier allemand, comme il s'efforçait d'empêcher le massacre des autres blessés. 

- Robert Cernay (Robert de Fréville de Lorme) : le 1er septembre 1914.

- Gustave Valmont : le 6 septembre 1914, à la bataille de la Marne.

- Pierre Gilbert (Pierre Gilbert Crabos) : le 8 septembre 1914, à la bataille de la Marne.

- Alfred de la Barre de Nanteuil: lieutenant de vaisseau, à la brigade de l'Yser sur sa demande: mortellement blessé le 10 novembre 1914 à Dixmude.

- Charles Benoit : le 28 décembre 1914, en s'exposant aux créneaux, "pour mieux viser"

- Marcel Drouet, secrétaire de la rédaction des Marches de l'Est : le 4 janvier 1915, à Consenvoye, devant Verdun.

- Lionel des Rieux, sur la ligne de feu, à sa demande : le 27 février 1915, à l'assaut de Malancourt.

- Prosper Henri Devos, le jeune romancier belge : blessé et fait prisonnier sur l'Yser, mort dans un lazaret allemand.

- Jean-Marc Bernard, engagé volontaire : le 4 juillet 1915, à la bataille de Carency, "d'une balle au front".

- Edouard Deck.

- Joseph de Bonne : le 25 septembre 1915, à la tête de sa section.

- Henri Lagrange : le 30 octobre 1915, mortellement blessé au combat d'Auberive.

- Jean d'Aulon (commandant Paul de Mougins-Roquefort). Blessé au combat de Vauquois, il reste volontairement sur le champ de bataille; étendu sur une civière, il continuait d'encourager ses hommes, lorsqu'un éclat d'obus l'atteignit mortellement.

- Raoul Monier, engagé volontaire: le 4 juillet 1916, devant Thiaumont, un an, jour pour jour, après son ami le poète Jean-Marc Bernard. 

- Henry de Barrès.

- Yves de la Mardière: le 5 avril 1918, à l'attaque de Grivesnes, à la tête de sa section.

DISPARUS :

- André du Fresnois : en septembre 1914, au combat de Courbessaux.

- Henry Cellerier : le 27 septembre 1914, à l'assaut de Montauban-sur-Somme.

- Pierre Rousselot, de la Compagnie de Jésus : blessé et fait prisonnier le 23 avril 1915. Son dernier mot, en partant pour essayer l'impossible, à son compagnon d'armes hésitant : "Moi j'obéis".

 

MORTS SOUS LES DRAPEAUX : 

- Paul Acker  : le 25 mai 1915, en Alsace reconquise, en service commandé.

- Jean Brichet : le 28 décembre 1918.

- Henry Rouzaud : en septembre 1918.

 

Nos pensées vont plus largement à tous les jeunes qui ont risqué leur vie pour la France dans les deux conflits mondiaux et en particulier à ces milliers d'étudiants qui, au mépris de l'Allemand, ont manifesté le 11 novembre 1940, place de l'Etoile, pour la liberté de la patrie. 
 

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3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 18:42
L'âme d'un             
peuple en guerre
     




 

On ne saurait trop louer les Éditions Taillandier[1]. d'avoir rassemblé quelques-uns des meilleurs et des plus émouvants discours de guerre de Sir Winston Churchill. M. Guillaume Piketty, dont nos lecteurs connaissent le talent et qui nous a récemment donné un remarquable recueil sur les Français en résistance[2], s'est chargé du choix et de la présentation. Celle-ci a pris la forme d'une préface succincte, mais toute en nuances, qui rappelle l'oeuvre politique mais aussi littéraire de Churchill pendant la guerre, ainsi que de petites fiches parfaitement synthétiques qui resituent ces trente discours, prononcés aux Communes, à la BBC ou devant des auditoires variés, dans leur contexte du moment.

M. Piketty a raison d'écrire que "la guerre fut la grande affaire de Churchill". Il la rencontra régulièrement durant toute sa carrière d'officier et d'homme d'Etat et elle fut pour lui une sorte de passion dramatique. On oublie souvent de rappeler qu'en plaçant Churchill à la tête de leur gouvernement en 1940, les britanniques firent d'abord le choix d'un homme de guerre. Rejeton d'une grande dynastie militaire, le descendant des ducs de Malborough fut lui-même un brillant  soldat qui s'illustra sur tous les théâtres d'opération de l'Empire, en Inde, au Soudan et en Afrique du Sud, faisant montre d'une témérité et d'un courage exemplaires. Il fut également un administrateur avisé des questions militaires; plusieurs fois ministre, il rénova en profondeur la marine, créa l'arme aérienne et modernisa l'administration des colonies. Ses discours s'en ressentent; comme ceux du général de Gaulle, ils ont la netteté, la précision du guerrier et du chef, ainsi que son sens du tragique. Ils expriment, en même temps qu'une émotion, une volonté.

Mais c'est, bien évidemment, dans le drame de la Seconde Guerre Mondiale que l'implication de Churchill fut la plus décisive. La succession des discours, dans leur ordre chronologique, restitue la longue, harassante, périlleuse et coûteuse marche de l'Empire britannique vers la victoire. Churchill,  presque seul en 1938, refuse l'ignominie de Munich et pointe la guerre qui vient. Dès son entrée au cabinet de guerre en 1939, il définit parfaitement les enjeux du conflit: "il ne s'agit pas de  se battre pour Dantzig ou de combattre pour la Pologne. Nous nous battons pour préserver le monde entier de cette peste qu'est la tyrannie nazie et pour défendre ce que l'homme a de plus sacré". C'est cette inspiration qui le guide dans les deux terribles années qui suivent, où, désormais en charge du gouvernement, il assiste, effaré, à l'effondrement de la France, se reprend et mobilise toutes les énergies pour sauver l'Angleterre.

