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15 novembre 2015 7 15 /11 /novembre /2015 15:23
Chronique d'une
France affaiblie
 
 
 

 

IDEES
Doit-on le dire ?
Jacques Bainville.
Les Belles Lettres.
Mars 2015.
366 pages.
 

 
Jacques Bainville (1879,1936), historien et journaliste. Un des esprits les plus lucides et les plus visionnaires de son temps. Chroniqueur à l'Action française, où il commente chaque jour la politique étrangère, il est l'auteur de nombreux articles dans La Liberté, Le Petit Parisien ou La Revue universelle. Publications récentes : Jacques Bainville : Histoire de France. (Tallandier, 2007). - Christophe Dickès : Bainville. La Monarchie des lettres. (Robert Laffont, 2011). 
 
Présentation de l'éditeur.
« Ce volume, formé des articles qui paraissaient chaque semaine dans Candide, est l'un des plus représentatifs du talent de Jacques Bainville. La variété des sujets traités y est le signe de la curiosité et de l'étendue de l’esprit de son auteur. L’article court, genre qui oblige à une concentration de pensée et d’expression devait tout naturellement tenter un écrivain comme Jacques Bainville. A lire ce recueil, on verra qu’il y a excellé. Sur toutes les affaires, petites ou grandes, qui ont occupé Paris et la France depuis 1924, Jacques Bainville confie ici ses impressions. Une représentation théâtrale, une lecture, une publication des lettres de Napoléon, une candidature aux élections législatives, les déclarations d’un ministre, les crises financières, les difficultés diplomatiques, tout est objet de remarques pittoresques et de réflexions valables. Mais ce qui fait la valeur exceptionnelle de ces articles séparés, c’est que Jacques Bainville qui avait une vaste culture et qui avait beaucoup réfléchi savait qu’il n’y a pas de questions isolées. Ce recueil est le livre d’un historien et d’un philosophe d’où sa sérénité constante et son unité. » André Chaumeix, extrait de la préface d’origine, 1939.
 
L'article de Bernard Quiriny. - Causeur - 7 juin 2015.
Bainville chroniqueur. En 1924, l’éditeur Arthème Fayard (deuxième du nom) lance Candide, hebdomadaire d’actualité politique et littéraire, plutôt à droite, dirigé par Pierre Gaxotte. Y collaborent des plumes comme Albert Thibaudet, Benjamin Crémieux, Léon Daudet ou le caricaturiste Sennep, pilier de la rubrique humoristique. Avec un tirage de 80 000 exemplaires dès l’année du lancement, Candide est l’un des premiers hebdomadaires français ; sa diffusion passe 400 000 exemplaires au milieu des années 1930, presque autant que Gringoire et plus que Marianne ou Vendredi. Jacques Bainville, 45 ans à l’époque, célèbre pour ses livres d’histoire (Histoire de deux peuples, Histoire de France) et ses essais (Les conséquences politiques de la paix, fameuse dénonciation du Traité de Versailles), est invité à écrire par Fayard. Aguerri au journalisme (il écrira durant sa vie pour plus de trente titres), il se voit confier un billet de deux colonnes à la une, sous le titre « Doit-on le dire ? », pour parler de ce qu’il veut, vie politique et parlementaire, actualité diplomatique, mœurs, arts, littérature. La forme étant libre, Bainville s’en donne à cœur joie, testant tout : dialogue, saynète futuriste (un débat à la chambre en… 1975), commentaire, etc. Très lue, cette chronique donne lieu en 1939 à un recueil de 250 papiers chez Fayard, avec une préface d’André Chaumeix. C’est ce volume qu’exhume aujourd’hui Jean-Claude Zylberstein dans sa collection « Le goût des idées », avec un avant-propos de Christophe Parry.
Y a-t-il un sens à relire aujourd’hui ces chroniques de l’entre-deux-guerres ? Beaucoup d’événements dont elles parlent sont sortis des mémoires, on n’en saisit pas toujours les subtilités. Deux ou trois mots de contextualisation n’auraient pas été de trop. Mais quand même, quel plaisir ! Plaisir de voyager dans le temps, déjà : on respire dans ces billets l’atmosphère de la Troisième République, avec les grands députés, les inquiétudes devant le franc trop faible et l’Allemagne trop forte, la démission de Millerand, les polémiques, les scandales. Il n’y a pas que la politique qui passionne Bainville : tout lui est bon pour réfléchir et plaisanter, du dernier prix littéraire aux vacances des Français en passant par les séances de l’Académie (il y sera élu en 1935) et le politiquement correct qui, déjà, fait ses ravages. Ainsi Bainville ironiste-t-il en 1928 sur le remplacement du Ministère de la guerre par un Ministère de la Défense nationale, tellement plus rassurant… Quant à ses opinions, elles n’étonnent pas, pour qui connaît son parcours : Bainville défend le capitalisme, critique les dérives du du parlementarisme, et réserve ses meilleures flèches aux socialistes, adorateurs du fisc et de l’égalité, ainsi qu’à tous les opportunistes et à tous les utopismes, qu’il estime toujours trompeurs et dangereux.
Ses armes sont l’ironie, la fausse candeur, la banderille plantée l’air de rien. Les chutes de ses papiers, souvent, sont excellentes. « Je ne vois qu’une difficulté à la défense des écrivains contre le fisc, dit-il. L’organisation de leur grève se conçoit assez mal. Il y aurait bien celle des chefs-d’œuvre. Malheureusement elle est déjà commencée ». On glane dans ces pages beaucoup de petits aphorismes malicieux, toujours applicables aujourd’hui. « A condition de ne donner ni chiffres ni dates, vous pouvez conjecturer tout ce que vous voudrez » : ne dirait-on pas qu’il parle de la courbe du chômage dans nos années 2015 ? De même, voyez ce papier de 1934 où il cloue au pilori deux députés radicaux qui ont fait campagne contre « les congrégations économiques et l’oligarchie financière » : « Jamais on ne s’est moqué du peuple à ce point-là ». Toute ressemblance avec un certain discours au Bourget, etc. Comme on voit, il y a de quoi rire dans ce volume. On y voit un Bainville, léger, caustique, différent du Bainville des grands livres, le Napoléon, les Histoires, le Bismarck. C’est sa facette voltairienne, si l’on veut, lui qui si souvent fut comparé à Voltaire, et qui ne pouvait mieux exprimer cet aspect de sa personnalité que dans un journal intitulé Candide. La façon de Voltaire, il la résume d’ailleurs dans une chronique : tout oser et, pour cela, «joindre beaucoup de style à beaucoup d’esprit».
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25 octobre 2015 7 25 /10 /octobre /2015 10:22
Gilbert Charles
 
