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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 16:58
 
 
la dispersion
 
 
 
C’est au fond du parc embrumé
Que l’Automne au grand manteau roux
A convié folles et fous
Autour de Pierrot consterné.

Ils étaient tous à ricaner
De l’amant pâle en souquenille,
Du pur toujours abandonné,
Quand la Mort parut, osseux drille.

D’effroi, s’élance en des venelles
L’essaim moqueur des Isabelles ;
Le soir qui flue entre les branches
Drapait leurs insolentes hanches.

Mais la Mort les a pourchassées...
Toutes gisent par des bosquets,
Fanées comme de vieux bouquets :
Elle les a toutes glacées...

Et Lui, plus maudit que la nuit,
Expira, soudain, sans un râle ;
Mais sa blanche âme qui s’enfuit
Troubla longtemps l’horizon pâle.
 
 
 
henri strentz (1875-1943). Complaintes pour les innocents (1932).
 
 
le glas breton
 
 
 
Goël, duc de Bretagne,
Ce grand seigneur si fort
Et tant chéri de sa compagne
Est mort.

Pleurez, graves voix d'or,
0 bourdons de l'Armor !

Les filles de Bourgogne.
Sont tombées à genoux
Sans savoir pour qui sonnent,
Très loin, ces clochers doux.

Les béguines en Flandre
Ont posé leurs crochets
Comme pour mieux entendre
Les voix d'or qui passaient...

Les époux d'Allemagne
N'ont rien surpris du tout :
C'est si loin la Bretagne
Quand la choucroute bout!.

Les filles de Norvège
Aussi ont entendu :
Elles ont par la neige
Processionné sans but...

Car Goël presqu'un roi
Et, de plus, grand chrétien,
S'est éteint de chagrin
Et sans savoir pourquoi.
 
 
 
henri strentz (1875-1943). Revue Les Facettes (novembre 1911).
 
 
le tambour funèbre
 
 
 
La plaine dépouillée et sa détresse immense,
Les villages prostrés sous le plomb du soir lourd ;
Et, seul écho perdu qu’on croirait de silence,
Le roulement moqueur d’un étrange tambour.

Que vient faire ce fol dans la si triste plaine ;
Ce rôdeur invisible en proie au sot humour
De battre du tambour de façon si sereine
Quand tout est aux abois dans les champs qu’il parcourt ?

Ô spectre de malheur à l’ivresse méchante,
Tu ne glaceras pas de ton roulement sourd
Mon vieux sang de chrétien que plus rien n’épouvante !

Mort, je t’ai reconnue, affre de tout amour,
Étrangleuse de joie, indiscrète passante,
Et qui bats le rappel sur ton narquois tambour !
 
 
 
henri strentz (1875-1943). Premières odes. (1938).
 
 

 
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I
Aigle des lointains<br /> ---------------<br /> <br /> Au repaire de l’aigle est un péril immense,<br /> Plus d’un intrus en fut condamné sans recours ;<br /> On ne peut s’en tirer par d’habiles discours,<br /> Il est moins dangereux d’observer le silence.<br /> <br /> Si dans ce triste lieu te conduit ton errance,<br /> Ne dis pas un seul mot, fais semblant d’être sourd ;<br /> Tel est, depuis longtemps, l’usage de la Cour,<br /> Nul ne s’y fait entendre, et nul seigneur n’y danse.<br /> <br /> Vois si la Reine est là, car elle est moins méchante,<br /> On dit que dans sa chambre, étant seule, elle chante<br /> En souvenir du temps de son premier amour.<br /> <br /> Si c’est toi l’amoureux visiteur de la tour,<br /> N’oublie pas ce bonheur, même s’il fut bien court,<br /> Le roi te laissera sourire à ton amante.
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C
Barque mélancolique<br /> --------------------------<br /> <br /> Fille du roi voguant sur une mer immense,<br /> Une planète au ciel semble aller à rebours,<br /> Environnée de brume et de nuages lourds ;<br /> Les animaux marins observent le silence.<br /> <br /> « Fille du roi, pourquoi cette improbable errance ?<br /> Les embruns ont blanchi ta robe de velours<br /> Et ton âme a regret de pages de la Cour ;<br /> Bien frêle est ton esquif sur la vague qui danse. »<br /> <br /> La demoiselle a dit : « La mer n’est pas méchante,<br /> Sauf certains jours, bien sûr, quand la sirène chante ;<br /> Mon coeur à cette voix est déjà presque sourd. »<br /> <br /> « Es-tu en train de fuir un impossible amour<br /> Avec un vieil évêque, ou un jeune tambour ? »<br /> « Non. J’aime dériver dans cette barque lente. »
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