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28 août 2009 5 28 /08 /août /2009 22:29
Ionesco                                     


de André Le Gall

Mis en ligne : [29-08-2009]

Domaine : Lettres


 

Ancien élève de l'ENA, André Le Gall a mené en parallèle sa carrière au service de l'Etat et une activité littéraire qui comprend un peu plus d'une vingtaine d'oeuvres dramatiques, des études sur le théâtre contemporain, et pour Flammarion, trois biographies centrées sur le XVIIe siècle : Corneille (2006), Pascal (1998) et Racine (2004).
 

André Le Gall, Ionesco, Paris, Flammarion, Janvier 2009, 617 pages.

Ionesco: un nom planétaire, un auteur méconnu. "Mise en scène d'un existant spécial en son oeuvre et en son temps" : la formule retenue par André Le Gall en sous-titre nous vaut une biographie où la voix d'Eugène Ionesco est constamment présente. Où les événements, circonstances, anecdotes, rêves, que rapportent les journaux intimes et qu'exploitent les fictions dramatiques, sont en permanence mis en rapport avec les données objectives fournies par les pièces d'archives, les coupures de presse, les mémoires des contemporains et les témoignages de comédiens, de compatriotes, d'amis. André Le Gall nous livre ainsi, par touches successives, l'image d'un Ionesco aussi attentif à occuper la scène que soucieux de préserver son quant-à-soi. Prolixe en confidences publiques, pour la plupart ignorées de son propre public, Eugène Ionesco se révèle alors à nous dans toute sa complexité : un pascalien de naissance, un mystique déguisé en farceur mondain, un homme de combat jouant le jeu du charme et de la séduction dans les salons parisiens. Esprit brillant, jongleur de mots, armé d'humour, dévoré d'angoisse, c'est surtout à ses personnages de théâtre qu'il confie le soin de présenter la pluralité des identités qui l'habitent. Se dessine ainsi en creux le portrait d'un homme de doute et de foi, grand ressasseur de questions devant l'état du monde. Un poète de l'insolite mais non point un chantre de l'absurde comme on le considère souvent à tort.André Le Gall nous offre, avec cet ouvrage, un regard neuf, passionnant et érudit sur la vie et l'oeuvre d'un auteur majeur.
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22 août 2009 6 22 /08 /août /2009 22:40
L'Italie à la paresseuse


par Henri Calet

Mis en ligne : [23-08-2009]

Domaine : Lettres



Henri Calet (1904, 1956), journaliste et écrivain, fut d'abord le chroniqueur gouailleur et émouvant du Paris populaire de la première moitié du XXème siècle. Mais Calet, c'est aussi le voyage et une façon ironique, rieuse, non conformiste de parler de l'art de voyager, comme l'illustre cette promenade italienne, publiée pour la première fois en 1950 (Gallimard).


Henri Calet, L'Italie à la paresseuse, Paris, Le Dilettante, Mai 2009, 192 pages.


Calet en Italie,
par Emmanuel Hecht - Les Echos du 9 juin 2009.


