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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 09:47
La France qui se bat
 
Valse-hésitation à la CGT. La centrale de Montreuil, qui marchait, conquérante, en tête des cortèges de l’automne, a visiblement mal digéré la fin de l’année 2010. Coup de blues de la direction après l’échec du conflit des retraites ? Durcissement du débat interne sur la stratégie d’ouverture ? Impact des mauvais résultats électoraux enregistrés fin 2010 dans des bastions comme la Poste, EDF, GDF ou la RATP ? Sans doute un peu de tout cela. D’où une série de signes de raidissement qui ont donné le sentiment d’un brusque changement de cap. Vis-à-vis du MEDEF, avec une rupture de fait des négociations sur « l’agenda social ». Vis-à-vis du pouvoir, avec le boycott très médiatisé des vœux de l’Elysée et un conflit portuaire qui met depuis des semaines les nerfs du gouvernement à vif. Et vis-à-vis des partenaires syndicaux, avec une mise en veilleuse des travaux de l’intersyndicale, sur fond de conflit avec la CFDT et FO. On parlait même fin janvier d’un départ anticipé de M. Thibault et de l’émergence d’une nouvelle direction, sur une ligne évidemment plus dure.
Nouveau coup de barre, mais dans l’autre sens, à l’issue de la réunion du comité confédéral qui s’est tenu début février. M. Thibault y est apparu très directif, sûr de lui, soucieux de montrer qu’il tenait sa maison et qu’il venait d’y mettre de l’ordre. Il a balayé d’un revers de main les rumeurs concernant sa démission et confirmé que la direction actuelle irait jusqu’au terme de son mandat, c'est-à-dire jusqu’en mars 2013. Réaffirmant la nécessité de « changements structurels rapides » au sein de la centrale, il a décidé de prendre directement en main le vaste chantier de réorganisation des fédérations qui se heurte en interne aux réticences que l’on sait. Le conseil confédéral a également adopté, à son initiative, une résolution affirmant l’attachement de la CGT à l’action syndicale unitaire, ce qui débloque de fait la situation au sein de l’intersyndicale.
Retour à la case départ ? Pas tout à fait. Il est clair que M. Thibault a du rendre des comptes à son appareil et que cette phase d’explication interne n’a pas été de tout repos. D’où une impression de radicalisation qui dissimulait en réalité un temps d’arrêt sur image. A l’évidence l’actuel secrétaire général a su convaincre. L’appareil est de toute façon largement à sa main, même si une certaine grogne y est toujours perceptible. Ses seuls vrais opposants, les trotskystes, sont à la fois actifs et très divisés, donc peu efficaces. Quant à la base de la CGT, M. Thibault sait qu’elle plébiscite à une immense majorité la stratégie d’ouverture et de dialogue qu’il a impulsé, après un demi-siècle d’immobilisme stalinien. Cette stratégie a considérablement amélioré l’image de la centrale auprès des salariés. Elle lui aura permis d’accueillir en deux ans près de 100 000 nouveaux adhérents, ce qui est en soi un gage de réussite.
Donc pas de changement de ligne, à proprement parler, mais une plus grande prudence dans sa mise en œuvre. A cela, plusieurs raisons.
En premier lieu, la nécessité d’apaiser les débats internes. Le secrétaire général de la CGT, qui tient à son image de chef et de rassembleur, a souhaité donner quelques gages à son aile dure. Il n’est plus question pour la CGT de mettre tous ses œufs dans le panier de l’intersyndicale. Elle disposera de son propre « agenda des luttes ». Elle propose également de mettre de côté la rédaction d’une plate-forme globale de l’intersyndicale au profit d’une liste de revendications plus ciblées et d’une unité d’action à géométrie variable, selon les thématiques. Une façon de maintenir la flamme de l’unité syndicale, tout en tenant compte des réticences qui existent en interne, notamment vis-à-vis de M. Chérèque et de son organisation.
Deuxième raison, le rapport de force avec le pouvoir et le patronat. Le conflit des retraites a confirmé que les syndicats, même unis, n’étaient plus en situation de bloquer durablement le pays et qu’on peut mettre plusieurs millions de grévistes dans la rue sans obtenir aucun résultat tangible. Constat objectif et amer que la CGT a visiblement muri en interne en décembre et en janvier. La seule façon de dépasser cette réalité, c’est d’évoluer vers un syndicalisme de masse, à l’allemande ou à la scandinave, s’appuyant à la fois sur une adhésion beaucoup plus large des salariés et sur une capacité à offrir à la société des contre-modèles et des voies de progrès. M. Thibault sait que cette ambition n’est pas pour demain, qu’elle appelle des rapprochements d’une toute autre nature avec la CFDT, la FSU, voire FO et sans doute une vision complètement nouvelle du syndicalisme dans notre pays. Rien dans ce domaine ne pourra s’ouvrir avant les prochaines échéances politiques de 2012. D’ici là, l’urgence, c’est de remettre la CGT en ordre de bataille, c’est de réformer ses structures pour qu’elle soit plus en phase avec la nouvelle organisation du travail, plus accueillante vis-à-vis des jeunes et des cadres. D’où l’insistance de M. Thibault à forcer le mouvement de regroupement des fédérations et à relancer les implantations dans le secteur privé. Voilà ses priorités jusqu’au congrès confédéral de 2013.
Troisième et dernière raison, le calendrier politique. D’ici 2012, M. Thibault sait qu’il n’y a plus rien à attendre des grandes négociations sociales : ni du MEDEF, qui se débat dans les conflits internes, ni d’un pouvoir qui est déjà en campagne et dont le seul objectif sera de reconquérir l’électorat des classes aisées. Il sait aussi, qu’en cas de victoire de la gauche, il devra laisser à son partenaire privilégié, la CFDT, le temps de faire son deuil des illusions social-démocrates qu’entretiennent encore certains de ses dirigeants. D’où l’insistance de la CGT à privilégier le terrain de l’action, des luttes sociales au détriment des plateformes et des programmes. Tous les sondages montrent que le climat de mobilisation sociale reste extrêmement fort dans l’ensemble du pays. M. Thibault pense que c’est en donnant libre cours à cette exaspération sociale qu’on pèsera le mieux sur les prochaines échéances politiques. L’expérience montre qu’il a sans doute raison.
 