 
odelette
 
 
 
Folle fille de la terre,
Que n'est-ce ton doux profil
Cette étoile sur un fil
Qui tremble dans les ténèbres !

De la profondeur des nues
Tu jaillis riante et nue
Comme une rose qui chante
Et qui danse
Sur la pointe d'un jet d'eau.

Une merveilleuse aurore
Illumine ton regard
Mais quand vient le crépuscule
C'est le flot de l'amertume
Qui ruisselle sur ton cœur.
 
 
 
gilbert charles (1907-1944). La Muse française (1937).
 
 
épigramme
 
 
 
Tes yeux ont la couleur du sable
Et tes cheveux l'odeur du vent;
Comme l'air ton âme est instable,
Comme l'eau ton cœur décevant.

La bise chasse la poussière
De nos anciennes amours
Qui danse sur le cimetière.

Quand reverrons-nous les beaux jours ?
 
 
 
gilbert charles (1907-1944). La Muse française (1937).
 
 
épigramme
 
 
 
Ni la princesse Coraline
Qui sait les secrets de l’amour
Et les rites de la divine
Sagesse qui se rit du jour,

Ni ce mandarin hors d’haleine
Sous un ciel immobile et dur
Ne pourront apaiser la peine
Qui naquit d’une robe d’azur.

Dans un bleu palais de faïence
Qu’on te parle de Kouong-Tseu
Et que la plus pure science
Te vienne consoler un peu,

O toi qui sais que dans cette ombre
Où le pavot s’épanouit
Rien n’existe plus, ni le sombre
Amour, ni la mort – ni l’ennui.
 
 
 
gilbert charles (1907-1944). Le Divan (1928).
 
 
 
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18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 15:49
Une leçon politique
 
 
 

 

IDEES
Situation
de la France
Pierre Manent.
Desclée de Brouwer.
Août 2015.
176 pages.
 

 
Pierre Manent, né en 1949, est philosophe. Normalien, directeur d’études à l’EHESS, fondateur avec Raymond Aron de la revue Commentaire, ses réflexions sur la pensée politique sont au cœur des débats contemporains. Il a récemment publié : Cours familier de philosophie politique. (Fayard, 2001). - La Raison des nations. (Gallimard, 2006). - Les Métamorphoses de la cité. (Flammarion, 2010). – Montaigne. La vie sans loi. (Flammarion, 2014).
 
Présentation de l'éditeur.
La réponse aux attentats de janvier 2015 appelait un renouvellement des idées, des dispositions et des actions de notre pays. Perdurent au contraire les manières de penser les plus paralysantes : la "laïcité" serait la solution au "problème de l'islam", l'effacement de la présence publique du religieux serait la solution au problème des religions. Tout est faux dans cette thèse. Au lieu de chercher une neutralité impossible, qui couvrirait en fait une guerre sournoise, nous devons accepter et organiser la coexistence publique des religions, leur participation à la conversation civique. En entrant dans la communauté nationale, l'islam est entré dans une nation de marque chrétienne, où les juifs jouent un rôle éminent. Toute politique qui ignore cette réalité court à un échec cuisant, et met en danger l'intégrité du corps civique. Il s'agit donc, tout en préservant la neutralité de l'Etat, de faire coexister et collaborer ces trois "masses spirituelles". Loin que la mondialisation réclame l'effacement de la nation et la neutralisation de la religion, c'est son indépendance politique et spirituelle, et son ouverture au religieux, qui permettront à la France de franchir en sûreté et avec honneur la zone de dangers dans laquelle elle est entrée.
 
