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28 mai 2017 7 28 /05 /mai /2017 16:48
Charles Guérin
 
 
ton cœur est fatigué des voyages
 
 
 
Ton cœur est fatigué des voyages ? Tu cherches
Pour asile un toit bas et de chaume couvert,
Un verger frais baigné d’un crépuscule vert
Où du linge gonflé de vent pende à des perches ?

Alors ne va pas plus avant : Voici l’enclos.
Cette porte d’osier qui repousse des feuilles,
Ouvre-la, s’il est vrai, poète, que tu veuilles
Connaître après l’amer chemin, le doux repos.

Arrête-toi devant l’étable obscure. Ecoute.
L’agneau bêle, le bœuf mugit et l’âne brait.
Approche du cellier humide où, bruit secret,
Le laitage à travers les éclisses s’égoutte.

C’est le soir. La maison rêve ; regarde-la,
Vois le feu qu’on y fait à l’heure accoutumée
Se trahir dans l’azur par une humble fumée.
Mais tu cherchais la paix de l’âme ? Entre : Elle est là.
 
 
 
charles guérin (1873-1907). Le Semeur de cendres. (1901).
 
 
soir de juin
 
 
 
Il a plu. Soir de juin. Ecoute,
Par la fenêtre large ouverte,
Tomber le reste de l’averse
De feuille en feuille, goutte à goutte.

C’est l’heure choisie entre toutes
Où flotte à travers la campagne
L’odeur de vanille qu’exhale
La poussière humide des routes.

L’hirondelle joyeuse jase.
Le soleil déclinant se croise
Avec la nuit sur les collines ;

Et son mourant sourire essuie
Sur la chair pâle des glycines
Les cheveux d’argent de la pluie.
 
 
 
charles guérin (1873-1907). Le Coeur solitaire. (1898).
 
 
la nuit
 
 
 
La nuit répand sur le village
Son ombre et sa tranquillité ;
L'Ame inquiète du feuillage
Soupire aux souffles de l'été.

En face du jour qui s'achève
Des groupes sombres sont assis,
Pleins d'un impénétrable rêve,
Au fond des porches obscurcis.

Un chariot crie. Une fille
Retire sous l'arche d'un pont
Son seau clair où l'eau noire oscille.
Des bœufs chargés d'herbe s'en vont.

Il sort une tiède buée
De l'étable où les bêtes font
Leur bruit de paille remuée.
Une fumée au ciel se fond.

C'est l'heure grise des veillées ;
Le vent limpide emporte au loin,
Hors des granges entrebâillées,
L'enivrant arome du foin,

Et ramène des hameaux proches
Le grand bourdonnement d'amour
Que lui jette l'essaim des cloches
Par ses ruches de pierre à jour.
 
 
 
charles guérin (1873-1907). Le Semeur de cendres. (1901).
 
 

 
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