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Français, encore un effort... | |
« Vous êtes Royaliste ? Sérieusement ? », me demande-t-on parfois. A l’évidence, mon interlocuteur préfèrerait que ce soit une blague. Non, nous n’avons pas tous été guillotinés sous la Terreur. Nous redressons même la tête, défiant une des plus grandes tentatives de castration nationale. Bien qu’elle soit persuadée du contraire, la France ne s’est jamais pardonnée d’avoir tranché la tête de Louis XVI. Le souvenir de ce parricide hante son histoire et l’emprisonne dans une névrose où la mélancolie alterne avec l’espoir de « l’homme providentiel » [1]. Cet espoir est toujours déçu car il repose sur des répliques chimériques d’un roi refoulé. Il serait temps de s’intéresser à l’original plutôt qu’à ses copies.
Le comte de Chambord, dernier descendant de la branche aînée des Bourbons, est mort en 1883. Avant de disparaître, « il a bien marqué que, dans la tradition française, la famille d’Orléans représentait dorénavant la dynastie capétienne en France : "Les Orléans sont mes fils", a-t-il dit ». Jean de France est aujourd’hui descendant de cette famille. C’est donc lui qui sera appelé à régner lorsque les Français auront décidé de se réconcilier avec eux-mêmes. Cette mission, Jean de France s’y prépare avec sérieux. Il pose ses premiers jalons dans un livre d’entretiens accordés à Fabrice Madouas : Un prince français [2].
Etre roi des Français suppose de savoir détecter, en se réglant sur une longueur d’onde historique en adéquation avec l’actualité, ce qui favorise en chacun l’impulsion créatrice – source de bonheur. A l’évidence, Jean de France possède cette faculté. Qu’il s’agisse d’éducation, de justice, d’économie, de culture, de politique étrangère ou bien de défense, Un prince français offre sur tous ces sujets une approche pertinente et originale : « Aujourd’hui, je ne regarde presque plus la télévision et je ne m’en porte pas plus mal. Il faut savoir se détacher des écrans : l’image, en sollicitant nos émotions, interdit la réflexion et favorise les conformismes. J’ai appris à m’en méfier. ».
Ces profondeurs de vue sont la conséquence d’une histoire personnelle que Jean de France aborde dans ces entretiens : son enfance, son parcours professionnel, ses goûts artistiques y sont détaillés. J’abonde dans son sens lorsqu’il cite Fénelon : « Quand un prince aime les lettres, il se forme pendant son règne beaucoup de grands hommes. Ses récompenses et son estime excitent une noble émulation ; le goût se perfectionne. » Pas étonnant que nous n’ayons, aujourd’hui, que de petits hommes : « Les "normaliens sachant écrire" ont cédé le pas aux gestionnaires et aux "communicants". Nos gouvernants n’ont plus l’amour des lettres, mais celui des petites phrases. »
Les hommes politiques ? « Pour se faire élire, l’homme politique succombe nécessairement à la tentation de la séduction. D’où ce show permanent, ce mouvement perpétuel qui ne laisse jamais à l’opinion le temps de la réflexion : on saute d’un problème à l’autre, sans s’assurer que le précédent a bien été réglé. » Des décisions sont ajournées, des projets avortent parce que personne, au-dessus des partis, n’en est le garant : « Un roi peut se consacrer à l’essentiel, car il n’a pas besoin de créer chaque jour l’évènement pour exister. Il est plus serein pour s’occuper, en profondeur, des affaires du pays – étant entendu qu’il agit dans le cadre de la Constitution. » Car rétablir une monarchie absolue serait absurde : la royauté doit être réinventée, notamment en s’inspirant du règne de Louis-Philippe qui « a tenté de trouver un arrangement entre la tradition capétienne et les innovations de la Révolution ». On ne refait pas l’histoire, 1789 a bien eu lieu : « La Révolution a laissé l’homme seul, sans défense face à l’Etat, "le plus froid de tous les monstres froids", disait Nietzsche [3]. Nous payons encore aujourd’hui le prix de cet aveuglement idéologique qui est d’abord un péché d’orgueil. »
Cet Etat est aujourd’hui omniprésent, maternant, étouffant : « Je crois en effet que l’Etat doit se tenir en réserve. Il n’a pas pour vocation de s’occuper de tout, mais de favoriser la prospérité des familles et du pays en définissant un cadre législatif et réglementaire propice à leur réussite. Le bonheur est une œuvre de liberté. » Un philosophe contemporain de la Révolution française, qu’il convient de ne pas bouder, aurait ajouté : « Je conviens que l’on ne peut pas faire autant de lois qu’il y a d’hommes ; mais les lois peuvent être si douces, en si petit nombre, que tous les hommes, de quelque caractère qu’ils soient, puissent facilement s’y plier. […] Faisons peu de lois, mais qu’elles soient bonnes. »
Le bonheur est une œuvre de liberté… Français, encore un effort si vous voulez être républicains… Redevenez Royalistes !
