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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 22:40
Arts                                            


par Henri Blondet

Mis en ligne : [20-08-2009]

Domaine : Lettres






Ouvrage collectif sur une des grandes revues culturelles des années 50
. Le recueil d'articles couvre la période 1952-1966.


Henri blondet (dir.), Arts, la culture de la provocation, Paris, Tallandier, Mai 2009, 392 pages.

 

De 1952 à 1966, chaque semaine, les gens de goût lisaient Arts. Henri Blondet, érudit bibliophile, a lu pour vous tous les numéros. Il en a extrait le meilleur, dont des inédits d'Antoine Blondin, Bernard Frank, Jean-Luc Godard, Jacques Laurent, Roger Nimier, François Truffaut, Boris Vian...

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16 août 2009 7 16 /08 /août /2009 22:40
Brésil, terre d'amitié               


par Georges Bernanos

Mis en ligne : [17-08-2009]

Domaine : Lettres


 

Georges Bernanos (1888, 1948) choisit de s'exiler en Amérique du sud, après son  expérience de la guerre d'Espagne.  Il fait escale à Rio de Janeiro  en août 1938 et y demeurera jusqu'en  1945. En août 1940, il s'installera à Barbacena, dans une petite maison au flanc d'une colline dénommée Cruz das almas, la Croix-des-âmes. Il s'éloigne alors du roman et publie de nombreux essais et « écrits de combat » dans lesquels l'influence de Charles Péguy se fait sentir. 


Georges Bernanos, Brésil, terre d'amitié, Paris, La Table Ronde, Mai 2009, 237 pages.

 

En 1938, désespéré par les compromissions de l'Église et par la lâcheté des démocraties, Georges Bernanos quitte l'Europe avec sa femme et ses six enfants pour recréer une a nouvelle France " en Amérique latine. Au Brésil, l'écrivain passe sept longues années en exil, à Rio de Janeiro, Itaipava, Juiz de Fora, Vassouras, Pirapora et Barbacena. Contrairement à Stefan Zweig, venu lui rendre visite dans sa ferme quelques jours avant son suicide, le romancier français n'a pas laissé de livre pour célébrer ce pays qu'il a tant aimé. Toutefois, au fil des pages consacrées à cette terre d'espérance et d'amitié dans " Lettre aux Anglais ", " Les Enfants humiliés ", " Le Chemin de la Croix-des Ames ", sa correspondance trop peu connue et quelques articles publiés après son retour en France, on découvre que Bernanos s'est fait du Brésil une image toute à lui, au coeur des soubresauts de la Seconde Guerre mondiale. Et l'on comprend que c'est un homme profondément changé qui a dit adieu au Cristo Redemptor du Corcovado, le 2 juin 1945.

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14 août 2009 5 14 /08 /août /2009 10:00
La trahison                                 
de Munich


par Michel Winock

Mis en ligne : [14-08-2009]

Domaine : Histoire


 

Michel Winock, né en 1937, est historien.  Spécialiste de l’histoire de la République française,  des idées politiques et des mouvements intellectuels,  il enseigne l'histoire contemporaine à l'institut d'études politiques de Paris. Il a récemment publié 13 mai 1958. L'agonie de la IVème République (Gallimard, 2006), La gauche en France (Perrin, 2006), La mêlée présidentielle (Flammarion, 2007), Clemenceau (Perrin, 2007), 1958. La naissance de la Vème République (Gallimard, 2008), L'élection présidentielle en France (Perrin, « Tempus », 2008).


Michel Winock, La trahison de Munich, Emmanuel Mounier et la grande débâcle des intellectuels , Paris, Editions CNRS, Août 2008, 184 pages.