Sur ce terrain, précisément, des conflits sociaux, ce sont une fois encore les groupes multinationaux qui font l’actualité. On mesure chaque jour d’avantage les conséquences dramatiques que peuvent avoir les reprises de sociétés françaises par des capitaux étrangers. Prises de contrôle qui sont le plus souvent facilitées, voire encouragées par les pouvoirs publics, sous couvert d’ouverture et d’attractivité internationale ! Combien de PME françaises, d’entreprises viables et prometteuses, périssent-elles ainsi chaque année, au nom du droit de leurs actionnaires américains ou des fonds de pension luxembourgeois, suisses ou néerlandais qui les contrôlent ? Ce mois-ci, ce sont les salariés de Sperian Protection, entreprise bretonne du secteur informatique, qui font les frais du contrôle de leur entreprises par le conglomérat américain Honeywell. Ce sont les 192 employés de Compétence à Brest qui se mobilisent pour que le fonds de pension nord-américain qui les contrôle se préoccupe de leur activité. Il en est de même pour les 558 employés du fabriquant de meubles Capdevieille, en lutte contre le fonds de pension luxembourgeois qui a conduit leur entreprise à la faillite. Comme pour les sites du groupe américain Ideal Standart des Ardennes et du Jura, qui enregistrent plus de 300 licenciements. On imagine également l’inquiétude des salariés de la fonderie d’aluminium Brealu de Vaux (Allier) qui viennent d’apprendre la reprise de leur site par la multinationale DMI, après que celle-ci ait exigé le licenciement préalable de  114 d’entre eux. Quant au groupe japonais Sony, qui doit une partie de sa réussite en France à son usine alsacienne de Ribeauvillé, il l’aurait volontiers fermée et licencié ses 580 salariés, sans l’action volontaire, ferme et déterminée des élus alsaciens.
Chez la plupart de nos voisins, et notamment en Allemagne et en Europe du Nord, les autorités régionales mettent en œuvre des politiques industrielles pour aider les PME, favoriser leur développement et leur diversification, drainer les capitaux privés et l’épargne locale à leur profit, dans de bonnes conditions de sécurité. En France, rien de tout cela. L’Etat, par dogme libéral, a supprimé tous ses outils d’intervention dans le champ des PME et il a considérablement réduit les moyens d’action de ses relais habituels dans ces domaines (Caisse des Dépôts, OSEO…). La privatisation des banques françaises – et leur frilosité bien connue – n’a pas amélioré la situation, bien au contraire. Et le même Etat, cette fois par esprit jacobin, se refuse à donner aux régions les compétences et les moyens d’une action ambitieuse en faveur de nos entreprises locales. Résultat : par manque de capitaux, celles-ci n’ont, dans la plupart des cas, comme choix que de passer sous contrôle étranger ou de dépérir. La situation de l’entreprise Net Cacao, de Marseille, est à cet égard tout à fait emblématique. Ex-filiale du groupe suisse Nestlé, reprise par ses 180 salariés, elle risque le dépôt de bilan, alors que ses carnets de commande sont pleins, en raison d’un manque de fonds propres. Qui l’aidera ? Pas l’Etat, qui a fuit naturellement ses responsabilités. Et qui aidera demain les 182 salariés de Fralib, qui se débattent avec leur ancien actionnaire, le groupe yankee Unilever, pour reprendre l’activité des thés Lipton et Elephant ?
A défaut de moyens offensifs pour soutenir l’initiative et l’emploi, il reste la défensive. C’est bien souvent la dernière arme des travailleurs pour faire rendre gorge aux patrons voyous et aux actionnaires d’outre Atlantique, d’outre Rhin ou du Pacifique. Et c’est une arme qui se révèle assez souvent gagnante. Ainsi, on se félicitera :  du mouvement de grèves organisé par les 225 salariés de la raffinerie Petroplus pour obtenir l’ouverture de négociations sur leur plan social, des décisions obtenues par les salariés de Molex pour saisir les biens de leur ex-employeur qui se refuse à payer leurs primes de licenciements, même chose pour les 151 employés de Plysorol à Lisieux qui ont enfin obtenu les arriérés de salaires dus par ex-patron chinois. Dans tous ces cas, c’est l’action déterminée d’un groupe d’hommes et de femmes, parfois seuls, le plus souvent soutenu par leurs élus locaux et par les corps intermédiaires, qui continue à faire vivre chez nous l’idée de justice sociale.
H. V.
Jeudi 5 janvier
- Le tribunal de commerce de Marseille vient de reporter sa décision concernant Net Cacao, fabricant de chocolat pour l’industrie et la grande distribution à Saint-Menet (Bouches-du-Rhône). Les 180 salariés devront donc encore attendre pour savoir si les juges optent pour le redressement judiciaire, en raison d’un manque de fonds propres (entre 6 ou 8 millions d’euros), ou la poursuite de l’activité. Net Cacao, l'ex-site Nestlé, est depuis l’automne 2010 dans une situation paradoxale : ses carnets de commandes sont bien garnis (28 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010, contre 24 en 2009), mais un manque de fonds propres freine l’entreprise qui, du coup, a du mal à servir ses clients. Sans oublier les récentes et fortes fluctuations du prix du cacao et l’habituelle frilosité des banques. 
Samedi 8 janvier
- La direction de Ducros Express (ex-DHL) annonce 550 licenciements secs sur un effectif global du groupe de 3100 salariés, en raison de difficultés dans l'activité. Sept à huit agences du groupe (sur environ cinquante) devraient fermer.
- Une grève a été déclenchée mercredi après-midi à la raffinerie Petroplus de Reichstett (Alsace). L''intersyndicale CFDT-CGT-FO et les salariés réclament « une prime de motivation pour continuer à exploiter les installations en toute sécurité et dans un état d'esprit positif ». Petroplus a indiqué cet automne qu'il allait cesser ses activités de raffinage sur ce site, qui compte 255 salariés, faute d'avoir trouvé un repreneur.
Lundi 10  janvier
-  Syndicats et patronat se retrouvent cet après midi au siège du MEDEF pour affiner l'agenda social 2011. Dans un climat très tendu après le coup de force sur les retraites, la prudence est de mise. La CGT ne cache pas qu'elle ne signera probablement rien d'ici à 2012. 
-  Sperian Protection, filiale du conglomérat américain Honeywell, annonce un plan social sur son site de Plaintel (Côtes-d’Armor). Le leader mondial des équipements de protection individuelle (EPI) va procéder à 43 licenciements essentiellement dans le domaine de la production. L’usine qui compte actuellement 130 salariés fabrique des masques de protection.
Jeudi 13 janvier
Le groupe Total annonce la fermeture de l'usine Bostik à Ibos, près de Tarbes (Hautes-pyrénées), qui fabrique des colles industrielles pour la construction et emploie 30 personnes. L'activité sera transféré en région parisienne et dans le Nord. Des mesures de reclassement seront proposées aux salariés.
- Le conseil des Prud’hommes de Mont-de-Marsan (Landes) examine le recours déposé par 558 anciens salariés de Capdevielle, le fabricant de canapés et de sièges, qui avait été liquidé en 2010. Les anciens salariés de l’entreprise demandent la condamnation du liquidateur et des administrateurs judiciaires pour « résistance abusive », « refus de communiquer des documents nécessaires pour prouver que leurs licenciements sont abusifs ». Ils réclament 115 000 euros par salarié à l'ancien actionnaire, le fonds luxembourgeois GMS Investissements, ainsi qu’un mois de salaire par année d’ancienneté avec au moins 45 000 euros par salarié au liquidateur et aux administrateurs judiciaires.
Vendredi 14 janvier
- La CGT lance un mouvement de blocage dans l'ensemble des ports français pour protester contre la remise en cause d'un accord avec l'Etat sur la pénibilité du travail.  Le mouvement est fortement suivi à Marseille, au Havre, à Rouen et à Dunkerque.
- Le groupe américain  Ideal Standart, leader mondial de la salle de bains, a annoncé son intention de fermer deux de ses sites de production français, l'usine de Revin dans les Ardennes et celle de Dôle dans le Jura, entraînant la suppression de 311 emplois.
- Une première bonne nouvelle pour les ex-employés de Molex : l'administration fiscale a décidé de ne pas rendre au groupe américain un trop-perçu d'impot d'un million d'euros et de le verser au liquidateur pour couvrir une première partie des indemnités de licenciement que Molex refuse toujours de payer à ses 283 anciens salariés.
Mardi 18 janvier
- Le groupe suisse d'installation d'ascenseurs Schindler annonce une réorganisation de ses activités en France et la suppression de 157 postes de travail. Schindler, qui emploie plus de 3000 salariés en France, évoque "un manque de compétitivité et un marché difficile".
Mercredi 19 janvier
- Les 151 licenciés de l’usine de contreplaqués Plysorol, à Lisieux (Calvados), qui occupaient leur site depuis onze semaines, ont libéré la place le 17 janvier. « Provisoirement !, affirme une déléguée syndicale. Pour l’instant, nous avons touché l’intégralité du solde de tout compte, c’est pourquoi les occupants ont souhaité faire une pose. Mais nous n’avons toujours pas de primes supra-légales, alors que les légales sont très basses. Revenir n’est pas un problème ».
Jeudi 20 janvier
L'ancien PDG du groupe Moulinex-Brandt, Patrick Puy, est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour "abus de biens sociaux" et "présentation de faux bilan", dix ans après la faillite du groupe d'électroménager. Le précédent PDG de Moulinex, Pierre Blayau, qui avait quitté l'entreprise en août 2000, a bénéficié d'un non-lieu.
- Le groupe Schneider Electric annonce la fermeture de son usine Saint-Pryvé-Saint-Mesmin (Loiret) d'ici deux ans, spécialisée dans la fabrication de prises de courant et de fiches électriques. Le site orléanais emploie 137 salariés. Des mesures de reclassement seraient proposées.
Mardi 25 janvier
- Le groupe japonais Sony renonce à céder son dernier site industriel français, l'usine de Ribeauvillé (Alsace), qui emploie 580 salariés. Un plan de revitalisation devra permettre de maintenir l'activité du site qui intervient essentiellement dans le service après-vente, l'ingénierie et la sous-traitance pour le compte de tiers.
- Le groupe américain Diversified Machine Inc. (DMI) reprendra la fonderie d'aluminium Brealu  de Vaux (Allier), en cessation de paiements depuis six mois. Cette reprise se traduit par un plan de licenciement de 114 emplois, après les 118 emplois perdus en 2007 lors d'une précédente restructuration de Brealu.
- Avenir de plus en plus incertain chez Compétence, société de sous-traitance électronique qui emploie 192 salariés à Brest. L'activité est tombée au plus bas et les dirigeants ne semblent plus se préoccuper du carnet de commande. Cette usine appartenait jusqu'à l'été dernier au groupe nord-américain Jabil qui l'a cédée au fonds financier nord-américain Mercatech. Une diversification dans le photovoltaïque a été annoncée mais ne se concrétise pas
Jeudi 27 janvier

- Le leader du gros-électroménager en France, FagorBrandt, va arrêter d’ici 2014 la production de son usine de Lyon, spécialisée sur les lave-linge, au profit de la Pologne. Le site lyonnais, qui emploie 560 salariés devrait être reconverti vers de nouvelles activités "en lien avec le développement durable". 

Vendredi 28 janvier
- Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault dément les rumeurs qui couraient depuis quelques jours sur son départ anticipé et minimise les dissensions internes au sein de sa centrale.
Lundi 31 janvier
- Le tribunal de grande instance de Marseille examine en référé la requête du comité d’entreprise de l’usine de thés et infusions Fralib, à Gémenos (Bouches-du-Rhône), qui souhaite faire annuler  la fermeture fin avril de cette unité qui emploie 182 salariés.  La décision a été mise en délibéré au 11 février prochain. Le groupe américain Unilever vient d'annoncer de premières et timides mesures de reclassement pour les 182 salariés concernés, mais s'oppose toujours à une solution de reprise de l'activité et de la marque par un tiers, solution soutenue par la CGT.
Henri Valois.
 
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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 09:47
La France qui se bat
 