Gilles Monplaisir.
Provocations laïcardes
Xavier Malakine a publié il y a quelques jours sur son excellent site Horizons un long article dénonçant les dérives et les délires islamophobes de certaines sectes laïcardes ou ultra républicaines. L'article intitulé "Le djihad laïque, ça suffit !" recueille notre plein accord et nous invitons nos lecteurs à le lire et à largement le diffuser autour d'eux. La collusion qui existe aujourd'hui entre certains milieux laïques et l'extrême droite doit être connue de tous, de même que les officines qui alimentent ces campagnes. Nous reviendrons plus complètement sur ce phénomène qui cherche à stigmatiser et à exclure la communauté musulmane de France.
Paul Gilbert.
La Royale se renforce
C’est très discrètement que la Marine nationale vient de mettre en service deux pièces essentielles de notre nouvel arsenal nucléaire : le 20 septembre dernier, le quatrième et dernier sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération (SLNE-NG), le Terrible, entrait en service actif, et le 27 septembre, le nouveau missile nucléaire balistique M 51 faisait son apparition.
Le Terrible, construit à Cherbourg et basé à l’Ile Longue dans la rade de Brest, est le premier SNLE de la classe du Triomphant à recevoir le nouveau M 51. Il devient ainsi le fer de lance de la dissuasion nucléaire française. Lancé en mars 2008, il a effectué ses derniers tirs de validation en juillet dernier. Il entrera au premier trimestre 2011 dans le cycle opérationnel des patrouilles en mer, aux côtés des autres unités de la Force océanique stratégique.
Quant au missile M 51, il offre des performances très supérieures aux engins qui équipaient jusqu’à présent la FOS : de 8 à 10000 km de portée, une précision inférieure à 200 m, une vitesse pouvant atteindre Mach 15, une capacité d’emport de charges nucléaires double de la génération de missiles balistiques actuels. Son déploiement complet s’achèvera en 2016.
Le programme de 16 milliards d’euros, qui consistait à remplacer les six sous-marins nucléaires de la génération du Redoutable, par quatre submersibles de grande puissance, se poursuit. Les trois premiers de série – le Triomphant mis en service en 1997, le Téméraire et le Vigilant en 2004 – vont maintenant faire l’objet d’une modernisation complète et seront adaptés pour accueillir le missile M 51.
Voilà du moins la vision de l'état-major de la Marine sur la réalisation de ce programme. Il reste à s'assurer que ce sera bien celle du gouvernement et du Parlement. Dans un contexte où l'on ne compte plus les mauvais coups portés au budget de la Défense, les discussions sur la loi de finances 2011 qui s'engageront dans les prochaines semaines montreront si les moyens consacrés à ce programme sont bien au rendez vous et si la volonté politique existe pour le mener à bon terme.
Commandant Jean d'Aulon (c.r.).
[1]. "Nous avons besoin d'un grand journal pour l'extérieur", dira le général de Gaulle à la Libération. Le quotidien Le Monde fut créé le 18 décembre 1944 par Hubert Beuve-Méry, avec l'appui du chef de la France Libre.
"Affaire après affaire, le poisson pourrit par la tête", pronostiquait en début de semaine le député vert Noël Mamère. C'est en effet ce que confirme notre odorat. On assiste à l'évidence à la fin du sarkozysme, cette maladie de la droite française. Mais le malade empeste et les effluves pestilentielles, qui s'étaient déplacées pendant quelques jours dans la banlieue du Cap, ont regagné les bords de la Seine. La presse, ou du moins celle qui a compris que le vent tournait, s'en donne à coeur joie. L'Assemblée nationale n'a pas voulu être en reste et la séance des questions s'est transformée, mercredi, en marché aux poissons napolitain. M. Woerth, d'ordinaire si sûr de lui, blanchissait au banc du gouvernement. M. Fillon tenta une sortie mais ses propos, trop convenus, n'ont convaincu personne. L'ombre de Mme Bettencourt et de ses comptes en Suisse plane désormais sur les débats et chacun sent bien qu'avec l'affaire Woerth-Bettencourt, on a franchi une étape dans la décomposition du pouvoir.