 

30 septembre 1938. Munich scelle le destin de la Tchécoslovaquie. Bientôt, la guerre sera mondiale. " Lendemains d'une trahison " s'écrie prophétiquement Emmanuel Mounier dans Esprit, fustigeant la grande peur des démocraties - " Plutôt Hitler que Blum ". Vite François Mauriac, Maurice Schumann, François Goguel, Jean-Pierre Maxence et d'autres personnalités influentes de la scène intellectuelle lui répondent. Voici enfin réunie cette correspondance sans précédent. Voici la plus française des chroniques sur la lucidité et l'aveuglement. Une radioscopie exceptionnelle de l'intelligentsia parisienne face à la barbarie.

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10 août 2009 1 10 /08 /août /2009 22:40
La Chine                       
m'inquiète


par Jean-Luc Domenach

Mis en ligne : [11-08-2009]

Domaine : International



Né en 1945, Jean-Luc Domenach, directeur de recherches au CERI, est sinologue et politologue. Il a notamment publié Où va la Chine? (Fayard, 2002), Comprendre la Chine d'aujourd'hui (Perrin, 2007).


Jean-Luc Domenach, La Chine m'inquiète, Paris, Perrin, Mars 2009, 228 pages.


Le colosse aux pieds d'argile : rarement cliché a été plus approprié qu'à propos de la Chine d'aujourd'hui. Encore convient-il d'identifier où se repèrent les fissures superficielles et les crevasses masquées, de mesurer l'action des autorités au-delà des affiches rassurantes, de pointer quels risques sociaux ou politiques pèsent sur le pays. En combinant les informations acquises au cours de son long séjour en Chine et les observations internationales les plus récentes, Jean-Luc Domenach livre une radiographie sans concession d'un pays qui a déjà la tête aux festivités des Jeux olympiques, alors qu'il approche d'une heure de vérité.
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7 août 2009 5 07 /08 /août /2009 22:40
Winston Churchill                     
Discours de guerre


présentés par Guillaume Piketty

Mis en ligne : [8-08-2009]

Domaine : Histoire


 

Winston Churchill fut à la fois l'un des hommes d'Etat les plus importants du XXe siècle et un immense écrivain. Prix Nobel de littérature en 1953 pour l'ensemble de son oeuvre, il a publié 8 tomes de Mémoires couvrant la période 1874-1965, dont deux recueils récemment publiés chez Tallandier sous les titres  Mes jeunes années et Réflexions et Aventures.


Sir Winston Churchill, Discours de guerre, présentés par Guillaume Piketty, Paris, Tallandier, Mai 2009, 427 pages.

 

Futur Nobel de littérature, le Premier Ministre britannique prenait un soin de styliste à l'écriture de ses discours de guerre. Au plus noir de la bataille d'Angleterre, dans un Londres harcelé par les bombardements allemands, chaque mot devait porter, frapper. Du sang, du labeur, de la sueur, des larmes. Mais le génie de Churchill, c'est beaucoup plus qu'un sens permanent de la formule. C'est une métrique incomparable, une musique et aussi cette voix, qu'on croit entendre, rocailleuse, emmêlée, essoufflée ; six ans durant, elle a incarné la résistance des Alliés contre l'Axe. Le lecteur trouvera rassemblé ici le meilleur des discours de guerre de Churchill. Indisponibles en français depuis la fin des années cinquante, ils ont été entièrement retraduits, commentés et sont présentés en regard de leur version originale.

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4 août 2009 2 04 /08 /août /2009 22:40
De l'autre côté             
de l'eau
Indochine 1950-1952.


par Dominique de la Motte

Mis en ligne : [5-08-2009]

Domaine : Histoire



Ancien élève de l'Ecole militaire de Saint-Cyr (promotion 1945-1947), le général de corps d'armée Dominique Gourlez de La Motte a effectué deux séjours en Indochine de 1949 à 1955 et servi en Algérie de 1959 à 1962. Il a récemment publié Combattre (Seuil, 2008), Cicatrices : 14-18 aujourd'hui (avec Gerd Krumeich,  Tallandier, 2008), et Sortir de la Grande Guerre (codirigé avec Christophe Prochasson, Tallandier, 2008).


