| Pourquoi faut-il ... Pourquoi faut-il que l'on revienne des voyages Avec le coeur pesant d'une misère accrue ? En route, j'ai cueilli des peines inconnues, Et toute la langueur de tous les paysages... J'ai souffert. J'étais seul comme toujours. Les heures Sont lentes à mourir dans la ville étrangère. L'écho n'y chantait pas des voix qui me sont chères, Les yeux n'y vivaient pas des amis que je pleure. Je n'avais avec moi que ma peine, ma peine Si médiocre, si basse et toujours obstinée... Et pourtant, quand venait la mort de ces journées, Mon coeur n'eût pas osé lui dire : tu me gênes... Car à l'heure où mon front touchait la vitre obscure, Qu'en ces climats une éternelle pluie inonde, Me voyant terrifié d'être si seul au monde, La peine mit des pleurs sur ma pauvre figure. Pourquoi, mon Dieu, est-on moins seul, alors qu'on pleure ? Le passé vient vers notre coeur et le désarme; On reconnaît le goût amer de chaque larme, Et les jours anciens revivent dans une heure... | ||
| François Mauriac. (1885-1970), L'Adieu à l'adolescence (1911). | ||
| Les grands vents d'équinoxe Les grands vents d'équinoxe ont pleuré dans les bois - Vents amers parfumés aux lointaines contrées, Qui disait la fin des vacances, autrefois. O souvenir, ô brume douce des rentrées... Je songeais en quittant le parc déjà humide, A l'enfant que j'allais retrouver, à l'ami Dont le regard pensif, caressant et soumis Illuminait pour moi les vieilles classes vides. Il est mort. Sa pensée est en moi... sa pensée... Dans le rêve de cet automne pluvieux. - Inconsolable deuil où la vie est blessée, O mon adolescence à qui je dis adieu. | ||
| François Mauriac. (1885-1970), L'Adieu à l'adolescence (1911). | ||
| Le corps fait arbre Le parfum de ta robe attire les abeilles Plus que les fruits mangés que ta sandale broie. Accueillons cet élan de végétale joie, Ce silence de la campagne où Pan sommeille. Rêve que désormais, immobile, sans âge, Les pieds enracinés et les mains étendues, Tu laisses s'agiter aux orageuses nues Une chevelure odorante de feuillage. Les guêpes voleront sur toi sans que s'émeuve L'écorce de ta chair où la cigale chante Et ton sang éternelle sera comme les fleuves, La circulation de la terre vivante. | ||
| François Mauriac. (1885-1970), Orages (1925). | ||
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