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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 08:30
Anatole France et
le nationalisme littéraire
Scepticisme et tradition
 
de Guillaume Métayer                                                
Mis en ligne : [28-03-2011]
Domaine : Lettres 
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Né en 1972, Guillaume Métayer, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, agrégé de lettres classiques, est chercheur au Centre d'étude de la Langue et de la Littérature françaises des XVIIe et XVIIIe siècles. Il vient de publier :  Nietzsche et Voltaire. (Flammarion, janvier 2011).


Guillaume Métayer, Anatole France et le nationalisme littéraire. Scepticisme et tradition, Paris, Editions du Félin, janvier 2011, 256 pages.


Présentation de l'éditeur.
Cet ouvrage est une enquête sur un point aveugle de notre histoire littéraire, Anatole France, prix Nobel de littérature presque tombé dans l'oubli. Avant d'être l'une des plus grandes voix du dreyfusisme et un compagnon de route du socialisme, France a surtout été considéré comme l'écrivain français par excellence, capable de cristalliser et de fixer dans la littérature le prestige de la Nation, au long des décennies de doute culturel qui ont suivi la défaite de 1870. La réception enthousiaste d'Anatole France dans la mouvance du nationalisme français, Barrès et Maurras en tête, le confirme. Des tendances nostalgiques, une écriture et des idées néo-classiques, une posture sceptique face aux excès de la Révolution française donnent l'image d'un écrivain sinon de la tradition, du moins de l'" évolution ", à distance du mythe révolutionnaire. France apparaît alors comme une sorte de " lieu de mémoire " vivant, capable de concentrer en lui nombre de " lieux de mémoire " nationaux  (" la conversation ", " la coupole ", " la visite au maître "...). Il s'impose comme la figure transitionnelle d'une France inquiète, en quête de pérennité symbolique et le miroir littéraire d'une IIIe République avide de légitimité historique. Cet ouvrage, qui s'appuie sur une étude circonstanciée de la réception d'Anatole France dans le courant nationaliste, se veut aussi un parcours critique d'une oeuvre qui marque un moment charnière dans les aventures de l'humanisme à la française.
Chronique de Michel Crépu, La Revue des deux mondes. - février 2011
Décidément, l’essai de Métayer sur Anatole France et le nationalisme littéraire est capital pour la compréhension de toute la scène littéraire française au XXe siècle. France entre Maurras et Barrès, faisant barrage de son scepticisme bourgeois face aux aventuriers du langage, tel Mallarmé ou Verlaine. J’y reviendrai longuement.
 
Une belle critique de ce livre : Benoît Gousseau, "Redécouvrir Anatole France", Politique magazine, février 2011.
  
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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 11:30
Pise 1951           
 
de Dominique Fernandez                                                        
Mis en ligne : [7-03-2011]
Domaine : Lettres 
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Né en 1929, Dominique Fernandez est romancier et essayiste.  Prix Médicis 1974 pour Porporino ou les mystères de Naples, prix Goncourt 1982 pour Dans la main de l'ange, il a été reçu en 2007 par l'Académie française. Il a récemment publié :  Dictionnaire amoureux de l'Italie. (Plon, 2008), Ramon. (Grasset, 2009), Avec Tolstoï. (Grasset, 2010), Villa Médicis. (Philippe Rey, 2010).

  


Dominique Fernandez, Pise 1951, Paris, Grasset, janvier 2011, 332 pages.


Présentation de l'éditeur.
En octobre 1951, Octave et Robert, deux étudiants français, arrivent à Pise où ils vont passer une année d'études. Ils découvrent une Italie à peine sortie de la guerre, archaïque, pittoresque et accueillante. Tous deux vont faire la connaissance d'une jeune fille qui vit un peu à l'écart de la ville, dans la villa splendide mais délabrée de ses parents, aristocrates ruinés. Les deux garçons tombent amoureux de la jeune fille, chacun à sa façon. Le roman raconte comment, à cette époque où une jeune italienne n'a ni le droit ni la possibilité de rester en tête-à-tête avec un garçon, l'amour naissait chez des êtres qui se connaissaient à peine. Il raconte aussi les hésitations de la jeune fille, partagée entre Octave et Robert.Ce roman fait revivre une Italie révolue, dont le charme invite à un voyage nostalgique dans le passé.

