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5 septembre 2009 6 05 /09 /septembre /2009 21:55
Le néant et l'ennui

M. Montebourg aura donc gagné son pari. Alors que la question des primaires ne figurait pas au programme de l'Université du PS, il a fini, à force de pressions, de discours et de petites phrases, par mettre son sujet de prédilection au coeur des débats de La Rochelle. Tant pis pour les  militants ou les élus de base qui étaient venus dans l'espoir de débattre  des "valeurs de gauche", du "projet", de la "démocratie de proximité" ou de tas d'autres choses tout aussi ennuyeuses. Ils n'auront eu droit à rien de tout cela. En revanche, quel spectacle! pendant trois jours, La Rochelle a pris des allures d'Avignon, avec son "festival in", sagement organisé autour des forums et des "ateliers"  officiels, et son "festival off", constitué des mille lieux où éléphants, sous-éléphants, cornacs et éléphanteaux tenaient salon, se mettaient joyeusement en scène,  en distillant vacheries et bons mots. Dans cette catégorie, les éternels quadras, Valls, Peillon, Cambadélis, Hamon et autres Montebourg, firent  une nouvelle fois preuve de leur savoir-faire et ils furent naturellement très applaudis.

Le mot "rénovation" était bien sur toutes les lèvres et dans tous les discours. Mais c'était surtout pour conjurer le sort et éviter d'avoir quoi que ce soit à dire sur le fond. Il est vrai que Mme Aubry avait elle-même donné, dès l'ouverture de ces journées, le signal du conformisme intellectuel et de la médiocrité. Dans une tribune publiée la veille dans le Monde [1], la première secrétaire du PS nous servait un bien mauvais brouet, celui que l'énarchie socialiste nous livre depuis vingt ans : peu de chose dans la forme, rien sur le fond. Deux cent cinquante pauvres lignes, grisâtres, presque sans couleur et sans saveur, d'où surnageaient quelques morceaux de pensée molle (" la société décente" volée à Orwell, "une société d'individus" copiée sur Robert Castel, "réinventer la démocratie" ressassé depuis plus d'un siècle derrière Jaurès...). Avec pour conclusion inévitable l'appel au chèque en blanc ("il n'y aura pas d'alternative sans alternance") et l'engagement qui n'engage personne ("pas d'alternance à gauche sans un PS rayonnant, porteur d'idées et profondément rénové"). La lecture de cette purge, que n'aurait pas renié Guy Mollet, montre une nouvelle fois, après l'échec de 2007, le congrès de Reims et la Bérézina des européennes, que les dirigeants de la social-démocratie française n'ont plus ni la volonté, ni la capacité intellectuelle de proposer un projet au pays. Dont acte.

A défaut d'idées nouvelles, on pouvait au moins espérer un minimum d'échanges sur les sujets d'actualité. Là encore, déception sur toute la ligne. Il fut à peine question de la crise industrielle, et des tensions sociales qui minent un peu partout le pays. On ne parla guère plus de la mondialisation, des conséquences de l'ouverture des marchés ou des désordres de la finance mondiale (de peur sans doute d'avoir à déjuger MM. Lamy et Strauss Kahn dont les ombres planaient sur ces journées). Quant à l'Europe, pas un mot. Les querelles du référendum de 2005 ou du traité de Lisbonne devaient rester au vestiaire et il n'était pas question d'inquiéter les militants sur les collusions entre socialistes et conservateurs à Bruxelles et sur les grandes manoeuvres autour de la réélection de M. Barroso.

Ni idées nouvelles, ni sujets qui fâchent,... Le risque existait de voir ces journées d'études tourner court et le désarroi s'emparer à nouveau du PS. Heureusement M. Montebourg et son magasin de farces et attrapes étaient là pour sauver la mise à tout le monde. On lança  successivement  le feu d'artifices des primaires, celui du cumul des mandats, celui des alliances avec le MODEM, tous sujets qui, à défaut d'intéresser les Français, passionnent les élus socialistes et font frétiller la queue des journalistes. Les résultats de cette excellente diversion ne se firent pas attendre. Sur le front des primaires, on assista à un parfait bal de  faux c...ls : MM. Delanoé et Fabius, hier encore hostiles, se ralliaient avec des accents d'enthousiasme, sous l'amicale pression de leurs amis.  Le débat fit rage, comme on pouvait s'y attendre, sur le cumul des mandats, qui touche, il est vrai, quasiment tous les caciques du Parti. On s'empailla joyeusement  sur l'alliance avec Bayrou, qu'à ce stade, Ségolène et son clan sont à peu près seuls à plébisciter. On vit à l'inverse l'assemblée communier dans l'extase, lorsque M. Montebourg esquissa l'idée d'une VIéme République, jusqu'à ce que certains esprits chagrins fassent remarquer qu'elle avait un peu trop de points communs avec la IVéme ! L'université d'été s'achevait mieux qu'elle n'avait commencé. Les gazettes finissaient par décrèter que Mme Aubry avait parfaitement réussi son coup, qu'elle avait repris la main et que tout allait pour le mieux au pays des socialistes. On se dispersa aux accents joyeux de La Jeune Garde, du Grand Métinge et du Petit Vin Blanc.

On imagine ce que ressent  le "peuple de gauche", une fois passée la "gueule de bois" de ce week-end mémorable. Débarbouillé de ses maquillages, loin des feux de la rampe, le Parti émerge dans sa triste réalité, celle d'un cartel de sortants, terrifiés par avance à l'idée de leurs prochaines défaites et qui ne veulent surtout prendre aucun risque. La main tendue au MODEM apparaît pour ce qu'elle est, une sorte de signal de détresse jeté à la mer. Et seule Mme Royal poursuit réellement cette dernière chance, les autres éléphants ayant, semble-t-il, renoncé à penser. Combien de temps faudra-t-il à la présidente de Poitou Charentes pour disperser la direction actuelle et mettre au mouillage ce bateau ivre ? Elle se doit d'agir vite car, après tant de rendez-vous ratés, le temps du socialisme en France semble désormais compté.


