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Présentation de l'éditeur.
La critique de Baptiste Liger. - Lire, n°383, mars 2010.
La Revue Critique des idées et des livres |
"Ce n’est pas seulement pour vivre ensemble, mais pour bien vivre ensemble qu’on forme un État." aristote |
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Petit monarque et catacombes de Olivier Maulin Mis en ligne : [8-03-2010] Domaine : Lettres
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À l’heure de clore (définitivement ?) sa trilogie avec la parution le mois dernier de Petit monarque et catacombes, toujours aux éditions L’esprit des Péninsules, et de partir vers d’autres horizons littéraires, notamment le roman policier, Olivier Maulin a eu la gentillesse de bien vouloir nous livrer quelques clés pour que les lecteurs du Choc du mois ne tombent pas tous de leur chaise en le lisant pour la première fois. Avis de tempête aux lecteurs distraits : la lecture de Maulin l’enchanteur est fortement déconseillée aux pisse-vinaigre et autres fesse-mathieu, qui se piquent de littérature. Scandales, cris d’orfraies et hululements moralisateurs assurés dès la troisième page… Faut reconnaître, c’est du brutal !
Maulin, c’est la puissance de feu d’une grosse farce poétique avec des personnages échappés de Voyage au bout de la nuit, et les flingues de concours d’un A.D.G. ou d’un Michel Audiard. Avec en prime, le goût des solstices païens, des bacchanales romaines et des banquets grecs à faire rougir les zombies de la gay-pride et tous les « mutins de Panurge » du Marais et de San Francisco réunis. La quarantaine venue, notre satiriste a fait sienne la remarque de l’écrivain colombien Nicolas Gomez Davila, auteur du trop peu connu Le Réactionnaire authentique : « Dans la société qui s’esquisse, même la collaboration enthousiaste du sodomite et de la lesbienne ne nous sauvera pas de l’ennui ». Comme dirait Suzy Fuchs : « Tu sais, il faut que tu comprennes une chose, c’est qu’on n’est pas des hippies pourris qui pensent que les esprits sont tous gentils. Nous, on sait qu’ils peuvent être terribles. Pigé ? » À l’instar de Lucien, le héros qui inspire ce triptyque anarchiste et royaliste, Maulin prône dans ses romans l’harmonie dans la débauche. C’est un symposiarque qui veut bien utiliser ses vices dans ses romans pour accéder à un état qui les transcende. « Il faut mettre du rite partout, sinon on est foutus », ne cesse d’affirmer ses personnages dans ses romans.
Comme ses illustres devanciers, Olivier Maulin n’a pas le cœur sec ni le cul serré quand il écrit. Il a la plume drôle, voire acide, et un talent de dialoguiste indéniable, que lui reconnaissent même ses détracteurs les plus acharnés. Ses héros ressemblent à s’y méprendre aux clochards célestes et aux perdants magnifiques, chers à l’ami Blondin. Ils ont d’ailleurs l’insulte abondante et le coup-de-poing facile devant la connerie contemporaine, surtout quand ils ont ingurgité quelques ballons de gentiane et pintes de bière. Mais pas que… Certains de ses personnages les plus exaltés ne répugnent pas aussi à passer à l’action directe contre les marchands du temple, aux coups d’État qui finissent mal et aux restaurations royales fantasmées. Il faut dire que Maulin est ouvert à tous les fanatismes pour la résurrection du Grand Pan. Chez cet Alsacien particulièrement attachant, l’ogre rabelaisien a décidé une fois pour toutes d’écraser le cartésien. Sa famille littéraire a des racines profondes qui plongent au cœur de l’Europe buissonnière : de l’anarcho-communiste tchèque Jaroslav Hasek, écrivant le burlesque Brave Soldat Chvéïk, à l’anarcho-païen finlandais Arto Paasilinna, inoubliable auteur du Lièvre de Vatanen. Comme eux, Maulin redoute par-dessus tout le désenchantement généralisé de la société occidentale. Son remède ? « Le retour du sacré et de l’oint royal ».