En 1949, Henri Calet (1904-1956) daigne quitter son seul amour, le 14e arrondissement de Paris, pour Padoue. Un ami l'a invité pour représenter la presse française à un congrès international du gaz combustible. Calet se rend dans une agence Cook (« J'étais serré dans une masse de dames riches et soyeuses ») et prend un billet de 1re classe pour le Simplon-Orient-Express. Il n'est pas un voyageur comme les autres. Dès les premières pages de « L'Italie à la paresseuse », réédité par Le Dilettante, il se place sous la bannière de la baronne de Staël : « Voyager est, quoi qu'on puisse en dire, un des plus tristes plaisirs de la vie. » L'écrivain n'est pas du genre à raconter son voyage. Son esprit est diverti par les nombreux militaires se promenant sur les quais des gares (« Il est curieux de noter que les chemins de fer attirent partout les soldats »). Il devine les îles Borromées sous le store baissé par un passager anglais. Il résume Milan en une phrase : « D'une fenêtre des «gabinetti», on a une vue sur une place. » Venise ? « Vue ainsi, à distance, cela ressemblait à un petit tableau de Canaletto (ou de Guardi) » au Louvre. A Rome, il apprend que Marcel Cerdan a été battu par Jacky la Motta, le « taureau du Bronx ». En souvenir, il rapporte un presse-citron en forme de sifflet. Le camelot lui offre en prime un bouchon-verseur (« Les bouchons-verseurs sont doublement recommandables : vous ne perdez pas une goutte de liquide et vous ne tachez pas les nappes. »). Son « humour laconique et glacé », selon Francis Ponge, fait du bien. Tout chez Calet est naïf, faussement naïf et raté. « Je confesse, dit-il, que je suis un touriste apathique, et même décourageant. » La tristesse de cet homme-là n'a pas de limite. Sa tendresse, non plus. « Je la cache au fond de ma poche, comme on cacherait un mouchoir sale dont on aurait un peu honte », écrit-il dans « Peau d'ours », un ouvrage posthume. Il est désolé d'être pessimiste, il s'excuse de son désespoir. « Ce qui rend les voyages à peu près inutiles, c'est que l'on se déplace toujours avec soi, avec les mêmes pensées, le même passé, les mêmes ennuis, le même tour d'esprit, les mêmes appréciations sur les choses et les gens. »


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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 22:40
Arts                                            


par Henri Blondet

Mis en ligne : [20-08-2009]

Domaine : Lettres






Ouvrage collectif sur une des grandes revues culturelles des années 50
. Le recueil d'articles couvre la période 1952-1966.


Henri blondet (dir.), Arts, la culture de la provocation, Paris, Tallandier, Mai 2009, 392 pages.

 

De 1952 à 1966, chaque semaine, les gens de goût lisaient Arts. Henri Blondet, érudit bibliophile, a lu pour vous tous les numéros. Il en a extrait le meilleur, dont des inédits d'Antoine Blondin, Bernard Frank, Jean-Luc Godard, Jacques Laurent, Roger Nimier, François Truffaut, Boris Vian...

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16 août 2009 7 16 /08 /août /2009 22:40
Brésil, terre d'amitié               


par Georges Bernanos

Mis en ligne : [17-08-2009]

Domaine : Lettres


 

Georges Bernanos (1888, 1948) choisit de s'exiler en Amérique du sud, après son  expérience de la guerre d'Espagne.  Il fait escale à Rio de Janeiro  en août 1938 et y demeurera jusqu'en  1945. En août 1940, il s'installera à Barbacena, dans une petite maison au flanc d'une colline dénommée Cruz das almas, la Croix-des-âmes. Il s'éloigne alors du roman et publie de nombreux essais et « écrits de combat » dans lesquels l'influence de Charles Péguy se fait sentir. 


Georges Bernanos, Brésil, terre d'amitié, Paris, La Table Ronde, Mai 2009, 237 pages.

 

En 1938, désespéré par les compromissions de l'Église et par la lâcheté des démocraties, Georges Bernanos quitte l'Europe avec sa femme et ses six enfants pour recréer une a nouvelle France " en Amérique latine. Au Brésil, l'écrivain passe sept longues années en exil, à Rio de Janeiro, Itaipava, Juiz de Fora, Vassouras, Pirapora et Barbacena. Contrairement à Stefan Zweig, venu lui rendre visite dans sa ferme quelques jours avant son suicide, le romancier français n'a pas laissé de livre pour célébrer ce pays qu'il a tant aimé. Toutefois, au fil des pages consacrées à cette terre d'espérance et d'amitié dans " Lettre aux Anglais ", " Les Enfants humiliés ", " Le Chemin de la Croix-des Ames ", sa correspondance trop peu connue et quelques articles publiés après son retour en France, on découvre que Bernanos s'est fait du Brésil une image toute à lui, au coeur des soubresauts de la Seconde Guerre mondiale. Et l'on comprend que c'est un homme profondément changé qui a dit adieu au Cristo Redemptor du Corcovado, le 2 juin 1945.