Hubert de Marans.



[1]. Martine Aubry, "Conduisons une offensive de civilisation ! C'est nécessaire et possible", Le Monde du 28 Août 2009.

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9 juillet 2009 4 09 /07 /juillet /2009 10:14
La République de Bernard Tapie

Allons-nous vivre une nouvelle Affaire Tapie ? On se souvient que l'été dernier notre ex chanteur, ex ministre, ex roi des entrepreneurs avait défrayé la chronique, en retournant à son avantage et contre toute attente, l'inextricable dossier Adidas. Quelques amis bien placés dans les coulisses du pouvoir, une procédure d'arbitrage rondement menée, des créanciers soudain très arrangeants, et l'affaire était faite. « Scandale d'Etat », s'étaient indigné M. Bayrou et quelques autres. Mais tout cela est maintenant oublié et l'ami Bernard devrait toucher à la fin de cette année un très joli magot, de l'ordre d'une centaine de millions d'euros selon la Tribune. De quoi se sentir à nouveau pousser des ailes et se mettre dans le sens du vent.

Certains annonçaient son retour en politique. A la tête d'un ministère « fracassant », créé à sa mesure par son ami Sarkozy, dans le cadre de l'ouverture. « Trop tôt, trop risqué, trop voyant », s'exclama le chœur de jeunes énarques qui monte la garde à l'Elysée. « Une carte utile, mais à sortir plus tard, quand cela en vaudra vraiment la peine », tempérèrent deux ou trois conseillers politiques blanchis sous le harnais. On remisa donc pour un temps le maroquin mirobolant.

A défaut de la politique, il y a les valeurs sûres, les entreprises et le sport. Au registre du football, notre homme a visiblement quelques rachats en tête. « Je commence à avoir ma petite idée » explique-t-il fin juin à l'Express, « il faut que ce soit un club qui n'a pas gagné de trophées depuis longtemps et qui fait du beau jeu » Et de citer « Nantes, Nîmes, Cannes, Nice... et une bonne dizaine d'autres ». Histoire de brouiller les pistes.

Mais c'est dans le monde des affaires que Tapie prépare son grand retour. Avec une cible de choix : le Club Méditerranée, une vieille valeur des années 60 qui peine à se trouver un second souffle sous la houlette d'un fils Giscard d'Estaing. L'offensive de Tapie contre les dirigeants du Club a commencé il y a de deux mois et elle fait déjà les choux gras de la presse économique. Déclarations fracassantes, démentis tout aussi tonitruants, attaques personnelles de part et d'autres, rumeurs et contre rumeurs, insultes, plaintes, manipulations, coups de bourse... Nous voilà subitement plongé dans une atmosphère qui n'est pas sans rappeler les belles heures de l'affairisme mitterrandien. Cette nostalgie là, Monsieur Tapie sait en jouer avec talent.

Ce qui retient l'attention dans ce nouvel épisode du feuilleton Tapie, c'est moins l'acteur-vedette, que nous connaissons par cœur, que le théâtre d'ombres qui s'agite en arrière plan, dans les coulisses, les cintres et les machines. On y rencontre bien sûr l'incontournable Claude Guéant, nouveau Foccart à qui rien n'échappe, qui reçoit, qui conseille et puis dément. Tous les échanges, arrangements et conciliabules se passent naturellement Avenue Georges V, chez Alain Minc, l'entremetteur patenté du CAC 40, Minc à qui Tapie lance, dans une réplique digne d'Octave Mirbeau, « Vous voulez aller dans la gadoue ? Tant mieux, j'y suis chez moi, puisque je n'ai jamais eu le droit de jouer ailleurs ». On y trouve également, parmi les figures méritoires du clan Tapie, un certain Pigasse, ex énarque socialiste, ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius aux Finances, qui sévit depuis dans une grande banque d'affaires. Et tant d'autres, avocats mondains, conseilleurs intéressés, banquiers publics plus ou moins assermentés, hommes politiques, petits financiers, grands assureurs, sans oublier les officines de renseignements, les journalistes au noir, les larbins, les faquins, les fakirs et quelques passe-lacets.

Les prises de guerre de Bernard Tapie se limitent pour le moment à quelques fractions du capital du Club Med. Provisoirement. Il attend sans doute les munitions financières que l'affaire Adidas doit lui procurer pour reprendre sa campagne. Gageons qu'il arrivera à ses fins, parce qu'il est tenace, qu'il a une revanche à prendre sur l'establishment financier en place et qu’aujourd’hui il a dans ses mains les meilleures cartes. Car derrière ses allures bonnasses, il y a du Vautrin chez Tapie. Sa République singe chaque jour davantage le petit monde de la Comédie humaine, et chacun peut y désigner son Marsay, son Rastignac, son Ferragus ou son Bibi Lupin. Vous verrez, comme chez Balzac, il finira chef de la police, ou, pour parler comme aujourd'hui, Ministre de l'Intérieur !

D'ici là, profitez des vacances pour vous plonger dans l'excellente enquête publiée l'an dernier par Laurent Mauduit, Sous le Tapie[1]. La conclusion de l'Affaire Adidas a soulevé chez Mauduit des montagnes d'indignation et il a décidé de ne rien passer à l'ex homme d'affaires et à ses amis. En remontant les fils de ce qu'il appelle « un crime proprement fait », il met à jour un monde de réseaux d'influence dont les affinités ne datent pas d'hier. Les mêmes réseaux qui, après avoir tiré Tapie du Purgatoire, s'occupent aujourd'hui de lui redonner un avenir.

  Hubert de Marans.



[1].  Laurent Mauduit, Sous le Tapie (Stock, Novembre 2008).


