sur l'automne | ||
Automne, sur les monts ton règne recommence ! Si je presse des doigts le raisin velouté, Une libation impatiente s'élance Vers ta gloire prochaine et ta divinité. Accourez, vendangeurs, les vignes sont vermeilles ; Sous le soleil la terre a donné tout son sang, Que la faucille sonne à l’anse des corbeilles, Avant de pénétrer dans le cep rougissant. Ornez vos fronts du premier pampre, ô vendangeuses, Et parcourez le mont en chantant avec moi. Pour décider, du haut de ses cimes neigeuses, L'Automne à ramener son cortège de roi. Brillante sous les fleurs, les parfums et les flammes, Sa venue est prédite, à la fois, à nos yeux, Par la forêt qui se dépouille, et, dans nos âmes, Par la victoire du désir délicieux. Célébrons-le, par notre joie et par des danses, A l’heure où le soir monte et rougit l’horizon. Bacchus aimait les chants et les folles cadences, Et qu'on entrât comme des dieux dans sa saison. Laissons les gerbes d'or embaumer la vallée, O compagnons, l’Automne entr'ouvre ses vergers Où la terre de feuilles pourpres est voilée, Où les arbres de fruits et d'ombres sont chargés. C'est là que notre troupe, à l'Automne enlacée, Connaîtra le mystère auguste de l’amour, Quand la feuille, par tous les souffles embrassée, Vivante, volera dans la douceur du jour. | ||
paul souchon (1874-1951). Les Elévations poétiques. (1898). |
salut à la provence | ||
Provence de la mer, des monts et de la plaine, Fille du ciel, de l'onde et du soleil d'été, Accueille ton enfant, que son âme soit pleine Encor de ta beauté ! Je te reviens plus fort mais plus mélancolique : Les Alpes, la grandeur morne de leurs hivers Ont pesé sur mon front, la servitude antique M'a lié de ses fers ! Que tes bois d'oliviers où des maisons dorées Songent sous le soleil, que tes villes, tes champs, Tes rivages, ton fleuve et tes sources sacrées Ressuscitent mes chants ! Comme un jardin privé moi qui t'ai parcourue Je t'aime dans le vol des jours et des saisons O terre maternelle, ô Provence apparue Enfin, aux horizons ! | ||
paul souchon (1874-1951). Nouvelles élévations poétiques. (1901). |
louanges à paris | ||
O Paris ! ô couronne ! ô fleur ! J'ai quitté mon ciel et ma mère, Ma mère et sa pâle douleur, Mon ciel, le plus pur de la terre ! Et, depuis, si j'ai regretté Et ma Provence et ma jeunesse, Chaque fois, Paris, ta beauté M'a séparé de ma tristesse ! Tes bois, tes parcs m'ont révélé La grandeur de l'âme française, L'ordre par le rythme voilé, La force qu'une grâce apaise ! Mais je fus aussi pénétré, O Paris, de clartés intimes, Et l'amour que tu m'as montré M'aura conduit sur d'autres cimes ! Car, sous ton ciel, le sentiment Comme une fleur embaume et passe Et tu recherches seulement Le plaisir de toute une race ! Et j'ai subi l'enchantement Que tu verses aux cœurs, ô ville, Qui revêts par ton mouvement La splendeur d'un astre immobile ! | ||
paul souchon (1874-1951). La Beauté de Paris. (1904). |