Par la Revue critique des idées et des livres
première sortie | ||
Au long du toit rustique où décline la tuile Le soleil qui s’étend et glisse en nappe d’huile S’arrête sur le bord un instant, et soudain, De son poids ruisselant tombe sur le jardin Dont la pelouse fraîche est une île étalée Qu’enserre étroitement le fleuve de l’allée. Le jour coule à flots lents au fil du sable doux Pour la première fois je n’ai plus mal du tout ; J’ai pu comme une enfant qui met sa robe blanche Reprendre pour sortir mon âme du dimanche, Et pour habituer mes pas convalescents, Ayant pris du chemin le côté qui descend, Je marche sans effort sur la brise qui m’aide En me poussant le dos du plat de ses mains tièdes. | ||
henri bouvelet (1890-1912). Revue "Shéhérazade". (septembre 1910). | ||
la volière | ||
Dans les mille maillons d’un flexible roseau, Le vent rude qui jette un filet sur la plaine Capture nos bonheurs comme on prend les oiseaux, Et sur son large dos les charge et les emmène ; Nos orgueils et nos yeux, aigles ou passereaux, L’averse les retient dans sa volière pleine Que l’orage fabrique avec ses tringles d’eau Où vient se mutiler l’effort des ailes vaines. Aux regrets pérégrins des plumes et des becs. Le songe offre un perchoir et l’art un biscuit sec Où chacun à son gré s’irrite ou se balance, Tandis qu’au bord d’une auge où croupit le silence Un merle avec ardeur des cultes puérils S’égosille à crier le retour de l’avril. | ||
henri bouvelet (1890-1912). Revue "Schéhérazade". (mars 1910). | ||
vocations | ||
Les chambres de couvent ressemblent à mes nuits : Leur veilleuse est la sœur de mon inquiétude, Et de tous les côtés ma jeunesse qui fuit Est blanchie à la chaux sévère de l’étude. Je consacre à mon dieu que blesse une croix rude Un rameau de laurier plus amer que le buis ; Et c’est loin de mes yeux que le matin dénude Avec mes doigts ardents la forme d’aujourd’hui ; Je ne suis point captif puisque j’ai pour frontière Le rectangle permis d’un petit cimetière Où je creuse dans l’ombre un trou pour mon cercueil ; Même je me complais à ce jeu qui me hausse Depuis l’instant subtil où j’ai trouvé l’orgueil D’être deux fois plus grand sur le bord de ma fosse. | ||
henri bouvelet (1890-1912). Le Royaume de la terre. (1910). | ||
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