Maulin n’a jamais caché son inclination pour l’imaginaire et la langue médiévale. Qui est-il au juste? « Un chrétien paillard médiéval à la Léon Bloy, aimant le guignol et le grand style », nous a-t-il avoué après avoir vidé une bouteille d’un honnête picrate. Sous le sceau de la confidence, il a même parlé de la décadence de l’Europe, qu’il date du xve siècle, « à peu près l’époque où le peuple a cessé de danser dans les cimetières », amorçant selon lui une longue descente « vers l’ennui mortel et la civilisation bourgeoise ». Pourquoi pas, après tout… La littérature contemporaine ne l’inspire guère. Dans un récent entretien accordé à la revue Éléments, il avait même lâché, comme soulagé, qu’il n’en lisait plus pour se consacrer à présent exclusivement à la lecture de vieux ouvrages de fabrication de cloches d’églises, de livres pratiques sur l’élevage de porc et de vieux traités d’équitation à l’usage de la cavalerie française. Dont acte. Que dire de ses romans ? Il ne voit que cette phrase, de Davila toujours : « Le pur réactionnaire n’est pas un nostalgique qui rêve de passés abolis, mais le traqueur des ombres sacrées sur les collines éternelles ».
« C’est elle qui avait eu cette idée foireuse. Elle était d’origine portugaise et comme les choses n’allaient pas brillamment à Paris, elle avait pensé “rentrer au pays”. Cette conne m’avait transformé en immigré ». Le ton est donné. Avec son premier roman, En attendant le roi du monde, Maulin explorait les dédales de la tradition lusitanienne. En toile de fond ? Dom Sébastien, le roi caché qui restaurera le destin du Portugal pour établir le cinquième empire. Mais avant de se mettre en quête d’un roi qu’ils n’avaient d’ailleurs jamais eu l’idée de chercher auparavant, Romain et Ana vont échouer dans une pension de famille miteuse de Lisbonne. Rencontrer Dulce, une pétulante nymphomane, et Cécile qui aboie quand on la baise. Faire la connaissance de Pépé, un ancien colon d’Angola cloué sur son fauteuil roulant qui tape des fados à faire pleurer des bars entiers. Puis tomber sur Lucien, un grutier qui se prend pour un chaman, et parle en direct et sans intermédiaire avec le baron Roman Fédorovitch von Ungern-Sternberg. Lui, il voyage dans le monde des esprits dès qu’il fait l’amour. Le lecteur ne s’étonnera donc pas de croiser des anges pourchassés par une meute de cavaliers bouriates ni George Bush manquer de s’étrangler en avalant un bretzel. En le lisant, les puceaux pourront toujours apprendre quelques positions originales dans la partouze finale.
Prévenons les prudes derechef de jeter un voile pudique sur les pages décrivant la rencontre avec les esprits de la forêt dans le deuxième opus, Les Évangiles du Lac. Paru en 2008, ce roman d’initiation burlesque suit les pérégrinations d’un publicitaire trentenaire parisien, lassé par la vie de bureau, qui fait l’apprentissage du recours aux forêts le temps d’un week-end à Kruth, une petite bourgade des Vosges alsaciennes. Il y a aussi l’abbé Nonno, un curé de choc, en rangers, qui pensent que « c’est cuit depuis ce laïcard de Philippe le Bel », Suzy la païenne qui jette des crapauds dans les bûchers de la Saint-Jean en criant : « Tournez, tournez, cabus. Devenez aussi gros que mon cul », Fifty-Fifty « sept générations sur les rails dont trois dans le contrôle », disciple de Fourrier et mystiques du rail, un Grec, un écureuil et un simple d’esprit. Troisième et dernier tome, Petit monarque et catacombes nous plonge dans la mitterrandie finissante. Nous sommes en 1992. Rodolphe Stockmeyer, appelé deuxième classe, fils de vigneron, effectue son service militaire comme loufiat au vestibule d’honneur, au Palais de l’Élysée. La planque est bonne: il observe le président Mitterrand traîner son cancer dans un château à la dérive, en éclusant quelques bouteilles de Romanée Conti. Reste le point d’orgue, une scène qu’on lit et relit, une fois, deux fois en riant, dix fois en rêvant qu’elle se produise un jour :
« – Agence France Presse, bonjour, a dit une voix.
– Bonjour Monsieur, a répondu Pierrot. Je vous appelle pour vous communiquer une information de la plus haute importance.
– Je vous écoute.
– Alors voilà. Ce matin très tôt, il y a eu un coup d’État à l’Élysée…
Quelques secondes de silence du côté de l’AFP…
– Un coup d’État à l’Élysée ?
– C’est ça.
– Ne quittez pas.
