Ionesco de André Le Gall Mis en ligne : [29-08-2009] Domaine : Lettres | |
La Revue Critique des idées et des livres |
"Ce n’est pas seulement pour vivre ensemble, mais pour bien vivre ensemble qu’on forme un État." aristote |
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Ionesco de André Le Gall Mis en ligne : [29-08-2009] Domaine : Lettres | |
L'Italie à la paresseuse Mis en ligne : [23-08-2009] Domaine : Lettres | |
En 1949, Henri Calet (1904-1956) daigne quitter son seul amour, le 14e arrondissement de Paris, pour Padoue. Un ami l'a invité pour représenter la presse française à un congrès international du gaz combustible. Calet se rend dans une agence Cook (« J'étais serré dans une masse de dames riches et soyeuses ») et prend un billet de 1re classe pour le Simplon-Orient-Express. Il n'est pas un voyageur comme les autres. Dès les premières pages de « L'Italie à la paresseuse », réédité par Le Dilettante, il se place sous la bannière de la baronne de Staël : « Voyager est, quoi qu'on puisse en dire, un des plus tristes plaisirs de la vie. » L'écrivain n'est pas du genre à raconter son voyage. Son esprit est diverti par les nombreux militaires se promenant sur les quais des gares (« Il est curieux de noter que les chemins de fer attirent partout les soldats »). Il devine les îles Borromées sous le store baissé par un passager anglais. Il résume Milan en une phrase : « D'une fenêtre des «gabinetti», on a une vue sur une place. » Venise ? « Vue ainsi, à distance, cela ressemblait à un petit tableau de Canaletto (ou de Guardi) » au Louvre. A Rome, il apprend que Marcel Cerdan a été battu par Jacky la Motta, le « taureau du Bronx ». En souvenir, il rapporte un presse-citron en forme de sifflet. Le camelot lui offre en prime un bouchon-verseur (« Les bouchons-verseurs sont doublement recommandables : vous ne perdez pas une goutte de liquide et vous ne tachez pas les nappes. »). Son « humour laconique et glacé », selon Francis Ponge, fait du bien. Tout chez Calet est naïf, faussement naïf et raté. « Je confesse, dit-il, que je suis un touriste apathique, et même décourageant. » La tristesse de cet homme-là n'a pas de limite. Sa tendresse, non plus. « Je la cache au fond de ma poche, comme on cacherait un mouchoir sale dont on aurait un peu honte », écrit-il dans « Peau d'ours », un ouvrage posthume. Il est désolé d'être pessimiste, il s'excuse de son désespoir. « Ce qui rend les voyages à peu près inutiles, c'est que l'on se déplace toujours avec soi, avec les mêmes pensées, le même passé, les mêmes ennuis, le même tour d'esprit, les mêmes appréciations sur les choses et les gens. »
Arts par Henri Blondet Mis en ligne : [20-08-2009] Domaine : Lettres | |
Brésil, terre d'amitié par Georges Bernanos Mis en ligne : [17-08-2009] Domaine : Lettres | |
Ecrire n'est pas jouer par Philippe de Saint Robert Mis en ligne : [29-07-2009] Domaine : Lettres | |
LETTRES
Enfantillages, par Jacques Perret (Le Dilettante, 284 pages, février 2009). - On avait pris l'habitude de rencontrer Jacques Perret en reporter, en chercheur d'or, en prisonnier de guerre, en franc tireur, en capitaine au long cours ou en camelot du roi. Mais on avait un peu oublié sa période culottes courtes, bottines et costume marin. Les éditions du Dilettante viennent de réparer cette lacune en rééditant six nouvelles qui sentent bon l'enfance et ses enchantements. Qu'on ne s'y trompe pas, le Perret que nous aimons, cette silhouette longue et fine, pipe au bec et l'air malicieux, qu'il soit glabre comme Gary Cooper ou qu'il porte, ferme, sa moustache de mousquetaire, a conservé le même regard que celui du petit Perret, ce "garnement de 1913" auquel il avouait être toujours resté fidèle. Des sentes des Guyane au maquis de l'Ain, des îles à sucre aux bistrots parisiens, c'est toujours le même petit écolier français que l'on retrouve, avec ses cauchemars, ses monstres et ses émerveillements, derrière l'homme mûr qui manie avec aisance la corde à noeuds, le cran d'arrêt et le sextant de marine. Perret respire l'enfance, la vraie, celle que l'on passe en rêvant devant des cartes coloniales, des livres d'histoire ou des récits de conquête. Il en parle bien, sans en parler, et c'est aussi pour cela que nous l'aimons.
