la dame de l'été | ||
Je vis la dame de l'Été, Magnétique et charnelle. Des éclairs et des voluptés, Des feux, des fleurs, des ailes, La nimbaient, comme projetés Par sa robe autour d'elle. Je vis les amours s'exhaler De sa splendeur vivace. Et je n'osais pas lui parler, Tant m'émouvait sa grâce. Mais sur ses pas je suis allé, Et j'ai baisé ses traces. | ||
louis mandin (1872-1943). Les Saisons ferventes (1914). |
la dame de l'hiver | ||
Je vis la dame de l'Hiver, Blanche en son manteau beige. Son corsage tendait à l'air Un gros bouquet de neige. En ses yeux, sur la brume ouverts, Vivait un sortilège. Grave et stoïque, elle m'a dit : « Je suis celle qui pense. Tout est morne et comme maudit Sous cette bise immense. Mais je garde le paradis Dans mon cœur en silence. « Et toi, fais de même, et chantant De ta voix frêle et pure, Garde les germes du printemps, Les fleurs de la nature ! Il reviendra, le jeune temps Où tout se transfigure. « Ils reviendront, les tendres jours, Dorer ta destinée. Alors, si ton front est plus lourd, Plus pesant d'une année, Plus douce encor sera l'amour D'être en mai si fanée. « Oh ! douce, douce infiniment, D'être en mai si blessée !... Mais l'hiver noir cingle ton sang De ses flèches pressées. Allons, ton courage en avant. Et tes mâles pensées ! « L'hiver, pour qui ne veut périr. C'est le travail, superbe Comme un ciel froid où vont s'ouvrir Les étoiles acerbes. Tandis qu'avant de refleurir Les morts gèlent sous l'herbe. » | ||
louis mandin (1872-1943). Les Saisons ferventes (1914). |
un soir d'été | ||
Le soleil verse à longs flux d’or son fécondant génie A la terre, et l’été brille dans le gazon. Pour quelques derniers jours la nature et ma vie Ont la même saison. Oh ! je sais que demain déjà, là-bas, la jeune aurore Ne ressemblera plus à sa sœur d’aujourd’hui, Et qu’en bien regardant j’y pourrais voir éclore La face vague de la nuit. Et je pense à qui sut, joyeux, semer et qui moissonne. Le signe des moissons flamboie aux cieux chantants. Les hommes de mon âge ont des greniers contents. Moi, pour m’être au berceau du rêve assoupi trop longtemps, Seul j’aurais les deux mains vides des fruits d’automne. Et seul le cœur, en vain, plein toujours des fleurs du printemps. | ||
louis mandin (1872-1943). Revue Vers et Prose (février-mars 1910). |