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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 18:47
Après la crise,
refonder l'Europe


Nous donnons ci-dessous le texte publié le 6 juin dernier par le prince Jean, dauphin de France, duc de Vendôme, à la veille du scrutin européen [1].  Le prince y pointe de la façon la plus précise qui soit les causes de la crise européenne et plaide pour une réforme profonde des institutions et des modes de faire. L'Europe doit sortir d'un processus qui la résume au champ d'entité économique ou cherche à en faire une copie du modèle fédéral américain. Elle doit au contraire s'assumer en tant qu'alliance de nations souveraines, ce qui appelle une nouvelle philosophie d'action.

Ces réflexions prennent une valeur toute particulière maintenant que nous connaissons les résultats du scrutin de dimanche dernier. Ceux-ci semblent en effet  montrer qu'une certaine Europe, celle des Schumann, des Monnet et des Delors, est en train de mourir et que les peuples européens  aspirent à un autre avenir pour le continent. Intuitions fortes, que la réalité confirme, et qui peuvent servir de guides à ce plan de refondation de l'Europe qu'il est maintenant urgent d'entreprendre.

Le constat s'impose : l'Union européenne telle que nous la connaissons s'est révélée incapable de résister à la déferlante de la crise mondiale. Si les causes directes de cette crise qui secoue si durement l'Europe sont bien connues, ses causes profondes semblent encore échapper à la classe politique. Et pourtant, elles sont déjà parfaitement lisibles dans l'onde de choc des évènements.

Une institution prouve sa fiabilité par son aptitude à affronter victorieusement les tempêtes. Pour l'Europe de Bruxelles, la démonstration a été cruelle. Devant l'avalanche des problèmes, les chefs de gouvernement - président Sarkozy en tête - n'ont eu qu'un seul et salutaire réflexe : défendre ardemment leurs intérêts nationaux. L'urgence leur rappelait qu'ils en étaient directement comptables. Quant à la Commission européenne, elle avait disparu de la scène. Ce qui est apparu, c'est que cette situation n'était pas conjoncturelle mais bel et bien structurelle : déjà la machine ne fonctionnait plus, et son inadéquation s'est révélée à travers la persistance têtue du fait national.

C'est pourquoi aujourd'hui, alors que les gouvernements sont acculés à une gestion empirique de la crise, il me faut prendre la parole. Je veux le dire avec force : s'agissant de l'Europe, l'urgence est désormais de trancher dans le vif et de se décider à réformer au fond. Réformer ? Mieux encore : refonder. Sans faire table rase, avec réalisme, lucidité et détermination. L'Europe ne doit être ni réduite à une entité économique ni calquée sur le modèle américain. Elle a une identité profonde fondée sur ses racines culturelles, son cadre géopolitique et l'évolution millénaire de ses structures politiques. Il serait vain, et extrêmement dangereux, de l'oublier ou de le nier.

Ses racines sont chrétiennes : qu'on le veuille ou non, c'est la chrétienté qui l'a fait naître et lui a donné ses assises. Son équilibre géopolitique lui vient de la géographie et de l'histoire, et non des idéologies de passage. Et sa structure politique demeure inséparable - on le voit tous les jours - des nations historiques qui la composent. Reconnaître ces trois faits n'est pas s'enfermer dans un passé révolu, c'est au contraire se donner les moyens de bâtir un avenir durable - en s'appuyant sur le roc du réel et non sur des opinions mouvantes, incertaines et contradictoires.

Vers une alliance de nations souveraines

Aujourd'hui, ma voix est encore peu audible, je le sais. Mais ce que je dis ici, je le fais au nom du principe qui m'habite, dont la légitimité est liée aux fondements et à la continuité historique de la France.

Ce que je veux dire est ceci : l'Europe est aujourd'hui appelée à devenir une alliance de nations souveraines qui, partageant librement une vision concrète et humaniste de la politique, s'attellent ensemble à la réalisation de projets visant au bien commun des pays qui la composent et au traitement résolu des grands problèmes mondiaux. Voilà l'esprit nouveau à communiquer à des institutions européennes à bout de souffle qui exigent une rénovation profonde.

- Pour être viable, cette alliance des nations européennes ne peut que s'appuyer sur les racines culturelles de l'Europe ; s'inscrire dans le cadre des nations historiques, le seul où s'exprime pleinement le lien social ; et limiter son extension dans l'espace, en assumant son équilibre géopolitique propre.

- Son parlement doit devenir représentatif des forces économiques, sociales et morales à l'œuvre au sein des nations associées. Là où, aujourd'hui, les contraintes technocratiques et uniformisatrices ne sont modérées que par les déchirements idéologiques de listes politiciennes rivales, provoquant un absentéisme électoral élevé, le parlement européen doit devenir le lieu d'expression, de dialogue et de coopération des forces vives de nos différents pays.

- Son action extérieure - objectifs diplomatiques et militaires communs, projets communs - doit relever de la seule responsabilité des chefs d'Etat et de leurs ministres réunis en conseil. Fortes d'accords adaptés et pragmatiques, les nations européennes ont naturellement vocation à prendre l'initiative sur les grands dossiers mondiaux : gestion des ressources et maîtrise de l'énergie, lutte antiterroriste et résolution des conflits, aide aux pays en développement.

En février 2008 - avant le déluge, donc ! -, j'avais exprimé mon attachement à l'idée de vérité en matière politique. Au nom de cette vérité même, j'entends aujourd'hui prendre date et affirmer que le temps est venu pour l'Europe de s'assumer dans sa réalité propre, ouverte au monde autant qu'à elle-même, avec tout ce qu'elle a reçu et tout ce qu'elle a encore à donner. Ce qui passe par une réforme institutionnelle profonde. C'est à ce prix qu'elle assurera sa prospérité et son rayonnement.

Jean de France, duc de Vendôme.
 

[1]. Mis en ligne sur le site de l'association Gens de France - www.gensdefrance.com

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3 juin 2009 3 03 /06 /juin /2009 20:58
Les socialistes ont-ils besoin de savants ?