Dominique de la Motte, De l'autre côté de l'eau. Indochine 1950-1952, Paris, Tallandier, Janvier 2009, 165 pages.


De février 1951 à juin 1952, le lieutenant Dominique de La Motte prend la direction du commando 12, une unité de supplétifs hébergée dans une plantation d'hévéas près de Câu Khoi, non loin de la frontière cambodgienne. Au milieu de ses partisans, le jeune officier est roi de guerre. Sa mission : créer une zone interdite au Viêt-minh. Son quotidien : la guerre des postes, faite de patrouilles incessantes, d'embuscades souvent frustrantes, de contrôle des populations, de chasse aux renseignements, de prises de butin... Et puis un jour, le commando passe «de l'autre côté de l'eau», au-delà de la rivière qui marque la limite de son territoire. Pour atteindre l'ennemi, pour tuer un autre roi de guerre. Surplombée de trop haut par la tragédie de Diên Biên Phú, recouverte ensuite par le conflit algérien, la guerre d'Indochine est une guerre oubliée. Par la force de son récit, Dominique de La Motte nous la jette au visage. Son regard singulier et intime nous livre un témoignage intemporel sur la liberté de la guerre, écrit à la pointe de la lame.
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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 10:00
En vacances

La Revue critique des idées et des livres prend ses quartiers d'été à partir d'aujourd'hui. Bonnes vacances à tous nos lecteurs et au 1er Septembre pour de nouveaux articles, chroniques, billets et ... quelques nouvelles surprises.

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2 août 2009 7 02 /08 /août /2009 20:00
A la paresse

Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine,

Et hais tant le travail que, les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ais-je pu me résoudre à t'écrire ces vers.
Antoine de Saint-Amant, 1594-1661. La Suite des Oeuvres (1631).

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28 juillet 2009 2 28 /07 /juillet /2009 22:40
Ecrire n'est pas jouer               


par Philippe de Saint Robert

Mis en ligne : [29-07-2009]

Domaine : Lettres


 

Né en 1934, Philippe de Saint Robert est écrivain et journaliste. Très engagé dans la défense de la francophonie, il fut commissaire général de la langue française de 1984 à 1987 puis fonda  l'Association pour la sauvegarde et l'expansion de la langue française., dont il assure toujours la présidence. Il a collaboré à de nombreux organes de presse tels que Combat, Le Monde, Le Figaro ou Valeurs actuelles. Il a récemment publié La vision tragique de Simone Weil (F. X. de Guibert, 1999), De Gaulle et ses témoins (Bartillat, 1999), Ma part de France, entretiens avec Pierre Mesmer (F. X. de Guibert, 2003).


Philippe de Saint Robert, Ecrire n'est pas jouer, Paris, Hermann, Mai 2009, 350 pages.

 

" Ecrire, c'est décrire le monde, mais surtout s'inscrire dans le monde. Écrire n'est pas jouer. Il est faux qu'on puisse n'écrire que pour soi. C'est une recherche angoissée non de communication, mais de communion. Il faut affronter la déception, la solitude qui en naît." Dans ce livre bilan, Philippe de Saint Robert, ancien commissaire général de la langue française, dresse des portraits d'écrivains dont il analyse les oeuvres. Tel un pèlerin, l'auteur voyage dans l'histoire littéraire : de Chateaubriand à Malraux, en passant par Vigny, Mauriac ou Montherlant, Philippe de Saint Robert analyse les troubles de ceux qui s'adonnèrent avec passion à l'art de l'écriture, et présente, sous un jour nouveau, quelques-uns des plus grands textes littéraires qui ont marqué l'histoire de notre langue.
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28 juillet 2009 2 28 /07 /juillet /2009 18:24
Le ménage de Jean Racine 

 