Au bout du fil, des bruits de combiné et des murmures étouffés pendant une minute…
– Un coup d’État, donc… Vous pouvez m’en dire plus.
– Bien sûr. Avec la complicité de la garde républicaine, un petit commando dont j’ai l’honneur de faire partie a rétabli le roi sur le trône de France, à l’aube, sans tirer un seul coup de feu ni verser une goutte de sang.
– Bonne nouvelle, a dit le type. C’est une super info, les gars. Et comment il s’appelle votre roi ? Louis XXVI ?
– Bois-Bois Ier.
– Bois-Bois… Ier ? »
Souvenirs littéraires de Léon Daudet Mis en ligne : [8-02-2010] Domaine : Lettres
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Bonjour NewYork | |
Le Club des Incorrigibles Optimistes de Jean-Michel Guenassia | |
Journal de Valéry Larbaud Domaine : Lettres | |
L'autre Valéry. La première édition du Journal de Valéry Larbaud ne représentait qu'à peine la moitié des journaux retrouvés et publiés aujourd'hui (1901-1935). De longs passages sont en anglais (on aurait aimé une traduction), d'autres ont été reconstitués à partir de fragments, de pages arrachées. Dans "son cher exutoire", Larbaud dévoile sa vie au quotidien avec ses manies, ses tics, ses obsessions : ses horaires, l'itinéraire de ses promenades avec son chien, ses visites au médecin. Cet enfant unique, surprotégé par sa mère, souffre de rhumatisme articulaire et des séquelles d'un paludisme contracté à Saint-Yorre où son père était propriétaire des sources. D'où une hyperexcitabilité cérébrale, des crises de Mood qui le poussent à s'isoler et le portent à la création. Fin gourmet, il partage avec son ami Léon-Paul Fargue (avec qui il fonde la revue "Commerce") des repas fins. Larbaud n'a jamais quitté l'enfance; il continue à collectionner des figurines de plom, apprécie la compagnie des petites filles, jusqu'à sa rencontre avec Maria, la femme de sa vie. D'une grande sensibilité artistique, il écume les musées en Angleterre ou en Italie. Lecteur boulimique, traducteur scrupuleux (de Ramon Gomez de la Serna, Butler...), ce dandy polyglotte qui ne cesse de lutter contre son mal, se fatigue autant des femmes que de la médiocrité de la littérature. Les négociations de boutiquiers à propos de Fermina Marquez, entre Fasquelle et Gaston Gallimard, le dépassent. Il est outré quand Malraux lui vole la vedette en lançant Faulkner à sa place. Entre les arrivés et les ratés, il n'y a qu'un pas. Fou d'"Ulysse", il co-traduit le roman de Joyce qui paraît en 1929. En 1934, il craint de rencontrer Sylvia Beach, l'éditrice : "Comment (Joyce) n'a -t-il pas pu voir à quel point la B(each) et l'autre (Adrienne Monnier), l'ont exploité, bafoué, dénigré". Atteint d'hémiplégie et d'aphasie en 1935, il passe les vingt-deux dernières années de sa vie cloué dans un fauteil. Avant de mourir, il se redressa et s'écria : "Adieu, les choses d'ici-bas".
Les identités remarquables de Sébastien Lapaque Mis en ligne : [12-10-2009] Domaine : Lettres | |
Carnets noirs 2007-2008 | |
Critique de Christopher Gérard - Le Magazine des Livres, n°17, mai 2009.
Le roman d’un pécheur. Avec les Carnets noirs, son Journal des années 2007-2008, Gabriel Matzneff livre son testament, le livre ultime. A la date fatidique du 31 décembre 2008, l’écrivain a en effet décidé de mettre un point final aux fameux moleskines que, depuis 1953, il remplissait de son écriture dansante. Cinquante-cinq ans de confidences prennent fin avec ce qu’il appelle son « chant du cygne », où il convoque tous ses « spectres chéris ». Raison de plus pour lire ces cinq cents douze pages sans dispersion aucune.