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28 juillet 2009 2 28 /07 /juillet /2009 22:40
Ecrire n'est pas jouer               


par Philippe de Saint Robert

Mis en ligne : [29-07-2009]

Domaine : Lettres


 

Né en 1934, Philippe de Saint Robert est écrivain et journaliste. Très engagé dans la défense de la francophonie, il fut commissaire général de la langue française de 1984 à 1987 puis fonda  l'Association pour la sauvegarde et l'expansion de la langue française., dont il assure toujours la présidence. Il a collaboré à de nombreux organes de presse tels que Combat, Le Monde, Le Figaro ou Valeurs actuelles. Il a récemment publié La vision tragique de Simone Weil (F. X. de Guibert, 1999), De Gaulle et ses témoins (Bartillat, 1999), Ma part de France, entretiens avec Pierre Mesmer (F. X. de Guibert, 2003).


Philippe de Saint Robert, Ecrire n'est pas jouer, Paris, Hermann, Mai 2009, 350 pages.

 

" Ecrire, c'est décrire le monde, mais surtout s'inscrire dans le monde. Écrire n'est pas jouer. Il est faux qu'on puisse n'écrire que pour soi. C'est une recherche angoissée non de communication, mais de communion. Il faut affronter la déception, la solitude qui en naît." Dans ce livre bilan, Philippe de Saint Robert, ancien commissaire général de la langue française, dresse des portraits d'écrivains dont il analyse les oeuvres. Tel un pèlerin, l'auteur voyage dans l'histoire littéraire : de Chateaubriand à Malraux, en passant par Vigny, Mauriac ou Montherlant, Philippe de Saint Robert analyse les troubles de ceux qui s'adonnèrent avec passion à l'art de l'écriture, et présente, sous un jour nouveau, quelques-uns des plus grands textes littéraires qui ont marqué l'histoire de notre langue.
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15 juin 2009 1 15 /06 /juin /2009 10:30
Les livres
 

LETTRES

Enfantillages, par Jacques Perret (Le Dilettante, 284 pages, février 2009). - On avait pris l'habitude de rencontrer Jacques Perret en reporter, en chercheur d'or, en prisonnier de guerre, en franc tireur, en capitaine au long cours ou en camelot du roi. Mais on avait un peu oublié sa période culottes courtes, bottines et costume marin. Les éditions du Dilettante  viennent de réparer cette lacune en rééditant six nouvelles qui sentent bon l'enfance et ses enchantements. Qu'on ne s'y trompe pas, le Perret que nous aimons, cette silhouette longue et fine, pipe au bec et l'air malicieux, qu'il soit glabre comme Gary Cooper ou qu'il porte, ferme, sa moustache de mousquetaire, a conservé le même regard que celui du petit Perret, ce "garnement de 1913"  auquel il avouait être toujours resté fidèle. Des sentes des Guyane au maquis de l'Ain, des îles à sucre aux bistrots parisiens, c'est toujours le même petit écolier français que l'on retrouve, avec ses cauchemars, ses monstres et ses émerveillements, derrière l'homme mûr qui manie avec aisance la corde à noeuds, le cran d'arrêt et le sextant de marine. Perret respire l'enfance, la vraie, celle que l'on passe en rêvant devant des cartes coloniales, des livres d'histoire  ou des récits de conquête. Il en parle bien, sans en parler, et c'est aussi pour cela que nous l'aimons. 

Voilà Perret dans sa France provinciale, celle des grand-oncles et des grand-tantes, qui offre au gamin parisien ses premières terreurs et ses premiers étonnements. On lui donne la chambre rouge, celle du bourreau, dont on exorcise les légendes à coup de lampe Pigeon. Il découvre la compagnie des vaches et s'acoquine avec un petit vacher "parfait abruti doublé d'un exemplaire voyou comme on en trouve pas dans les villes". Les vacances, c'est l'apprentissage du temps long, des après midi passés à ne rien faire, des parents qui glissent insensiblement du déjeuner  au diner puis au souper. Ces parents que l'on découvre avec d'autres yeux, et d'abord ce père  "qui promène sur le décor le regard de ses petits yeux bleus, très indulgents, mais parfaitement étrangers à tous les aspects d'un monde qu'il semblait habiter par accident, comme un séjour d'étape qui tirait un peu en longueur".