Voilà Perret dans sa France provinciale, celle des grand-oncles et des grand-tantes, qui offre au gamin parisien ses premières terreurs et ses premiers étonnements. On lui donne la chambre rouge, celle du bourreau, dont on exorcise les légendes à coup de lampe Pigeon. Il découvre la compagnie des vaches et s'acoquine avec un petit vacher "parfait abruti doublé d'un exemplaire voyou comme on en trouve pas dans les villes". Les vacances, c'est l'apprentissage du temps long, des après midi passés à ne rien faire, des parents qui glissent insensiblement du déjeuner au diner puis au souper. Ces parents que l'on découvre avec d'autres yeux, et d'abord ce père "qui promène sur le décor le regard de ses petits yeux bleus, très indulgents, mais parfaitement étrangers à tous les aspects d'un monde qu'il semblait habiter par accident, comme un séjour d'étape qui tirait un peu en longueur".
A ce paradis autobiographique succèdent d'autres histoires qui mettent en scène d'autres petits Perret, leurs jumeaux ou leurs doubles. On y trouve un éloge de la bicyclette, ou, mieux, du vélo, belle machine qui rend nos villes aimables et nous donne un coup de jeunesse pour pas cher. On y découvre les mésaventures d'un pique nique familial, sauvé de l'apocalypse par le cancre de la famille, aidé d'un oncle non conformiste. On y fait l'apologie du cartable -en éreintant au passage ses formes dénaturées, serviettes ou modernes porte-documents. On y raffole des compositions de calcul, surtout lorsqu'elles se transforment en contes de fées surréalistes, façon Lewis Carroll. On y chante, pour conclure, les louanges de la tirelire, cette grenouille des familles qui a formé à l'économie des colonies de morveux, dont le rêve dans la vie ne fut jamais de ressembler à Jérôme Kerviel.
Six nouvelles donc, six petits textes bien charnus et plein d'existence, jusqu'ici dispersés dans divers volumes de l'oeuvre perretienne et que l'éditeur a rassemblé sous le titre évocateur d'Enfantillages. On y retrouve à pleines phrases ce talent de conteur, cette joie de vivre, mais toute en retenue, cette mélancolie, jamais sans ironie, qui font les charmes de l'auteur du Caporal. Quant à ceux d'entre nous - et ils sont encore quelques belles cohortes - qui ont pris le parti de ne plus sacrifier chaque matin au culte végétarien de la démocratie et de la République, qu'ils se rassurent : ils reviendront de leur lecture les bras chargés de ces bons mots ou de ces aphorismes qui font pleurer de rage les sectateurs de Jaurès et du petit père Combes. Comme en témoigne ce beau passage qui jettera dans la consternation plus d'un sénateur rural :
Les noms des quatre-vingt-trois départements n'ont jamais chanté à mes oreilles comme le vivant poème de l'amour patriotique, j'en trouve la déclamation froide, monotone et scolaire quand elle n'est pas tristement associée à l'atmosphère trouble des scrutins. Mon jugement est évidemment marqué d'un parti pris contre les réformateurs brouillons de la Constituante, je le reconnais, mais il a sa véritable origine dans l'affreux souvenir des leçons de géographie qui obligeaient encore les gamins de ma génération à savoir par coeur la liste des départements avec chefs-lieux et sous-préfectures.
Mais au fond peu importe! Que vous soyez royaliste ou jacobin, impérialiste ou plébiscitaire, kantien ou leibnizien, stalinien, anarchiste ou prochinois, lisez Perret. C'est un signe de bonne santé, qui vous permettra de prolonger en toute quiétude votre enfance loin, très loin, vers le grand âge. E.C.
Du côté de chez Malaparte, par Raymond Guérin (Editions Finitude, 124 pages, Mars 2009). - Le compagnon de voyage, par Curzio Malaparte (Quai Voltaire, 110 pages, Juin 2009). - Il y a un mystère Malaparte. Un mystère qui nimbe d'ombre toute son existence, au point d'en faire un personnage insaisissable : tantôt théoricien, tantôt condottiere, étoile montante du fascisme avant d'en devenir le pire cauchemar, communiste sans foi et chrétien sans église, archi italien et en même temps complètement cosmopolite. Il fait partie à coup sûr de ce petit nombre d'hommes qui vécurent plusieurs vies entremêlées, prenant au sérieux chacune d'entre elles, les épuisant l'une après l'autre avec le même irrépressible goût de vivre. Ses deux immenses romans, Kaputt et La Peau, sont à l'image de ce parcours singulier; ils racontent en réalité plusieurs histoires parallèles, bourrées de contradictions; les situations y sont instables, les hommes, pris dans la tourmente de la guerre, également héroïques et pitoyables, les cieux remplis d'espoir, puis, dans l'instant qui suit, désespérément vides. On a pu croire que la mort mettrait fin à cette énigme et que les témoins, les carnets, les correspondances nous livreraient le vrai visage de Malaparte, en même temps que ce que Malraux appelait "son misérable petit tas de secrets". Il n'en est rien : les témoins se contredisent, les notes et les écrits posthumes ne font que brouiller davantage encore les cartes. L'image de Malaparte est elle-même une image à éclipse, ce qui ne fait rien pour arranger les choses : après de longues périodes d'oubli, il resurgit brusquement dans la lumière, avec généralement une figure nouvelle. Et pourtant, ce sourire, ce geste amical qu'il nous fait de la main, c'est lui, c'est bien lui.