L'article de Gérard Leclerc. - Royaliste - 22 septembre 2015.
Le diagnostic de Pierre Manent. En un essai court, mais d’une densité extrême, Pierre Manent opère un diagnostic un diagnostic impitoyable sur la situation de la France. Il aborde, en effet, toutes les questions qui fâchent, met le doigt où ça fait mal, mais à l’inverse des prophètes en désenchantement, il indique vers quelles solutions nous devrions nous diriger. Loin aussi de partager l’idée d’un déclin inéluctable des nations, il affirme leur caractère pérenne qu’aucune construction supranationale ne saurait suppléer. Il faut citer ici les quelques lignes décisives qu’il consacre au sujet : « Tandis que la vie politique nationale était de moins en moins satisfaisante, citoyens et gouvernants regardaient vers l’Europe comme vers le lieu naturel où la liberté et le gouvernement trouveraient également le repos. Le peuple mécontent du gouvernement et le gouvernement mécontent du peuple regardaient ensemble vers la terre promise de l’Europe où ils seraient enfin débarrassés l’un de l’autre. Cette douce espérance n’a plus cours. Gouvernants et gouvernés restent prisonniers les uns des autres, prisonniers aussi d’ailleurs d’une Union Européenne qui n’est désormais qu’un problème insoluble de plus. » Ce ne sont pas les plus récents événements qui démentiront ce jugement lapidaire : la crise migratoire a mis en évidence les contradictions insolubles d’une Europe incapable d’adopter une ligne de conduite commune. En d’autres termes, nous ne pouvons nous débarrasser de notre fardeau sur une instance qui nous en délivrerait. C’est d’abord à nous-mêmes, au peuple constitué que nous formons qu’il appartient de prendre son destin en main.
Mais ce n’est nullement évident d’accepter la lucidité qui conviendrait et les décisions qui s’imposeraient. Pour Pierre Manent, depuis le général De Gaulle, qui nous avait sorti du traumatisme de la défaite, c’est le renoncement qui s’est imposé : « Dans la Résistance s’incarne effectivement notre dernière grande expérience formatrice, mais en dépit des commémorations nous ne savons que faire de cette expérience depuis que nous avons renoncé à l’effort qui répondait à la défaite. Nous n’avons pas eu d’autre expérience politique significative, mais celle-ci a cessé de nous éduquer. » Ce regard sur le passé n’est nullement nostalgique, il invite à nous ressaisir au plus vite pour affronter nos défis présents qui ont changé de nature. Et l’auteur de pointer en priorité le phénomène religieux, qu’il faudrait enfin prendre au sérieux, en se dispensant de se retrancher derrière une laïcité de principe, parfaitement illusoire dès lors qu’elle ne constitue qu’un talisman qui nous cache l’objet très réel, en tant que fait social et politique. Inutile de biaiser pour se protéger du grief d’islamophobie, l’objet en question est bien l’islam qu’il ne s’agit pas de traiter en ennemi, en dépit des dérives terroristes auxquelles il donne lieu, mais précisément comme un phénomène spécifique, en sa désinence contemporaine. Il est vrai qu’un tel éclairage contredit nos préjugés à propos d’un religieux qui ne relèverait désormais que des convictions les plus intimes, en intervenant de moins en moins comme forme collective. Non, ce n’est pas la sortie du religieux qui a caractérisé l’évolution récente des pays musulmans, mais c’est sa réaffirmation. Pour ne l’avoir pas compris ou pas voulu l’admettre, c’est la terrible désillusion des printemps arabes qui nous est tombée dessus
Comment caractériser le phénomène religieux musulman dans une généralité qui s’impose à nous, avec la force d’évidence qu’impose l’existence d’une communauté qui est partie prenante de notre vie nationale, comme de notre vie la plus quotidienne ? « L’islam reste la règle évidente et obligatoire des mœurs. Cette règle est déclarée, explicitée, revendiquée comme telle. Elle est un thème constant de la vie quotidienne des musulmans, dont elle informe les dispositions sociales et morales, en particulier les dispositions selon lesquelles les hommes et les femmes conduisent leurs relations. Comme je l’ai déjà relevé, l’islam politique entend faire de la religion non seulement un état des mœurs, non seulement un thème insistant de vie commune, mais encore un projet collectif, une grande ambition, et cette perspective séduit des mouvements plus ou moins nombreux, plus ou moins radicaux, plus ou moins violents, qui agissent dans un registre inséparablement religieux et politique, parfois militaire. »
Ce phénomène nous atteint directement, sous des formes qu’il importe par ailleurs de distinguer, même si nous sommes contraints de les reconnaître toutes, et éventuellement de les contrer avec les moyens adéquats, donc policiers et militaires. Pas d’amalgame bien sûr, mais la reconnaissance, hors de l’extrémisme et a fortiori du terrorisme, du fait majeur que « nos concitoyens musulmans sont suffisamment nombreux, suffisamment assurés de leur bon droit, suffisamment attachés à leurs croyances et à leurs mœurs pour que notre corps politique soit substantiellement, sinon essentiellement transformé par leur présence. Encore une fois nous ne pouvons faire autrement que d’accepter ce changement. » Et cela implique d’admettre des habitudes qui ne sont pas les nôtres, auxquelles nous souffrons parfois de consentir. Il faudra bien qu’un compromis se dessine.
Il conviendrait de reprendre toute la démonstration de Pierre Manent, qui me paraît extrêmement convaincante et qui a ce mérite premier de dire les choses en vérité, sans les édulcorer et sans non plus les aggraver. Ce n’est pas la malveillance qui l’inspire, mais au contraire une sagesse civique qui recherche les moyens de redéfinition d’un bien commun perceptible à tous. On comprend à partir de là comment la laïcité à elle-seule ne répond pas à nos difficultés : « La laïcité est un dispositif de gouvernement qui n’épuise pas le sens de la vie commune, et qui d’ailleurs en donne une représentation abstraite et fort pauvre. On n’habite pas une séparation. » Voilà qui renvoie à des considérations historiques, en même temps qu’à des analyses très contemporaines. L’histoire à revisiter est celle de la Troisième République et de l’équilibre qu’elle avait établi, qui ne méconnaissait nullement le passé et donc l’identité chrétienne de la France : la preuve en est l’insistance mise sur le XVIIe siècle dans la culture de l’école républicaine. Le présent à interroger est celui des relations réciproques entre les grandes masses spirituelles aujourd’hui en mouvement. Pierre Manent relève qu’au sein de ces masses « l’Église catholique est la seule force spirituelle engagée dans une démarche qui prend en compte d’une manière délibérée et pour ainsi dire thématique les revendications et les vues des autres. » Il y aurait donc là une singularité à reconnaître et à utiliser dans un but de régulation d’une nation à faire vivre dans les conditions qui s’imposent à nous. Pour le meilleur, espérons-le.
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30 septembre 2015 3 30 /09 /septembre /2015 23:04

Automne 2015
Actualité
de Proudhon
 

- Le socialisme de Proudhon, par François Renié. [lire]

Les idées et les livres

- Trois idoles médiatiques, par Hubert de Marans. [lire]
Qui nous fera croire que Macron, Valls et Juppé symbolisent le renouveau politique que le pays appelle de ses vœux ? Entre les deux ambitieux aux dents longues et le vieux cheval de retour, il y bien peu de place pour les convictions et pour les idées neuves. Jusqu’où peuvent-ils faire illusion ? Et jusqu’à quand peuvent-ils assurer la survie d’un système dont les Français ne veulent plus ?

