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25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 14:38

A nos lecteurs 

Voici plus d'un siècle qu'une poignée de jeunes gens regroupés autour des écrivains et journalistes Jean Rivain, Pierre Gilbert, Henri Clouard, Eugène Marsan, Georges Valois donnaient naissance à cette Revue Critique des Idées et des Livres.

Ce 25 Avril 1908, peu d'entre eux misaient sur la longévité d'une œuvre qui les rassemblait surtout par l'amitié. Et pourtant, de cette équipe devait naître une brillante école de critique littéraire et un des premiers essais réussis de « revue engagée » dans les luttes politiques et sociales de son temps. Grande rivale de la NRF, qui surgissait à la même époque, la Revue Critique rameutait et cristallisait en quelques années une pléiade de talents confirmés ou naissants, historiens, critiques, publicistes et philosophes, séduits par sa liberté de ton, l'audace et la chaleur enthousiaste qui émanaient de ses pages.

Ce succès correspondait aussi à un projet clair et en phase avec son  temps : promouvoir l'esprit classique sous toutes ses formes, en alliant respect des disciplines, esprit de légèreté et goût de la nouveauté ; mettre en valeur la civilisation française, en ce qu'elle a de permanent, de créatif, d'universel ; faire émerger un nouvel esprit critique, débarrassé des brumes doctrinaires du XIXe siècle, en rassemblant le parti de l'intelligence et celui des politiques.

Si l'entreprise intellectuelle devait tourner court au début des années 1920, c'est que les esprits qui l'ont animée ont rarement passé l'épreuve de la Grande Guerre, que les meilleurs d'entre eux ont donné leur vie pour une France qu'ils voulaient victorieuse. Le flambeau de la renaissance classique passera alors dans d'autres mains.

De cette aventure fulgurante, il reste plus que quelques livres, qu'un ensemble d'articles destinés à faire le miel des historiens. Un héritage s'est constitué, un état d'esprit s'est formé que nous souhaitons faire renaître et  revivifier. En lançant aujourd'hui cette nouvelle série de la Revue Critique des Idées et des Livres, nous exprimons la conviction que cet héritage, que cet état d'esprit, conçus à l'orée du XXe siècle naissant, peuvent être utiles à ceux qui, à l'aube de ce nouveau siècle, sont eux aussi à la recherche de valeurs de vie.


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Car, par delà les fidélités et la concordance des idées, ce qui réunit aujourd'hui les rédacteurs de cette nouvelle Revue Critique, c'est le présent et la volonté de lui donner un sens. Il y a urgence à recréer un esprit public, à redonner au politique l'espace qui lui est du, au sortir d'un siècle où le primat de l'économie, la dictature de l'argent, l'arrogance des oligarchies ont réduit la liberté des peuples. Un vent plus favorable semble à nouveau souffler sur les nations. Puisse-t-il nous ramener le sens du bien commun, du lien social, de la cité faite pour l'homme, de la communauté qui enracine, donne confiance et rend possible l'ouverture aux autres. Mais cet espoir est encore fragile. Nous voulons lui donner vie et place.

Ce qui nous unit également, - journalistes, essayistes, écrivains, poètes ou  simples citoyens engagés -  c'est la passion de la France, c'est la conviction que l'aventure française n'est pas achevée, qu'elle peut et qu'elle doit repartir parce qu'elle est porteuse d'idéaux pour les temps qui viennent. Dans un monde enfin débarrassé du « socialisme réel » et que le modèle mercantile anglo-saxon révulse de plus en plus, les consciences vont pouvoir à nouveau s'exprimer, l'esprit de création renaître, de grandes nations émerger ou réapparaître ; le dialogue des peuples est à nouveau possible. Dans cet univers plus ouvert, la présence de la France est attendue. Notre pays est appelé à retrouver sa place dans le concert des nations, une des toutes premières.

Mais pour que la France soit forte, qu'elle soit conquérante, attirante, porteuse d'une partie de la liberté du monde, il faut qu'elle soit à nouveau elle-même. Qu'elle soit libre, souveraine, décidée à jouer son jeu, attentive à ses amis anciens et nouveaux, sans révérence pour les puissants. Qu'elle fasse le choix du talent, de la création et de l'innovation, qui sont les premières valeurs d'une nation d'hommes libres. Qu'elle fasse le choix de la solidarité, car il n'y a pas de grand peuple, fort et uni, qui ne soit fraternel. Qu'elle tire aussi mieux parti de sa prodigieuse diversité, en libérant les énergies locales et régionales de toutes natures qu'une centralisation absurde a trop longtemps bridées.

Certains jugeront que la France n'a plus les moyens de cette ambition, que son avenir ne peut s'envisager qu'adossé à d'autres destins, à d'autres avenirs, européens, atlantiques, occidentaux. Comme si le monde devait continuer à vivre sur les mêmes schémas, selon les mêmes alliances, dans les mêmes polarités que ceux qui sont nés du dernier conflit mondial ! Notre conviction est, qu'au contraire, l'ère des empires va s'estomper, que l'avenir appartiendra à nouveau d'ici peu à des nations souples et mobiles, disposant de réseaux d'influence et d'amitié dans tous les continents mais qui refuseront d'abandonner leur destin à qui que ce soit. Tel peut être, tel doit être le projet de la France, pour peu qu'elle sorte du climat d'incertitude qui l'étreint aujourd'hui. D'un malaise qui nous empêche de voir que nos atouts sont intacts, que notre projet commence d'ailleurs à prendre forme en Europe, puisque la France y sera, d'ici le milieu du siècle, le pays le plus étendu, le plus peuplé et qu'elle a tous les moyens d'en être le pôle le plus dynamique.