A ce paradis autobiographique succèdent d'autres histoires qui mettent en scène d'autres petits Perret, leurs jumeaux ou leurs doubles. On y trouve un éloge de la bicyclette, ou, mieux, du vélo, belle machine qui rend nos villes aimables et nous donne un coup de jeunesse pour pas cher. On y découvre les mésaventures d'un pique nique familial, sauvé de l'apocalypse par le cancre de la famille, aidé d'un oncle non conformiste. On y fait l'apologie du cartable -en éreintant au passage ses formes dénaturées, serviettes ou modernes porte-documents. On y raffole des compositions de calcul, surtout lorsqu'elles se transforment en contes de fées surréalistes, façon Lewis Carroll. On y chante, pour conclure, les louanges de la tirelire, cette grenouille des familles qui a formé à l'économie des colonies de morveux, dont le rêve dans la vie ne fut jamais de ressembler à Jérôme Kerviel.

Six nouvelles donc, six petits textes bien charnus et plein d'existence, jusqu'ici dispersés dans divers volumes de l'oeuvre perretienne et que l'éditeur a rassemblé sous le titre évocateur d'Enfantillages. On y retrouve à pleines phrases ce talent de conteur, cette joie de vivre, mais toute en retenue, cette mélancolie, jamais sans ironie, qui font les charmes de l'auteur du Caporal. Quant à ceux d'entre nous - et ils sont encore quelques belles cohortes -  qui ont pris le parti de ne plus sacrifier chaque matin au culte végétarien de la démocratie et de la République, qu'ils se rassurent : ils reviendront de leur lecture les bras chargés de ces bons mots ou de ces  aphorismes qui font pleurer de rage les sectateurs de Jaurès et du petit père Combes. Comme en  témoigne ce beau passage qui jettera dans la consternation plus d'un sénateur rural : 

Les noms des quatre-vingt-trois départements n'ont jamais chanté à mes oreilles comme le vivant  poème de l'amour patriotique, j'en trouve la déclamation froide, monotone et scolaire quand elle n'est pas tristement associée à l'atmosphère trouble des scrutins. Mon jugement est évidemment marqué d'un parti  pris contre les réformateurs brouillons de la Constituante, je le reconnais, mais il a sa véritable origine dans l'affreux souvenir des leçons de géographie qui obligeaient encore les gamins de ma génération à savoir par coeur la liste des départements avec chefs-lieux et sous-préfectures.

Mais au fond peu importe! Que vous soyez royaliste ou jacobin, impérialiste ou plébiscitaire, kantien ou leibnizien, stalinien, anarchiste ou prochinois, lisez Perret. C'est un signe de bonne santé, qui vous permettra  de prolonger en toute quiétude votre enfance loin, très loin, vers le grand âge. E.C. 

 

Du côté de chez Malaparte, par Raymond Guérin (Editions Finitude, 124 pages, Mars 2009). Le compagnon de voyage, par Curzio Malaparte (Quai Voltaire, 110 pages, Juin 2009). - Il y a un mystère Malaparte. Un mystère qui nimbe d'ombre toute son existence, au point d'en faire un personnage insaisissable : tantôt théoricien, tantôt condottiere, étoile montante du fascisme avant d'en devenir le pire cauchemar, communiste sans foi et chrétien sans église, archi italien et en même temps complètement cosmopolite. Il fait partie à coup sûr de ce petit nombre d'hommes qui vécurent plusieurs vies entremêlées, prenant au sérieux chacune d'entre elles, les épuisant l'une après l'autre avec le même irrépressible goût de vivre. Ses deux immenses romans, Kaputt et La Peau, sont à l'image de ce parcours singulier; ils racontent en réalité plusieurs histoires parallèles, bourrées de contradictions; les situations y sont instables, les hommes, pris dans la tourmente de la guerre, également héroïques et pitoyables, les cieux remplis d'espoir, puis, dans l'instant qui suit, désespérément vides. On a pu croire que la mort mettrait fin à cette énigme et que les témoins, les carnets, les correspondances nous livreraient le vrai visage de Malaparte, en même temps que ce que Malraux appelait "son misérable  petit tas de secrets". Il n'en est rien : les témoins se contredisent,  les notes et les écrits posthumes ne font que brouiller davantage encore les cartes. L'image de Malaparte est elle-même une image à éclipse, ce qui ne fait rien pour arranger les choses : après de longues périodes d'oubli, il resurgit brusquement dans la lumière, avec généralement une figure nouvelle. Et pourtant, ce sourire, ce geste amical qu'il nous fait de la main, c'est lui, c'est bien lui.