- Intelligence et production, par Henri Valois. [lire]
Le programme économique du MEDEF, ardemment soutenu par le gouvernement et par la droite, est d’une pauvreté affligeante. Baisse des charges, réforme du marché du travail, TVA social… ces mesures seront ruineuses pour les finances publiques et n’auront aucun effet durable. Sinon d’exonérer le patronat de ses responsabilités dans l’affaiblissement de notre système productif, par manque d’investissement, d’innovation, de formation des hommes et d’anticipation de l’avenir.

- Actualité de Proudhon, textes présentés par Paul Gilbert. [lire]

- Charles d'Orléans, prince et poète , par Jean-Jacques Bernard. [lire]
Une ascendance royale, une tête bien faite, une grande cause à défendre, tout destinait Charles d’Orléans à la gloire militaire et à la grande politique. La vie en décida autrement. L’amertume de la défaite, une longue captivité, l’éloignement des êtres chers métamorphosèrent le bouillant prince en un poète délicat, témoin attentif d’un monde où le cycle des saisons et le travail des hommes ordonnent la vie intérieure et guident paisiblement les âmes vers la sagesse, l’espérance et le salut.

- Poussin à Rome, par Sainte Colombe. [lire]
Rome fut la grande passion de Nicolas Poussin, l’aiguillon de son génie. Chez lui, aucune mélancolie des ruines, aucun regret du passé. Ce qu’il trouve à Rome, le long des rives du Tibre, sur les terrasses du Pincio ou des monts Albains, c’est un air vif, une durée, une incitation à créer. C’est là qu’il redécouvre toutes les nuances de la peinture - composition, dessin, harmonie, jeu des couleurs – et qu’il réussit la synthèse des deux sources du génie latin, le ciel d’Italie et la rigueur française

- Le voyage à Lyon, un conte d'André Billy. [lire]
Si la littérature aggrave la méchanceté naturelle de l'homme, elle peut avoir l’effet inverse sur le charme et l’esprit des femmes. Ce petit vaudeville d’André Billy est là pour en témoigner.

- Le jardin français, poèmes de G. Charles, F. Divoire, E. Despax. [lire]

Chroniques

- Notes politiques, par Hubert de Marans.
Peur sur la République. - FN, un pont trop loin. - L'effet Morano - Révolution en Corse.

- Chronique internationale, par Jacques Darence.
Ruptures à l'est - Cameron à Bruxelles - Moscou à Damas. - Kirchner, après Chavez et Lula.

- Chronique sociale, par Henri Valois.
Défense : l'épreuve. - Renault, scandale d'Etat. - Air France. - Reconversions industrielles.

- La vie littéraire, par Eugène Charles.
Leroy. - Taillandier. - Montal. - Maubert. - Aragon. - Jaccottet.

- Idées et histoire, par Jacques Darence et Vincent Maire.
Manent. - Bainville. - Cervantès. - Dandrieu.- Debray.

- Notes d'Art, par Sainte Colombe.
Fragonard. - Mme Vigé-Lebrun. - Picasso.

- Revue des revues, par Paul Gilbert.
Retour de l'Histoire. - Septennat. - Bergson. - Littérature romande.

- Les livres, par Paul Gilbert, Eugène Charles, François Renié.
Que faire ? (Alain Badiou, Marcel Gauchet). - Ce pays qui aime les idées. Histoire d'une passion française. (Sudhir Hazareesingh). - Crépuscule de l'Histoire. (Shlomo Sand). - George Orwell. La politique de l'écrivain. (Emmanuel Roux). - Louis XI. (Joël Blanchard). - Les aventures de Sherlock Holmes. (Arthur Conan Doyle). - Une génération perdue. Les poètes guerriers dans l'Europe des années 30. (Maurizio Serra). - Petite sélection stendhalienne. - Livres reçus.

 

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27 septembre 2015 7 27 /09 /septembre /2015 14:43
Claude Odilé
 
 
printemps anglais
 
 
 
I. - L'Orme.
 
Candide aux plaines cristallines
L'orme murmure des chansons.
Vois-tu les voiles des collines
Qui volent vers les horizons ?

Rouge et grise tachant la plaine
La ville rit vers le matin.
Les vents parfumés de verveine
Accourent des champs argentins...

Ils viennent de loin comme un désir
Qui dans les âmes balbutie.
Ils vont renaître; ils vont mourir.
Ils sont aquilons et zéphirs —

Insaisissables vents que je voudrais saisir!
 
II. - Bercement.
 
Le clapotis léger des barques et des branches
Se mêle à la douceur des parfums du tilleul.
Les mouvements du vent dans les frondaisons blanches
Sont si lents qu'on s'étonne et se plaint d'être seul.

Je ne sais plus les noms des fleurs, ni des villages.
Je ne sais plus les bruits des feuilles, ni des pas.
Je me souviens des nuits qui soupirent, volages,
Et je guéris d'un mal que je ne connais pas.
 