Pour le mouvement social, l'année 2010 se termine mieux qu'elle n'avait commencé.  Même si la bataille des retraites s'est conclue par un échec, quel échec! Des millions de Français dans la rue, un front syndical ressoudé et relégitimé, une opinion publique largement acquise, un gouvernement à la victoire honteuse, hué, conspué dans les esprits et dans les coeurs, contraint de renvoyer à plus tard son programme de "réformes" funestes. Ainsi, on n'ouvrira aucune négociation avant la fin du quinquennat sur la réforme du marché du travail et c'est tant mieux pour les  salariés précaires et pour les chômeurs, menacés de statuts encore plus aléatoire. Le gouvernement voudrait bien parler de l'emploi des jeunes, mais les syndicats, échaudés par le CPE et autre CIP, n'ont aucune envie de répondre à l'appel. Quant au MEDEF, la contestation y bat son plein contre Mme Parisot et ses mentors sarkozystes, ce qui n'est pas le meilleur moment pour engager de nouvelles grandes manoeuvres. Autre bonne nouvelle : la contestation contre la réforme des retraites a dopé les revendications salariales dans les entreprises. On n'a jamais autant négocié sur les salaires que depuis octobre et dans un grand nombre de cas avec succès. C'est vrai chez Bosch où les débrayages de l'automne ont permis aux salariés d'engranger une hausse  de salaire près de deux fois supérieure à ce que prévoyait leur direction. Même chose chez Rhodia, à l'issue là encore d'un conflit très dur qui a mobilisé 80% du personnel de production. La fermeté paye également au plan juridique contre les licenciements boursiers et les patrons voyous. Les conseils de prud'hommes et les tribunaux sanctionnent de plus en plus souvent des plans sociaux bâclés, rédigés au mépris de la loi ou inexistants. A Cherbourg, les salariés de Sanmina France font condamner le groupe yankee qui les employait pour licenciements abusifs et obtiennent les indemnités minimales qu'ils réclamaient. A Bernay, c'est le groupe PPR qui perd en appel contre ses anciens salariés à qui il devra payer des sommes allant de 10 000 à 116 000 euros. On espère qu'il en sera de même pour les salariés de Molex qui se battent toujours pour que leur ancien employeur - encore un groupe américain voyou - paye leurs indemnités légales de licenciement. Des Molex qui ne comptent que sur eux-mêmes dans cette dure bataille; ils ont pu mesurer la duplicité d'un gouvernement qui les a abreuvés de bonnes paroles mais qui n'a rien fait pour qu'ils obtiennent justice. On ne se méfiera d'ailleurs jamais  assez des groupes étrangers qui, une nouvelle fois en décembre, sont  à l'origine des plans sociaux les plus lourds.  Et l'attitude d'équipes CGT comme celle des Verreries du Languedoc, qui négocie pied à pied la reprise de son entreprise par le géant américain Owens-Illinois, mérite d'être saluée.  Comment s'étonner, devant tant de signes positifs, du regain de popularité des syndicats auprès des Français ? Selon un sondage TNS-Sofres, publié fin novembre, 54% de nos concitoyens font  "tout à fait ou plutôt confiance" aux syndicats pour les défendre, soit une hausse de 8% en deux mois. Autre signe encourageant, l'amélioration de cette image est particulièrement forte chez les jeunes et les salariés du secteur privé. La CGT et la CFDT notent d'ailleurs depuis septembre un afflux d'adhésions en provenance de ces deux catégories. Les organisations syndicales sauront-elles tirer partie d'un contexte qui leur est manifestement favorable ? Oui si on se place du point de vue de l'unité d'action. L'intersyndicale qui s'est constituée au moment de la bataille des retraites a tenu le choc; elle s'est même érigée en structure permanente et s'appuie sur une plate-forme de revendications solide. Sa ligne d'indépendance vis à vis des partis politiques, et en particulier du PS, est très bien perçue par les salariés. Elle leur fait prendre conscience  que c'est au sein du mouvement social et non pas dans les think tank à la mode que la transformation de la société peut se construire. Encore faut-il être capable de passer de la revendication à la proposition et c'est là que le bas blesse. On l'a bien vu lors du conflit des retraites où deux lignes de propositions se sont affrontées: celle de la CGT, assez à l'écoute des salariés, et celle de la CFDT, plus sensible aux sirènes social-libérales des petits maîtres de la rue de Solférino. Le chantier que vient d'ouvrir l'intersyndicale pour mettre à jour sa plate-forme de revendications permettra-t-il de dépasser ces oppositions et de faire naître des "cahiers de propositions" ? Ce chantier peut-il également marquer des avancées en matière de recomposition syndicale ? La CGT et la FSU le souhaitent visiblement et entendent battre le fer tant qu'il est chaud. Elles ont lancé, le 16 décembre dernier un appel à "un rassemblement plus durable pour construire et renforcer un syndicalisme rénové de transformation sociale, articulant luttes et propositions". Voilà une initiative excellente dont il faudra suivre de près les retombées dans les semaines qui viennent.
H. V.
 
Vendredi  3 décembre
- Licenciés en avril 2008, 203 des salariés de Sanmina France de Cherbourg, spécialisée dans les télécommunications pour l’aéronautique et le militaire, qui contestaient leur licenciement devant le conseil des Prud’hommes ont obtenu gain de cause Le conseil a reconnu le caractère économique des licenciements infondé et qu’il s’agissait bien de licenciements abusifs. Le groupe américain Sanmina dont le site cherbourgeois était une filiale, devra verser à chacun des plaignants des dédommagements allant de 10 000 à 20 000 euros en fonction des cas, représentant six mois de salaire.
Samedi 4 décembre
-  José Alcala a présenté à Villemur-sur-Tarn, son film-documentaire sur l’usine Molex fermée en 2010 : « Les Molex, des gens debout », lors d’une projection réservée aux anciens salariés (283). La séance a été accueillie par un silence profond et chargé d’émotion. Le film raconte toute la lutte des salariés, de l’annonce de la fermeture de l’usine par le groupe américain Molex au départ des outils de travail à bord de camions semi-remorques. Les salariés qui se battent toujours pour le paiement de leurs indemnités légales de licenciement s'indignent que l'Etat n'ait pris aucune mesure de mise sous sequestre des biens de Molex en France.
Lundi 6 décembre
Les négociations sur le plan social de Bergerac NC, filiale de la SNPE vendue au groupe espagnol Maxam ont abouti. L'intersyndicale souligne que sur les 108 postes supprimés dans le cadre de la cession (sur 146), 53 salariés bénéficieront du dispositif amiante et 41 ont accepté une mutation dans un autre site du groupe SNPE. Les conséquences de cette restructuration sur l'activité industrielle du bassin de Bergerac (Dordogne) restent malgré tout très sensibles. .
Jeudi 9 décembre
- Le personnel d’Ethicon se mobilise face à la fermeture de l’usine d’Auneau (Eure-et-Loir). Lundi dernier, plus de 200 des 365 salariés de cette filiale de l’américain Johnson & Johnson ont manifesté à Issy-les-Moulineaux en Ile-de-France, devant le siège du groupe. Une délégation a été reçue par la direction qui a confirmé la fermeture du site fin 2011. Implantée depuis plus de quarante ans à Auneau, la dernière usine de fils de suture de France, pourtant bénéficiaire, est oubliée au profit du Brésil, de Porto Rico et du Mexique, où le géant pharmaceutique compte sur la main d’œuvre bon marché pour gagner en compétitivité.
Lundi 13 décembre
- Après plus de deux semaines de blocage total de l'usine spécialisée dans les outils de levage, les 70 salariés d'Ingersoll Rand à Sin-le-Noble (Nord), estiment avoir obtenu suffisamment de garanties pour reprendre le travail. Les salariés ont adopté  des propositions formulées par la direction du site concernant les primes supra-légales, en contrepartie de la fermeture définitive du site fin 2011. Une prime fixe de 22 000 euros sera versée à chacun des salariés licenciés, à laquelle s’ajoute 1925 euros par année d’ancienneté.
Mardi 14 décembre
- Les 126 salariés de l'usine Expansia qui produit des principes actifs pharmaceutiques à Aramon (Gard) ont voté la poursuite du mouvement de grève destiné à protester contre le projet du groupe américain PCAS, leur maison-mère, de supprimer 43 postes sur le site.
Mercredi 15 décembre
- Le groupe américain Owens-Illinois, numéro un mondial de la fabrication de bouteilles en verre, envisage de prendre le contrôle de la Verrerie du Languedoc à Vergèze (Gard). L'usine, qui fournit les bouteilles de la source Perrier, emploie aujourd'hui 212 salariés. L'activité est bénéficiaire et des investissements importants ont été réalisés dans un passé récent pour moderniser le site. C'est pourquoi la CGT conteste les conditions posées par le repreneur : suppression de 68 postes et baisse des salaires de 20 à 30%. La mobilisation des salariés contre ce projet de reprise est maintenant très forte. 
- Le groupe Pinault-Printemps-Redoute (PPR) est débouté de son appel devant la cour d’appel de Rouen de la décision du Conseil des Prud’hommes de Bernay concernant l’indemnisation de salariés de son ex-filiale Yves-Saint-Laurent Beauté (YSL). Le groupe devra payer à 48 salariées plaignantes sur les 146  licenciés de l’usine YSL Beauté de Bernay des sommes allant de 10 000 à 116 000 euros.
- Le tribunal de commerce d’Epinal a prononcé hier, mardi 14 décembre, la liquidation judiciaire anticipée des Papeteries du Souche à Anould (Vosges). L’imprimeur, contrôlé par le fonds d’investissement Green Recovery, était sous administration judiciaire depuis mi-novembre dernier et cherchait un repreneur. Elle employait 168 salariés.
Samedi 18 décembre
- Le fonds d'investissement Fondation capital a annoncé le rachat de la chaîne de restauration Courtepaille. Courtepaille gère 222 établissements en France et emploie plus de 3600 salariés. La vente pourrait intervenir début 2011
- Presse informatique, qui gère les abonnements d'entreprises de presse et audiovisuelles, annonce la fermeture de son site de Cauvigny (Oise) et la suppression de 180 emplois, selon la CGT. La société était en redressement judiciaire depuis fin novembre.
-  La CGT organise une "journée nationale d'actions" au sein du groupe Carrefour. Le syndicat proteste contre la refonte du modèle organisationnel de Carrefour, qui prévoit la suppression de postes et l'extension des horaires.
- Le tribunal de commerce de Nantes prononce la liquidation judiciaire du fabricant de semi-conducteurs, MHS Electronics, mais autorise une poursuite de son activité jusqu’au 15 mars 2011. Ce délai laisse la possibilité d’une reprise totale ou partielle de l’entreprise, ce qui permettrait de sauver une partie des 100 emplois dans cette usine qui en a compté jusqu’à 900. 
Lundi 20 décembre

- Le tribunal de commerce de Reims place l'équipementier aéronautique Reims Aerospace en liquidation judiciaire avec un sursis de trois mois. L'entreprise, basé à Prunay (Marne) et qui emploie 203 salariés, est la victime des plans de restructuration décidée chez Dassault et chez Airbus. Une solution de reprise locale est en discussion, avec l'appui des collectivités locales.

Mardi 21 décembre
- Forte mobilisation des 192 salariés brestois du sous traitant électronique Compétence contre leurs dirigeants. Le fonds nord-américain Mercatech, qui a repris l'activité il y a 6 mois, aurait procédé à un transfert de 12 millions d'euros de trésorerie au bénéfice d'autres activités de Mercatech à l'étranger.  L'entreprise n'est plus en mesure de payer ses fournisseurs et les salariés craignent une liquidation
Mercredi 22 décembre
- Forte inquiétude des salariés d'Arcelor Mittal à Bouren Bresse. La pérennité de plusieurs sites de production serait menacé après la condamnation d'Arcelor à payer une amende de 230 millions d'euros pour entente illicite. Les syndicats ont interpellé l'Etat sur les risques qui pèsent sur près de 800 emplois en France, dont 400 à Bourg en Bresse. 
Jeudi 23 décembre
- Après plusieurs mois de conflit entre la direction et la CGT, le comité d'entreprise du fabricant de rotatives Goss, à Montataire (Oise) a voté contre le plan social qui prévoit la suppression de 300 emplois sur 623. La tension sociale est très vive sur le site.
Vendredi 24 décembre
Quelques 500 salariés d'Adixen, une filiale d'Alcatel à Annecy, ont reversé leur prime de résultat à leurs 250 collègues intérimaires. Au vu des résultats excetionnels de l'entreprise en 2010, le personnel avait réclamé une prime de résultat. La direction d'Adixen n'ayant accepté de débloquer que 100.000 euros, les salariés permanents ont préféré n'en faire bénéficier que les intérimaires. 
Vendredi 31 décembre
- Le groupe de mécanique de précision Semeca, implanté à Verquin (Pas de Calais) annonce la fermeture de son unité de Ronchin, en banlieue de Lille. L'unité compte 47 salariés. L'ensemble du groupe Semeca, qui emploie 220 personnes, est en redressement judiciaire depuis octobre dernier.
Henri Valois.
   
