la dispersion | ||
C’est au fond du parc embrumé Que l’Automne au grand manteau roux A convié folles et fous Autour de Pierrot consterné. Ils étaient tous à ricaner De l’amant pâle en souquenille, Du pur toujours abandonné, Quand la Mort parut, osseux drille. D’effroi, s’élance en des venelles L’essaim moqueur des Isabelles ; Le soir qui flue entre les branches Drapait leurs insolentes hanches. Mais la Mort les a pourchassées... Toutes gisent par des bosquets, Fanées comme de vieux bouquets : Elle les a toutes glacées... Et Lui, plus maudit que la nuit, Expira, soudain, sans un râle ; Mais sa blanche âme qui s’enfuit Troubla longtemps l’horizon pâle. | ||
henri strentz (1875-1943). Complaintes pour les innocents (1932). |
le glas breton | ||
Goël, duc de Bretagne, Ce grand seigneur si fort Et tant chéri de sa compagne Est mort. Pleurez, graves voix d'or, 0 bourdons de l'Armor ! Les filles de Bourgogne. Sont tombées à genoux Sans savoir pour qui sonnent, Très loin, ces clochers doux. Les béguines en Flandre Ont posé leurs crochets Comme pour mieux entendre Les voix d'or qui passaient... Les époux d'Allemagne N'ont rien surpris du tout : C'est si loin la Bretagne Quand la choucroute bout!. Les filles de Norvège Aussi ont entendu : Elles ont par la neige Processionné sans but... Car Goël presqu'un roi Et, de plus, grand chrétien, S'est éteint de chagrin Et sans savoir pourquoi. | ||
henri strentz (1875-1943). Revue Les Facettes (novembre 1911). |
le tambour funèbre | ||
La plaine dépouillée et sa détresse immense, Les villages prostrés sous le plomb du soir lourd ; Et, seul écho perdu qu’on croirait de silence, Le roulement moqueur d’un étrange tambour. Que vient faire ce fol dans la si triste plaine ; Ce rôdeur invisible en proie au sot humour De battre du tambour de façon si sereine Quand tout est aux abois dans les champs qu’il parcourt ? Ô spectre de malheur à l’ivresse méchante, Tu ne glaceras pas de ton roulement sourd Mon vieux sang de chrétien que plus rien n’épouvante ! Mort, je t’ai reconnue, affre de tout amour, Étrangleuse de joie, indiscrète passante, Et qui bats le rappel sur ton narquois tambour ! | ||
henri strentz (1875-1943). Premières odes. (1938). |