 
Article de Aliocha Wald Lasowski
, Le magazine littéraire. - janvier 2011

La divine Italie de Fernandez. Dominique Fernandez est italien comme Stendhal était milanais. On le savait : Pise 1951, son dernier roman, le confirme, comme un tampon sur un passeport. Le 15 septembre 1951, au matin, le narrateur et son ami Octave, deux jeunes parisiens, arrivent donc en gare de Pise. Le charme de l'Italie - "le velouté de l'air, le parfum des arbustes, la douceur de la brise", les palazzi somptueux et le chic de la mode - suscite excitation et enchantement. Le lecteur à son tour oublie l'heure et le temps, transporté par Dominique Fernandez sur les rives de l'Arno, débouchant sur la piazza dei Cavalieri au côté de ses héros, séjournant avec eux dans l'ancien palais des chevaliers de Malte. Le romancier nous plonge dans l'Italie de l'après-guerre. Ses personnages sont reçus en audience au Vatican par sa Sainteté Pie XII, dans la salle capitolina, conduits par l'aumônier de l'école. Là, ils s'enflamment dans des conversations sur l'art. Comment choisir entre Florence, l'austère cité, et Pise, où tout n'est que "négligence et poésie" ? On  lit chaque matin un chant de La Divine Comédie, on s'enchante de la cuisine italienne, "nette, simple, pure", avec ses légumes al dente et son merveilleux San Daniele. On participe aux discussions politiques sur la démocratie et les rêves de justice sociale, on se réunit dans l'arrière-salle du café Gambero rosso, tenu par un militant communiste, Arnaldo, fidèle d'Antonio Gramsci : "Plan Marshall, ONU, Otan agitaient aussi furieusement les esprits que la rivalité du pape et de l'empereur au Moyen Âge." L'Italie de Fernandez mêle sans cesse le passé et le présent, le sacré et le profane, les vivants et les morts. Les couloirs de l'école bourdonnent encore des rumeurs provoquées par le suicide de Cesare Pavese, en août 1950. Garçons et filles s'interpellent chez Gigi, le glacier près du pont. Espace de liberté, lieu de l'initiation : avec ses bordels des villas élégantes - "double perron, marquise de fer forgé, lionne de bronze en guise de heurtoir" -, avec ses longues promenades dans la campagne, Pise est pour l'écrivain ce qu'est Rome pour Fellini. Et voilà que les deux héros tombent amoureux. L'un de Renata, paysanne du Frioul, "c'était ce que j'appelle une vraie italienne. formes rebondies et simplicité animale, comme sont les reines d'opéra". L'autre d'Iavanka, "très pâle, une apparition", issue de la plus ancienne noblesse de Pise... L'Italie triomphe jusque dans le corps de ces filles. Avec ce retour à sa terre d'élection, aux saveurs, aux parfums, aux paysages qu'il aime, Fernandez prouve indubitablement que le romanesque est italien. 


Autres critiques : Guillaume de Sardes, "Octave et Robert", Service littéraire, février 2011. 


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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 11:30
La séparation des races           
 
de Charles-Ferdinand Ramuz
Mis en ligne : [10-01-2011]
Domaine : Lettres 
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Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947). Publications récentes  : Chant de notre Rhône (Les Amis de Ramuz, 2005),   Le gros poisson du lac. (Éd. Séquences, 2005), Vendanges. (Ed. Séquences, 2005), Romans. (Gallimard-La Pléiade, 2005), Présence de la mort. (Ed. de l'Aire, 2009) .

  


Charles-Ferdinand Ramuz, La séparation des races, Paris, Gallimard, avril 2010, 212 pages.


Présentation de l'éditeur.
" Il y a ces pâturages qui sont sous le col à deux mille cinq cents mètres, et c'est seulement vers la fin de l'été qu'ils y montent, à cause que leur vie va de bas en haut comme l'oeil fait. Tout là-haut, au milieu de la dernière pente d'herbe, on voyait le chalet ; ils étaient devant le chalet, assis par terre, parce qu'il n'y avait même pas de banc, se tenant adossés au mur de pierres sèches, en face et au-dessus du vide. Vu de cette hauteur, le fleuve, au fond de la vallée, n'était plus qu'un bout de fil gris apparaissant à travers une brume bleue, comme si ce n'eût pas été de l'air, mais de l'eau, dans laquelle on aurait mis fondre du savon, qui remplissait cet immense bassin de fontaine ; ils se tenaient là sans parler, parce qu'on se sent tellement petits, c'est tellement trop grand pour nous. "