Notre chronique politique de la semaine dernière, consacrée à la campagne européenne du PS, ("La chute de la Maison Delors", RCIL du 26 Mai 2009) a suscité de nombreux commentaires, échanges et reprises, au-delà même du cercle encore modeste de nos lecteurs réguliers. C'est sans doute que les mésaventures des socialistes intriguent, que bon nombre de nos compatriotes s'interrogent sur cette capacité du PS à échouer sur toute la ligne, alors qu'il devrait se sentir pousser des ailes. Jamais, depuis les débuts de la Ve République, le chef de l'Etat n'aura été aussi décrié, honni, moqué; jamais sans doute le pouvoir en place n'aura été aussi falot, inconsistant, nul, incompétent; jamais les extrêmes - qu'il s'agisse de la droite ou de la gauche - n'auront été aussi faibles, divisés, privés de toute crédibilité. Et pourtant rien ne réussit à Mme Aubry et à ses  équipes. Rien, au point que l'on se demandera dans quelques semaines pourquoi elle est encore là.

En réalité, si les Français sont aujourd'hui aussi sévères avec les socialistes, c'est qu'ils les trouvent tristes, sans audace et sans idées. Prenez le temps de lire le programme du PS pour le prochain scrutin européen, l'ennui y transpire à chaque ligne, tout y est morne, terne, sans vigueur et sans goût. Quant aux idées, nos amis de la rue de Solférino en sont à ce point privés, qu'ils tressaillent, s'épouvantent et s'enfuient à la moindre thèse nouvelle qui sort un tant soit peu de leur champ de vision habituel.

En témoigne l'aventure qui vient d'arriver à l'économiste Jacques Sapir. Sollicité pour donner un entretien à la gazette interne du PS, il développe son argumentaire bien connu sur les délocalisations, les méfaits de l'ultralibéralisme et l'impuissance  des institutions européennes à répondre à la crise. Lorsqu'il finit par émettre l'idée - somme toute assez juste - que l'Europe sociale relève du pur fantasme, c'est "panique à bord" chez "l'interviouveuse" socialiste. Celle-ci finit d'ailleurs par lui préciser qu'elle ne  passera pas l'entretien, pour cause d'incompatibilité avec la ligne du PS, et qu'elle n'était d'ailleurs point là pour faire de l'information mais de la communication. On ne pouvait mieux résumer ce que l'équipe de Mme Aubry entend par débats d'idées!

Hubert de Marans.

 

NB. Pour un récit détaillé de ce grand moment de liberté de la presse ou, plus simplement, pour prendre connaissance de l'oeuvre de Jacques Sapir, nos lecteurs se reporteront avec profit au blog de Bertrand Renouvin, ainsi qu'à la dernière livraison de l'excellent bimensuel Royaliste [1] (n°949, 1er Juin 2009).
 
[1]. Royaliste, bimensuel - 17, rue des Petis-Champs 75001 Paris - www.narinfo.fr.st

 

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25 mai 2009 1 25 /05 /mai /2009 22:32
La chute de la Maison Delors

Avis de tempête sur le Parti socialiste. A moins de quinze jours du scrutin européen, le PS  ressemble chaque jour davantage à un bateau ivre, sans pilote et sans gouvernail, qui s'avance, résigné, vers son triste sort. Mme Aubry a beau s'être mise elle-même à la manoeuvre, elle peut bien décréter le branle-bas de combat, la mobilisation générale, lancer ses ordres du jour et ses directives, plus rien ne répond. Les mauvais sondages tombent les uns derrière les autres, Bayrou menace, Cohn-Bendit grignote, Besancenot ricane et Fillon compte les points. Quant aux militants et aux cadres, ils n'ont jamais vraiment adhéré à cette morne campagne, qui plus est sans enjeu local; ils restent chez eux et attendent le passage du "trou d'air", en croisant les doigts pour que le 7 juin ne ressemble pas à un certain 21 Avril.

Décidément, l'Europe ne porte plus chance aux socialistes. Le référendum européen de 2005, qui avait placé le PS à deux doigts de l'explosion, continue, encore aujourd'hui, à  entretenir un climat belliqueux entre les courants. La querelle a failli repartir en 2008, au moment de la ratification du Traité de Lisbonne, jusqu'à ce que les deux ennemis d'hier, Fabius et Hollande, fassent volte face et sauvent l'unité du Parti au prix d'un déni de référendum. Un épisode peu glorieux, qui a fini par écoeurer et faire partir une bonne partie des nouveaux militants ralliés, pendant la présidentielle, au discours "national" de Mme Royal. Et puis, aujourd'hui, cette campagne décevante des européennes, qui s'achève sans avoir vraiment commencé et dont on pressent qu'il ne sortira rien de bon...

On raconte que, depuis quelques jours, l'ambiance est à nouveau électrique, rue de Solférino. Chacun y va, y compris dans le premier cercle, de ses petites phrases, de ses critiques et de ses mises en garde. Les écuries présidentielles se sont remises au travail :  on scrute les erreurs des clans adverses, on accumule les griefs, on prépare, dans la joie et la férocité, les mises en accusation et les renversements d'alliance d'après scrutin. Sans parler des députés européens sortants, qui s'inquiètent, font et refont leurs comptes et qui mettent déjà sur le dos de la direction aubriste leur mauvais sort électoral !

 Si l'heure est à la querelle, elle n'est pas encore aux explications de fond. On parle bien, ici ou là, d'un vote sanction d'une partie de l'électorat populaire, mais sans vraiment y croire. Personne, parmi les dirigeants du parti, ne semble mesurer le décalage qui existe entre le programme de campagne ripoliné, farci de bonnes intentions, foncièrement "eurobéat", que le bureau national du PS a adopté début mai et l'état d'inquiétude et de colère dans lequel se trouve aujourd'hui le pays. Personne, parmi les dirigeants socialistes, ne paraît comprendre que les dogmes européens d'hier - fédéralisme, mondialisme, libre échangisme, néo-libéralisme - font aujourd'hui l'unanimité des peuples contre eux. La défaite du PS, le 7 juin prochain, si défaite il y a, sera à l'image de ce parti devenu autiste, qui a perdu tous ses repères, qui ne sait plus dans quel monde il est.