Débutant à Venise, les Carnets se terminent sur une note funèbre, celle des gondoles tendues de noir. Le désespoir de l’esthète et de l’esprit rare révulsé par la crétinisation globale, les désillusions de l’écrivain qui se croyait chéri des éditeurs et découvre – un peu ingénument - la prévisible duplicité d’un milieu, les aigreurs de l’amant revenant sur ses multiples échecs, les colères du Bon Européen devant la lâcheté de nos élites qui rampent aux pieds de l’hyperpuissance, tout serre le cœur. A plusieurs reprises, Matzneff s’exclame qu’il a raté sa vie… sans pour autant le regretter, car il fait sienne la déclaration d’un sénateur vénitien du XVIII° : « ho rinunciato a tutto, tranne a me medesimo ». J’ai renoncé à tout, sauf à moi-même. Aveu plein de panache, qui nous le rend plus aimable encore. Nous, ses cadets, qui sommes nombreux à avoir trouvé en lui un fringant éveilleur, un professeur d’énergie et un intercesseur (combien de lettrés n’ont-ils pas découvert Chestov ou Schopenhauer, Léontiev ou Cioran, par le truchement de Gabriel Matzneff ?), comment ne serions-nous pas bouleversés de le savoir blessé, tel un mousquetaire qui aurait pris un mauvais coup contre les gardes du Cardinal ? Comment ne pas lui témoigner notre gratitude, et notre fidélité ?
Toutefois, sympathie au sens grec de souffrance partagée ne signifie pas pitié. Notre loyauté - il nostro Onore si chiama Fedeltà - nous interdit de masquer notre perplexité, déjà sensible à la lecture des Demoiselles du Taranne. Matzneff entend relever un défi, un de plus : tout se permettre, et tout dire (ou presque). Ce n’est pas l’aimer moins que d’avouer ceci : la comptabilité maniaque des dîners en ville ou au restaurant, le catalogue – si peu érotique – de ses étreintes avec telle pimbêche et/ou telle tendre amie, la liste de ses rencontres avec des notables du Tout-Paris (que nous distinguerons des vrais amis, les Mousquetaires par exemple), lassent le lecteur le mieux disposé. Cristallin, le style sauve l’œuvre, dieux merci, car Matzneff demeure un maître, qui plane haut. Mais, par Jupiter, quelle énergie gaspillée à tant de futilités ! Pas un mot, ou presque, sur la Journée Montherlant, qui rassemble deux cents passionnés devant lesquels Matzneff sanglote en évoquant son ami. En revanche, des pages et des pages sur les « émiles » (les courriels des puristes) et les coups de fil d’une snobinarde, qui se révèle une traîtresse. Quelle complaisance, quel apitoiement sur soi, exprimés avec une naïveté de grand dadais. Quel badinage entre pulsion nihiliste et tentation théologique.
La question que se pose Matzneff, et à laquelle il répond par l’affirmative, est de savoir s’il vaut la peine de (presque) tout transcrire, de tout figer sur le papier, même les ébauches de pensée, parfois mesquines ou tout simplement dénuées d’intérêt (comme chez chacun d’entre nous). Faut-il tout écrire ? Peut-être, par une sorte de catharsis et si l’on est tenaillé comme Matzneff par la hantise de l’oubli – mais feindre une perte de mémoire n’est-il pas parfois préférable au ressassement ? En revanche faudra-t-il publier les dix ou douze volumes qui dorment dans un coffre-fort ? Mystère et confiture, comme dirait Gabriel le Styliste, célèbre anachorète. Des fragments de Journal, reprenant la quintessence des réflexions, ne sont-ils pas préférable à une litanie, monotone comme l’est souvent toute vie ?
Heureusement, il y a the Matzneff touch. Le style, impérial. Impossible de ne pas y revenir, car chez lui, le style sauve l’homme de la folie et l’artiste du néant. Un style qui justifie une existence. Polémiste de race, romancier du bonheur, Matzneff peut nous agacer dans quelques pages de récents Journaux, alors que les plus anciens ne cessent de nous enchanter. Quoi qu’il arrive, il continuera de nous charmer, de nous fortifier par son énergie à combattre l’imposture aux mille faces (ses propos si justes sur la russophobie à la mode, sur les menées américaines dans les Balkans), par son humour ravageur et par ce génie si singulier qu’il illustre dans la transmission d’une flamme, celle de l’éternelle jeunesse. Irremplaçable Matzneff !
La chose écrite Chroniques littéraires de Jean Dutourd Mis en ligne : [4-09-2009] Domaine : Lettres | |
Le phénomène Soljénitsyne de Georges Nivat Mis en ligne : [1-09-2009] Domaine : Lettres | |
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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01 |
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