 
Recension d'Alexandre Fillon, Lire - juillet-août 2010

De l'autre côté de la montagne.  Avec Charles-Ferdinand Ramuz, l'oeuvre est toute affaire d'écriture. "J'étreindrai la langue et, la terrassant, lui ferai rendre gorge et jusqu'à son dernier secret, et jusqu'à ses richesses profondes, afin qu'elle me découvre son intérieur et qu'elle m'obéisse et me suive rampante, par la crainte, et parce que l'ai connue et intimement fouillée", notait l'écrivain vaudois en 1904.  Ce qui frappe lorsqu'on attaque La séparation des races, c'est la présence du paysage. Des carrés d'ardoise, des forêts de sapins et des pâturages. Beaucoup de couleurs et peu de bruits, hormis celui du vent. Les bergers locaux forcent sur le muscat qu'ils boivent dans des gobelets de bois. Firmin en a peut-être trop abusé, lui qui évoque "ceux de l'autre côté de la chaîne, ceux de là-bas, ceux d'au-delà du col, du côté au nord". Car l'on "n'aime pas ce qu'on ne connaît pas", on se "méfie de ce qu'on a jamais vu".  Dans son discours, il y a également cette fille "rudement belle" qui parle une autre langue. Elle est grande, avec des cheveux "comme de la paille de seigle, comme du bois de châtaignier neuf... comme de l'herbe sèche...". Une fille qu'il se sent prêt à ramener chez lui par tous les moyens. Afin de la récupérer, son fiancé Hans enverra Mathias dont c'est le métier "d'aller", avec sa barbiche, son cornet et son tricorne. "C'est un roman qui ne peut valoir quelque chose que par le ton", affirmait Ramuz à propos de La séparation des races. Le sien reste unique.  

  

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13 décembre 2010 1 13 /12 /décembre /2010 11:30
Essais  
 
de Philippe Muray
Mis en ligne : [13-12-2010]
Domaine : Lettres 
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Philippe Muray (1945-2006). Publications récentes  : Moderne contre moderne (Les Belles Lettres, 2005), Festivus, festivus (Fayard, 2005), Roues carrées (Fayard, 2006), Le Portatif (1001 Nuits, 2006), Le Sourire à visage humain (Manitoba/Les Belles Lettres, 2007).

  


Philippe Muray, Essais, Paris,Les Belles Lettres, septembre 2010, 1816 pages.


Présentation de l'éditeur.
L'œuvre de Philippe Muray (1945-2006) est de celles dont on ne se remet pas. Méchante pour certains, quasi prophétique pour d'autres, elle jette sur le monde une lumière si vive que la rétine s’en trouve brûlée, et superpose aux choses une indélébile petite tache d’ironie. Car ce qui caractérise notre époque est pour Philippe Muray son sérieux terrible, sa certitude agressive et béate d’être meilleure qu’un avant dont elle ne veut rien savoir et de se diriger vers un avenir aussi paradisiaque et inéluctable que désincarné. Cette dévotion à un Bien qu’on ne peut remettre en question est la source d’innombrables sottises, comme le chemin le plus court vers des formes nouvelles de barbarie. Pour la première fois, Les Belles Lettres publient donc, en un seul volume, sept des plus grands textes de Philippe Muray (L’Empire du bien, les deux tomes d’Après l’histoire et les quatre Exorcismes spirituels), afin de permettre au lecteur de saisir toute la puissance de sa vision, mais aussi de goûter à tout le brio de son style. Car si Philippe Muray porte un regard désespéré sur le monde, son désespoir n’est ni triste ni ennuyeux. On s’amuse beaucoup en compagnie d’une vaste galerie de personnages digne des Caractères de La Bruyère, dans laquelle un index permettra de se promener à loisir. Une annotation soignée éclaire également les diverses allusions factuelles. Parce que les cibles véritables de cette plume acérée sont toutes les formes de bien-pensances, son extraordinaire liberté de ton, outre l’hilarité qu’elle provoque, procurera à certains un véritable enthousiasme en ces temps souvent sombres. «Enfant de Bloy par la colère, de Céline par la fièvre, de Rabelais par l’imagination, il se fait un devoir de pulvériser les vanités de son temps, de les transformer façon puzzle.» Sébastien Lapaque, « La charge joyeuse de Philippe Muray contre l’Empire du Bien » Le Figaro littéraire.
 

Article de Tristan Savin, L’Express.fr du 19/10/2010

Muray, mi-philosophe, mi-sociologue. Grâces soient rendues à Fabrice Luchini ! Ses lectures publiques ont fait connaître aux non-initiés, quatre ans après sa disparition, un chroniqueur audacieux, un visionnaire de talent, un authentique pamphlétaire dans la tradition célinienne, pourfendeur des travers de notre société. Philippe Muray fut notre Léon Bloy, notre La Bruyère. Certains avaient tenté de nous prévenir en lui rendant hommage, parmi lesquels Alain Finkielkraut, Jean Baudrillard et... Michel Houellebecq: "S'il faut absolument parler de la modernité (ce dont il m'arrive de douter), autant partir des livres de Philippe Muray, ce sera plus agréable et plus instructif..."