On connait tout, ou presque tout,  de la jeunesse de Racine. Au sortir de Port Royal, lassé comme il le dit lui même de "faire l'hypocrite", notre poète mord la vie à pleines dents. A vingt huit ans, l'année où il donne Andromaque, il fait figure d'auteur comblé, éprouvant au sein d'une cour galante, où il jouit de la faveur du monarque, toutes les couleurs du bonheur. Les femmes, surtout, l'occupent. Ses maîtresses sont charmantes : grandes dames, femmes d'esprit, petites starlettes ou actrices en vue. On se souvient de ses démélés avec la Duparc, qu'il enlève à la troupe de Molière,  de la Champmeslé, avec laquelle il vit une passion orageuse, de quelques autres. On sait moins que Racine n'attendit pas l'âge déclinant pour revenir à la sagesse.  Lassé des passions, comme il l'avait été des règles du jansénisme, il se marie, fait beaucoup d'enfants et exerce le plus sérieusement du monde son office d'historiographe du roi. C'est ce Racine rangé, ce bourgeois parisien à la vie bien réglée, qu'évoque le poète Charles Le Goffic, dans un article plein de charme publié en 1913 par la Revue Critique des Idées et des Livres [1], que nous reproduisons ci-dessous.

P. G.

 

Crise de conscience provoquée par la vague terreur des suites éventuelles de ses relations avec la Voisin, nausée de dégoût à la pensée des indignes rivaux qu'on lui suscitait, désir aussi de se consacrer en toute liberté d'esprit à son nouvel emploi d'historiographe, il y eut évidemment de tout cela, et autre chose encore peut- être, dans la résolution que prit Racine de divorcer d'avec le théâtre après Phèdre.

Il avait trente-sept ans. La Champmeslé, qui avait créé le rôle de Phèdre à côté de la d'Ennebaut, qui jouait Aricie (on ne sait point exactement les noms des autres acteurs), s'était disputée avec Racine au sujet des vers fameux :


...Je ne suis pas de ces femmes hardies, etc.,


qu'elle ne voulait point réciter parce qu'elle craignait, sans doute, qu'on ne lui en fît l'application. Racine tint bon : la Champmeslé céda, mais son ressentiment put bien lui inspirer de faire payer à l'amant la défaite de la comédienne. Peu après la première de Phèdre, - si ce n'est un peu avant, - elle brisait avec le poète. On a invoqué, pour expliquer sa décision, de prétendues raisons d'intérêt professionnel : comme par suite de l'épuisement de Racine et du tarissement de sa veine, elle ne pouvait plus attendre de lui de nouveaux rôles, elle aurait saisi ce moment pour le congédier et le remplacer par le comte de Clermont-Tonnerre. Et il est vrai que ce fut ce grand seigneur, personnage qu'on nous peint, d'ailleurs, comme assez équivoque, poltron, escroc, mais fort spirituel, qui succéda au poète dans les faveurs de l'actrice. Mais on ne voit point en quoi ce changement pouvait servir ses desseins et, si la Champmeslé était tant soucieuse de se faire composer des rôles par ses amants, c'est Pradon ou Longepierre ou Boyer qu'elle eût donné pour successeur à Racine, et non un gentilhomme ignorant de la tragédie et probablement de la grammaire.

La vérité est qu'on ne sait rien sur la rupture de Racine et de la Champmeslé, sauf que l'initiative de la rupture vint de la Champmeslé. Et, quoiqu'il y eût dans son attachement à cette comédienne plus de sensualité que de passion véritable, il put fort bien éprouver du congé qu'on lui signifiait une assez vive mortification, qui, s'ajoutant à ses déceptions d'auteur et aux scrupules religieux dont il commençait de ressentir la pointe, ne laissa point de le confirmer dans son intention d'abandonner le théâtre et le fit même balancer un moment s'il ne quitterait point le monde en même temps que la poésie. Son confesseur, qui jugeait les choses avec plus de sang-froid, le détourna de ce parti extrême : il lui représenta, dit Louis Racine, « qu'un caractère tel que le sien ne soutiendrait pas longtemps la solitude ; qu'il ferait plus prudemment de rester dans le monde et d'en éviter les dangers en se mariant à une personne remplie de piété ; que la société d'une épouse sage l'obligerait à rompre avec toutes les pernicieuses sociétés où l'amour du théâtre l'avait entraîné ». Il parut sans doute à Racine que le mariage ainsi entendu était une pénitence qui valait bien les austérités du cloître ; il s'ouvrit de ses nouvelles intentions aux Vitart, qui entrèrent tout de suite dans ses vues et n'eurent point de peine à lui dénicher l'épouse qu'il souhaitait.