C'est dans ces heures où toutes les certitudes sont balayées, où la Grande Bretagne se retrouve brusquement seule au monde, que les mots de Churchill frappent le plus juste. A son peuple, il n'offre que "du sang, du labeur, des larmes et de la sueur", à ses soldats il n'ouvre qu'une perspective, celle de vivre "leur plus belle heure", à ses pilotes il apporte l'hommage de la nation "jamais, dans l'histoire de l'humanité et de ses guerres, tant de gens ont dû autant à si peu d'hommes", à la France vaincue il adresse les mots du réconfort et de l'espoir "Dieu protège la France!". Et puis progressivement, la confiance revient; c'est l'heure des premiers succès, des premières victoires. Mais Churchill refuse de céder à l'optimisme: après El-Alamein, il entrevoit non pas la fin, ni le commencement de la fin, mais "la fin du commencement"; en plein siège de Stalingrad, il exhorte les britanniques à "ne pas se laisser séduire par les apparences enjôleuses de la bonne fortune" mais à "placer leur confiance dans les courants profonds et lents des marées qui nous ont portés si loin déjà". Voici enfin la victoire, puis l'incroyable démission en juillet 1945 et le discours que le vieux lutteur fatigué fait, aux Communes, en guise de bilan et de testament en août 1945. 

On trouvera du plaisir à lire tous ces textes, plaisir mêlé toutefois d'un peu de nostalgie. La langue de Churchill est riche, sa culture immense; à tous moments, il fait appel aux  Anciens, aux poètes, à l'Histoire; son lyrisme, surtout lorsqu'il évoque les pages glorieuses de la couronne britannique, est impressionnant. Le patriotisme auquel il se réfère  est authentique, simple, aux antipodes des nationalismes qu'il combat. Et surtout, Churchill soigne ses interventions, il recherche la clarté, il veut exposer le plus complètement possible ses vues, sa politique, ses décisions. Car, en homme respectueux des institutions, il sollicite chaque fois que possible l'assentiment de son monarque et du Parlement. A l'heure où tant d'histrions, de démagogues ou de cuistres encombrent nos tribunes politiques, quelle belle leçon de démocratie nous donne rétrospectivement Sir Winston Churchill! 

François Renié.



[1]. Winston Churchill, Discours de guerre. (Texto, mai 2009, 430 pages)

[2]. Français en résistance. Carnets de guerre, correspondances, journaux personnels. Edition établie et présentée par Guillaume Piketty. (Robert Laffont collection « Bouquins », 2009, 1.216 pages)


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11 septembre 2009 5 11 /09 /septembre /2009 22:48
La reconquête
des plaines d'Abraham
  



 

 

Ce 13 septembre, le peuple québécois commémorera un évènement à la fois héroïque et douloureux : le 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham, qui marqua le début de la sanglante conquête du Canada. On se souvient que c'est lors des combats pour la défense de Québec que le marquis de Montcalm, commandant des troupes de la Nouvelle France, trouva la mort, le 14 septembre 1759, après trois ans de luttes incessantes, et souvent victorieuses, contre l'ennemi anglais.

Le gouvernement fédéral canadien a évidemment vu d'un mauvais oeil cette commémoration, qui intervient un an après les festivités qui ont marqué l'anniversaire de la création de Québec, et qui suscite dans toute la belle Province une agitation nationaliste de bon aloi. Il a cherché il y a quelques mois à en dénaturer la portée révolutionnaire et souverainiste en tentant d'organiser en lieu et place, avec la complicité plus ou moins active du gouvernement libéral du Québec, une reconstitution humiliante de la bataille, cherchant à promouvoir une illusoire réconciliation entre occupant et occupé. Au prix d'une mobilisation de toutes les forces vives du Québec - milieux intellectuels, presse, syndicats et organisations patronales - cette initiative a tourné court.

Pour autant, il n'était pas question pour les québecois de passer l'évènement sous silence et nos amis d'outre-atlantique, dont on connait l'esprit délié et ingénieux, organisèrent en quelques semaines un grand moment du souvenir et de l'espoir. L'évènement, intitulé Le Moulin à Paroles, réunira pendant vingt-quatre heures ininterrompues, du samedi 12 au dimanche, 13 septembre, la fine fleur des artistes, des créateurs, des responsables politiques et économiques du pays. Pas moins de quatre vingts personnalités connues du grand public liront des textes puisés dans "la littérature d'ici" et qui témoignent, en prose, en poésie, et en théâtre de l'histoire du Québec, depuis ses sources amérindiennes jusqu'aux multiples facettes de sa modernité.

Pour preuve de l'éclectisme de la manifestation, on annonce que M. Georges de Marestan, descendant du marquis de Montcalm, et que M. Andrew Burroughs Wolfe, descendant de son adversaire, le général anglais Wolfe, liront des textes de leurs ancêtres, à quelques pas des lieux où ils se combattirent férocement et où ils trouvèrent l'un comme l'autre la mort.

A côté de cet évènement qui devrait rencontrer une audience exceptionnelle (diffusion prévue sur les chaines francophones et sur le net[1]), d'autres manifestations auront lieu à Québec à l'occasion de l'anniversaire de la bataille. A l'instigation des mouvements nationalistes, une marche pour l'indépendance partira du centre de Québec samedi vers 10h et rejoindra les plaines d'Abraham dans le milieu de l'après midi.

Gageons que le peuple de Québec et notamment sa jeunesse auront à coeur de faire de ces deux journées un immense succès.

Rene la Prairie.



[1]. En particulier sur le site http://www.moulinaparoles.com

 

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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01
 
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