Pouvait-il en être autrement? La majorité disparate, constituée en hâte après Reims, pour faire pièce à l'imprévisible Ségolène Royal, ne dispose d'aucune ligne politique, ni sur l'Europe, ni sur le reste. Depuis six mois, elle navigue à vue. Son programme - le même que celui des radicaux d'avant guerre ou de la SFIO sous la IVe République - se résume à un seul mot d'ordre : "durer, durer le plus longtemps possible", en attendant l'alternance qui finira bien, un jour ou l'autre, par ramener la gauche au pouvoir. C'est cette ligne "molletiste" qui risque bien, elle aussi, de faire les frais du scrutin du 7 juin.

     Peut-on imaginer la répétition du scénario de 1994 qui avait vu l'éviction en moins d'une semaine des dirigeants rocardiens, après leur échec cuisant aux européennes ? Rien n'est moins sûr. L'actuelle direction tient encore, d'une main relativement ferme, les barons, l'appareil et les réseaux. Elle jouera sur l'inertie et sur la proximité des élections régionales  pour se maintenir en place jusqu'au printemps 2010. D'ici là, peut-on espérer que tous ceux qui, dans les rangs socialistes, rêvent d'une autre ligne, celle là plus nationale, moins atlantiste, moins libérale, sauront se fédérer, y compris en claquant la porte de la "vieille maison"? Le pays aurait besoin de cette clarification utile.
Hubert de Marans.

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5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 14:37
La joie et l'espoir
 
"La Maison de France, c'est notre maison", disait Bernanos. Avec, parfois, ses peines qui sont les nôtres, avec ce grand bonheur aujourd'hui qui nous remplit de joie. Du  mariage du Dauphin, nous retiendrons, parmi mille belles choses, les deux photos ci-contres - émouvantes jusqu'aux larmes -, l'homélie si forte de Mgr Brizard, directeur général de l'Oeuvre d'Orient et cette dernière strophe de notre "Vive Henri IV" que chantait à pleins poumons, par un bel après-midi, un peuple fidèle.


L'équipe de la Revue Critique des Idées et des Livres adresse à Mgr le Duc de Vendôme et à Madame tous ses voeux de bonheur et de prospérité. Elle assure Mgr le Comte de Paris et l'ensemble de la Maison de France
de sa respectueuse fidélité.
 



L'Homélie de Mgr Philippe Brizard
Directeur général de l'0euvre d'Orient.

Monseigneur, et je pense fort à Madame la Duchesse de Montpensier qui est la première à regretter de ne pas tenir sa place ici aujourd’hui,

Cher Jean, chère Philomena,

Vous avez souhaité que je vous interpelle ainsi, par vos noms de baptême. Vous soulignez, par là, votre appartenance à l’unique Eglise du Christ et l’égale dignité des enfants de Dieu. Cette égalité n’exclut pas les différences, comme le dit saint Paul dans sa célèbre comparaison avec le corps. Elle autorise même les distinctions pour servir l’harmonie de l’ensemble. Ainsi, la noblesse est ordonnée à l’excellence, le pouvoir au service, la richesse au don, le savoir à la patiente édification de tous. Pareillement, on ne se marie pas pour soi seulement mais pour remplir sa vocation de fils et de fille de Dieu. C’est bien ce qui ressort de la lecture du mariage de Tobie et Sara : ils ne se marient pas par seul vouloir d’homme mais en Dieu et dans sa bénédiction. A travers les lignes du texte et les mœurs, quelque peu romancées d’ailleurs, d’une autre époque, nous voyons bien qu’un discernement spirituel a été opéré qui rend les futurs sûrs de ce qu’ils sont faits l’un pour l‘autre. Plus loin, la prière de Tobie et de Sara exprime avec grâce leur projet et la mission dont ils sont investis et qui correspond au dessein de Dieu sur leurs vies. Vous-mêmes, Jean et Philomena, en choisissant l’évangile des noces de Cana, vous faites confidence des perspectives dans lesquelles vous situez votre mariage.

Mes frères, accourus parfois de loin pour entourer Jean et Philomena, prenez garde à votre manière de lire cette page célèbre de l’évangile. Ce récit est en réalité une leçon de catéchisme dans laquelle est exposé le mystère chrétien du salut des hommes. Dépassez l’anecdote et comprenez l’enjeu. Ce n’est pas un hasard si Jésus commence sa vie publique en allant aux noces d’amis de sa mère. Déjà, Jean-Baptiste l’avait présenté comme l’époux qui vient. Et Marie, qui croit en son Fils, le pousse à se révéler. Malgré ses protestations – « mon heure n’est pas encore venue -, il va manifester sa gloire. Quand arrivera-t-elle donc cette heure de la véritable manifestation de sa gloire ? Au moment où Jésus passera de ce monde à son Père, à l’heure de sa croix. Les noces de Cana, et, à travers elles, toutes les noces, sont signes de cette heure-là. A cette heure-là, est dévoilé ce qui était encore caché à Cana : le comble de l’amour. Jésus donne sa vie en aimant jusqu’au bout. Jésus, le Christ, scelle l’Alliance nouvelle de Dieu avec l’humanité par son sang. Cette Alliance, sans cesse proposée à l’homme et sans cesse rompue par lui ; cette Alliance où Dieu se révèle amoureux de sa créature comme le dit magnifiquement Osée ; cette Alliance dont l’accomplissement est signifié dans l’Apocalypse par des noces somptueuses où la fiancée représente l’humanité recréée et sanctifiée par l’époux, l’Agneau immolé. Par cette Alliance sainte, nous recevons du Christ l’amour, la libération, la royauté, la sainteté, la puissance et la vie.