Deux petits livres, sortis presque coup sur coup, nous donnent subitement de ces nouvelles. Un récit tout d'abord, celui du séjour que fit Raymond Guérin à Capri, en mars 1950, à l'invitation de Malaparte et que la sympathique maison d'édition Finitude a le bon goût de rééditer. "Venez. C'est l'hiver qu'il faut voir Capri. L'été, l'île est envahie par toute la saleté de Rome et de Naples. Venez donc, vous passerez chez moi des jours formidables et vous pourrez y travailler en toute tranquillité". Capri, c'est bien sûr la fabuleuse villa de Malaparte, sorte de trirème d'Ulysse échouée sur les hauteurs du cap Massullo, qui est, à elle seule, un personnage du récit. Mais Capri, c'est aussi la bande à Malaparte, écrivains, peintres, maîtresses, aristocrates, amis divers qui forment une joyeuse compagnie loin de Rome et de ses fausses réputations. Guérin et son épouse, d'abord sur la réserve, se laissent finalement séduire par les moeurs de cette petite troupe et ils ont tôt fait d'être adoptés. Raymond Guérin et Curzio Malaparte, ces deux là n'avaient pourtant aucune raison de se croiser. Le Français, écrasé par l'expérience de la guerre et de la captivité, vit une sorte de convalescence. Le voyage à Capri le rattache à d'autres temps, plus heureux, ceux de l'avant guerre, d'une fuite en Italie avec son épouse, loin de Paris et d'une jeunesse étriquée. Quant à l'autre, l'Italien, il joue son rôle de grand seigneur, d'aristocrate toscan, à qui tout a réussi, y compris la guerre. Un connétable des lettres, dit Guérin, sous le charme, et qui passe tout à son nouvel ami :
- On vous a reproché d'embellir par trop vos histoires, d'en remettre; et nous-mêmes, ici, quand nous nous vous écoutons, nous sentons bien parfois, le moment oû vous interprétez la vérité pour la rendre plus significative. - Est-ce que je la déforme? - Et quand vous la déformeriez? Ce qui nous séduit, c'est justement ce sens aigu que vous avez de l'image saisissante. On dirait qu'il y a en vous un don de prémonitie qui vous permet d'anticiper les événements et de rendre plausibles les situations les plus révoltantes.
Au gré des jours qui passent, les échanges entre les deux écrivains se font plus sensibles, moins apprêtés, réellement amicaux. Malaparte est en plein dans sa période cinéma, il travaille à son unique film, Le Christ interdit, qui sortira sur les écrans en 1950, avec Ralf Vallone et Alain Cuny. Il aime le cinéma, en parle bien, mais on sent que le cinéma ne lui réussira pas. Guérin, silencieux, comprend l'échec qui se prépare. Il regarde Malaparte s'agiter, s'enthousiasmer, réciter son film par coeur, comme un joueur qui sent déjà que la partie est perdue. Le condottiere a changé de visage, son assurance exubérante a disparu, il n'est plus subitement qu'un pauvre grand homme devant le destin qui le dépasse. Un autre lui-même pour Guérin, qui finira en plein bonheur ce séjour capriote.