Deux petits livres, sortis presque coup sur coup, nous donnent subitement de ces nouvelles. Un récit tout d'abord, celui du séjour que fit Raymond Guérin à Capri, en mars 1950, à l'invitation de Malaparte et que la sympathique maison d'édition Finitude a le bon goût de rééditer. "Venez. C'est l'hiver qu'il faut voir Capri. L'été, l'île est envahie par toute la saleté de Rome et de Naples. Venez donc, vous passerez chez moi des jours formidables et vous pourrez y travailler en toute tranquillité". Capri, c'est bien sûr la fabuleuse villa de Malaparte, sorte de trirème d'Ulysse échouée sur les hauteurs du cap Massullo, qui est, à elle seule, un personnage du récit. Mais Capri, c'est aussi la bande à Malaparte, écrivains, peintres, maîtresses, aristocrates, amis divers qui forment une joyeuse compagnie loin de Rome et de ses fausses réputations. Guérin et son épouse, d'abord sur la réserve, se laissent finalement séduire par les moeurs de cette petite troupe et ils ont tôt fait d'être adoptés. Raymond Guérin et Curzio Malaparte, ces deux là n'avaient pourtant aucune raison de se croiser. Le Français, écrasé par l'expérience de la guerre et de la captivité, vit une sorte de convalescence. Le voyage à Capri le rattache à d'autres temps, plus heureux, ceux de l'avant guerre, d'une fuite en Italie avec son épouse, loin de Paris et d'une jeunesse étriquée. Quant à l'autre, l'Italien, il joue son rôle de grand seigneur, d'aristocrate toscan, à qui tout a réussi, y compris la guerre. Un connétable des lettres, dit Guérin, sous le charme, et qui passe tout à son nouvel ami :

- On vous a reproché d'embellir par trop vos histoires, d'en remettre; et nous-mêmes, ici, quand nous nous vous écoutons, nous sentons bien parfois, le moment oû vous interprétez la vérité pour la rendre plus significative. - Est-ce que je la déforme?  - Et quand vous la déformeriez? Ce qui nous séduit, c'est justement ce sens aigu que vous avez de l'image saisissante. On dirait qu'il y a en vous  un don de prémonitie qui vous permet d'anticiper les événements et de rendre plausibles les situations les plus révoltantes.

Au gré des jours qui passent, les échanges entre les deux écrivains se font plus sensibles, moins apprêtés, réellement amicaux. Malaparte est en plein dans sa période cinéma, il travaille à son unique film, Le Christ interdit, qui sortira sur les écrans en 1950, avec Ralf Vallone et Alain Cuny. Il aime le cinéma, en parle bien, mais on sent que le cinéma ne lui réussira pas. Guérin, silencieux, comprend l'échec qui se prépare. Il regarde Malaparte s'agiter, s'enthousiasmer, réciter son film par coeur, comme un joueur qui sent déjà que la partie est perdue. Le condottiere a changé de visage, son assurance exubérante a disparu, il n'est plus subitement qu'un pauvre grand homme devant le destin qui le dépasse. Un autre lui-même pour Guérin, qui finira en plein bonheur ce séjour capriote.