Tous ces signes et toute cette heure se concentrent sur la messe. C’est pourquoi vous célébrez votre mariage au cours de la messe, mémorial de l’Alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Christ.

Maintenant, voyons comment Jésus manifeste sa gloire à Cana. Il est intéressant de noter que Jésus se rend à Cana le troisième jour après la promesse faite à Nathanaël, (ce Juif à qui on ne la fait pas : « de Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? »). Jésus lui avait dit qu’il verrait de grandes choses. Quand on parle de troisième jour dans la Bible, comme par exemple lors de l’Alliance sinaïtique, ou mieux lors de la résurrection de Jésus, on évoque l’ouverture d’une ère nouvelle, le commencement des temps derniers et définitifs, le début de la manifestation de la gloire de Dieu. De même qu’au Sinaï, Dieu manifesta sa gloire en donnant la Loi le troisième jour, de même, à Cana, le troisième jour, Jésus manifeste sa gloire en donnant un vin meilleur, symbole de la Bonne Nouvelle. J’observe que ce vin provient de l’eau qui servait à la purification des Juifs. L’eau devenue vin, c’est la purification qui n’est plus liée à l’observance de la Loi mosaïque mais à l’Evangile du Christ, à sa Parole dont le vin est l’image. Un message d’une telle nouveauté, que Jésus dira un jour : « A vin nouveau, outres neuves ».

Avec quelle profusion donne-t-il ce vin ! La grâce est surabondante. La joie et le bonheur en Dieu sont au-delà de toute mesure. Dieu comble absolument. Le premier vin servi par l’époux venant à manquer, - par eux-mêmes, les hommes sont incapables de parvenir au bonheur en plénitude -, c’est le véritable Epoux qu’est Jésus, qui offre le vin nouveau et qui l’offre avec surabondance comme don ultime. On ne peut lire l’évangile qu’à la lumière de ce troisième jour, celui de la Résurrection de Jésus, qui ouvre l’accès au Royaume où le Seigneur boira avec nous le vin nouveau de la joie éternelle.

Jean et Philomena, vous avez choisi cette page de l’évangile parce qu’elle vous a impressionnés : c’est le mystère caché de votre amour qui trouve son sens dans le dessein de Dieu sur l’humanité dévoilé par Jésus-Christ. De même que les noces de Cana annoncent les noces de Jésus sur la croix scellant l’Alliance nouvelle et éternelle, de même votre mariage, comme tout mariage, est une image de l’amour tout-puissant de Dieu, de l’Alliance de Dieu avec l’humanité. « Ce mystère est grand, dira saint Paul : je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise ». L’immense dignité du mariage vient de là. Dieu vous donne son amour pour que vous vous aimiez divinement et que vous progressiez dans son amour et dans votre amour. Avec un peu de bonne volonté, le mystère de l’amour humain amène à contempler le mystère trinitaire de l’amour de Dieu. Dieu est fou d’amour, d’un amour fort comme la mort et même plus fort qu’elle, comme le chante le Cantique des Cantiques. Ce beau chant d’amour, qui mêle éros et agapê, semble dire : « vous voulez savoir ce qu’est l’amour de Dieu ? Regardez donc un homme et une femme qui s’aiment ». L’Eglise compte sur vous pour que vous rendiez un tel témoignage.

En vous mariant, vous vous associez pleinement à l’œuvre d’amour de Dieu. C’est donc en vue de ce fameux troisième jour, le Jour du Seigneur où il manifeste sa gloire, que vous accomplirez, Jean et Philomena, votre mission qui consistera également à gérer les affaires de ce monde. (Et vous savez, Jean, combien je goûte les perspectives dans lesquelles vous entendez mener votre action, telle qu’une tout récente interview de Gérard Leclerc l’a dévoilée). Ensemble, vous réaliserez une œuvre spirituelle pour humaniser la vie ; vous transformerez l’eau fade d’un quotidien souvent prosaïque en vin du Royaume éternel. Et si, d’aventure, vous rencontrez le manque, tels les époux de Cana, souvenez vous de Marie : elle est là avec vous. Elle est la Guebira, la Reine-Mère. Elle a de l’influence sur le Roi, son Fils. Si vous le demandez, elle obtiendra de lui que vous sortiez de l’épreuve. Alors, vous vous souviendrez du vin de Cana : le meilleur vient après.

Cana et Senlis ont en commun d’être des lieux de mémoire et de commencement : commencement de l’annonce de la Bonne Nouvelle, commencement de la dynastie dont, Jean, vous êtes issu. Pour l’heure, Cana en Île de France s’appelle Senlis. Il y a des noces, ce sont les vôtres.


Vive Henri IV (dernière strophe)

 

Chantons l'antienne
Qu'on chant'ra dans mille ans,
Chantons l'antienne
Qu'on chant'ra dans mille ans,
Que Dieu maintienne
En paix ses descendants
Jusqu'à c'qu'on prenne
La lune avec les dents.

 

 

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25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 21:10

Un rebelle

 

Il y a des hommes politiques qui ont du mal à se faire à l'idée qu'ils ne sont plus aux affaires et que plus personne ne veut les voir. Jean-Pierre Raffarin fait partie du lot. Il est vrai que, ces dernières années, la vie n'a pas été tendre pour lui : éjecté du pouvoir en 2005, après avoir battu des records  d'impopularité, chassé de la présidence de la région Poitou-Charentes, battu par Gérard Larcher à la présidence du Sénat, indésirable - ou presque - à l'UMP, il lui reste tout juste son mandat de sénateur pour pleurer. Comme celà n'occupe guère son homme, il s'est fait une spécialité de la communication tous azimuts. Il dit son mot sur tout, le plus souvent pour ne rien dire. Parfois, il vaudrait mieux qu'il se taise.

