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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 00:57
L'invention du progrès       
1680-1730                            
 
de Frédéric Rouvillois
Mis en ligne : [21-03-2011]
Domaine :  Idées  

rouvillois-2.gif  

 
Frédéric Rouvillois, né en 1964, est professeur de droit public à l'université Paris V- Descartes. Il est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à l'histoire des idées et des mentalités : L'avenir du référendum (François-Xavier de Guibert, 2006), Histoire de la politesse de la Révolution à nos jours (Flammarion, 2006), Le coup d'État, recours à la force ou dernier mot du politique? (François-Xavier de Guibert, 2007), Histoire du snobisme (Flammarion, 2009), Le collectionneur d'impostures (Flammarion, 2010). 
 

Frédéric Rouvillois, L'invention du progrès, 1680-1730. Paris, CNRS Editions, janvier 2011, 510 pages.

 
Présentation de l'éditeur.
C’est à une véritable archéologie de la modernité que se livre Frédéric Rouvillois dans cet ouvrage nourri aux meilleures sources : contrairement aux idées reçues, le « Progrès » n’est pas né avec les Lumières, mais au XVIIe siècle, avec la nouvelle philosophie, l’apparition du déisme et la diffusion de l’« esprit bourgeois ». De Bacon à l’abbé de Saint-Pierre, il devient une philosophie de l’histoire et, conformément à son inspiration cartésienne et mécaniste, prétend à une cohérence totale. Ses défenseurs définissent désormais le Progrès à partir du modèle de la Machine : comme un mouvement global de perfectionnement que caractérisent sa forme linéaire, sa nécessité radicale et sa permanence. Ce faisant, ils peuvent ainsi le transposer au réel. Au même rythme que la raison, la morale, le bonheur ou l’Etat sont appelés à progresser. L’histoire, enfin dotée d’un sens, devient ainsi le lieu où pourra s’accomplir la promesse de Descartes : l’homme, parfaitement libre et tout-puissant, sera bientôt « maître et possesseur de la nature ». Une démystification talentueuse, érudite et acérée, dévoilant les retombées contraignantes des utopies.
 
L'article de Gérard Moatti. Les Echos du 3 février 2011.
Aujourd'hui, alors que décline doucement la foi dans le progrès, on prend conscience que cette vision optimiste de l'histoire, qui régna pendant au moins deux siècles, est elle-même historiquement datée. Quand est-elle née ? On répond en général : au temps des Lumières, qui précéda la Révolution. Dans un livre subtil et plein d'érudition, le juriste Frédéric Rouvillois montre que l'« invention du progrès » fut nettement plus précoce : c'est entre 1680 et 1730, dans cette période de « crise de la conscience européenne » qu'a lieu le basculement décisif. Il fait écho à la révolution scientifique qui se produit au début du XVIIe siècle : face à la physique « qualitative » héritée d'Aristote émerge une science quantitative. Pour Galilée, qui meurt en 1642, le « grand livre » de l'Univers « est écrit en langage mathématique ». En quelques décennies, le modèle mécaniste va se répandre dans tous les domaines de la connaissance, jusqu'à la biologie (les « animaux-machines » de Descartes), la science politique, la psychologie (on disserte sur la « physique des passions ») et même la religion (Dieu est le « grand horloger »). Il imprègne aussi la conception de l'histoire et donne corps à l'idée de progrès. D'abord parce qu'il implique une humanité en perpétuel mouvement, mais aussi parce qu'il promet à l'homme un déchiffrage complet de la nature, puisque celle-ci est écrite en « langage mathématique » : il y a de l'inconnu, mais il n'y a pas d'« inconnaissable ». Mais l'idée de progrès ne va pas s'imposer sans résistances. Les plus vives sont de nature religieuse : peut-on parler d'un progrès autonome de l'humanité sans mettre en cause la toute-puissance divine ? Si la Réforme avait déjà fait beaucoup, au XVI e siècle, pour promouvoir le libre arbitre, on voit se répandre dans la seconde moitié du XVII e ce que l'auteur appelle un « christianisme des intellectuels » qui trouve une expression philosophique dans l'oeuvre de Malebranche : Dieu, qui a fixé les lois de l'univers, n'a pas voulu créer un monde parfait. Il autorise l'homme à gagner son salut en l'améliorant sans cesse. Le progrès n'est plus un simple moyen, mais une fin légitime. A partir de ce schéma explicatif, l'ouvrage analyse les déclinaisons de l'idée de progrès dans le domaine moral et politique. Il décrit aussi sa lente percée dans le fourmillement intellectuel d'une époque qui vit naître, à côté de la pensée « progressiste », des utopies d'une société immobile, et où certains exaltèrent, avant Rousseau, un « état de nature » idéal, malheureusement corrompu par la technique. Ce livre n'est pas d'un abord facile, notamment en raison de son écriture souvent allusive, mais l'effort du lecteur est largement récompensé.

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commentaires

H
Le livre de M. Rouvillois est intéressant mais pourquoi le livre de Paul Hazard (la crise de la conscience européenne,1680-1715) n'est il jamais cité à cette occasion ? Cela frise un certain "laxisme" intellectuel, pour ne rien dire de plus désobligeant.
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