 
 
claude odilé (1881-1957). Le Divan (1913).
 
 
nuit
 
 
 
C’est la nuit qui revient de son aile plaintive
Se bercer dans le vent, sur l’eau, parmi les fleurs.
Elle vole vers l’île où l’onde mate arrive
Qui se grise de soir, de sons et de rumeurs.

Une étoile s’endort sur les célestes grèves ;
Un lent voilier se perd dans les brumes de lait…
Etends tes bras noueux, platane de mes rêves,
Noir, sur le fond du lac, dans les cieux violets !
 
 
 
claude odilé (1881-1957). Le Divan (1913).
 
 
mouettes
 
 
 
Sans les mouettes des mers qui viennent de Hollande
Remonter en criant l’argent et l’or du Rhin,
Je ne rêverai plus des genêts ou des landes,
Lorsque l’oubli revient dans les cœurs souverains.

Sur les plages d’Armor, la brise qui persiste
Efface un souvenir où s’effacent nos pas…
Goélands ! Goélands ! Mer d’Ys ! Rivages tristes !
Est-ce vous que je cherche et je ne trouve pas ?
 
 
 
 
claude odilé (1881-1957). Le Divan (1913).
 
 
oiseau
 
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19 septembre 2015 6 19 /09 /septembre /2015 15:13
Illusions et
aveuglement
 
 
 

 

HISTOIRE
La Grande Illusion.
Quand la France
perdait la paix. 1914-1920
.
Georges-Henri Soutou.
Tallandier.
Avril 2015.
376 pages.
 

 
Georges-Henri Soutou, né en 1943, est historien. Professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne et membre de l'Académie des sciences morales et politiques, c'est l'un des meilleurs connaisseurs européens de l'histoire des relations internationales. Il a récemment publié : La Guerre de cinquante ans. Les relations est-ouest. 1943-1990. (Fayard, 2001), L'Europe de 1815 à nos jours. (PUF, 2007)
 
Présentation de l'éditeur.
La grande illusion : que la guerre de 1914-1918 serait courte et mettrait fin à la position dominante occupée par l'Allemagne depuis Bismarck ; que la France récupérerait les territoires perdus depuis la Révolution française, mais aussi établirait une sphère d'influence de premier rang et une mainmise sur les régions rhénanes, voire remettrait en cause l'unité allemande ; et, pour finir, que les traités de paix réaliseraient au moins les principaux objectifs poursuivis et en tout cas garantiraient la sécurité à long terme. Ces illusions, largement partagées, étaient portées par l'obsession de la sécurité face à l'Allemagne et par l'affirmation du modèle républicain face au «militarisme prussien». Ceux qui tentèrent d'achever le conflit par la négociation furent écartés. Paris a joué son rôle dans la marche à la guerre et a défini des buts qui ont largement contribué à déterminer le déroulement du conflit et ensuite la paix. Finalement, les dirigeants n'ont pas obtenu ce qu'ils souhaitaient, tout en compromettant, par leurs exigences et par leur vision biaisée des réalités, la restauration du système internationa. C'est ainsi que la France a perdu la paix.
 
L'article de Jean-Dominique Merchet. - L'Opinion. - 14 avril 2015.
Un livre majeur sur la Grande Guerre. C'est un livre important que le professeur Georges-Henri Soutou, l'un des meilleurs historiens français des relations internationales, vient de publier sur la première guerre mondiale, chez Tallandier. Il serait dommage que, dans l'avalanche des ouvrages récemment parus sur 14-18, celui-ci ne rencontre pas le succès mérité. Certes, Georges-Henri Soutou n'a pas écrit un livre à la mode du jour, celle de l'histoire d'en bas, avec ses approches anthropologiques et socio-culturelles, s'intéressant au vécu des poilus ou des civils de l'arrière. Il le revendique : c'est de l'histoire d'en haut, celles des cercles du pouvoir, essentiellement politiques et diplomatiques. Ces cercles dont les décisions pesèrent tant sur le destin dramatique de ceux d'en bas... La Grande Illusion est un livre centré sur la France et notamment ses "buts de guerres". Il court de l'avant-guerre à l'après-guerre, apportant son lot d'éléments nouveaux et de perspectives passionnantes. Reprenant à nouveaux frais la vieille question de la responsabilité du déclenchement de la guerre, il montre que la France en a sa part. En particulier dans le choix de l'alliance franco-russe qui contribua à la mécanique infernarle de l'été 14. Un petit groupe d'hommes (Raymond Poincaré, Théophile Delcassé, Maurice Paléologue et Joseph Joffre, en particulier) jouèrent un rôle important dans ce sens, alors que d'autres options étaient possibles. Sur le déroulement de la guerre, on lira avec beaucoup d'intérêt le chapitre consacré à l'année 1917. Se plongeant dans les archives, l'historien raconte le processus de décision qui abouti à l'offensive Nivelle - où l'on voit l'importance des désaccords au sein du groupe dirigeant, qu'il soit politique ou militaire. Encore plus passionnant, le récit des "négociations secrètes" en vue d'une paix de compromis, avec des personnalités comme Paul Painlevé ou Artistide Briand. L'échec de ces tentatives prolonge la guerre, mais surtout fait basculer l'Europe dans un nouveau siècle. Faute d'une solution entre puissances européennes, l'alternative, incarnée par Clemenceau, sera celle d'une alliance atlantique, avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Sur de nombreux points, l'auteur corrige d'ailleurs l'image un peu caricaturale que l'on se fait du Tigre. Sur ses buts de guerres, la France se raconta longtemps des histoires, espérant prendre le contrôle de la rive gauche du Rhin, sous une forme ou une autre, voire de revenir sur l'unité allemande. Visions chimériques qui seront balayées dans l'après-guerre. Comme tous les grands livres d'histoire, celui du professeur Soutou n'est pas sans résonnance avec l'actualité : le poids de l'idéologie, le processus de décision souvent aléatoire, les opportunités que l'on ne saisit pas. Lisez La Grande Illusion - vous perdrez au passage quelques unes des vôtres, d'illusions. Sauf sur un point : celle qu'il n'y a plus rien à apprendre sur cette période essentielle
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30 août 2015 7 30 /08 /août /2015 08:52
Charles Forot
 
 
petite suite automnale
 
 
 
I. - Parce que tu donnas...
 
Parce que tu donnas trop de rêve à l'amour,
Les femmes ont trahi de belles destinées;
Mais quand malheurs et deuils marqueraient les années,
Pourquoi fermer les yeux à la beauté du jour ?

