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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 11:00
Bonapartismes

C'est le sourire aux lèvres que beaucoup de Français ont accueilli, jeudi dernier, la relaxe de M. de Villepin dans le procès Clearstream. Le personnage, à défaut d'être entièrement sympathique, a du panache et ce pays a encore un certain goût pour le panache, même si, dans le cas d'espèce, l'empanaché n'a ni la sobriété, ni la candeur de Cyrano ou de d'Artagnan. Son "je suis ici par la volonté et l'acharnement d'un homme, Nicolas Sarkozy" a résonné bien au-delà du prétoire et nombre de nos concitoyens, à l'annonce du jugement du tribunal correctionnel de Paris, ont eu le sentiment qu'une certaine justice était passée. Le spectacle du chef de l'Etat, mauvais joueur, emberlificoté dans les questions des journalistes, au fond de lui même vert de rage et noir de colère, ont fait de ce 28 janvier 2010 une belle et bonne journée.

Il est toutefois dommage que M. de Villepin n'en soit pas resté là, en tous cas dans l'immédiat. En se posant tout de suite comme "une alternative",  en proclamant un peu pesamment "vouloir participer au redressement du pays", il a lui-même pris le risque de faire sourire. Sa volte face immédiate, lorsqu'il a appris l'appel du parquet, et les querelles toutes personnelles dans lesquelles il est subitement retombé, ont enlevé beaucoup de crédibilité à ses nobles et gaulliennes déclarations du matin. C'est dommage.

Mais fallait-il attendre autre chose de M. de Villepin ? Les Français n'ont pas toujours la mémoire courte. Ceux là même qui ont salué d'un sourire ou d'un clin d'oeil son jugement de relaxe savent parfaitement à quoi s'en tenir sur le personnage. Sur le ministre des affaires étrangères inspiré au moment de la crise irakienne, comme sur le Premier ministre velléitaire, brouillon et insupportable qui prétendait vouloir "prendre la France comme une femme" et finit par faire descendre toute la jeunesse dans la rue contre son Contrat Premier Emploi. Cette gestion à la hussarde, à coups de menton et sans vrai résultat n'a pas laissé que de bons souvenirs.

M. de Villepin est bonapartiste. Il en fait doublement profession, comme écrivain et comme homme politique. M. Sarkozy lui aussi était bonapartiste, il a fondé toute sa campagne de 2007 sur les postures, les coups de menton et les recettes expéditives, sur les faux discours de grandeur d'Henri Guaino et sur un culte dévoyé de l'action. On voit aujourd'hui les fruits de ces illusions et de cette mauvaise politique. La France ne peut plus se payer le luxe d'une nouvelle expérience césariste, pas plus avec M. Villepin qu'avec M. Sarkozy.

Comme nous l'écrivions dans cette même revue, il y a presque un siècle, en mettant déjà l'opinion nationale en garde contre l'aventurisme politique, " la prétention bonapartiste ne consiste pas en une volonté de faire prévaloir la seule solution exacte du problème français, et à rechercher d'abord le voeu, les exigences des réalités et des intérêts français. Jamais un Bonaparte s'est-il recommandé de l'accord indestructible de sa pensée avec l'intérêt national? Cette dynastie ne propose pas au peuple français une solution de raison, mais d'imagination. Elle a su, en des périodes de crise sentimentale ou d'affaissement nerveux, exploitant le malheur des temps, s'offrir à calmer le trouble des esprit. Toujours, elle fut tributaire des circonstances et vouée à l'opportunisme. (...) La politique française fut dès lors d'imagination, et non plus de raison. Insensiblement son grand caractère s'abaissa à cet indigne emploi : abuser le plus noble des peuples."  (1) Nous n'avons rien à rajouter à ces lignes toujours pleines d'actualité.

 Paul Gilbert.

 


(1). La prétention bonapartiste, Revue Critique des Idées et des Livres. - 10 décembre 1910.

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