Elle était de leurs relations et un peu même leur parente par les Le Mazier : elle s'appelait Catherine de Romanet, née à Montdidier, domiciliée à Paris chez Louis Le Mazier, et fille d'un ancien trésorier de France en la généralité d'Amiens, deux fois maïeur (maire) de Montdidier. La mère de Mlle de Romanet appartenait elle-même par son père, Nicolas Dournel, notaire, à la bonne bourgeoisie parisienne. Le douaire de la future, sans être considérable, ne devait pas être trop médiocre. Le Mercure galant, qui annonçait le mariage, ajoutait que Mlle de Romanet était « une aimable personne ». Il n'y a point d'autre mot sur sa beauté chez les contemporains, et celui-ci n'est que de simple politesse, ce qui a fait penser que Mlle de Romanet n'était point très avantagée au physique. Louis Racine, du reste, prend grand soin de nous prévenir que « l'amour ni l'intérêt n'eurent aucune part » au choix de son père. Encore a-t-on peine à croire qu'il ait poussé l'esprit de pénitence jusque-là d'épouser un laideron. Mlle de Romanet n'avait point grande beauté peut-être, mais elle ne devait point être déplaisante. L'âge avancé qu'elle atteignit (quatre-vingts ans, 1652-1732) atteste tout au moins sa robuste constitution : elle était assez jeune enfin, n'ayant point passé vingt-cinq ans au moment de son mariage, qui fut célébré dans l'église Saint-Séverin, le 1er juin 1677, en présence de Nicolas Vitart et de Boileau-Despréaux, témoins du futur, de Claude de Romanet et de Louis Le Mazier, frère, cousin et témoins de la future.