En ce vieux « Pigeonnier » aux coins hantés de songes,
Vois l'arrière-saison mourir avec douceur
Et, pour guérir ce mal d'amour que tu prolonges,
Sache à ta solitude accoutumer ton cœur.

Mêle tes souvenirs au feuillage qui tombe :
Sous ses ors plus subtils que les ors de l'été
Des puissances de vie ont encor palpité,
Car l’avenir fleurit toujours sur quelque tombe !

En tant d'appels viendront des sites que parfois,
Au désert de toi-même où l'orage au loin tonne,
Tu ne sauras plus bien distinguer en ces voix
Les soupirs de ton cœur et le chant de l'automne.
 
II. - Tandis que dans le froid...
 
Tandis que dans le froid se rouillent,
Comme des gorges de faisans,
Les châtaigniers, et se dépouillent
Les merisiers incandescents,

Et que sous les brumes malignes
Le soir paiement nuancé
Semble, dans sa douceur de lignes,
Enclore un site du passé,

Vous qui pouviez me faire vivre
Mes plus beaux rêves, revenez
Sentir l'odeur qui vous enivre :
Celle des feuillages fanés.
 
III. - Si la gloire...
 
Si la gloire fuit ton front,
Si ton coeur est solitaire,
D'autres douceurs te viendront
Des largesses de la terre.

Goûte à ces plaisirs subtils
Que dédaigne le vulgaire :
Les jeux d'amour, que sont-ils ?
Un peu de savante guerre!

Car la chair déçoit la chair,
Et souvent l'âme se leurre.
Mais surprends le frisson clair
Du coteau qu'un ciel effleure,

Et jouis des tons vineux
D'une allée où novembre ose
Glisser, plus fragile en eux,
Sa dernière et pâle rose.
 
 
 
charles forot (1890-1973). La Muse française (1922).
 
 
vers
 
 
 
Plus tard, en cette heure d'or
Où tu te recueilles
Quand les châtaigniers encor
Verront choir leurs feuilles,

Sous la coupe de cristal
D'un ciel gris et rose
Où cède au destin fatal
La dernière rose,

Où, coureur des champs, le vent
Hérisse la meule
Tu sentiras l'émouvant
Regret d'être seule.
 
 
 
charles forot(1890-1973). La Ronde des Ombres (1922).
 
 
instants vivarois
 
 
 
I. - Printanière.
 
L'une blonde, un sourire unique,
Des lèvres et des yeux,
Grands yeux couleur de véronique,
Fervents et lumineux.

L'autre châtaine aux nobles hanches
Candides, le teint haut,
Qui, pour piller des fleurs aux branches,
Cambre un corps sans défaut;

Et tandis que va la châtaine
Cueillir les fleurs du champ,
Toute au printemps, l'âme lointaine,
La blonde se couchant

A l'ombre d'un Pin bas sommeille,
Belle et le rire aux dents.
Mais la cueille use, au jeu vermeille,
Prend les rameaux pendants.

A pleines mains et les secoue
Sur celle qui dort, Et, pollens,
sur la tendre joue
Pose un nuage d'or.
 
II. - Ce matin.
 
Lointain déjà dans ma mémoire
Ce matin d'un cristal gris- bleu !
La Daronne était une moire
D'argent sous l’automne de feu.

Rosée, était-ce bien l'automne ?
Tout riait, si tendre et si frais,
De cette frange qui festonne
De gouttelettes un cyprès

A cette divine lumière
Qui chante dans le peuplier.
Ami Parnin, l'aube première
Sous nos yeux semblait s'éveiller !

Un printemps qui de reflets d'ambre
Et de rayons d'or se coiffait !
Etait-ce un matin de septembre ?
Grâce fragile, accord parfait,

L'heure pure comme une larme,
Eût souffert d'un éclat de voix,
Mais laissa dans mon cœur ce charme
Du soleil, des eaux et des bois.
 
III. - Dans le brouillard.
 
Dans le matin mouillé je vins tirer la grive,
Et je vous vis alors vous confier aux vents,
Brouillard errant par les ravins, à la dérive,
Puis gonfler vers les monts vos longs voiles mouvants.

Brouillard de toutes parts, odeur âcre humée
Si souvent quand l'automne habite la forêt,
Odeur de moisissure et d'humide fumée,
Brouillard houleux, blafard en qui tout disparaît,

Ah! créez devant moi de plus secrets royaumes,
Que l'âme de ma terre agite vos réseaux.
Vous avez fait des bois un peuple de fantômes
Où je semble guetter les ombres des oiseaux…
 
 
 
charles forot (1890-1973). La Muse française (1930).
 
 
corbeille de fruits
 
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16 août 2015 7 16 /08 /août /2015 11:57

Le retour du
grand Anglais

 
 
 

 

LETTRES
Le divin
Chesterton.
François Rivière.
Rivages.
Avril 2015.
216 pages.
 