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15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 09:47

La France qui se bat

 

Les gouvernements passent et l'industrie française reste sans défense. Le départ de Christian Estrosi ne laissera aucun regret. Les salariés de Molex, ceux de Continental, de STX, d'Arcelor ou d'Heulliez, d'autres encore, ont largement fait les frais de sa duplicité. Mais l'arrivée d'Eric Besson peut-elle apporter quelque chose de nouveau? A l'évidence non. Le portefeuille de l'industrie n'est plus qu'un lot de consolation pour politiciens à la dérive. C'est une coquille vide, un ministère sans moyens financiers, sans ambitions, sans stratégie, sauf lorsqu'il s'agit des multinationales qu'on s'emploie à bien traiter. L'actualité sociale de novembre illustre à nouveau ce que nous coute l'absence de politique industrielle. La filière bois-ameublement, déjà très sinistrée, voit la liquidation de Vogica et d'ECB. C'est une catastrophe pour le massif vosgien qui perd plus d'un millier d'emplois directs, sans compter les conséquences sur le secteur sylvicole. Dans les deux cas rien n'a été anticipé, aucune solution de reprise n'a été organisée par les pouvoirs publics. Vogica disparaît parce que son actionnaire - un fonds de Bahrein ! - s'est brusquement désinteressé de son sort. Pas rentable, se contente-t-on de répéter à Bercy. En Dordogne, l'usine France-Tabac de Sarlat qui regroupe et transforme toute notre production de tabac est mise en risque parce que Bruxelles décide brutalement d'arrêter ses aides à la filière. Là encore, les décisions  irresponsables de quelques eurocrates, l'absence d'anticipation de nos gouvernants peuvent ruiner le travail de redressement engagé depuis des années par toute une profession. C'est l'inverse dans l'électronique où les aides semblent couler à flots, sans  contrôle et sans véritable contrepartie sociale: bénéficier des largesses du contribuable n'empêche pas le groupe britannique E2V de supprimer 150 postes dans l'Isère et Altis Semiconductor de supprimer d'un trait de plume 300 emplois de son usine de Corbeil. C'est donc par leurs propres moyens que les salariés doivent se défendre, une fois de plus. C'est le cas à Toulouse où la riposte s'organise face à Molex, le yankee voyou. C'est également le cas chez Goss International à Montataire, chez Plysorol à Lisieux, chez Unilever à Gemenos ou chez Ingersoll Rand dans le Nord. Un peu partout, des équipes syndicales soudées, bien organisées, fortement soutenues par les salariés, les élus et les populations, gagnent des actions en justice, s'opposent efficacement au démantèlement des activités, font parfois rendre gorge à des directions ou à des actionnaires étrangers dépourvus de tous scrupules. Là où l'Etat n'existe plus, les Français s'organisent. Ils le font et plutôt bien. C'est à travers toutes ces actions, petites ou grandes, spectaculaires ou souterraines, réussies ou avortées, que chemine aujourd'hui l'espérance française.

H. V.

 

Mardi 2 novembre
- Avec le soutien de leurs collègues non-licenciés, les 150 salariés licenciés du site Plysorol de Lisieux (Calvados) occupent  leur usine depuis une semaine. Le plan de licenciement en cours, suite à la reprise de l’entreprise de contreplaqués par le groupe libanais John Bitar & Co, est inacceptable pour les grévistes. « Le plan prévoit le strict minimum, c’est-à-dire 2 mois de salaires pour 10 ans d’ancienneté et c’est tout », martèle une déléguée syndicale, « nous demandons donc une prime de 20 000 euros supplémentaires par personne. Ici, une grande partie des salariés sont des femmes et la moyenne d’âge est de 50 ans. 
Mercredi 3 novembre
- Après avoir bénéficié des aides de l'Etat en faveur de la filière microélectronique, le groupe britannique de composants électroniques E2V a décidé de revoir à la baisse son plan social. Il supprimera 144 postes (au lieu de 221 initialement prévu) au sein de son usine de Saint-Egrève près de Grenoble (Isère) qui emploie 460 salariés.
Jeudi 4 novembre
- L'arrêt des aides européennes à la production de tabac menace l'usine France-Tabac de Sarlat (Dordogne), qui assure  la 1ère transformation du tabac pour le compte des principales coopératives françaises. Le site emploie 110 emplois. L'Etat examine des mesures compensatoires. 
Samedi 6 novembre
- Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de l'usine Molex de Villemur sur Tarn (Haute Garonne). Cette décision intervient alors que le propriétaire de l'entreprise, l'américain Molex, a annoncé à la mi-octobre qu'il cessait de financer le plan social lié à la fermeture de sa filiale française et qui concerne 200 salariés licenciés.
Lundi 8 novembre

- Le fabricant de pièces en plastique pour les secteurs de l’automobile et de l’électroménager MGM France engage un plan social sur ses sites de Rouvray (Côte-d’Or), de Villers-la-Montagne (Meurthe-et-Moselle) et l’antenne administrative de Villefranche-sur-Saône (Rhône), qui accueille notamment le bureau d’études. 96 postes sont menacés. Les salariés des trois sites ont engagés une grève illimitée. 

Mardi 9 novembre
- Le tribunal de commerce d'Evry prononce la liquidation judiciaire de Vogica, concepteur et fabricant de cuisines et de salles de bains. L'entreprise, contrôlée par le fonds Arcapita de Bahrein, employait plus de 1000 salariés. Elle avait déposé son bilan en septembre dernier mais la procédure de redressement judiciaire ne lui a pas permis de retrouver un repreneur.
Mardi 18 novembre
- Après Vogica, c'est au tour d'un autre fabricant de cuisines et de salles de bains, ECB à Poussay (Vosges) de connaître le même sort. L'entreprise, qui comptait 92 salariés, était sous administration judiciaire depuis février 2010.
Mercredi 19 novembre
 Le conseil des Prud’hommes d’Evry reporte au 9 décembre sa décision suite au référé introduite par un groupe de salariés d’Altis Semiconductor contre le plan social en cours dans leur entreprise. Après le rachat du fabricant de semi-conducteurs par Yazid Zabeg, l’été dernier, la nouvelle direction a engagé un plan social qui prévoit encore la suppression de 354 postes sur les quelque 1 400 que compte l’usine de Corbeil (Essone). La Direction n’a pas prévu de reclassements et toutes les personnes ciblées par le PSE n’ont, pour l’instant, d’autre choix que le départ volontaire ou le licenciement. Environ 300 salariés ont opté pour un départ volontaire a-t-on appris de sources syndicales.
Mercredi 24 novembre
- Renault annonce un dispositif de départs à la retraite anticipée, qui sera proposé à 3000 de ses salariés, soit 7% de ses effectifs en France. Le plan concernera les salariés de plus de 58 ans effectuant les tâches les plus pénibles et sera étalé sur trois ans (2011-2013). De source syndicale, 95% des personnes éligibles devraient y souscrire.
Vendredi 26 novembre
- Certains salariés de l'usine Goss international, spécialisée dans la fabrication de rotatives et basée à Montataire (Oise) ont accepté par référendum le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) conçu par la direction et l'actionnaire américain. Celui-ci prévoit la suppression de 300 postes sur les 623 que compte l'usine, les salariés licenciés bénéficiant en contrepartie d'une indemnité supralégale de 35000 euros. Les syndicats ont demandé l'annulation de ce plan et le tribunal de grande instance de Senlis vient de nommer deux médiateurs qui disposent de deux semaines pour désamorcer la crise. 
Lundi 29 novembre
- L'Etat a demandé au groupe multinational Unilever de revoir son projet de fermeture de l'usine Fralib, qui produit les thés Lipton et Eléphant à Gémenos, près de Marseille.  Un groupe de travail devrait remettre ses conclusions pour la mi décembre. Le site emploie actuellement 182 salariés.
- Depuis le début de la semaine dernière, les 70 salariés de l’usine Ingersoll Rand de Sin-le-Noble (Nord), près de Douai,  occupent  leur usine. Après la décision prise l’été dernier par l'actionnaire américain de transférer l'usine aux Etats-Unis, le personnel réclame 30 000 euros de prime fixe par personne et 2 500 euros de prime par année d’ancienneté. La direction, aujourd’hui injoignable, propose six fois moins pour la première prime et deux fois moins pour la deuxième. Les salariés ont employé les grands moyens en retenant mardi soir dans les bureaux de l’entreprise, trois des dirigeants, dont le PDG Olivier Dentu. Selon les représentants syndicaux, Ingersoll Rand pourrait projeter de rapatrier outre-Atlantique l’ensemble de ses sites européens . Un projet qui inquiète les 86 salariés fabriquant des compresseurs du site proche de Wasquehal (Nord).
Henri Valois.
   