Si les contemporains n'ont point été plus prodigues de renseignements sur la nouvelle mariée, il y a, du reste, une bonne raison à cela : c'est que la vie menée par Mmc Racine, ou, comme on disait alors, Mlle Racine, la mettait à l'abri des indiscrétions. Sans être la vie d'une recluse, c'était la vie d'une bourgeoise dont le mari avait de hautes relations dans le monde, mais qui n'était point admise elle-même à jouir de ses relations, et vraisemblablement ne souhaitait point d'en jouir. Racine passait presque tout son temps à Versailles, à Marly ou aux armées : sa femme ne l'y suivait point. Elle restait au logis, et il est probable que le roi ne demanda jamais à la voir (sauf après la mort de Racine, où elle lui fut présentée à titre de solliciteuse) ; elle n'était point priée chez les grands qui, à tout instant, comme Condé, quand il savait Racine à Paris, l'envoyaient quérir en carrosse. Bref, cette femme d'un gentilhomme de la chambre ne menait point une existence différente de celle d'une Mme Pernelle ou d'une Mme Jourdain, fors qu'elle n'avait point la disposition de son mari aussi souvent qu'elles. Quand Racine, au comble de la faveur, sera pourvu d'un appartement à Versailles, il lui arrivera, nous dit son fils, de ne pouvoir s'en échapper « une fois la semaine ». Du moins et pendant les trop courts relâches que lui laissait sa vie mondaine, prétendait-il se donner tout entier à sa femme et à ses enfants. En embrassant l'état matrimonial, il en avait épousé toutes les vertus bourgeoises, l'esprit d'ordre, le goût de l'épargne, l'amour de la tranquillité, etc. Il apparaît assez par ses lettres que très peu de personnes fréquentaient chez lui et qu'il n'y traitait que des intimes comme Boileau, Valincourt, La Fontaine, l'abbé Renaudot. Et lui-même, quand il va dîner à Auteuil chez Boileau, c'est presque toujours seul. Par exception, quelquefois, les siens l'y viennent chercher, comme ce jour où un orage épouvantable les prit « sur la chaussée » et où la grêle, le vent et les éclairs firent une telle peur aux chevaux qu'ils s'emballèrent et qu'une des filles du poète, ouvrant la portière, alla rouler dans le ruisseau. Le plus souvent, « Mlle » Racine ne se mêle point aux affaires de son mari : elle a bien assez de conduire son ménage et de former aux bonnes mœurs ses sept enfants : Jean-Baptiste, Marie-Catherine, Nanette, Babet, Fanchon, Madelon et Louis, le dernier, que ses parents appelaient plus familièrement Lionval, du nom d'une ferme près de la Ferté-Milon, qui n'appartenait point aux Racine, mais d'où l'on suppose qu'était la nourrice du poupon. Et les sept enfants sont élevés dans des sentiments d'une piété si ardente que peu s'en faut que le cloître ne les confisque tous les sept : Jean-Baptiste, avant qu'il n'entrât dans les bureaux de M. de Torcy, voulait se faire chartreux - comme son père ; Marie-Catherine, qui épousa M. de Moramber, n'aspirait qu'à se faire carmélite et n'en fut empêchée que par le faible état de sa santé. Mais Nanette, Babet, Fanchon, Madelon, tinrent ferme et se donnèrent à Dieu toutes les quatre.

Encore ne faudrait-il s'exagérer la sévérité de cet intérieur janséniste où les enfants prenaient de si bonne heure le dégoût du monde et la vocation du sacrifice. Si Mlle Racine suivait les offices avec assiduité, si la prière, matin et soir, se faisait chez elle à haute voix et devant les domestiques assemblés et si le chef de famille lui-même, quand il était présent, y ajoutait la lecture et un commentaire édifiant de l'évangile du jour, cela n'excédait point les pratiques courantes dans la bourgeoisie chrétienne de l'époque. Tout avait son temps chez les Racine, et les amusements comme le reste. Tel jour, Mlle Racine conduisait ses enfants à la foire, où le petit Lionval « eut une belle peur de l'éléphant et fit des cris effroyables » quand il le vit qui introduisait « sa trompe dans la poche du laquais qui le tenait par la main » et d'où « les petites filles, plus hardies », s'en revinrent « chargées de poupées » ; tel autre jour, à l'occasion, sans doute, d'un des anniversaires du poète, on mettait les petits plats dans les grands et l'on festoyait en famille autour d'une belle carpe de la valeur d' « un écu ». Et, d'autres fois, c'était le bon M. Despréaux qui régalait tout le monde, menait « Lionval et Madelon dans le Bois de Boulogne, badinant avec eux et disant qu'il voulait les mener perdre », et y attendait la « compagnie » qui venait l'y rejoindre et qui était composée de Mlle Racine, d'une autre de ses filles, de « M. et Mlle de Frescheville ».