 
Gilbert Keith Chesterton (1874, 1936). Journaliste, romancier, poète et essayiste. Un des grands Anglais du début du XXe siècle. Publications récentes: Les Enquêtes du Père Brown. (Omnibus, 2008), La Fin de la sagesse. (L'Âge d'homme, 2009), L'Inconvénient d'avoir deux têtes. (Via Romana, 2010), Le Sel de la vie. (L'Âge d'homme, 2010), Saint Georges et le dragon. (L'Âge d'homme, 2013), L'Homme à la clé d'or. (Les Belles Lettres, 2015).
 
François Rivière, né en 1949, est romancier et critique littéraire. Il est l'auteur d'essais sur Jules Verne, Agatha Christie, E. P. Jacobs. Il a récemment publié : Agatha Christie, la romance du crime. (La Martinière, 2012), Un Garçon disparaît. (La Martinière, 2014),
 
Présentation de l'éditeur.
Journaliste, Chesterton fut l’infatigable contradicteur des idées marxistes de G. B. Shaw et des utopies de H. G. Wells. Romancier – Un Nommé Jeudi, La Sphère et la Croix – mais aussi merveilleux auteur de nouvelles – Le Club des métiers bizarres – et poète – les tommies de la Grande Guerre partaient à l’assaut en déclamant son Lépante –, Chesterton a bâti une véritable cathédrale de fiction qui se profile sur le ciel éternel de la fantaisie. Sans doute était-il temps de rendre hommage à celui que Borges considérait pour sa part comme « l’un des premiers écrivains de notre temps pour son imagination visuelle et la félicité enfantine ou divine que laisse entrevoir chaque page de son œuvre ». C’est ce que François Rivière, biographe reconnu d’Agatha Christie, de Patricia Highsmith et d’Hergé, a voulu faire avec cette première biographie française de l’écrivain.
 
Recension de François Kasbi. - Esprit. - juillet 2015.
Chesterton déconcerte. Plus de cent livres publiés, une vie assez courte (1874- 1936), et tous les genres concernés : articles de journaux, romans (Un nommé Jeudi, Le Napoléon de Notting Hill), théâtre, poésie, philosophie, critique littéraire, critique d’art, économie, controverses religieuses (Hérétiques), voire littéraires avec ses adversaires ou complices (H.G. Wells et G.B. Shaw en particulier), roman policier (Enquêtes du père Brown), essais d’inspiration catholique (l’Homme éternel). Pour le comprendre – osons l’hypothèse tautologique – il faut, d’abord l’aimer ; Alberto Manguel écrit : « Quand on lit Chesterton, on se sent submergé par une extraordinaire impression de bonheur. Sa prose est le contraire d’académique : elle est joyeuse, physique »
Il a raison : le secret, pour lire Chesterton et accéder à la profusion et à la diversité de son œuvre, c’est de le fréquenter jusqu’à en devenir un (presque) familier, s’imprégner de son tour, de sa manière, deviner le sourire derrière la facétie et comprendre que Chesterton est un état d’esprit – une fantaisie étayée par une pensée très cohérente (clé de l’œuvre) et très claire qui fait l’ensemble du corpus, subsumé par une vista dont son catholicisme serait la note de tête, de cœur et de fond.
Etincelant, pragmatique, aux antipodes de l’aristocratie anglaise qui ne l’accueillera pas, plutôt libéral avec une continuelle préoccupation de la justice sociale, de l’honnêteté et de la common decency qui consonnent avec sa foi chrétienne, apôtre lui-même du paradoxe fécond, Chesterton est le contraire du « rouleau convertisseur » (Gide, à propos de Claudel). Les essais et chroniques qu’il a disséminés dans la presse, leur diversité, leur suggestivité, l’esprit d’enfance qui les caractérise, le font cousin, certes anglais et catholique, de Vialatte : c’est encore Manguel qui ose la comparaison – et on entérine en le citant, tant la comparaison nous semble non pas aventurée, mais judicieuse. Le cercle de ses lecteurs n’a cessé de s’entretenir, voire de s’étendre : Russel, Shaw, Kafka, Hemingway, Larbaud, Gide, J. Green, Paulhan, Klossowski – jusqu’aujourd’hui Michéa et Finkielkraut. Borges est sans doute celui qui se l’est le plus précisément, le plus profondément, le plus justement approprié : « Il aurait pu être Kafka ou Poe mais, courageusement, il opta pour le bonheur, du moins feignit-il de l’avoir trouvé. De la foi anglicane, il passa à la foi catholique, fondée, selon lui, sur le bon sens. Il avança que la singularité de cette foi s’ajuste à celle de l’univers comme la forme étrange d’une clé s’ajuste exactement à la forme étrange de la serrure »
On réédite l’Homme à la clé d’or [1], son autobiographie – qui renseigne autant sur l’homme que sur l’époque – et François Rivière se tire avec les honneurs de la première biographie en langue française de Chesterton : cursif, inspiré et scrupuleux, son livre atteste sa longue fréquentation du colossal bonhomme.
 
Autre article recommandé : Gérard Leclerc, "Le retour de Chesterton." - Royaliste, 2 mai 2015.
 

[1]. Gilbert Keith Chesterton, l'Homme à la clé d'or. Autobiographie. Les Belles Lettres. 2015.
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26 juillet 2015 7 26 /07 /juillet /2015 13:41
Marcel Ormoy
 
 
poème
 
 
 
Amis, vous mettrez sur ma tombe,
Non pas le saule de Musset
Dont le trop clair symbole, c'est
Une source en pleurs et qui tombe,

Mais de moins tristes attributs;
Car si ma vie eut peu de charme,
J'ai versé quelques douces larmes
Dans la coupe amère où je bus.

La joie à la douleur s'allie.
Alternez donc sur ce coeur lourd
Le pois de senteur pour l'amour,
L'oeillet pour la mélancolie.
 