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2 novembre 2010 2 02 /11 /novembre /2010 09:47

La France qui se bat

 

L'actualité sociale d'octobre a été presque exclusivement marquée par la bataille des retraites et par la mobilisation qui s'est exprimée à cette occasion. L'opinion publique continue d'ailleurs de soutenir  très largement  le mouvement et les niveaux de popularité du gouvernement et du chef de l'Etat n'ont jamais été aussi bas. Mais le succès des  grandes manifestations parisiennes et des défilés impressionnants de Lyon, de Saint Etienne, de Marseille, de Lille, de Poitiers ou de La Rochelle ne s'explique pas seulement par l'opposition à la loi Woerth. Il  prend  également  appui sur les conflits  qui agitent un peu partout le tissu social.  Les salariés du privé, et en premier lieu ceux qui se trouvent confrontés à la fermeture de leur usine, à des plans sociaux drastiques, aux délocalisations d'activité ou au chantage à l'emploi, ont voulu dire leur inquiétude et leur détermination à se battre.  Mais aussi leur ras le bol vis à vis des agissements des groupes multinationaux qui licencient à tour de bras, tout en bénéficiant de l'indulgence, et même parfois de la complicité des pouvoirs publics. L'affaire la plus scandaleuse concerne l'équipementier américain Molex, qui refuse sans scrupule de payer les indemnités dues à ses salariés licenciés alors qu'il est sous le coup de quatre décisions de justice. Le gouvernement dispose pourtant de tous les moyens de faire rendre gorge à ce groupe de voyous internationaux, en commençant par saisir ses actifs et par bloquer ses comptes en France. Mais il préfère atermoyer, au nom sans doute de notre "image dans le monde". Alors on s'agite, on fait des moulinets - comme M. Estrosi qui enjoint PSA et Renault de prendre des mesures de rétorsion vis à vis Molex ! - et on finit par annoncer que c'est l'Etat, c'est à dire le contribuable français, qui paiera le plan social en lieu et place des yankees défaillants !  De la même façon, est-il acceptable que  l'Etat tolère l'attitude de groupes étrangers qui se livrent à de véritables chantages, en imposant des baisses de salaires contre d'illusoires promesses de maintien de l'emploi ? Est-il normal qu'il y prête la main, en désignant, comme chez Continental Automotive, un médiateur chargé d'inciter les syndicats à signer de tels accords ?  N'est-il pas scandaleux à l'inverse, alors que la justice annule régulièrement des plans sociaux - comme  elle vient encore de le faire à l'encontre du groupe autrichien Palmers, propriétaire de Lejaby - que l'Etat ne joue pas son rôle de protection du travail français, en forçant les actionnaires de ces groupes à revoir rapidement et complètement leur copie ? Que l'on ne s'étonne pas dans ces conditions de trouver les Français de plus en plus rétifs à une mondialisation qui ne fonctionne qu'au bénéfice des plus forts et à une Europe qui ne protège rien, sinon le capitalisme apatride? Et que l'on ne s'étonne pas non plus qu'ils finissent par rejeter en bloc un régime, aujourd'hui à droite, demain à gauche, qui ne les défend plus en rien. Qui a dit que la République en France, c'était le règne de l'étranger ?

H. V.


Mercredi 13 octobre
- Ambiance très tendue dans l'usine Fralib (thés Lipton et Eléphant) de Gémenos où travaille 182 salariés et dont le géant américain Unilever a annoncé la fermeture. Alors que syndicats et direction devaient discuter du plan social, une centaine de salariés ont retenu le directeur du site et le DRH. Des débrayages sont prévus dans les prochains jours.  
Vendredi 15 octobre 
- L'Etat a nommé un médiateur chez Continental Automotive pour tenter d'obtenir l'accord des syndicats majoritaires (CGT et CFDT) sur un plan de maintien de l'emploi qui impose une réduction de 8% de la masse salariale. 52% des 2500 salariés des établissements Continental de Toulouse et Boussens s'étaient prononcés en septembre dernier en faveur du plan de la direction. Les syndicats s'y opposent en faisant valoir que Continental est un groupe bénéficiaire qui ne cherche qu'à élargir ses profits et à pratiquer le management par la peur. Le dirigeant  français de Continental semble leur donner raison en prévenant "qu'un miller d'emplois seront menacés si le plan n'est pas accepté.
Mardi 19 octobre
- Le groupe américain Molex refuse de revenir sur sa décision  de ne plus financer le plan social pour les salariés de son usine de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) si la plainte déposée par  le personnel aux Prudhommes n'est pas retiré. "Nous sommes ouverts à un dialogue, dit la direction de Molex France, mais il faudrait au préalable que les 188 plaintes soient retirées".
Jeudi 21 octobre
- Le tribunal de grande instance de Lyon a annulé le plan social lancé par le fabricant de  lingerie feminine Lejaby, en estimant que la direction avait "fait preuve d'un comportement déloyal". La justice reproche au groupe autrichien Palmers, le propriétaire de Lejaby, d'avoir caché au personnel son contentieux avec l'ancien propriétaire de Lejaby, l'américain Warnaco. Le plan social prévoit 193 suppressions d'emplois et la fermeture de Lejaby.
Samedi 23 octobre
- Tout en présentant un bénéfice bien supérieur aux attentes, le groupe finlandais Nokia, principal fabricant mondial de téléphones mobiles a annoncé la suppression de 1800 postes de travail. Cette annonce a été saluée par la canaille boursière sur toutes les places du monde.
Lundi 25 octobre
- Après 45 jours de grève, suivie par 94% des salariés du service commercial, la direction d’Educatel à Rouen a été obligée de revoir les objectifs commerciaux qu’elle leur imposait et qui obligeaient les salariés à plus de 60 heures supplémentaires non payées par mois pour atteindre le Smic.
Mardi 26 octobre
- L'Etat va s'associer à une plainte contre l'équipementier américain Molex pour le forcer à payer  le plan social de son usine de Villemur-sur-Tarn (Haute Garonne) fermée de octobre 2009. Cette fermeture avait occasionnée la perte de 283 salariés.
Samedi 30 octobre
- Les syndicats de Continental Automotive France et une partie des personnels des sites de Boussens et de Foix continuent à s'opposer sur la proposition "emploi contre salaire" présentée fin septembre par la direction du groupe allemand. "Nous avons été élus dans la légitimité du droit du travail", affirme le responsable local de la CGT, "il n'est pas question de nous démettre". 
Henri Valois.
   
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16 octobre 2010 6 16 /10 /octobre /2010 14:11

L’heure des choix

 

Certains s’étonnent encore de la rapidité avec laquelle l'opinion publique s'est saisie du dossier des retraites pour basculer dans une contestation sociale de grande ampleur. "Comment tous ces gens peuvent-ils s’engouffrer dans le mouvement, alors même que nous sommes en crise et que leurs emplois sont menacés?", se demande gravement la presse boursière et gouvernementale. Décidément, la bourgeoisie française sera toujours d'une naïveté confondante. Il faut être en effet vraiment aveugle ou vivre sur une autre planète pour ne pas sentir que le ressentiment accumulé par les classes défavorisées et une partie de la classe moyenne est extrêmement profond et qu'il vient de loin. Il recoupe en réalité plusieurs mouvements de fond de la société française qui conjuguent aujourd’hui leurs effets dans la bataille contre la réforme Woerth.

La première de ces réalités concerne directement la classe ouvrière. La désindustrialisation de la France, longtemps annoncée, s'effectue aujourd'hui sous nos yeux. Avec une brutalité et une rapidité irrépressible. Elle touche toutes les régions, y compris celles qui apparaissaient hier comme les mieux armées. Elle touche tous les secteurs, y compris ceux que l'on considérait comme en pointe, y compris l'énergie, l'armement, l'agroalimentaire ou les transports que l'on considérait comme protégés. Elle touche également toutes les composantes de la production, depuis la chaîne jusqu’aux fonctions plus techniques, de l’usine elle-même à la logistique, jusqu’au laboratoire. Rien ni personne n’échappe à cette terrible réalité.

Ceux qui observent ce phénomène sans les œillères de l'idéologie dominante constatent que nous ne sommes pas en face d'une crise d'adaptation, comme nous en avons connu bien d'autres dans le passé, mais devant une entreprise de démolition systématique, quasiment programmée de l'industrie française. L'ouverture sans frein ni contrepartie des marchés européens, le piège de l'euro fort, la financiarisation de l'économie, la suppression ou le nivellement des normes techniques ou sociales, tous ces phénomènes qui agissaient jusqu'à présent à doses homéopathiques se sont brutalement transformés, sous l'effet de la crise mondiale, en pièges mortels. Nous payons aussi l'incompétence de nos élites économiques ou politiques, endormies dans leurs certitudes, qui n'ont rien vu ni rien préparé, qui refusent obstinément la mise en place de filets de sécurité. Nous payons enfin l'extrême dépendance des entreprises françaises vis à vis du capital étranger, et d'abord anglo-saxon ou allemand. C'est le jeu trouble des multinationales et des fonds de pension qui est à l'origine des principaux conflits sociaux depuis deux à trois ans. Du jour au lendemain, des milliers de salariés se retrouvent otages de décisions prises loin de chez nous par des actionnaires sans foi, ni loi. La fermeture de Molex à Toulouse, de Continental à Clairvoie, d’Ethicon en Eure et Loir, les restructurations chez Goodyear à Amiens, chez Henkel à Louviers, chez STX France à Saint Nazaire - pour ne prendre que les conflits les plus récents et les plus emblématiques - provoquent derrière elles la disparition de centaines de PMI et le licenciement de milliers d’emplois de sous-traitance locale. Ce sont des bassins industriels entiers qui sont rayés de la carte.

Les millions de salariés licenciés, restructurés, fragilisés par ce vaste mouvement de désindustrialisation n'ont pas le sentiment pour autant d'être les victimes d'une crise lointaine et inéluctable. Dans la plupart des cas, ils se sont battus pour leur emploi, pour leur reconversion, pour obtenir des indemnités décentes. Très souvent, ils se sont retrouvés seuls dans leurs combats, face à des directions lointaines, des actionnaires cyniques et sans scrupule. Seuls, souvent réduits à leurs propres moyens, sans consigne syndicale, sans appui syndical, parfois même en opposition avec les mots d’ordre des centrales syndicales. Seuls, très souvent sans Etat pour les aider, sans ministres pour les soutenir, sans justice et sans préfet pour dire et faire respecter le droit, sans gouvernement pour les comprendre. Ceux-là ne sont pas prêts de pardonner au pouvoir en place ses complaisances avec le gros patronat, ses complicités avec les groupes multinationaux. Ils sont entrés dans le mouvement la semaine dernière, entraînant derrière eux les premiers gros bataillons du secteur privé, comme on l’a vu mardi dernier et hier à Toulouse, à Saint Nazaire, à Poitiers, à Saint Etienne, à Roanne ou au Havre. Ce sont eux qui vont donner dans les semaines qui viennent ampleur et consistance à un mouvement qui est parti, comme en 1995, du secteur public. Une partie d’entre eux n’a plus rien à perdre et s'engagera sans état d'âme dans la grève générale.