Alors que Malaparte travaille sur son film, il rêve déjà d'un autre projet cinématographique qui ne verra jamais le jour. Le Compagnon de Voyage, tel est le titre de cette aventure sans lendemain, tiré d'une nouvelle longtemps oubliée et que l'éditeur Quai Voltaire vient de réexhumer. L'histoire a pour cadre l'Italie de 1943, après la chute de Mussolini, alors que l'armée italienne découvre qu'elle n'a plus ni chefs ni d'alliés. Un petit détachement guette, sans illusion, le débarquement anglais qui se prépare sur les côtes de Calabre. Dans l'affrontement dérisoire, le lieutenant meurt, après avoir fait promettre à son ordonnance, un brave bergamasque du nom de Calusia, qu'il ramènerait sa dépouille chez sa mère, à Naples. S'ensuit un odyssée de la misère où l'honnête Calusia, en compagnie d'un âne et d'une jeune fille qu'il a prise sous sa protection s'efforce de tenir sa promesse. L'autre personnage de ce récit, c'est l'Italie, une Italie en débâcle, rongée par la faim et par la peur, un peuple en berne en proie aux profiteurs, un moment abattu, mais qui, dans l'instant suivant, retrouve son courage et sa générosité. Le voyage de Calusia, ce sont aussi ces moments de brève mais d'intense émotion, dans lesquels Malaparte excelle et qu'il fait brusquement surgir au milieu d'une scène de farce. Ainsi de ce moment terrible, qui clôt le récit, où Calusia ramène le corps de l'officier dans sa famille. Le visage que Malaparte tourne alors vers le monde n'est plus le même. On n'y trouve plus trace de l'aristocrate hâbleur, du séducteur de Capri. Son sourire est celui, fraternel, du compatissant. E.C.
IDEES
Philippe Ariès, un traditionaliste non-conformiste, par Guillaume Gros (Presses universitaires du Septentrion, 346 pages, avril 2008). - Un universitaire, Guillaume Gros, consacre un essai biographique magistral à Philippe Ariès (photo), qui se désigna luimême, avec une modestie malicieuse, “historien du dimanche”. Ce qui voulait dire: un amateur qui, par une recherche solitaire et personnelle, avait édifié son oeuvre hors de l’Université ; un franc-tireur, en somme, et déjà, par cette démarche originale, un non-conformiste. Ariès (1914- 1984), né dans une famille monarchiste, et fidèle au patrimoine que lui léguèrent les maîtres qui le formèrent, se référa d’abord à la conception bainvillienne de l’Histoire. Sans rompre avec elle et, en même temps, sans ignorer les apports de la nouvelle histoire sensible à l’évolution de la société française et aux préoccupations contemporaines des Français, il s’efforça, en conciliateur, d’établir une sorte de synthèse entre la tradition et la modernité. Issu de l’école d’Action française, se réclamant du “Politique d’abord”, il se rapprocha de l’école des Annales, attentive à “l’histoire essentielle”, aux mentalités qui la nourrissent. Son livre charnière, le Temps de l’histoire, annonçait ses deux ouvrages majeurs, l’Enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime et l’Homme devant la mort, qui le firent reconnaître, en le plaçant au premier rang, par les plus illustres de ses pairs, de Duby à Le Goff.Ainsi s’acheva, par une fulgurante notoriété tardive, une traversée du désert qui, à l’époque, révolta Michel Foucault.Mieux que personne aujourd’hui, Ariès apporta la preuve que « la vraie tradition est critique », qu’il importait de la renouveler en la débarrassant des routines, des catéchismes et des litanies bêtes qui la sclérosent. Il fut un rénovateur pour maintenir vivante la part sacrée du passé. Pol Vandrome, Valeurs actuelles.
Livres reçus. - Régis Debray : Le Moment Fraternité (Gallimard, 2009, 367 p.). - Jean-Claude Guillebaud : Le Commencement d'un monde (Le Seuil, 2008, 390 p.). - Jacques Julliard : L'Argent, Dieu et le Diable. Face au monde moderne avec Péguy, Bernanos, Claudel (Flammarion, 2008, 229 p.). - Robert Kagan : Le retour de l'Histoire et la fin des rêves (Plon, 2008, 161 p.). - Justine Lacroix : La pensée française à l'épreuve de l'Europe (Grasset, 2008, 129 p.). - Jean-Claude Michea : La double pensée. Retour sur la question libérale (Flammarion, 2008, 274 p.). - Ernst Nolte : Fascisme et totalitarisme (Robert Laffont, 2008, 1088p.). - Pierre Rosanvallon : La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité (Seuil, 2008, 367 p.). - Jacques Sapir : Le nouveau XXIe siècle. Du siècle "américain" au retour des nations (Seuil, 2008, 175 p.). - Bernard Stiegler : Réenchanter le monde. (Champs essais, 2008, 178 p.) - Emmanuel Todd : Après la démocratie. (Gallimard, 2008, 257 p.).
1974 nouvelles de Patrick Besson Mis en ligne : [24-05-2009] Domaine : Littérature | |
Les livres que je n'ai pas écrits de George Steiner Mis en ligne : [25-02-2009] Domaine : Lettres | |
Maurice Barrès de Sarah Vajda Mis en ligne : [25-02-2009] Domaine : Lettres | |
Sermon de saint François d'Assise aux oiseaux et aux fusées de Sébastien Lapaque Mis en ligne : [25-02-2009] Domaine : Idées | |
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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01 |
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