 
 
marcel ormoy (1891-1934). Le Coeur lourd (1926).
 
 
ile saint denis
 
 
 
La vieille Seine, un quai rouillé
Et le rêve au flanc des Péniches,
Ah! que nous sommes encor riches
D'un bonheur tendre et dépouillé !

Tant de jours perdus, tant d'années
A la dérive sur la mer,
Il suffit d'un lucide éclair
Pour qu'y sombrent nos destinées,

Mais, tristes vaisseaux enfouis,
Qu'en reste-t-il, arbres tranquilles
Qui sur la plus calme des îles
Versez des songes éblouis ?

Et quel autre avenir se creuse,
O ma sœur, devant tes genoux
Quand vient s'accouder près de nous
Une grande ombre douloureuse ?
 
 
 
marcel ormoy(1891-1934). La Muse française (1936).
 
 
marbre
 
 
 
A quelle fontaine vouée
Cette nymphe ? Nous en rêvions
Par un soir plein d'allusions.
Était-ce hier ou l'autre année ?

Ah! tout recommence, ô ma sœur !
Tout revient, hormis la jeunesse.
Mais quoi ! d'être encor jeune qu'est-ce
Sinon ce battement de cœur,

Sinon dans l'eau mélancolique
Ce marbre toujours reflété
Où nous confondions, l'autre été,
Notre amour avec sa musique ?
 
 
 
marcel ormoy (1891-1934). La Muse française (1936).
 
 
fontaine 2
 
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19 juillet 2015 7 19 /07 /juillet /2015 15:11

La musique
et le courage

 
 
 

 

LETTRES
Les forêts
de Ravel
Michel Bernard.
La Table Ronde.
Janvier 2015.
172 pages.
 

 
Michel Bernard, né en 1958, est écrivain et historien. Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration, haut fonctionnaire, il est l’auteur d’une vingtaine de romans, de nombreux articles et d’ouvrages sur la Grande Guerre. Il a récemment publié : La Tranchée de Calonne. (La Table Ronde, 2007), La Maison du Docteur Laheurte. (La Table Ronde, 2008), Le Corps de la France. (La Table Ronde, 2010), Pour Genevoix. (La Table Ronde, 2011).
 
Présentation de l'éditeur.
« Quand Ravel leva la tête, il aperçut, à distance, debout dans l'entrée et sur les marches de l'escalier, une assistance muette. Elle ne bougeait ni n'applaudissait, dans l'espoir peut-être que le concert impromptu se prolongeât. Ils étaient ainsi quelques médecins, infirmiers et convalescents, que la musique, traversant portes et cloison, avait un à un silencieusement rassemblés. Le pianiste joua encore la Mazurka en ré majeur, puis une pièce délicate et lente que personne n'identifia. Son doigt pressant la touche de la note ultime la fit longtemps résonner. » En mars 1916, peu après avoir achevé son Trio en la majeur, Maurice Ravel rejoint Bar-le-Duc, puis Verdun. Il a quarante et un ans. Engagé volontaire, conducteur d'ambulance, il est chargé de transporter jusqu'aux hôpitaux de campagne des hommes broyés par l'offensive allemande. Michel Bernard le saisit à ce tournant de sa vie, l'accompagne dans son difficile retour à la vie civile et montre comment, jusqu'à son dernier soupir, «l'énorme concerto du front» n'a cessé de résonner dans l'âme de Ravel.
 
Recension de Françoise Le Corre. - Etudes. - mai 2015.
S’il fallait d’un mot qualifier ce livre subtil, discret et d’autant plus évocateur qu’il consent à une facture classique, ce serait celui d’élégance. Un style qui ne pouvait être mieux accordé à la réserve et à l’énigme qui entourent le personnage de Ravel. 1914 : si distant soit le compositeur dans son besoin de solitude et de calme, si entouré de ceux qui protègent en lui le créateur, si fervent dans ses amitiés, il ressent l’urgence de fuir l’arrière et de se jeter dans la guerre. En principe, cela lui est impossible. Vingt ans auparavant il a été réformé : trop fragile. Au moment de la mobilisation, il tente pourtant de se faire enrôler, est refusé, insiste et parvient à être admis comme conducteur de poids lourd de l’armée française. Direction Bar-le Duc et Verdun. Paysage apocalyptique, méconnaissable, défiguré à la fois par « l’ordre militaire et le désordre du soldat », routes pleines de pièges, fondrières, attelages, cavaliers et piétons que le conducteur débutant s’efforce d’éviter, arc-bouté sur son volant, si frêle pour la tâche, si décalé, tour à tour secoué par la formidable force destructrice du front et ses horreurs, puis englué dans l’ennui du casernement, avant de tomber lui-même gravement malade et de devoir renoncer. Prodigieuse approche du sensible – regard et écoute –, l’évocation des lieux et des perceptions de Ravel joue sur une délicate mise à distance : elle laisse au lecteur l’espace de l’hypothèse, de la substitution, de la personnalisation et du songe. Tout est précis, rien ne s’impose. Mais entendre les oiseaux avec Ravel, les reconnaître et les nommer, imaginer leurs déploiements d’ailes, fût-ce aux confins de la bataille, recevoir au ventre le choc de la canonnade, plonger dans les sous-bois de la Meuse, laisser errer le regard sur les crêtes de la forêt de Rambouillet, quand, la paix revenue, il s’installe à Montfort- l’Amaury, toute cette suggestion adressée aux sens éveille des résonances invitant à l’écoute de sa musique. Comme si Michel Bernard, passionné de la musique de Ravel et non moins du plateau barrois, conduisait patiemment ceux qui le suivent aux sources de la création, là où sont l’exaltation et le tourment, les lenteurs, l’attente et le travail patient.
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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01
 
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