Cette revue remplira son rôle si elle permet à quelques hommes libres, unis pour cette tâche, de dessiner ces perspectives positives pour la France, d'en montrer les voies et les moyens, de contribuer à dissiper les discours de dénigrement et de déclin qui nous empêche d'agir. Mais pour ambitieux que nous soyons, nous sommes aussi réalistes. Le redressement de la France suppose une volonté, il exige également que certaines conditions soient réunies. La première d'entre elles, c'est la constitution d'un « parti des politiques», c'est le rassemblement de ceux qui, par delà leurs convictions partisanes et sans d'ailleurs les renier, entendent œuvrer d'abord avec le souci de la chose publique, dans le sens de notre intérêt commun. Nous entendons y contribuer.

Mais le renouveau français passe aussi par une volonté politique au sommet, par des institutions qui en permettent et en favorisent la réalisation. Notre histoire témoigne que la monarchie française fut pendant de longs siècles la condition de notre liberté, de notre unité et de nos succès. Le vide qu'elle a laissé chez nous est immense, alors que d'autres peuples - certains tout proche -  nous montrent chaque jour l'avantage qu'ils tirent de leurs institutions traditionnelles. C'est pourquoi les rédacteurs de cette libre revue pensent, pour la plupart, qu'une monarchie moderne, s'appuyant sur le meilleur de nos institutions passées, soucieuse de préparer l'avenir, est une condition essentielle de notre renaissance.

Ce qui nous rassemble, enfin, c'est l'esprit de civilisation. Nous nous considérons comme les héritiers, non point contraints mais libres et volontaires, de cet immense mouvement qui depuis Athènes et Rome fait que tout progrès humain se construit autour des valeurs du beau, du bon et du bien. Nous croyons que ce progrès est le sel même de l'existence ; qu'il est le résultat d'un effort patient, tenace, d'une maturation séculaire de la pensée, des sciences, des arts, des lettres, enrichi par l'esprit d'innovation des créateurs de chaque époque. C'est pourquoi, rejetant à la fois tout nihilisme et tout déterminisme, la Revue Critique cherchera à promouvoir ce mouvement de l'intelligence qui est à la base de tout esprit classique. Attentive à toute création, elle s'efforcera de rendre aux Français confiance en eux-mêmes, en soulignant avec fierté ce qui se fait de noble et de grand dans tout le pays, et en montrant, dans le même temps, en quoi ces réalisations participent au mouvement de civilisation universel.


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Forte de ces convictions, la Revue Critique sera d'abord une revue d'idées. Si les idées sont parfois meurtrières, elles peuvent aussi être salvatrices. En tout cas, elles méritent qu'on les étudie, qu'on rassemble les meilleures, qu'on en forge de nouvelles. Telle était, dès l'origine, et telle restera la vocation de cette publication, revue de critique, mais critique faite avec sympathie et optimisme en vue de l'action. Elle s'efforcera de retenir toutes celles qui permettront une meilleure harmonie dans la Cité et un épanouissement plus complet de l'homme.

C'est dire que cette revue ne sera pas neutre. En philosophie, en politique, dans le domaine social et en économie, elle proposera, sans jamais négliger de laisser s'exprimer ceux qui espèrent, ceux qui cherchent à éclairer ou à préparer l'avenir, ceux qui tentent d'imaginer ou de construire autre chose que ce qui existe. Tribune de combat, elle sera également un lieu où s'élaborent de nouveaux points de vue et où ils sont débattus.

Faisant alterner les études de critique politique et sociale avec l'histoire, la littérature et l'art, la Revue critique renouera avec sa tradition d'éclectisme. Les idées qu'elle analysera, si éloignées soient-elles de celles de ses collaborateurs, le seront toujours avec le souci d'y découvrir quelque parcelle de vérité dont elle fera son butin. Elle se veut ainsi libérale au sens qu'avait  originellement ce mot, c'est-à-dire généreuse, attentive à la pensée de l'adversaire, respectueuse des constructions de l'esprit.

Mais nous serons aussi pleinement dans le présent et dans la réalité. Trop d'exemples montrent que les idées deviennent folles lorsqu'elles perdent le contact avec le vrai cours des choses, et que les idéologies les plus attirantes sont dangereuses lorsqu'elles oublient les hommes. Nous scruterons donc le monde tel qu'il est, c'est à dire le mouvement des nations, des écoles ou des institutions qui sont au cœur de l'activité politique et sociale ou de la création artistique ou littéraire. Et nous laisserons parler les hommes qui les dirigent, sans complaisance, ni sectarisme.

Démocrite disait que « la parole est l'ombre de l'action ». Cette maxime, étendue à la politique, à l'économie comme à l'art, nous servira de devise.

La Revue Critique.

 

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