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3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 18:42
L'âme d'un             
peuple en guerre
     




 

On ne saurait trop louer les Éditions Taillandier[1]. d'avoir rassemblé quelques-uns des meilleurs et des plus émouvants discours de guerre de Sir Winston Churchill. M. Guillaume Piketty, dont nos lecteurs connaissent le talent et qui nous a récemment donné un remarquable recueil sur les Français en résistance[2], s'est chargé du choix et de la présentation. Celle-ci a pris la forme d'une préface succincte, mais toute en nuances, qui rappelle l'oeuvre politique mais aussi littéraire de Churchill pendant la guerre, ainsi que de petites fiches parfaitement synthétiques qui resituent ces trente discours, prononcés aux Communes, à la BBC ou devant des auditoires variés, dans leur contexte du moment.

M. Piketty a raison d'écrire que "la guerre fut la grande affaire de Churchill". Il la rencontra régulièrement durant toute sa carrière d'officier et d'homme d'Etat et elle fut pour lui une sorte de passion dramatique. On oublie souvent de rappeler qu'en plaçant Churchill à la tête de leur gouvernement en 1940, les britanniques firent d'abord le choix d'un homme de guerre. Rejeton d'une grande dynastie militaire, le descendant des ducs de Malborough fut lui-même un brillant  soldat qui s'illustra sur tous les théâtres d'opération de l'Empire, en Inde, au Soudan et en Afrique du Sud, faisant montre d'une témérité et d'un courage exemplaires. Il fut également un administrateur avisé des questions militaires; plusieurs fois ministre, il rénova en profondeur la marine, créa l'arme aérienne et modernisa l'administration des colonies. Ses discours s'en ressentent; comme ceux du général de Gaulle, ils ont la netteté, la précision du guerrier et du chef, ainsi que son sens du tragique. Ils expriment, en même temps qu'une émotion, une volonté.

Mais c'est, bien évidemment, dans le drame de la Seconde Guerre Mondiale que l'implication de Churchill fut la plus décisive. La succession des discours, dans leur ordre chronologique, restitue la longue, harassante, périlleuse et coûteuse marche de l'Empire britannique vers la victoire. Churchill,  presque seul en 1938, refuse l'ignominie de Munich et pointe la guerre qui vient. Dès son entrée au cabinet de guerre en 1939, il définit parfaitement les enjeux du conflit: "il ne s'agit pas de  se battre pour Dantzig ou de combattre pour la Pologne. Nous nous battons pour préserver le monde entier de cette peste qu'est la tyrannie nazie et pour défendre ce que l'homme a de plus sacré". C'est cette inspiration qui le guide dans les deux terribles années qui suivent, où, désormais en charge du gouvernement, il assiste, effaré, à l'effondrement de la France, se reprend et mobilise toutes les énergies pour sauver l'Angleterre.

C'est dans ces heures où toutes les certitudes sont balayées, où la Grande Bretagne se retrouve brusquement seule au monde, que les mots de Churchill frappent le plus juste. A son peuple, il n'offre que "du sang, du labeur, des larmes et de la sueur", à ses soldats il n'ouvre qu'une perspective, celle de vivre "leur plus belle heure", à ses pilotes il apporte l'hommage de la nation "jamais, dans l'histoire de l'humanité et de ses guerres, tant de gens ont dû autant à si peu d'hommes", à la France vaincue il adresse les mots du réconfort et de l'espoir "Dieu protège la France!". Et puis progressivement, la confiance revient; c'est l'heure des premiers succès, des premières victoires. Mais Churchill refuse de céder à l'optimisme: après El-Alamein, il entrevoit non pas la fin, ni le commencement de la fin, mais "la fin du commencement"; en plein siège de Stalingrad, il exhorte les britanniques à "ne pas se laisser séduire par les apparences enjôleuses de la bonne fortune" mais à "placer leur confiance dans les courants profonds et lents des marées qui nous ont portés si loin déjà". Voici enfin la victoire, puis l'incroyable démission en juillet 1945 et le discours que le vieux lutteur fatigué fait, aux Communes, en guise de bilan et de testament en août 1945. 

On trouvera du plaisir à lire tous ces textes, plaisir mêlé toutefois d'un peu de nostalgie. La langue de Churchill est riche, sa culture immense; à tous moments, il fait appel aux  Anciens, aux poètes, à l'Histoire; son lyrisme, surtout lorsqu'il évoque les pages glorieuses de la couronne britannique, est impressionnant. Le patriotisme auquel il se réfère  est authentique, simple, aux antipodes des nationalismes qu'il combat. Et surtout, Churchill soigne ses interventions, il recherche la clarté, il veut exposer le plus complètement possible ses vues, sa politique, ses décisions. Car, en homme respectueux des institutions, il sollicite chaque fois que possible l'assentiment de son monarque et du Parlement. A l'heure où tant d'histrions, de démagogues ou de cuistres encombrent nos tribunes politiques, quelle belle leçon de démocratie nous donne rétrospectivement Sir Winston Churchill! 

François Renié.



[1]. Winston Churchill, Discours de guerre. (Texto, mai 2009, 430 pages)

[2]. Français en résistance. Carnets de guerre, correspondances, journaux personnels. Edition établie et présentée par Guillaume Piketty. (Robert Laffont collection « Bouquins », 2009, 1.216 pages)


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