Muray a dispensé sa parole libre, discrètement, dans les colonnes d'Art Press, de L'Idiot international, de L'Esprit libre, de Marianne, du Figaro,de L'Atelier du roman ou de La Montagne. Il illustrait la distinction entre un journaliste et un chroniqueur, mi-philosophe, mi-sociologue, et ne se cantonnait ni à la politique ni à la critique littéraire : on lui doit un éloge de l'artiste comblé, par opposition au culte moderne de l'artiste maudit (La gloire de Rubens), et son texte sur Louis Jouvet est un modèle du genre. Outre quelques romans ignorés par la critique, il publia une vingtaine d'essais cinglants, transformant ses rares lecteurs en happy few, marqués par le style d'un écrivain original, inventeur de néologismes ("artistocrates", "voyageocrates") et de bons mots ("mutins de Panurge").

En rééditant, pour la première fois en un seul volume, ses plus grands textes (L'empire du Bien, Après l'Histoire, Exorcismes spirituels), Les Belles Lettres offrent l'occasion de plonger dans l'univers d'un créateur de concepts de critique sociale, à la façon de Guy Debord - le marxisme en moins, l'humour en plus. Devenu le porte-parole de l'anti-bien-pensance, Muray n'a cessé de dénoncer, dans ses écrits, le "consensus de la communauté", à savoir : le politiquement correct et son "discours de vertu", le défilé des images et l'infantilisation des consommateurs, réduits à une "passivité euphorique" dans un "Asile hégémonique". Il oppose la déesse Raison à la déesse Réseau, "infiniment plus efficace". Pour lui, la population est constituée de "promeneurs approbatifs". Les "rebellocrates" et les "rentiers de l'indignation" ont tué la rébellion. Notre époque est une "tête à claque". Il en donne un exemple dans "Le sourire de Ségolène". A force de moquer les idées de la gauche bourgeoise au pouvoir (véhiculées par Le Monde, Télérama, Libération), de se gausser de la féminisation du langage et d'encourager à la relecture de Céline, il fut traité de "nouveau réactionnaire". Muray fut même considéré - à tort - comme un auteur d'extrême droite. Fallait-il se sentir visé pour dénaturer à ce point sa pensée ! Car il ne défend aucun dogme. Même s'il cite souvent le philosophe Jean-Claude Michéa, héritier du socialisme orwellien.

Le credo de Muray : "Les étiquettes, je les arrache." Il faut donc éviter d'extrapoler à partir de ses écrits : il analyse les contradictions de la société actuelle sans proposer un retour en arrière, ni appeler à la révolution. Pour lui, nous sommes entrés dans la fin de l'Histoire. Et de la géographie. "Nous voilà prisonniers d'un Trifouilly-les-Ondes global." La machine technocratique tente d'éliminer les différences, l'uniformisation est un rêve commercial. D'où son concept d'Homo festivus. Tout est une fête : "Entrons ensemble dans la danse ! Tous les jeux nous sont offerts ! C'est l'évasion ! La vie de pacha ! Floride ! Wonderland ! Californie !" Muray est le dernier rejeton de l'Internationale situationniste, l'héritier du Baudrillard de La société de consommation... L'annonciateur du cauchemar climatisé, Henry Miller, ne l'aurait pas renié. L'auteur de Chers djihadistes répondait au grotesque par des poèmes comiques. Son rire libérateur entraîne la réflexion. Par exemple quand il détecte l'envie du "tout pénal" : sous prétexte de combattre le Mal, l'empire du Bien impose des lois antidémocratiques.

Muray fut un moraliste pour qui l'esprit critique se devait d'être un art. Face aux intellectuels au sourire commercial, il jouait les ronchons de service. Il est mort d'un cancer du poumon. "Un grand style, comme les crimes parfaits, doit être longuement prémédité", écrivait-il. Gageons qu'il sera encore lu dans longtemps. Car sa vision du monde ne cesse de nous rappeler non pas au nihilisme, mais à la lucidité.  

 

Autres critiques signalées : Sébastien Lapaque, "Philippe Muray, le mécomtemporain", Le magazine littéraire, novembre 2010. - Frédéric Saenen, "Philippe Muray, saboteur de l'Empire du bien", Le magazine des livres, novembre-décembre 2010.


