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9 janvier 2010 6 09 /01 /janvier /2010 11:40
Provocations à Jérusalem

Alors que les négociations israélo-palestiniennes restent désespérément au point mort, la situation se dégrade de jour en jour entre les deux communautés juives et arabes à Jérusalem. Sous la pression des colons juifs, agités par le gel des constructions en Cisjordanie, le gouvernement de M. Nétanyahou joue ouvertement le jeu d'une relance du processus d'annexion de Jérusalem-Est, majoritairement arabe. Selon le quotidien Haaretz, les expulsions de Palestiniens dans cette partie de Jérusalem ont atteint un niveau record en 2008 (près de 5000 contre 8500 de 1967 à 2007) et le processus semble s'être encore amplifié en 2009.

Dans chacun des cas, la méthode est la même : les organisations de colons - comme Ateret Cohanim, fondée par le milliardaire américain Irving Moskovitz - s'appuyant sur le fait que ces terres ont appartenu dans le passé à des juifs obtiennent de la municipalité de Jérusalem l'expulsion immédiate de leurs occupants palestiniens. Ces familles, pour la plupart relogées à Jérusalem après leurs expulsions de Jaffa ou d'Haïfa, demandent alors à récupérer leurs anciens logements. Mais les tribunaux israéliens, qui approuvent les revendications des colons, ne tiennent aucun compte des demandes de restitution émises par les Palestiniens. Au fur et à mesure de ces expulsions, se constituent des sorte d'enclaves colonisées au sein des quartiers musulman et chrétien de la vieille ville. Autres moyens utilisés par la municipalité de Jérusalem pour inciter les populations palestiniennes à partir : la multiplication des décisions de démolition pour habitat "insalubre" et le rationnement des permis de construire.

Cette scandaleuse politique d'apartheid a été dénoncé en 2009 avec une certaine vigueur  par les consulats européens présents à dans la vieille ville arabe. Selon leur dernier rapport, Israël "a poursuivi, par des moyens pratiques son annexion illégale de Jérusalem-Est en affaiblissant la communauté palestinienne de la ville, en empêchant le développement urbain des Palestiniens et, au bout du compte, en séparant Jérusalem du reste de la Jordanie". Selon ce document, cette stratégie israélienne à long terme, appliquée à un rythme accéléré, vise à affaiblir la perspective d'une capitale palestinienne à Jérusalem-Est et poursuit une politique délibérée visant à rendre progressivement impossible une solution à deux Etats.

La situation est devenue suffisamment intolérable pour que l'Union Européenne s'en saisisse au plan politique. A l'initiative de la Suède, qui mène depuis plusieurs mois une action diplomatique résolue contre les boutefeux du gouvernement israélien, les ministres des affaires étrangères de l'Union ont approuvé le 8 décembre dernier une déclaration commune appelant à ce que Jérusalem devienne "la future capitale de deux Etats, palestinien et israélien, dans le cadre d'un règlement négocié". Ils ont dit "leur vive préoccupation face au blocage du processus de paix au Proche Orient, et réaffirmé n'avoir jamais reconnu l'annexion de Jérusalem-Est en 1967 par l'Etat hébreu" ni les changements de frontières imposés par la force à cette date. La résolution proposée par la Suède était d'ailleurs plus explicite sur le statut futur de Jérusalem-Est, ce qui aurait permis de légitimer les actions engagées au plan du droit international par les Palestiniens expulsés. Les réserves émises par les défenseurs habituels du gouvernement israélien au sein de l'Union, Allemagne, Italie, Pays Bas - auxquels la France s'est associée, au mépris de ses positions constantes sur Jérusalem Est - n'ont malheureusement pas permis d'être aussi explicite.

La réaction des européens est-elle de nature à faire changer d'orientation le gouvernement Nétanyahou? On peut sérieusement en douter. Israël, qui n'est plus aujourd'hui à une provocation près vis à vis de la communauté internationale - a dévoilé fin décembre un projet de construction de 700 nouveaux logements dans des secteurs de Cisjordanie proches de Jérusalem Est. Malgré de nouvelles protestations de l'Autorité palestinienne et des Etats Unis, les appels d'offre concernant ce programme viennent d'être confirmés par le ministère israélien de la construction. Un important dispositif policier et militaire est prévu pour assurer la sécurité des chantiers.

L'affaire de Jérusalem-Est peut avoir des conséquences de grande ampleur. A la fois  parce qu'elle met à nouveau la population palestinienne sous tension, à la merci des extrémistes. Et parce qu'elle confirme quelque part le désarroi et la confusion qui règnent au sein du cabinet israélien. M. Nétanyahou, qui doit sa survie politique aux groupes religieux les plus extrêmes, en est réduit à naviguer à vue. Au point de ne pas mesurer à quel symbole il s'attaque en ouvrant ses chantiers dans la vieille ville arabe. Au point de ne pas voir la nouvelle donne diplomatique qui s'esquisse dans la région - retour de la Syrie, poids de la Turquie, changement d'orientation de la politique américaine, influence de la Russie - qui est en train de modifier très profondément les rapports de force, en défaveur d'Israël. Le vent tourne au Proche-Orient. Il serait temps que les responsables israéliens en prennent conscience. Avant qu'il ne soit trop tard.

Claude Ares.


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