Mais ce mouvement ne serait pas aussi populaire s'il ne s'appuyait pas sur une autre réalité, plus profonde encore : la désaffection massive d'une très grande partie du salariat français pour le travail et pour le monde du travail tel qu'il est devenu. Au-delà même des situations critiques relevées chez Renault, PSA, France Telecom ou La Poste, on sent bien que c'est l'organisation de l'entreprise elle-même que contestent ces millions d'employés qui rêvent  de partir au plus vite à la retraite, ces millions d’agents de maîtrise ou de cadres moyens qui compensent leur stress et leurs désillusions en plébiscitant massivement la réduction du temps de travail, ces millions d'ouvriers qui rejettent le travail en miettes, les heures supplémentaires forcées, la course aux cadences. De nombreuses études le confirment, la France est malade de ses entreprises, de l'ascenseur social qui n'y fonctionne plus, du dialogue social qui en est absent, du mépris social qui y sert de règle de management. La France est également malade de ses services publics en miettes, rationnés, démantelés, la plupart du temps sans moyens face à la désespérance ou à la misère. A l’image de ces employés de Pôle emploi, des hôpitaux publics qui ont débrayés parmi les premiers pour marquer leur épuisement, leur lassitude devant la régression sociale qui s’installe un peu partout dans le pays. Pour ceux là, employés, petits cadres ou cadres moyens du public ou du privé, la réforme des retraites est ressentie comme une prison qu'on verrouille, alors qu'ils rêvent de fuir au plus vite une vie professionnelle qui ne leur apporte plus aucun agrément. Ce sont eux qui sont derrière les pourcentages énormes de rejet de la réforme, qui plébiscitent massivement le mouvement (70% des Français selon les sondages), qui réclament une renégociation immédiate du projet de loi (57% des sondés). Le secteur public est entré de plein pied dans le mouvement parce qu’il est depuis dix ans la tête de turc de tous les gouvernements de droite, que le malaise social y bouillonne à petit feu et que son statut lui permet encore de s’engager dans un bras de fer de longue haleine. Le secteur tertiaire privé suivra, s’il a le sentiment que l’épreuve de force peut s’engager sans qu’il en supporte tous les risques. S’il sent, en particulier la semaine prochaine, que le blocage des raffineries et du secteur routier met en cause l’activité du pays tout entier, il sera alors tenté de basculer dans la contestation.

Dernière réalité très forte, le nouveau visage de la jeunesse. Comme l’écrit très justement Bertrand Renouvin dans son dernier éditorial de Royaliste [1] : « Les enfants veulent protéger leurs parents et, dès l’adolescence, ils savent qu’ils doivent lutter pour ne pas finir dans la gêne ou la misère. A l’optimisme d’une jeunesse éblouie par elle-même – celle des années soixante – a succédé une prise au sérieux fondée sur une expérience concrète de la régression sociale ». Oui, cette jeunesse, notre jeunesse, prend les choses au sérieux. La dureté de notre société l’angoisse, et son premier sentiment, face au malaise, voire au désespoir, qui étreint parents et grands parents, c’est la révolte. Ces étudiants, ces lycéens, qu’on décrétait frivoles, tout occupés du monde virtuel que leur réservait la société de consommation, voilà qu’eux aussi relèvent la tête et qu’ils retrouvent les grands réflexes de solidarité qui étaient hier encore ceux de la jeunesse ouvrière, de la jeunesse rurale et d’une certaine jeunesse de la petite bourgeoisie. Cette jeunesse, notre jeunesse, comme elle l’avait fait au moment du CPI, retrouve le chemin de la rue, de la manif, des assemblées générales houleuses et interminables, des blocages bons enfants, parfois violents, des tracts diffusés tôt le matin, des réunions syndicales qui se terminent tard le soir. Elle se repolitise, comme le confirme tous les sondages. Elle découvre aussi la confrontation avec l’encadrement de l’Education nationale – des chefs d’établissements nettement plus soumis aux ordres que par le passé -  et avec une police couverte par avance par le pouvoir. Avec l’entrée en scène de la jeunesse – étudiants, lycéens, mais aussi jeunes ouvriers, jeunes employés et apprentis – c’est l’inquiétude qui a subitement changé de camp. On a senti le pouvoir fébrile. Fébriles aussi les directions syndicales réformistes et l’oligarchie de gauche, qui espéraient secrètement qu’après le 12 octobre, les choses en resteraient là.

Nous sommes en effet au milieu du gué et c’est sans doute la semaine prochaine qu’on saura si oui ou non l’esprit syndical, l’autonomie syndicale l’a emporté sur les petits calculs partisans. La question des grèves reconductibles, la perspective de la grève générale ont été posée dès lundi dernier par les organisations syndicales les plus engagées (FO, Sud, les secteurs les plus radicaux de la CGT notamment). C’est avec raison que ce choix a été mis sur la table parce qu’il va permettre une certaine clarification. Avant la manifestation de samedi, on entendait pour la première fois les responsables de la CFDT et de la social-démocratie crier « halte au feu » au nom du réalisme économique ou du respect de la démocratie. Les voici sur le terrain politique, et non plus syndical, et ils commencent déjà pour certains à jeter les masques. Pourquoi contenir le mouvement, alors que l’on sait parfaitement que le pouvoir ne résisterait pas à un débrayage général des salariés, ne serait ce que de quelques jours ? Serait-ce parce qu’en réalité on ne veut pas que le mouvement aboutisse, qu’on souhaite au fond de soi que la droite fasse aujourd’hui le mauvais travail que M. Strauss Kahn ou Mme Aubry n’auront pas à faire demain au pouvoir ? Et pourquoi la CFDT essaye-t-elle depuis quelques jours – d’ailleurs en vain, semble –t-il – de convaincre ses chauffeurs routiers de ne pas entrer dans la danse ? Est-ce parce qu’elle sait que le mouvement prendrait alors une autre forme, presque irrépressible ?

N’ayons pas peur des mots. Les orientations que prendra en fin de semaine l’intersyndicale, c'est-à-dire après le vote de la loi au Sénat, auront quelque chose d’historique. Jamais sans doute depuis vingt ans le mouvement syndical n’aura été aussi en phase avec l’opinion publique. Qui plus est dans un champ, celui du financement des retraites, de la sécurité sociale collective, qui relève pleinement du rapport de force social, du champ syndical, non pas du champ politique. Qui l’emportera : ceux qui plaident et travaillent pour l’unité syndicale, son autonomie face au politique et qui veulent à juste titre engager cet extraordinaire va-tout de la classe ouvrière qu’est la grève générale ? Ceux, qui par faiblesse ou misérable calcul politicien, chercheront à entraîner le mouvement vers une fin sans risques mais sans résultats ? Nous aurons la réponse dans quelques jours et avec elle la confirmation ou non que la France est prête à d’autres changements.

Henri Valois.



[1]. Bertrand Renouvin, « Plus qu’une révolte ! », Royaliste, 11 octobre 2010.


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21 septembre 2010 2 21 /09 /septembre /2010 08:47

La France qui se bat

 

Mercredi 9 juin 
- Le tribunal de commerce devrait désigner le 30 juin un repreneur pour le groupe Heuliez.  Les deux principaux candidats à la reprise, le groupe franco-allemand BGI-ConEnergy et le fonds malaisien Delamore & Owl, proposent de garder le même nombre de salariés (400 sur 650 aujourd'hui) mais avec des projets industriels différents.
Jeudi 1er juillet 2010
- La cour d'appel de Douai impose au groupe Total de redémarrer sa raffinerie de Dunkerque, sous peine d'astreinte de 100.000 euros par jour. Un jugement qui sanctionne des défauts d'information des représentants du personnel et que les avocats des syndicats considèrent comme une première nationale. La Raffinerie des Flandres emploie 367 salariés et fait travailler plus de 400 emplois de sous-traitance.   
Lundi 5 juillet
- La médiation entamée il y a deux mois au sein de l'usine Goodyear d'Amiens porte ses fruits. La CGT obtient le maintien pendant 5 ans au minimum de l'activité agraire du site, qui emploie 573 salariés et la mise en place d'un nouveau plan de sauvegarde de l'emploi, qui intégrera des départs volontaires. 
Jeudi 8 juillet
- L'entreprise ferroviaire Arbel Fauvet Rail, implantée à Douai, sera reprise par l'industriel Pascal Varin associé au groupe indien Titagarth, fabricant de wagons de marchandises. Ce projet pourrait permettre la sauvegarde immédiate de 80 des 225 emplois d'AFR, puis la réembauche progressive de 120 salariés.
Vendredi 9 juillet
- Le fabricant de passementerie Van Lathem, basé à Templeuve (Nord), est placé en liquidation judiciaire. L'entreprise va fermer ses portes dès aujourd'hui, entraînant le licenciement de 36 salariés.
Lundi 12 juillet
- Selon des sources gouvernementales, les coupes budgétaires dans les aides sociales, allocations logement et emplois aidés pourraient atteindre plus de 4 milliards d'euros. Les populations défavorisés et, pour partie, les classes moyennes vont être plus particulièrement touchées par ses mesures d'austérité. 
Mercredi 21 juillet
- A Strasbourg, les salariés de General Motors acceptent, par référendum interne, une diminution de 10% de leurs salaires en échange de garanties sur le maintien de l'activité jusqu'en 2014. La CGT dénonce un chantage à l'emploi et refuse d'approuver l'accord.
Mercredi 28 juillet
- Le syndicat CGT de General Motors Strasbourg précise que neuf de ses militants ont porté plainte pour "coups et blessures", à la suite d'altercations avec des salariés favorables aux propositions de la direction. Le climat est très tendu dans l'usine alsacienne.
Vendredi 30 juillet
- Le groupe alimentaire américain MW Brands, propriétaire de la conserverie Petit Navire de Douarnenez (Finistère) annonce son rachat par le thaïlandais Union Frozen Products. Petit Navire, qui confectionne des salades et des produits à base de thon, emploi 300 personnes.
Vendredi 6 août
- La FNSEA, sa branche laitière, ainsi que les Jeunes Agriculteurs, ont lancé un ultimatum aux industriels pour qu'ils rouvrent d'ici le 12 août les négociations sur les prix du lait. Une nouvelle grève du lait est possible, sur le modèle du conflit de septembre 2009.
Jeudi 12 août
- Climat très tendu entre la profession agricole et les industriels sur le prix du lait. Les négociations sur les prix n'ont pas abouti et la FNSEA fait planer la menace d'actions de protestation massive, notamment dans l'Ouest.
Vendredi 20 août
 - Le fabricant de sacs industriels Mondi Lembacel a annoncé son intention de fermer en avril 2011 deux de ses quatre sites français, ceux d'Aouste et de L'Homme d'Armes (Drôme). Cette fermeture devrait entraîner le départ de quelque 125 emplois.
Mardi 24 août
- Le groupe américain Ingersoll Rand a décidé de fermer son usine de Sin le  Nobre, près de Douai. L'unité, qui emploi 71 salariés, avait déjà fait l'objet d'un plan de suppression de 21 postes en 2009.
Mercredi 25 août
- Après une année 2009 particulièrement difficile, le nombre de plans sociaux a baissé au premier semestre 2010 avec 668 dossiers, contre 934 au dernier semestre et 1311 au premier semestre de 2009. Mais la rentrée reste très tendue dans les PME.
Mercredi 25 août
- Le syndicat CGT de l'inspection du travail estime que le licenciement des représentants du personnel de l'équipementier Molex serait entaché d'une absence totale de déontologie.  Un conseiller du ministre du Travail, qui a autorisé le licenciement, travaillait parallèlement pour un des cabinets d'avocat conseil de Molex.
Henri Valois.