Alors que Malaparte travaille sur son film, il rêve déjà d'un autre projet cinématographique qui ne verra jamais le jour. Le Compagnon de Voyage, tel est le titre de cette aventure sans lendemain, tiré d'une nouvelle longtemps oubliée et que l'éditeur Quai Voltaire vient de réexhumer. L'histoire a pour cadre l'Italie de 1943, après la chute de Mussolini, alors que l'armée italienne découvre qu'elle n'a plus ni chefs ni d'alliés. Un petit détachement guette, sans illusion,  le débarquement anglais qui se prépare sur les côtes de Calabre. Dans l'affrontement dérisoire, le lieutenant meurt, après avoir fait promettre à son ordonnance, un brave bergamasque du nom de Calusia, qu'il ramènerait sa dépouille chez sa mère, à Naples. S'ensuit un odyssée de la misère où l'honnête Calusia, en compagnie d'un âne et d'une jeune fille qu'il a prise sous sa protection s'efforce de tenir sa promesse. L'autre personnage de ce récit, c'est l'Italie, une Italie en débâcle, rongée par la faim et par la peur, un peuple en berne en proie aux profiteurs, un moment abattu, mais qui, dans l'instant suivant, retrouve son courage et sa générosité. Le voyage de Calusia, ce sont aussi ces moments de brève mais d'intense émotion, dans lesquels Malaparte excelle et qu'il fait brusquement surgir au milieu d'une scène de farce. Ainsi de ce moment terrible, qui clôt le récit, où Calusia ramène le corps de l'officier dans sa famille. Le visage que Malaparte tourne alors vers le monde n'est plus le même. On  n'y trouve plus trace de l'aristocrate hâbleur, du séducteur de Capri. Son sourire est celui, fraternel, du compatissant. E.C.

 
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IDEES

Philippe Ariès, un traditionaliste non-conformiste, par Guillaume Gros (Presses universitaires du Septentrion, 346 pages, avril 2008). - Un universitaire, Guillaume Gros, consacre un essai biographique magistral à Philippe Ariès (photo), qui se désigna luimême, avec une modestie malicieuse, “historien du dimanche”. Ce qui voulait dire: un amateur qui, par une recherche solitaire et personnelle, avait édifié son oeuvre hors de l’Université ; un franc-tireur, en somme, et déjà, par cette démarche originale, un non-conformiste. Ariès (1914- 1984), né dans une famille monarchiste, et fidèle au patrimoine que lui léguèrent les maîtres qui le formèrent, se référa d’abord à la conception bainvillienne de l’Histoire. Sans rompre avec elle et, en même temps, sans ignorer les apports de la nouvelle histoire sensible à l’évolution de la société française et aux préoccupations contemporaines des Français, il s’efforça, en conciliateur, d’établir une sorte de synthèse entre la tradition et la modernité. Issu de l’école d’Action française, se réclamant du “Politique d’abord”, il se rapprocha de l’école des Annales, attentive à “l’histoire essentielle”, aux mentalités qui la nourrissent. Son livre charnière, le Temps de l’histoire, annonçait ses deux ouvrages majeurs, l’Enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime et l’Homme devant la mort, qui le firent reconnaître, en le plaçant au premier rang, par les plus illustres de ses pairs, de Duby à Le Goff.Ainsi s’acheva, par une fulgurante notoriété tardive, une traversée du désert qui, à l’époque, révolta Michel Foucault.Mieux que personne aujourd’hui, Ariès apporta la preuve que « la vraie tradition est critique », qu’il importait de la renouveler en la débarrassant des routines, des catéchismes et des litanies bêtes qui la sclérosent. Il fut un rénovateur pour maintenir vivante la part sacrée du passé. Pol Vandrome, Valeurs actuelles.

 
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Livres reçus.  - Régis Debray : Le Moment Fraternité (Gallimard, 2009, 367 p.). - Jean-Claude Guillebaud : Le Commencement d'un monde (Le Seuil, 2008, 390 p.). - Jacques Julliard : L'Argent, Dieu et le Diable. Face au monde moderne avec Péguy, Bernanos, Claudel (Flammarion, 2008, 229 p.). - Robert Kagan : Le retour de l'Histoire et la fin des rêves (Plon, 2008, 161 p.). - Justine Lacroix : La pensée française à l'épreuve de l'Europe (Grasset, 2008, 129 p.). - Jean-Claude Michea : La double pensée. Retour sur la question libérale (Flammarion, 2008, 274 p.). - Ernst Nolte : Fascisme et totalitarisme (Robert Laffont, 2008, 1088p.). - Pierre Rosanvallon : La légitimité démocratique : impartialité, réflexivité, proximité (Seuil, 2008, 367 p.). - Jacques Sapir : Le nouveau XXIe siècle. Du siècle "américain" au retour des nations (Seuil, 2008, 175 p.). - Bernard Stiegler : Réenchanter le monde. (Champs essais,  2008, 178 p.) - Emmanuel Todd : Après la démocratie. (Gallimard, 2008, 257 p.).