Ce sont là de petits traits, mais qui suffisent pour montrer que l'intérieur de Racine n'avait rien de morose, si tout y respirait l'honnêteté et les vertus chrétiennes. Enfin cet intérieur (surtout dans les dernières années) n'était pas celui du premier bourgeois venu. Le 2 novembre 1692, Racine, qui se sentait un peu à l'étroit, rue des Maçons, achetait cet hôtel de Ranes, dans la rue des Marais (aujourd'hui Visconti), où il devait mourir et qui, habité avant lui par la Champmeslé, devait l'être par la Lecouvreur. Une maison de cette importance sans rien de somptueux pourtant - suppose un domestique à l'avenant, et le fait est que Racine avait tout un personnel à ses ordres : cocher, laquais et servantes. Nous le savons par ses lettres à son fils et qu'il avait aussi carrosse, avec deux chevaux pour le moins. C'est un train assez considérable. Joignez-y que, pour un homme qui fréquentait à la cour, il fallait bien que l'habit fût en rapport avec le rang. Racine parle bien de « sévère économie » que lui prescrivent l'état de ses finances et ses nombreuses charges de famille. Mais il a des armoiries sur sa vaisselle, qui n'est pas d'étain ; sa garde-robe d'intérieur est fort riche ; sa bibliothèque fort choisie et telle, avec ses Alde, ses Plantin, son Aristophane de 1540, son Platon in-folio d'Henri Estienne, etc., qu'un bibliophile de profession ne l'eût pas mieux composée [2]; il trouve qu'un parti de quatre-vingt-quatre mille francs, avec autant d'espérances, n'est point suffisant pour son fils Jean-Baptiste et, comme il fait figure dans son quartier, il s'indigne qu'un certain « cousin Henri, fait comme un misérable », ait osé venir chez lui et ait dit à sa femme, en présence de tous ses domestiques, qu'il était son cousin ; quand ce même Jean-Baptiste quitte les bureaux de M. de Torcy pour ceux de l'ambassade de France à La Haye, Racine s'empresse de mettre son hôtel à la disposition de l'ambassadeur, M. de Bonrepaux, qui est attendu à Paris. Et voyez encore l'insistance qu'il apporte près de M. de Bonac, neveu dudit ambassadeur, pour qu'il accepte « la petite chambre » de son cabinet, laquelle ne devait point être si petite pour loger un si grand personnage.

Que Racine ait trouvé l'aisance, sinon la fortune, dans son ménage, cela ne fait plus doute aujourd'hui. Y trouva-t-il aussi le bonheur ? De l'aveu de son fils Louis, on l'entendit répéter à plusieurs reprises : « Pourquoi m'a-t-on détourné de me faire chartreux ? Je serais bien plus tranquille. » Petits mouvements d'humeur, que les plus heureux maris ont connus ! A défaut du bonheur parfait, qui n'est point de ce monde, Catherine de Romanet procura du moins à Racine ce dont il était le plus avide : la paix du cœur et un établissement régulier. Qu'il se soit marié par pénitence ou par hygiène, il importe assez peu. Les sentiments religieux des deux époux suppléèrent à l'absence de sentiments plus tendres et conférèrent à leur union un caractère de gravité et de stabilité qui ne se démentit point jusqu'au bout. Ne nous étonnons point trop, par ailleurs, si Racine, sur le chapitre du mariage, ne raffinait guère plus que le bonhomme Chrysale et croyait avec lui qu'une ménagère n'a besoin que de s'entendre au potage et de savoir distinguer un pourpoint d'avec un haut-de-chausses. Il avait pu apprendre, par La Fontaine, ce qu'il en coûte d'épouser une précieuse et, par Molière, une coquette ; il voulait une femme sans complication et il fut servi à souhait : Catherine ne savait ce que c'était qu'un vers et une rime ; elle n'avait jamais assisté à une représentation des tragédies de son mari, ne les avait point lues et ne montra point davantage le désir de les connaître quand elle fut mariée. Cette sage personne ne perdit la tête qu'une fois dans sa vie, et ce fut seulement après la mort de Racine : prise à la contagion générale, elle hasarda une partie de sa fortune dans le système de Law et l'y laissa.

Charles Le Goffic.



[1]. La Revue critique des Idées et des Livres, N° 119, 25 Mars 1913.

[2]. La plupart de ces livres, paraphés et annotés par le poète, d'une belle écriture régulière, sont à la bibliothèque de Toulouse.


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N°1 - 2009/01
 
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