En témoigne l'entretien qu'il donne ce soir au Monde et qui traite à la fois de l'Europe et de la situation sociale[1]. Sur l'Europe, Raffarin nous joue la "rupture" façon Sarkozy: "Je souhaite une Europe rebelle, dit-il très sérieusement, notamment face à la financiarisation du monde (...). Une Europe qui tranche avec la politique des compromis et des petits pas, qui prévaut depuis cinquante ans.(...) Pour celà, l'UMP doit affirmer une rupture dans le projet européen ".

Après tant d'ambition, de volontarisme et de résolution, on attendait notre rebelle sur les conflits sociaux. Et là, curieusement, le discours change du tout au tout. Oubliée la rupture. Ce qui importe c'est de "faire respecter l'Etat de droit en matière sociale", de juguler avec "fermeté" les séquestrations de patrons, faute de quoi l'attractivité du pays en pâtira. M. Raffarin n'y va d'ailleurs pas de main morte en matière de justice sociale: pour lui "les hauts revenus sont taxés à 50%, ce qui est déjà beaucoup" et il n'est évidemment pas question de remettre en cause les indemnités de départ d'un patron, un contrat étant un contrat. Les milliers de salariés qui craignent pour leur avenir apprécieront !

Après tout pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du raisonnement de M. Raffarin. S'il est vrai que les séquestrations de patrons font mauvais genre à l'étranger, et qu'elles risquent de nous faire perdre quelques dollars d'argent sale ou la considération des rapaces de Wall Street, une autre possibilité s'offre aux salariés en colère : celle de faire battre aux prochaines élections tous les hommes politiques inutiles! Gageons même que cela ferait sérieusement remonter la cote de la France dans les pays qui jugent que notre classe politique est nulle et prétentieuse. Et Dieu sait s'ils sont nombreux !

Mais trève de plaisanterie. Les déclarations de l'ancien Premier ministre doivent être prises au sérieux. Elles sont révélatrices de ce que pense aujourd'hui une partie de la classe dirigeante, celle qui n'a toujours rien appris, ni rien compris de l'histoire. Commentant il y a un siècle les évènements sanglants de Draveil, Charles Maurras affirmait que "la guerre des classes naîtra toutes les fois qu'une classe parlera du devoir des autres au lieu d'examiner si elle a fait le sien"[2]. Dans les temps difficiles que nous allons connaître, il faut espérer que la bourgeoisie française, dans sa plus grande part, saura se souvenir des devoirs qui sont les siens.

Hubert de Marans.



[1]. Le Monde, 26 et 27 avril 2009.
[2]. Charles Maurras, "la question ouvrière", L'Action française, 30 juillet 1908.
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5 avril 2009 7 05 /04 /avril /2009 09:16

Patrick Besson,
royaliste... pour de vrai



Dans une récente livraison du Point (26 mars 2009), l'écrivain Patrick Besson nous livre un portrait plein d'humour de la visite de Ségolène Royal au dernier Salon du Livre. Et au détour de son récit, cette confidence qui réjouira  nos lecteurs... 

D'abord, je propose qu'on arrête d'appeler les partisans de Ségolène des royalistes. C'est une façon agaçante de nier dix siècles d'histoire de France. Sur la couverture de «Mon album de famille», de Michel de Grèce (Perrin, 1996), la photo d'Isabelle de France, duchesse de Guise, mère du comte de Paris. Son air royal n'a rien de socialiste. Il y a eu des rois avant Ségolène. Et des reines. Quand il entend des jacobins (Peillon, Valls, Dray) être appelés des royalistes dans les médias, Charles Maurras doit se retourner dans sa tombe, bien qu'il ait été sourd. Et Léon Daudet. Maurice Pujo. Je feuillette mon vieil exemplaire de « L'Action française », le livre d'Eugen Weber paru en 1964 chez Stock. Que j'ai lu sur la plage de Villers-sur-Mer en 1973. L'été où je suis devenu royaliste, moi aussi. Je me demande pourquoi. Et pourquoi, par exemple, j'ai souligné cette phrase : « Les élections de 1902, désastreuses pour les monarchistes et l'extrême droite, indiquaient assez dans quelle atmosphère le conflit Eglise-Etat allait se dérouler. » J'aime les extrémistes parce qu'ils sont les seuls à ne pas faire de la politique par intérêt. Ils savent, en commençant leur absence de carrière, qu'ils n'auront aucune place au soleil. Qu'ils risquent au contraire de se retrouver à l'ombre. Il faudrait beaucoup argumenter pour me convaincre que ça ne part pas d'un bon sentiment.

 

Rappellons que Patrick Besson est l'auteur d'une brassée d'excellents romans et récits, parmi lesquels Dara (Le Seuil, 1985, Grand prix du roman de l'Académie française), Les Braban (Points, 1995, Prix Renaudot), Saint Sépulcre! (Fayard, 2005), Julius et Isaac (Points, 2007), La science du baiser (Points, 2007), Belle Soeur (Fayard, 2007). Il vient de publier un beau recueil de nouvelles dont nous rendrons prochainement compte : 1974 (Fayard, mars 2009).

W.

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21 mars 2009 6 21 /03 /mars /2009 21:07

Otan : un débat pour rien

 

Ceux qui pensaient que le retour de la France dans l'OTAN serait l'occasion d'un grand débat politique en sont pour leurs frais. C'était trop demander à nos institutions démocratiques. Et c'était trop demander au Premier ministre et aux dirigeants de l'UMP, qui ne souhaitaient pas que cette question envenime les rapports au sein de la majorité. L'affaire a donc été traitée de la façon la plus politicienne qui soit.  L'Assemblée nationale, après une journée d'échanges inodores et sans saveur, a sagement conclu ses travaux par un vote de confiance au gouvernement. Les défections ont été peu nombreuses au sein du parti majoritaire[1] et les interventions de l'opposition sont restées on ne peut plus mesurées. En marge de la discussion parlementaire, chacun a cherché à tirer son épingle du jeu : MM.Jospin et Juppé en exposant leurs états d'âme, M.Villepin en réglant ses comptes avec le chef de l'Etat, M. Fabius avec les euro-atlantistes du PS,  M. Bayrou avec ses ex-amis du centre et de la droite. Seul Hubert Védrine s'est vraiment montré à la hauteur du sujet mais sa voix n'a trouvé de relais ni dans les grands médias ni dans l'enceinte parlementaire.