 

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13 juillet 2010 2 13 /07 /juillet /2010 22:40

Dunkerque gagne contre Total

La nouvelle n'a pas fait grand bruit dans les médias mais c'est pourtant une grande victoire pour les salariés de Total et pour la population et les élus du Nord: alors que le sort de la raffinerie des Flandres semblait jeté, la cour d'appel de Douai a ordonné début juillet à Total de remettre en service son unité dans un délai de quinze jours, en assortissant même son jugement d'une astreinte quotidienne de 100.000 euros par jour en cas d'inexécution. Cette décision était d'autant moins attendue que le groupe pétrolier, sûr de son bon droit et du soutien du pouvoir, avait commencé à prendre toutes les dispositions pour fermer le site dans  les délais les plus rapides et que le verdict émis en première instance par le tribunal des référés de Dunkerque n'avait laissé aucun espoir aux salariés et à leurs représentants.

Dans le bassin d'emploi de Dunkerque, où la raffinerie fait travailler près de 400 salariés et quelques 400 emplois de sous-traitance, l'heure est à la joie, à l'esprit d'offensive et à la combativité. La CGT a  brandi la menace d'une grève dure dans l'ensemble des sites du raffinage français si Total ne mettait pas immédiatement le jugement à exécution. Les élus nordistes ont dénoncé de leur côté la duplicité du groupe pétrolier - qui a déposé lundi dernier un recours  contre  le jugement devant le tribunal de grande instance de Nanterre - et menacé de faire rentrer les populations dans le jeu. Total, qui a  réalisé d'excellents résultats financiers au premier trimestre 2010 et qui s'apprête à confirmer la tendance pour l'ensemble du semestre, sait qu'il n'a plus beaucoup d'arguments pour maintenir sa restructuration.

Et cela d'autant que les salariés et la population dunkerquoise ont pu constater que les mesures compensatrices qui avaient été promises par le gouvernement à l'automne dernier ne sont pas au rendez vous. En particulier, le projet de réalisation d'un terminal méthanier par EDF, puissamment mis en avant avant les élections régionales par le pouvoir, n'est toujours pas sorti des cartons. Avec le jugement de Douai, il y a maintenant  bien peu de chances qu'il voit  le jour.

Le conflit de Dunkerque montre une nouvelle fois que l'action en justice des organisations syndicales paye, chaque fois qu'on est en face de directions arrogantes ou autistes. En Picardie, l'hiver dernier, les syndicats obtenaient à la fois l'annulation des peines infligées aux employés de Continental en colère contre leur patron allemand et la suspension du plan social qui touchait l'usine Goodyear d'Amiens Nord. En juin dernier, en Alsace, le tribunal de grande instance de Strasbourg n'a pas hésité, lui aussi, a annulé le plan social déposé par le groupe Steelcase. A Toulouse, les dirigeants de Molex qui ont organisé la fermeture du site de Villemur au mépris du code du travail, ont été condamnés. L'action en justice n'est pas un substitut au débrayage, à l'occupation des sites ou à des démarches plus radicales, mais c'est un complément utile lorsque les organisations syndicales veulent bien s'en donner les moyens et en particulier dans les petits établissements propriétés de groupes étrangers, où direction et salariés ne sont pas à armes égales.

Un conseil, pour terminer, à la direction de Total. Le contexte n'est plus du tout celui du mois de septembre 2009 où, profitant de l'effet de surprise et de la complicité du pouvoir, elle pensait pouvoir règler le dossier de la raffinerie des Flandres en un tour de main. Le conflit sur les retraites conjugué à l'aggravation du chomage va rendre le climat social particulièrement explosif à la rentrée 2010; on peut penser que la CGT n'aura pas beaucoup de difficultés à mobiliser les salariés du raffinage, inquiets des menaces qui pèsent sur l'ensemble de la filière. Quant au gouvernement, ridiculisé et démonétisé par l'affaire Woerth, il ne lui sera plus d'aucun secours. Avant d'agir imprudemment, qu'elle mesure bien dans quel sens souffle le vent !

Henri Valois.


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13 juillet 2010 2 13 /07 /juillet /2010 08:47

La France qui se bat

 

Mercredi 9 juin 
- Le tribunal de commerce devrait désigner le 30 juin un repreneur pour le groupe Heuliez.  Les deux principaux candidats à la reprise, le groupe franco-allemand BGI-ConEnergy et le fonds malaisien Delamore & Owl, proposent de garder le même nombre de salariés (400 sur 650 aujourd'hui) mais avec des projets industriels différents.
Vendredi 11 juin 
- Le groupe de distribution viticole Chamarré est placé en redressement judiciaire. Chamarré regroupe de nombreuses coopératives viticoles françaises pour commercialiser leurs produits à l'étranger. Les difficultés du groupe proviennent pour l'essentiel du marché nord-américain où les ventes de vin français sont en recul.   
Lundi 14 juin
- Ethicon, filiale du groupe américain Johnson & Johnson, spécialisée dans les soins médicaux, et implantée à Auneau (Eure et Loir) va fermer ses portes en 2011-2012. La société qui emploie 365 salariés est un des principaux employeurs de la région de Chartres. La production devrait être délocalisée dans plusieurs sites d'Ethicon, en Amérique du Sud. A l'annonce de la décision, les salariés ont spontanément cessé le travail et demandé la négociation immédiate d'un plan social. 
Jeudi 17 juin
- Le comité d'entreprise d'Heuliez a commencé l'examen des deux offres de  reprise présentées par le fonds malaisien Delamore et celle du groupement franco-allemand BGI-ConEnergy.

- Saisi en référé par les syndicats, le tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné la suspension du plan social lancé par le fabricant de mobilier de bureaux Steelcase. Ce plan prévoyait la fermeture de l'usine de Marlenheim (Bas-Rhin) et le licenciement de 74 salariés.
Vendredi 18 juin
- Le groupe de chimie allemand Henkel va fermer son usine de Louviers, dans l'Eure, qui emploie 86 salariés. L'essentiel de la production serait transférée à Hanovre et à Dusseldorf.
- Le départ du paquebot "Norwegian Epic" laisse un vide aux chantiers de STX-France de Saint-Nazaire. Le bassin nazairien attend toujours la confirmation d'une nouvelle commande, celle d'un paquebot pour l'armateur italien MSC. Un plan de départs volontaires portant sur 350 postes de travail est en cours.
Mercredi 23 juin
- Le groupe américain Kennametal (outils de coupe pour l'industrie)  vient de confirmer la fermeture de sa dernière  usine française, le site d'Andrézieux-Bouthéon (Loire) qui emploie une soixantaine de salariés. Le groupe avait déjà fermé en 2009 son site de la région bordelaise.  Les syndicats ont annoncé leur intention de poursuivre le groupe en justice et d'obtenir l'annulation  de cette décision.
Henri Valois.

 

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3 juillet 2010 6 03 /07 /juillet /2010 10:00
Le laid Paris
   
