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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 22:40
Le chat et les souris

Décidément, Vaklav Klaus a bien du talent ! Jouer seul contre vingt-six dans la course à la montre pour la ratification du traité de Lisbonne demande déjà un bel effort. Mais accomplir un tel parcours tout en narguant les autres joueurs et en les faisant tourner en bourrique relève véritablement de l'exploit sportif.  C'est ce que vient de faire l'excellentissime chef de l'Etat tchèque en ré-exhumant le dossier empoisonné des décrets Benès. Et voilà que toutes les souris européistes, à commencer par le mirobolant Barroso, se jettent à corps perdu sur ce morceau de fromage vénéneux.

Nous sommes sûr que nos lecteurs gardent une bonne mémoire des péripéties de l'histoire récente. Ils se souviennent certainement qu'à la fin de l'été 1938, Adolf Hitler, poursuivant un plan  préparé de longue date, demanda et obtint, après Munich, le rattachement au IIIe Reich des 3 millions d'Allemands des Sudètes, alors sujets tchéco-slovaques. Une grande partie d'entre eux eurent l'imprudence et le malheur de jouer les supplétifs du régime nazi, dans une Tchécoslovaquie sous la botte allemande. Bien mal leur en pris. L'histoire n'aimant pas les vaincus, ils furent expulsés immédiatement après la guerre et le nouveau gouvernement tchèque, présidé par Edvard Benès, confisqua tous leurs biens. En échange de quoi l'Etat tchèque ne réclama pas de dommages de guerre à l'Allemagne vaincue. Voilà pour les décrets Benès.

Comme il se doit, les Sudètes spoliés n'ont pas laché prise et ils exercent régulièrement des pressions sur la République tchèque pour récupérer leurs biens. En particulier depuis l'introduction dans le traité de Lisbonne d'une Charte des droits fondamentaux, sur laquelle ils fondent beaucoup d'espoir. Comme on peut l'imaginer, l'immense majorité du peuple tchèque, qui a la mémoire longue, n'apprécie que très modérément leurs revendications, surtout lorsqu'elles paraissent  soutenues par des mains allemandes. Voilà  pourquoi le président tchèque demande aujourd'hui une protocole additionnel au traité de Lisbonne, garantissant la pérennité des décrets Benès. Il ajoute au passage que ce privilège n'est pas plus excessif que ceux que les Irlandais, les Anglais ou les Polonais ont obtenu en échange de leur adhésion au traité. On voit que l'argumentaire est assez bien pesé ! Avec le recours déposé devant la Cour constitutionnelle de Prague contre le traité, M. Klaus dispose maintenant de deux fers au feu.

Les Lisbonnards sont évidemment tombés dans le panneau à pieds joints. En réagissant avec fureur à la demande de M. Klaus, en sommant celui ci de ratifier le traité au plus vite et sans conditions, M. Barroso et le directorat européiste ont démontré une fois de plus leur manque de sang froid, de métier et leur mépris des peuples. Le président tchèque a eu beau jeu de répondre qu'il était tenu par la réponse de la Cour Constitutionnelle, qui n'examinera le recours que vers la fin du mois, et qu'il entendait que l'on traite les demandes tchèques avec un peu plus de sérieux. A Prague, la réaction des milieux politiques ne s'est pas faite attendre : les conservateurs ont pris fait et cause pour le Président, l'opposition social démocrate s'est enfoui la tête dans le sable et le gouvernement de transition de M. Fisher pousse Bruxelles à négocier. A quelques mois d'élections générales très disputées, l'opinion publique commence à grogner contre les diktats bruxellois. Résultat : Barroso, enfin conscient des risques, s'est résigné ce weekend à discuter.

Tout est désormais suspendu à la décision de la Cour constitutionnelle tchèque. Si celle ci rejette le recours, M. Klaus cherchera à arracher un dernier gage pour son pays, avant de signer. Qu'elle émette au contraire un arrêt défavorable au traité, ou qu'elle décide de prendre son temps, et la perspective d'une ratification avant fin 2009 s'évanouira. Alors, tout redeviendra  possible.


  Vincent Lebreton.

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