On pouvait prévoir ce résultat lamentable. Comme l'indiquait fort justement Laurent Zecchini dans une chronique du Monde[2], « la messe atlantiste » était dite d'avance et le pouvoir n'entendait pas qu'on trouble le jeu. Le chef de l'Etat n'avait il pas annoncé la couleur dès l'été 2007, à peine quelques mois après son élection ? N'a-t-il pas pris le soin, lors de chacun de ses déplacements aux Etats Unis ou dans le cadre de l'Alliance Atlantique, de marteler l'idée d'un retour rapide de la France dans le bercail américain ? N'a-t-il pas nommé à la tête de notre diplomatie ou de nos armées, deux hommes, MM. Kouchner et Morin, qui sont les purs produits, l'un à gauche, l'autre à droite, de l'atlantisme français ? Autant de signes tangibles que ce projet était muri de longue date, même si M. Sarkozy s'est bien gardé d'en parler dans son programme présidentiel.

A défaut de débat, on pouvait au moins attendre du Président de la République qu'il présente et qu'il défende son projet. Il s'y est essayé en prononçant, le 12 mars dernier, devant la Fondation pour la recherche stratégique, un discours qui se voulait pédagogique mais qui a été finalement mal reçu. En affirmant que sa décision n'amènerait aucun changement dans la ligne politique, diplomatique et militaire de la France, M. Sarkozy était peu crédible. Si c'était vrai, pourquoi alors réintégrer l'organisation militaire, pourquoi reprendre notre place au sein de ses comités de planification, pourquoi prendre le risque - puisqu'in fine il s'agit bien de cela - de placer nos forces sous un commandement qui ne sera pas le nôtre, dans des conflits qui ne seront pas les nôtres ? A ces questions essentielles, aucune réponse n'était apportée.

Quant au projet de défense européenne, présenté il y a quelques mois encore comme la première justification de ce retour dans l'OTAN, M. Sarkozy n'y consacrait que quelques phrases, comme s'il n'y croyait plus lui-même. Aurait-il pris conscience, à l'instar du général de Gaulle, que ce projet ne répond à aucune attente ? Tout au moins tant que les principaux états européens, à commencer par le Royaume Uni et l'Allemagne, préféreront le giron diplomatique et militaire des Etats Unis au projet d'une Europe indépendante. Serge Halimi le dit excellemment dans la dernière livraison du Monde diplomatique[3] : la soit-disante « future défense collective européenne à laquelle s'est rallié le chef de l'Etat français s'organisera uniquement dans le giron de l'Alliance Atlantique. Mêlant missions civiles et militaires, elle n'hésitera pas à se déployer très loin de l'ancien rideau de fer, jusqu'aux confins du Pakistan ». Nous voici donc embarqués de gré ou de force dans une Sainte Alliance militaire et politique, dont nous ne maîtrisons ni les moyens, ni les fins.

Mais le plus grave n'est peut-être pas là. Chaque jour nous le confirme : l'avenir de la planète ne se dessine plus simplement à Washington, à New York, ou sur l'illusoire « Côte Ouest ». L'emprise de la Chine et de l'Inde sur l'ensemble de l'Asie, l'émergence d'un nouveau Japon, le retour de la Russie dans toute sa puissance, l'affirmation du Brésil et de l'Argentine sur le continent sud américain... Voilà que se mettent en place les nouveaux acteurs du monde multipolaire de demain. Voilà que l'imperium militaire et économique américain, qui a dominé la fin du siècle dernier se trouve bousculé, contesté, rejeté. Et c'est à l'heure précise où la France peut retrouver des marges de manœuvre dans un jeu mondial à nouveau ouvert que nos dirigeants décident de nous claquemurer dans des alliances désuètes. Voilà la vraie faute de M. Sarkozy. C'est d'abord une faute contre l'esprit.

Que l'on ne s'y trompe pas, tout cela ne durera qu'un temps. Si l'opinion française a aujourd'hui d'autres soucis en tête que la politique étrangère, elle reste très sensible aux sujets qui touchent à notre liberté et à notre indépendance. La rue française a massivement suivi M. Chirac dans son refus d'intervenir en Irak. Au premier conflit auquel nous serons sommés de participer, à la première « sale guerre » dans laquelle nos forces seront aventurées - et l'Afghanistan prend chaque jour cette mauvaise tournure - la rue française réagira. Et le pouvoir capitulera, comme il capitule aujourd'hui en rase campagne à la première grogne universitaire ou au premier conflit social un peu chaud. Il ne reste plus qu'à attendre le jour et l'heure.

C'est pourquoi on aurait tort de dramatiser à l'excès ce qui vient de se passer. Ce qu'un mauvais gouvernement a fait, un moins mauvais le défera demain. L'épisode de l'OTAN nous administre en revanche une nouvelle preuve de la rigidité idéologique, du peu de savoir-faire des hommes qui nous dirigent et de leur manque de courage. A l'heure, qui n'est plus si lointaine, où les comptes devront être réglés avec M. Sarkozy et sa triste équipe, c'est cet aveuglement, ce manque de clairvoyance et d'intelligence politique que les Français sanctionneront en premier lieu.

François Renié.

 


[1]. Raison de plus pour saluer le courage des dix députés UMP, des huit députés non-inscrits qui, avec  l'ensemble des 229 députés de gauche, ont refusé leur confiance au gouvernement Fillon.

[2]. Laurent Zecchini, « La France et l'OTAN, la messe atlantiste est dite », Le Monde, 11 mars 2009.

[3]. Serge Halimi, « A quoi sert l'OTAN ? », Le Monde diplomatique, mars 2009

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N°1 - 2009/01
 
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