 

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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 20:04
1974                                                 
nouvelles


de Patrick Besson

Mis en ligne : [24-05-2009]

Domaine : Littérature


 

Né en 1956 d'un père russe et d'une mère croate, Patrick Besson est  écrivain et journaliste. Enfant prodige de la littérature française - il signe son premier roman, "Les Petits Matins d'amour", à l'âge de 17 ans -, il reçoit le Grand Prix de l'Académie française en 1985 pour "Dara", et le prix Renaudot dix ans plus tard pour "Les Braban". Patrick Besson est l'auteur d'une quarantaine de romans, de récits et d'essais, alors que sa plume redoutée ne cesse de parcourir les pages des journaux et magazines. Il a récemment publié:  Belle-Soeur (Fayard, 2007), La science du baiser (Points, 2007), Accessible à certaine mélancolie (Points, 2007), Et la nuit seule entendit leurs paroles (Mille et une nuits, 2008), La statue du commandeur (Points, 2008).


Patrick Besson, 1974, Paris, Fayard, Mars 2009, 170 pages.

 

1974 : la Grèce des Colonels devenue celle des routards. Le narrateur se souvient de sa rencontre au cap Sounion, à dix-huit ans, avec un beau et ambigu couple nordique. Les Etats-Unis avant la chute du mur de Berlin, vus par deux pianistes européens de l'Est: les fantasques frères Kundera. La Suisse et la Bavière, dans les années 80, traversées par un écrivain communiste dépensant l'argent du Parti avec des créatures interlopes. Un père divorcé englouti, à Paris XVe, dans le temps où il était marié avec la mère de son fils. Belgrade agité et défait d'aujourd'hui, bien connu de l'auteur: le meurtre sadique d'une journaliste française est élucidé, non sans mal, par un vieux commissaire vert et une jeune inspectrice gay serbes. Le festival du livre de Nice hanté par les rêves africains d'un romancier entre deux âges que fascine une serveuse Fang. Au fil de ces nouvelles, dont la publication dans la presse (VSD, L'Humanité, L'Idiot international, Madame Figaro) s'étend sur plus de deux décennies, Patrick Besson (Dara, Les Braban, Belle-sœur, parus aux éditions Fayard) repasse à l'encre ses souvenirs crayonnés, les vrais comme les faux, d'une plume féroce et allègre, secrètement tendre.


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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 22:34
Les livres que                            
je n'ai pas écrits


de George Steiner

Mis en ligne : [25-02-2009]

Domaine : Lettres


 

George Steiner, né en 1929,  est un écrivain franco-anglo-américain. Spécialiste de littérature comparée et de théorie de la traduction, il est plus connu du grand public comme essayiste, critique littéraire et philosophe. Il a récemment publié Dix raisons (possibles) à la tristesse de pensée, (Albin Michel, 2005), Une certaine idée de l'Europe (Actes Sud, 2005), Ceux qui brûlent les livres, (L'Herne, 2008).


George Steiner, Les livres que je n'ai pas écrits, Paris, Gallimard, Janvier 2008, 287 pages.

 