Tout cela met en lumière la double nature du sarkozysme. Nous avions affaire jusqu'à présent aux voyous. Aux cigares de tel ou tel ministre, aux logements de fonction mis à la disposition des familles de tel ou tel autre, aux doubles appointements d'une ex-membre du gouvernement, à la voiture de fonction d'une autre, aux salaires de nabab d'une présidente de Haute Autorité, aux passe-droits attribués à tel ou tel enfant du "prince"... Nous étions en face d'une première réalité, celle d'une frange assez malpropre de la bourgeoisie française, d'une bande de nouveaux riches venue des marges de la politique-spectacle, du showbiz et du monde économique, habituée à taper dans la caisse et à considérer le pouvoir comme sa propriété. On savait par avance que lorsque cette bande quitterait le gouvernement, il faudrait recompter les chandeliers, les rince-doigts et les petites cuillères dans les ministères ! Mais ce n'était pas à proprement parler une affaire d'Etat.
Avec le dossier Woerth, on est peut-être en face d'autre chose. De quelque chose d'évidemment plus grave et qui tendrait à penser qu'on a utilisé l'Etat, non plus pour les futilités de quelques ma-tu-vus, mais au profit de tout un système. Qui est en effet M. Woerth ? Le trésorier de l'UMP, comme il fut pendant des années celui du RPR. Et qui est Mme Bettencourt ? Une des principales sources de financement de la droite française depuis des décennies. Un sponsor de poids, à qui on peut être tenté de passer beaucoup de chose, y compris des aventures helvétiques. M. Woerth a-t-il eu cette tentation ? La suite le dira. A-t-il été le premier à se retrouver devant cette tentation ? Certainement pas. Mais l'affaire tombe mal. Au moment où l'on annonce à des millions de Français qu'il va falloir se serrer la ceinture, comment peut-on accepter que certains contribuables fraudent aussi ouvertement le fisc ? Au moment où le même Woerth brutalise des millions de Français sur les retraites, comment expliquer le sort particulier fait à quelques uns ? Ce qui apparaissait déjà comme une injustice avec le bouclier fiscal, apparaît aujourd'hui comme une erreur politique majeure avec le dossier des comptes Bettencourt. Et chaque jour qui passe semble montrer qu'entre les uns et les autres, les relations n'étaient pas de pure convenance. Là nous risquons bien d'être dans l'affaire d'Etat.
Si tout cela devait se confirmer, une autre réalité du sarkozysme serait alors définitivement mis à jour: celle des satrapes. C'est-à-dire d'un réseau d'hommes liges qui veillent aux intérêts du pouvoir. La presse, depuis trois ans, s'est fait l'écho de faits troublants. Les millions retrouvés de M. Tapie, l'étrange confusion des genres née de l'arrivée de M. Proglio à la tête d'EDF, les bonnes fortunes de M. Mestrallet et de son groupe à GDF, les milieux immobiliers qui s'agitent avec gourmandise autour de la Défense ou du dossier du Grand Paris, l'empressement à libéraliser le marché des jeux en ligne pour le plus grand bonheur de M. Courbit et de ses amis, la ténébreuse affaire de la revente de la régie publicitaire de France Télévisions, où l'on retrouve encore, semble-t-il, l'ombre de M. Courbit, celle de M. Minc et de M. Guéant, l'incontournable secrétaire général de l'Elysée... Voilà bien des d'éléments qui, mis bout à bout, pourraient laisser penser qu'il existe une volonté de mettre l'Etat en coupe réglée. Il n'y aura pas trop de deux ans pour démêler la pelote de ces réseaux,... s'ils existent.
L'accaparement de l'Etat par quelques uns - partis, groupes d'intérêts,... - est un risque permanent de nos républiques. Sous Giscard, sous Mitterrand ou sous Chirac, des soupçons ont existé, ils atteignent aujourd'hui des sommets. A l'heure où l'imagination est au pouvoir en matière institutionnelle, où l'on parle de VIe République, de démocratie participative, de cumul des mandats ou de réforme du Sénat, la première demande des Français, c'est l'indépendance de l'Etat. Si la Ve République, qui a été créée en grande partie pour cela, n'est plus en situation d'apporter cette garantie, il faudra bien un jour imaginer des solutions plus durables et plus expéditives.
Hubert de Marans.
(1). Chronique d'une déroute annoncée, Le Monde. - samedi 19 juin 2010.
(1). François Bayrou : "Il faut consulter les Français par référendum sur les déficits", Le Monde. - 23 et 24 mai 2010.
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N°1 - 2009/01 |
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