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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 23:42
Du dandysme
et de George Brummel
 
de Jules Barbey d'Aurevilly
Mis en ligne : [13-02-2012]
Domaine : Lettres  
BARBEY-d-AUREVILLY--Jules---du-dandysme-et-de-George-Brumme.gif

 

Jules Barbey d'Aurevilly (1808, 1889). Publications récentes :  François Taillandier, Un réfractaire, Barbey d'Aurevilly (Éditions Bartillat, 2008) - Michel Lecureur, Jules Barbey d'Aurevilly (Le Sagittaire, 2008) - Jean-Pierre Thiollet, Carré d'Art : Jules Barbey d'Aurevilly, lord Byron, Salvador Dali, Jean-Edern Hallier (Anagramme Editions, 2008) - Pierre Leberruyer, Au pays et dans l'œuvre de Jules Barbey d'Aurevilly : paysages envoûtants et demeures romantiques (Orep Editions, 2008), Jules Barbey d'Aurevilly, Oeuvre critique, tomes 1 à 4 (Belles Lettres, deux volumes en 2008 et 2009).
 

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummel, Paris, Mercure de France, septembre 2011, 177 pages.

 
Présentation de l'éditeur.
1845, Barbey d'Aurevilly publie un essai à destination du monde des élégances, Du Dandysme et de George Brummell. A cette époque, le dandysme est une mode, mais qu'on ne revendique pas volontiers : elle sent le soufre, un romantisme provocateur. Ce texte évoque la principale figure dandy, son inventeur en Angleterre et son introducteur en France, George Brummell, nom fameux mais alors mystérieux. Barbey est le premier à faire du virtuose incomparable de la cravate un sujet de réflexion à part entière : il se fait historien du "Beau Brummell", favori du prince de Galles, théoricien de la "futilité essentielle", jeune maître de la high society londonienne qui finit exilé en France, misérable, mort dans l'indifférence à Caen en 1840 à l'âge de 62 ans. Barbey d'Aurevilly, à travers ce portrait, jette les fondations du dandysme comme mouvement de mode et, plus encore, comme philosophie. Ce court volume, vingt fois réédité, est rapidement devenu le bréviaire de tant et tant de jeunes gens désirant pratiquer la "science du paraître", séduire par "rien du tout" en cultivant l'art de la profondeur. Cet essai est également une façon d'autobiographie déguisée : les rites aurevilliens de l'élégance y sont comme mis à nu, ses fétiches vestimentaires, sa manière d'être et d'aller, sa mondanité, de même que les ressorts de la création à l'oeuvre dans l'écriture d'un des plus grands stylistes de la langue du XIXe siècle.
 
L'article de  Linda Lê, Le Magazine littéraire - octobre 2011.
Dans son bref essai, Beau Brummell, Virginia Woolf racontait la fin misérable du dandy anglais dont elle admirait le goût "impeccable" et dont elle rappelait que le règne avait duré de nombreuses années et avait survécu à de nombreuses vicissitudes : sans avoir une seule action noble ou d'éclat à son actif, il avait "valeur de symbole". Elle s'était inspiré du livre qu'un officier, le capitaine William Jesse, avait consacré à celui qui incarnait à ses yeux l'élégance suprême qui avait subjugué le prince de Galles et tout son entourage. Décrivant l'ascension et la chute de son idole, n'oubliant aucun détail sur ses tenues, rapportant des anecdotes sur ses impertinences et ses farces parfois cruelles, sur les dernières années de sa vie, quand le prince à la mode du s'exiler à Calais, talonné par des créanciers, quand il devint fou et mourut dans un hospice, le capitaine Jesse s'était efforcé d'immortaliser un excentrique. Lorsqu'en 1843 Barbey d'Aurevilly eut l'idée de célébrer lui aussi l'homme qui avait passé pour "le type le plus accompli de la frivolité élégante, dans une société difficile", il voulut d'abord utiliser le matériau amassé par le capitane Jesse, mais, très vite, confiait-il à un de ses amis, il avait plutôt cherché à s'expliquer une influence et s'était mis à penser sur Brummell et  sur le dandysme pour ne pas écrire un récit fondé sur les "commérages les plus incertains". Du dandysme et de George Brummel, commencé avec l'entrain de qui parlait autant de lui que d'un personnage qui avait été "l'autocrate de l'opinion", se révéla une histoire d'impressions plutôt que de faits. Comme nous le précise Marie-Christine Natta dans sa préface, Barbey d'Aurevilly avait alors 35 ans, il n'avait publié que trois nouvelles et un roman, l'Amour impossible. Il avait beau qualifier son texte de "babiole", de "bluette", il comptait bien, par ce biais, acquérir quelque renommée. Il devint la coqueluche des salons, on le surnomma "Brummell II", mais ce n'était pas assez pour lui qui désirait un "succès grossier de cabinet de lecture". N'y avait-il pas chez lui, comme chez les dandys, une "inextinguible soif des applaudissements de la galerie, qui, dans les grandes choses, s'appelle amour de la gloire, et dans les petites, vanité " ? Le dandysme, selon lui, est le fruit de cette vanitié et le produit d'une société qui s'ennuie. Il est presque aussi difficile à décrire qu'à définir. Pour Baudelaire, il est une "institution vague, aussi bizarre que le duel", une institution "en dehors des lois", mais qui a "des lois rigoureuses auxquelles sont strictement soumis tous ses budgets": ce n'est même pas, comme le croient certains, un goût immodéré de la toilette et de l'élégance, c'est un "besoin ardent de se faire une originalité". Barbey d'Aurevilly, lui, voyait dans le dandysme une manière d'être qui résulte d'un "état de lutte sans fin entre la convenance et l'ennui". Il se joue de la règle et pourtant la respecte encore. Le dandy aime produire de l'imprévu, il préfère étonner que plaire, il a le génie de l'ironie, qui fait de lui un sphinx et un mystificateur. Brummel devait son foudroyant prestige à une "grande jeunesse relevée par l'aplomb d'un homme qui aurait su la vie et qui pouvait la dominer". Il ne se distinguait pas seulement par sa mise et ses reparties spirituelles, mais aussi par "le plus fin et hardi mélange d'impertinence et de respect". Il avait, pendant plus de vingt ans, de 1793 à 1816, tout plié sous sa dictature, sans avoir le "vertige des têtes qui tournaient". Les femmes furent "les trompettes de sa gloire", il n'était cependant pas un libertin, car il ne s'émouvait de rien et ne se passionnait pas : se passionner, "c'est tenir à quelque chose, et tenir à quelque chose, c'est se montrer inférieur".  Brummel était-il un soleil couchant, le dernier "représentant de l'orgueil humain" dont Baudelaire prédisait la disparition ? Ou, comme l'espérait Barbey, resterait-il toujours des hommes comme lui, "androgynes de l'histoire", "natures doubles et multiples, d'un sexe intellectuel indécis, où la grâce est plus grâce encore dans la force, et où la force se retrouve encore dans la grâce" ? En faisant le portrait d'un enfant gâté de la fortune qui devait connaître la disgrâce et sombrer dans la folie, Barbey exorcisait peut-être ses propres démons et, à la manière des dandys, s'imposait comme un "oseur" qui jetait le trouble dans une société ossifiée. 

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