Un vieux dicton - une malédiction peut-être- veut que l'on souhaite à son ennemi de devoir écrire un livre. Sept, rajoute George Steiner, comme le temps de la Création, comme le nombre de branches du chandelier. Que ces livres Steiner ait jamais voulu les écrire réellement, peu importera au lecteur. On le croira volontiers dans certains cas, où il n'est pas jusqu'au plan qui ne nous soit exposé. On en doute dans d'autres où le sujet annoncé est prétexte, à la manière de Montaigne, à dériver vers un autre propos, plus autobiographique. En ouverture, la mésaventure du jeune journaliste Steiner qui entreprend de se lancer dans la biographie d'un monstre sacré de la sinologie occidentale, Joseph Needham, l'auteur d'une impressionnante histoire de la science en Chine, inachevée malgré ses huit forts volumes. L'occasion toute trouvée de s'interroger sur ces œuvres continents qui finissent par n'avoir d'autres fins que de se maintenir en vie, par leur inachèvement. Les œuvres suscitent souvent des jalousies qui frisent chez certains sujets la démence criminelle, comme le poète Cecco d'Ascoli qui, toute sa vie, se jugea persécuté par la splendeur de Dante. Qu'est-ce que vivre à l'ombre de génies reconnus, quand on n'est soi-même qu'un brillantissime esprit ? Nous entrons dans la sphère intime de Steiner, qui parlera tour à tour du sexe dans différentes langues, de son rapport à Israël ou à la culture européenne à travers la crise des humanités au profit des sciences exactes, sans oublier la grande question - celle de ses convictions politiques. Chemin faisant, le lecteur est promené à travers siècles et continents par l'auteur. Si ce dernier n'a pas écrit ces livres, ne serait-ce pas qu'il n'entendait répondre directement à aucune des sept questions ?

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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 12:37
Maurice Barrès                                                                                                                

de Sarah Vajda

Mis en ligne : [25-02-2009]

Domaine : Lettres


 

Sarah Vajda est docteur ès sciences du langage (EHESS). Elle est l'auteur de deux biographies remarquées :  Maurice Barrès (Flammarion, 2000), Jean Edern Hallier  (Flammarion, 2003)  et de trois romans, Amnésie et Contamination (Editions du Rocher), Le terminal des anges (Le Mort qui Trompe, 2008).
 

Sarah Vajda, Maurice Barrès, Paris, Flammarion, Octobre 2000, 437 pages.


Maurice Barrès " tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change " demeure un drôle de pistolet : anarchiste à vingt ans, antidreyfusien à trente, traditionaliste, patriote lorrain, grand lecteur de Pascal..., la seule voleur à laquelle il ne dérogera pas reste l'ironie. Le temps n'est plus de convoquer Barrès au tribunal de l'histoire, mais de redécouvrir un grand écrivain déchiré entre la passion nationale, le désir de servir et la solitude de l'écriture. Conspué, hué, sommé de s'expliquer de tous côtés, l'homme Barrès verra aussi son œuvre pillée... Certains pourtant ont reconnu l'héritage : Aragon, mais surtout Montherlant et Mauriac lui restèrent fidèles ; enfin, l'antidestin de Malraux est barrésien, comme l'est Le premier homme d'Albert Camus. De Barrès, on ne croit savoir que deux choses, son antisémitisme et son attachement à l'Action française : deux allégations qui demandent correction, comme le montre Sarah Vajda dans une biographie exceptionnelle d'intelligence, qui sait replacer les débats d'idées de l'époque avec clarté et nous faire découvrir l'un des écrivains majeurs de ce siècle.

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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 10:33
Sermon de
saint François d'Assise aux oiseaux et aux fusées        
                                                                            

de Sébastien Lapaque

Mis en ligne : [25-02-2009]

Domaine : Idées


 

Né en 1971, Sébastien Lapaque est un journaliste, gastronome et romancier français. Il est également critique littéraire au Figaro. Bon connaisseur de Georges Bernanos, auquel il a consacré deux livres - Georges Bernanos encore une fois (Actes Sud, 2002), Sous le soleil de l'exil (Grasset, 2003) -, il est l'auteur de romans  et de récits : Les barricades mystérieuses (Actes Sud, 1998), Les idées heureuses (Actes Sud, 1999), Court voyage équinoxial, (Sabine Wespieser Editeur, 2005), ainsi que d'un pamphlet contre Nicolas Sarkozy : Il faut qu'il parte (Stock, 2008).


Sébastien Lapaque, Sermon de saint François d'Assise aux oiseaux et aux fusées, Paris, Stock, Novembre 2008, 90 pages.

 

Saint François revient à Assise après avoir appris que les autorités municipales y ont interdit la mendicité. Personne ne veut entendre sa parole et il s'adresse alors aux oiseaux et aux fusées. Ce texte qui fait référence à la Bible et à la vie du saint, dénonce l'horreur d'un monde technologique hyperactif, cupide et désespéré qui semble organisé pour écraser le pauvre, le faible et l'étranger.

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