L'enlaidissement de Paris est à l'ordre du jour. Mais ce n'est pas un programme à la portée du premier venu. M. Delanoë s'y est attelé, sans grand succès. Tout ce qu'il a déparé manque d'ambition : ni son Paris Plage, ni ses choix sculpturaux, ni ses garages à Vélib n'ont dénaturé d'un centimètre la perspective du Louvre, l'alignement des Champs Elysées ou le charmant dédale de la rive gauche. Il faut un esprit autrement plus délié pour dégrader Paris. C'est sans doute pour cela que le chef de l'Etat a décidé de relever le défi.
Il y a un peu plus d'un an, le 29 avril 2009, M. Sarkozy prononçait un grand discours à la Cité de l'architecture et du patrimoine devant un parterre d'élus modernistes, d'architectes à la page, d'entrepreneurs de génie civil et de promoteurs mondains. Sur une petite musique de Bouygues et des paroles d'Henri Guaino, il nous contait la fabuleuse histoire du Grand Paris, cette huitième merveille du monde à laquelle les Français auraient droit parce qu'ils avaient bien voté deux ans auparavant. "Nous allons bâtir la ville du XXIe siècle", prophétisait-il, sans emphase aucune, la ville post Kyoto, la ville post Grenelle, celle sur laquelle le soleil du développement durable ne se coucherait jamais. L'auditoire se pâma d'enthousiasme. Certains d'entre nous commencèrent à s'inquiéter.
La parole d'Etat a d'abord pris la forme d'une exposition permanente au Trocadéro. Une dizaine d'équipes d'architectes, parmi lesquels pas mal de vieilles gloires qui défigurent depuis vingt ans nos villes et celles de nos voisins, furent admises à présenter leur vision du chantier élyséen. "Imaginer la métropole de demain" était le mot d'ordre de la manifestation. Le résultat fut à la hauteur des espérances. Des millions de parisiens, de provinciaux ou d'étrangers défilèrent pendant des mois devant des maquettes sordides, des présentations sans âme, des plans, des dessins et des écrans où le plus laid côtoyait le plus ridicule. Rien, aucun projet qui puisse racheter les autres. Il est vrai que lorsqu'ils pensent à la ville du futur, MM. Rogers, Secchi, Grumbach,  Klouche, Nouvel ou Yves Lion rêvent à Tokyo la monstrueuse, à Brasilia, à Novossibirk, à Manhattan, aux tristes urbanisations de Marne-la-Vallée ou aux barres de Villeneuve Saint Georges, jamais à Paris. Même Christan de Portzamparc et Roland Castro, d'ordinaire mieux inspirés, produisirent d'affreuses copies.  Sans doute pour rester dans le ton. 
Mais on comprit très vite que ce musée des horreurs futuristes n'était destiné qu'à amuser la galerie. Pour donner forme à tous ces projets, aussi laids fussent-ils, il aurait fallu deux choses : du temps et de l'argent. Or on n'avait ni l'un ni l'autre. Exit donc la "Cité Heureuse" et ses architectes fous, on passa à des choses moins oniriques et plus roboratives. Le gouvernement commença par mettre Christian Blanc à la tête du Grand Paris, Christian Blanc et ses cigares, ses copains banquiers et ses amis promoteurs. Le projet prit très vite la forme et la qualité du béton armé: un métro automatique de 130 km de long, reliant entre eux quarante "territoires de projet", comprenez quarante zones d'urbanisation nouvelles, couvertes de cages à poules et de tours monstrueuses, façon Shanghai. M. Blanc prit son affaire très au sérieux. Les côtes des groupes de construction et de promotion flambèrent pendant quelques semaines en Bourse. Certains d'entre nous songèrent sérieusement à émigrer. 
Heureusement la réalité finit par reprendre ses droits. On expliqua à M. Blanc qu'il n'y avait pas plus d'argent pour son métro monstrueux que pour les rêves des architectes, et qu'il était uniquement là pour servir de vitrine et de faire-valoir à la liste de l'UMP aux régionales. On lui laissa la possibilité de faire une loi, ce qui n'engage à rien, et de la défendre au Parlement, ce qui n'engage guère plus. Les godillots firent leur travail, en votant ce texte virtuel il y a un mois. La droite a perdu les élections régionales, en Île de France comme ailleurs. M. Blanc, rattrapé  par sa passion pour les cigares, quittera prochainement le gouvernement. Pour sauver la face, le pouvoir organisera à la fin de l'année un "grand débat public" sur  son projet de métro automatique. Mais qui croit encore à la réalité d'un tel projet, à l'heure de la rigueur, et à vingt mois des présidentielles ! 
Il y a deux ou trois leçons générales à tirer de cette histoire, au-delà de son côté pantalonnade sarkozienne.
La première leçon a trait à l'aménagement du territoire. Dans ce domaine, tout ce qui vient de l'Etat, de ses ministres, de ses bureaux parisiens ou de ses préfets est à fuir. C'est vrai pour nos littoraux, pour nos montagnes, pour nos métropoles régionales comme pour la Région capitale. L'aménagement, l'urbanisme sont affaire de temps, de patience, de connaissance des hommes et des réalités locales. L'Etat jacobin, impotent et ignare, n'a aucune de ces qualités. Chez lui, tout doit être grand, gros et massif, là où la France a besoin de soin, de finesse et de mesure. Laissons l'organisation de l'Île de France entre les mains des élus et d'abord des maires, on verra naître une belle agglomération parisienne, comme il existe aujourd'hui une belle agglomération lyonnaise, lilloise ou strasbourgeoise, on verra aussi renaître des villes, de vraies villes que le gigantisme étatique a étouffé ou laissé de côté, Versailles, Meaux, Melun, Pontoise, d'autres encore... L'avenir de l'Ile de France, ce n'est pas la métropole fourre-tout, monstrueuse et indifférenciée que l'Etat nous dessine depuis quarante ans, c'est une belle marqueterie d'espaces urbains, ruraux, de douces forêts, de villes grandes ou moyennes organisées autour d'une communauté qui réconcilie enfin Paris et sa banlieue. 
La deuxième leçon concerne les rapports entre l'urbanisme et l'argent. Nos villes, nos bonnes vieilles villes françaises et européennes attirent chaque jour davantage les grands prédateurs. On dénigre nos agglomérations parce qu'elles restent à peu près à taille humaine, dans un monde où tout doit être grand pour rapporter davantage. Derrière le Grand Paris de M. Sarkozy, derrière les méga-tours de M. Delanoë, comme derrière le Grand Londres ou le Grand Berlin, se cache toute la voracité du système financier international. Les marxistes pensent qu'en économie capitaliste, la ville est le lieu où les surplus viennent s'investir et prendre la forme de rentes. Ils n'ont pas totalement tort. Lorsqu'on voit aujourd'hui le niveau des surplus financiers mondiaux, on peut se faire du souci pour nos villes.
Troisième leçon, argent et laideur vont de pair. On s'en doutait un peu, on savait que nos sociétés massifiées et démocratisées avaient tendance à faciliter le mariage du pognon et du béton. L'affaire du Grand Paris nous le confirme une fois encore. Que le promoteur, le banquier ou le politicien dénaturé trouvent aujourd'hui leurs cautions intellectuelles chez certains architectes, certains urbanistes ou certains ingénieurs est un signe des temps. C'est pourquoi  la révolution que nous appelons de nos voeux n'est pas seulement sociale ou politique; comme le pensait Renan il y a près d'un siècle et demi, elle devra prendre aussi la forme d'une puissante réforme intellectuelle et morale. Travaillons-y d'urgence.  
  Claude Cellerier.
  
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11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 22:40

Opportunisme et confusion

Le congrès de la CFDT, qui s'est achevé hier à Tours, ne marque qu'une demi-victoire pour l'aile réformiste du syndicalisme français. Certes, M. Chérèque a été reconduit à une très confortable majorité au poste de secrétaire général (près de 87% des votes) et les instances dirigeantes de l'organisation restent largement entre les mains de ses partisans. Mais si l'on examine les motions votées, c'est un message de fermeté que la base a adressé à sa direction, au patronat et au gouvernement.

Sur les retraites, M. Chérèque a cherché à éviter les affrontements internes, en adoptant d'emblée une ligne relativement dure vis à vis du pouvoir. Fustigeant la précipitation de l'équipe Sarkozy, la fausse concertation et la stratégie des "ballons d'essais" qui distille la réforme dans la presse semaine après semaine, le patron de la CFDT s'est prononcé contre la suppression du seuil des 60 ans. Il a également marqué son refus d'une négociation au rabais qui se limiterait à un marchandage de contreparties, tout en étant plus ouvert sur un nouvel allongement de la durée des cotisations mais sous réserve d'un "vrai partage des gains d'espérance de vie et d'une possibilité de choix renforcée". Ce discours a un mérite, celui de la clarification :  la CFDT ne pourra pas être soupçonnée, comme en 2003, de faire le jeu de l'équipe gouvernementale. C'est pour cela qu'il a été très largement approuvé par la base. Pour autant, il ne change rien sur le fond et n'exprime aucune position originale et crédible sur un dossier qui est pourtant au coeur des préoccupations des Français.

Ainsi, la CFDT, tout comme d'ailleurs la CGT, fait le choix de se réfugier dans une attitude de pure affichage. Pas un mot sur la question pourtant essentielle du  financement des retraites et du partage de ce financement entre travail et capital au moment même où les principaux groupes français annoncent des bénéfices consistants. Pas un mot non plus sur la dégradation des conditions de travail, sur le climat de stress qui pèse dans les entreprises et qui conduit aujourd'hui les salariés à faire jouer dès que possible leur droit à la retraite. Quant à la situation des seniors et aux garanties et avantages qu'il conviendrait de donner à ceux qui accepteraient de rester plus longtemps au travail, il n'en fut pas plus question. Sur tout cela, un autre modèle pourrait être dessiné, discuté, enrichi, opposé aux propositions du gouvernement. Une mobilisation de l'ensemble des salariés deviendrait alors possible, y compris sous la forme d'une grève générale interprofessionnelle qui imposerait au pouvoir un autre cadre de discussion. En refusant de jouer leur rôle de contre-pouvoirs, d'assumer une confrontation idées contre idée, programme contre programme, bloc contre bloc, les deux grandes centrales syndicales prennent un double risque. Celui d'offrir au gouvernement actuel un boulevard pour imposer sa réforme. Et surtout celui de donner bonne conscience à la gauche pour ne pas y revenir, si elle est demain au pouvoir. Dans tous les cas, leur responsabilité politique sera considérable.

Sur les services publics, la direction de la CFDT a cherché à finasser : tout en condamnant formellement la Révision générale des politiques publiques (RGPP), elle n'excluait pas d'accepter des ajustements d'effectifs et de moyens dans certaines administrations Les congressistes ont clairement mis un terme à cette attitude confuse et là encore opportuniste. Ils ont  largement plébiscité les amendements qui appelaient à une attitude dure et résolue de défense du service public. Ce vote démontre à nouveau la phase de radicalisation dans laquelle les syndicats de fonctionnaires sont entrés depuis près d'un an face à un pouvoir qui ne raisonne plus qu'en termes comptables.

Le congrès de Tours a été également l'occasion de mesurer la vitalité de la CFDT. Après l'hémorragie militante provoquée par la prise de position sur les retraites en 2003 (on estime à 80000 le nombre d'adhérents qui avaient alors quitté la centrale), les effectifs ont recommencé à croitre pour atteindre aujourd'hui un peu plus de 800 000 cartes. On reste toutefois très loin de l'objectif de 1,2 million d'adhérents fixé par M. Chérèque en 2002. En outre, les choix stratégiques adoptés par la CFDT depuis les années 80 ont progressivement transformé la centrale en une organisation de militants et de permanents qui sont loin du terrain et qui cherchent d'abord à préserver l'appareil. Cette évolution est très perceptible également à la CGT et à FO. Elle explique pourquoi de nombreux conflits sociaux se sont déroulés ces dernières années sans les syndicats, et parfois même contre leurs mots d'ordre nationaux. Le patron de la CFDT veut visiblement changer de cap et privilégier à nouveau la proximité avec  les salariés et l'action locale. Cette directive sera t-elle vraiment suivi d'effet ? On peut en douter, d'autant qu'elle n'est pas  vraiment relayée au sein de l'appareil. Tant que l'on n'évoluera pas vers un syndicalisme de masse - ce qui suppose  l'adhésion obligatoire à une centrale, sur le modèle de certains pays d'Europe du nord - on n'arrivera pas à casser les dérives bureaucratiques et les jeux de pouvoir interne qui déconsidèrent les syndicats aux yeux des salariés français. Mais aujourd'hui, ni la CFDT, ni la CGT ne sont prêtes à cette "révolution dans le syndicalisme".

 

Henri Valois.

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N°1 - 2009/01
 
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