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1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 11:30
Le Monde comme volonté
et comme représentation
        


de Arthur Schopenhauer
Mis en ligne : [1-02-2010]
Domaine : Idées

 

Schopenhauer.jpg

 

Arthur Schopenhauer (1788, 1860). Dernières traductions en français :  L'amour sexuel, sa métaphysique (2008, Stalker Editeur), Penser par soi-même (2009, Coda), Sur la philosophie des universités (2009,  Coda), Les deux problèmes fondamentaux de l'éthique (2009,  Gallimard, "Folio-Essais") .


Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation I et II, Traduit de l'allemand par Christian Sommer, Vincent Stanek et Marianne Dautrey, Paris, Gallimard "Folio-essais", octobre 2009, 2352 pages.


Présentation de l'éditeur.
L'oeuvre de Schopenhauer reste en France encore largement méconnue. Disséminée en de multiples opuscules de philosophie digeste et d'aphorismes divertissants, elle a ainsi vu son unité malmenée au gré des publications tronquées. La parution d'une traduction inédite et intégrale du Monde comme volonté et représentation offre ainsi l'occasion de reporter l'attention sur l'entreprise proprement philosophique de Schopenhauer, sur l'intention fondatrice qui unit tous ces développements éparpillés au gré des découpages éditoriaux. Le Monde est l'ouvrage dont il faut sans cesse repartir pour comprendre Schopenhauer. Voilà déjà longtemps que la nécessité se faisait sentir d'offrir aux lecteurs francophones une image plus moderne, et nous l'espérons plus fidèle, de la pensée du maître de Nietzsche.

La critique de Nicolas Weill. - Le Monde des livres, 9 octobre 2009.
La nouvelle vie d'Arthur Schopenhauer. On ne saura assez saluer l’excellente surprise éditoriale que constitue cette traduction, aussi magistrale que nouvelle, du Monde comme volonté et représentation, le chef-d’oeuvre du philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860). Certes, à elle seule, l’expérience de lecture d’un tel monument encyclopédique représente un événement. Isolat philosophique mal compris de son temps, la pensée schopenhauerienne se présente comme un geste de rupture avec l’idéalisme qui, en ce début du XIXe siècle, faisait de l’intuition intellectuelle et de la représentation la voie royale de la vérité. Ce que Le Monde… annonce, c’est que la pierre angulaire de toute réalité, ce que Kant avait désigné par l’obscure notion de “chose en soi”, est au contraire une volonté cosmique aussi aveugle que contingente, dont l’univers connaissable n’est que le reflet phénoménal. Il en résulte un pessimisme métaphysique aux antipodes du triomphalisme hégélien comme de l’esprit du capitalisme naissant, que seul tempère, aux yeux de Schopenhauer, l’art - en particulier la musique - ou la sainteté. Un pessimisme qui devait se révéler tardivement comme une philosophie adaptée à notre ère d’après- catastrophes. Au point de séduire de façon inattendue une figure déterminante de l’école de Francfort, Max Horkheimer. Mais Schopenhauer a marqué encore plus tôt les écrivains et les artistes : Wagner, Proust, Thomas Mann, Beckett et, plus près de nous, Thomas Bernhard. Comme si le contexte véritable dans lequel ce rentier bourgeois et solitaire, travaillant à l’écart de l’université, a produit son oeuvre-vie, était le nôtre. Lui, sorte de Monsieur Homais allemand d’outre-Rhin, à la fois thuriféraire du néant et amateur de Rossini, n’aura joui d’un début de consécration qu’à la toute fin de son existence. Pour ce qui est de sa carrière française, il aura été aussi moins chanceux que son maître à penser, Kant, sans cesse traduit et retraduit. Le Monde…, lui, ne l’avait pas été depuis 1885. Et il s’agissait de la première traduction, due à Auguste Burdeau, figure de kantien très “IIIème République”, croqué méchamment par Maurice Barrès dans ses Déracinés sous les traits du sentencieux professeur Bouteiller. Toujours disponible, cette traduction avait été, il est vrai, bruyamment saluée par l’élève le plus célèbre de Schopenhauer, Nietzsche. Schopenhauer, lequel lisait et écrivait dans la langue d’un Voltaire qu’il adorait, avait selon Nietzsche trouvé sa vraie place en français ! Le temps écoulé depuis justifiait en tout cas que le groupe de spécialistes dirigé par Christian Sommer remette la main à la pâte depuis le début des années 2000. Le résultat est à la mesure de l’énormité de la tâche. Tout concourt à ce que cette version-là, sortie directement en poche, fasse désormais autorité dans l’espace francophone. Elle propose au lecteur la première édition scientifique française de Schopenhauer. Des centaines de notes forment le commentaire linéaire d’un ouvrage qui, tout en étant à mille lieues de la rhétorique académique de son époque et de la nôtre, reste parfois difficile. Les traducteurs ont pris soin d’établir et de distinguer par des crochets les strates textuelles de l’écriture du livre. En se fondant rigoureusement sur l’ultime édition contrôlée et révisée par l’auteur, celle de 1859 (la première remontait à 1818-1819), ils ont mis fin à de nombreuses imprécisions qui grevaient la compréhension et la cohérence de l’ensemble. L’une des notions fondamentales du Monde…, celle de “Wille zum Leben”, a été systématiquement rendue par “volonté de vivre” et non plus “vouloir vivre”. Cette substitution n’est pas qu’une coquetterie : “volonté de vivre” rend mieux la nature intentionnelle et cosmique - et non pas simplement égoïste et psychologique - du concept de volonté chez Schopenhauer, qui s’éprouve certes dans le corps, mais qui s’incarne aussi dans la nature. Certaines réserves d’un autre âge ont été évacuées. Ainsi le célèbre chapitre 44 des Compléments (en réalité un deuxième volume aussi épais que Le Monde… lui-même) retrouve-t-il son titre plus conforme non seulement à l’original allemand, mais aussi à son contenu audacieux pour l’époque, de “Métaphysique de l’amour sexuel” (Geschlechtsliebe) au lieu du prude “Métaphysique de l’amour” chez Burdeau. Mais surtout il redevient possible de lire Le Monde comme volonté et représentation (ainsi que Les Deux Problèmes fondamentaux de l’éthique) moins à la lumière de ceux dont on dit que Schopenhauer fut l’inspirateur (psychanalystes, philosophes de la vie, nihilistes modernes de tout crin) qu’à celle de ses sources. Kant en premier lieu, mais aussi Spinoza ou Malebranche. Enfin, comme le souligne Sommer avec érudition, on sent plus que jamais à quel point Schopenhauer aura été le premier à introduire dans la philosophie occidentale la pensée de l’Inde, certes connue par lui de deuxième main, mais avec une bien plus grande information qu’on ne l’avait soupçonné jusqu’alors. Passage obligé de tout homme cultivé de la Belle Epoque, la philosophie de Schopenhauer avait peut-être subi une éclipse. Quand elle n’a pas été réduite aux aphorismes grinçants et folkloriques que le personnage débitait avec complaisance. Par leur masse, ces trois épais volumes la restituent pour ce qu’elle est : un système qu’il convient de prendre avec le sérieux de son inventeur, synonyme pour lui d’ascèse qui nous guérit du monde. »

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