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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 11:30
C'est une chose étrange
à la fin que le monde             
 
de Jean d'Ormesson
Mis en ligne : [8-11-2010]
Domaine : Lettres 
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Jean d'Ormesson, né en 1925, est romancier et essayiste.  Elu à l'Académie française en 1973, il est également éditorialiste au Figaro. Il a récemment publié La Création du monde (Robert Laffont, 2006), Odeur du temps (Editions Héloïse d'Ormesson, 2007), Qu'ai-je donc fait (Editions Héloïse d'Ormesson, 2008), L'enfant qui attendait un train (Editions Héloïse d'Ormesson, 2009), Saveur du temps (Editions Héloïse d'Ormesson, 2009).   

  


Jean d'Ormesson, C'est une chose étrange à la fin que le monde, Paris, Robert Laffont, août 2010, 313 pages.


Présentation de l'éditeur.
Qu'est-ce que la vie et d'où vient-elle ? Comment fonctionne l'univers? Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? Des mathématiciens aux philosophes grecs, à Einstein et à la théorie des quanta, en passant par Newton et Darwin, voilà déjà trois mille ans que les hommes s'efforcent de répondre à ces questions. L'histoire s'est accélérée depuis trois ou quatre siècles. Nous sommes entrés dans l'âge moderne et postmoderne. La science, la technique, les chiffres ont conquis la planète. Il semble que la raison l'ait emporté. Elle a permis aux hommes de remplacer les dieux à la tête des affaires du monde. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Dieu est-il à reléguer au musée des gloires étrangères et des puissances déchues ? La vie a-t-elle un sens ou est-elle une parenthèse entre deux néants? Est-il permis d'espérer quoi que ce soit au-delà de la mort ? Avec les mots les plus simples et les plus clairs, avec une rigueur mêlée de gaieté, Jean d'Ormesson aborde de façon neuve ces problèmes de toujours et raconte au lecteur le roman fabuleux de l'univers et des hommes.

Article de Franz-Olivier Giesbert.
Le Point, 26 août 2010
.
Jean d'Ormesson, l'homme qui "doute en Dieu". C'est toujours quand on croit l'avoir percé qu'on a cessé de le comprendre. Depuis des décennies, j'allais dire des siècles, Jean d'Ormesson est l'incarnation vivante de l'esprit français, sa quintessence exquise, qu'on lit comme on boit du champagne et qui pétille dans la tête. On l'a rangé à jamais dans la catégorie des écrivains joyeux, ce qui n'est pas tout à fait exact. Mais bon, c'est toujours mieux que d'être relégué dans le tiroir réservé aux rasoirs ou aux austères. Frappé de cette estampille, il poursuit avec son éternel sourire une conversation ininterrompue avec ses lecteurs. C'est l'avantage de l'écriture : personne ne peut vous couper le sifflet. En l'espèce, on aurait bien tort de le lui couper. De livre en livre, Jean d'Ormesson se bonifie et prend de la hauteur. Son dernier opus, C'est une chose étrange à la fin que le monde, relève du tour de force. Il ose tout. Il se met dans la peau de Dieu, ni plus ni moins, et nous raconte carrément le roman du monde. Des idées, surtout, et puis aussi des sciences et des systèmes philosophiques. On pourrait y voir la marque d'une boursouflure terminale d'académicien statufié, mais non, l'auteur mène cette titanesque entreprise sans enflure ni moulinets, avec la vraie modestie des vrais érudits. Si la culture est ce qui reste quand on a tout oublié, alors il s'agit là d'un monument à sa gloire.
Chez l'homme, le bureau de travail dit tout : notre vérité est toujours dessus, impossible de se cacher derrière. Ainsi celui que Jean d'Ormesson a longtemps occupé à l'Unesco, où il officia comme secrétaire général du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines : son foutoir a longtemps fait le bonheur des photographes. Il trahissait le lecteur boulimique, le dévoreur compulsif de livres et de revues comme l'exigeante Diogène, dont il fut le rédacteur en chef. Il y a donc quelque chose de profondément sincère dans la démarche de C'est une chose étrange à la fin que le monde, toute sa vie est là pour le prouver. En exergue de son livre, il aurait pu mettre cette belle formule d'Oscar Wilde, qu'il cite : "Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d'entre nous regardent les étoiles." Non seulement Jean d'Ormesson les regarde, mais en plus il voit les galaxies et même le big bang derrière. Il se sent donc infiniment petit et remet sans cesse l'humanité à sa place, manie de philosophe postsocratique. Certes, elle a entre 200 000 et 300 000 ans d'âge, mais qu'est-ce au regard des 3 milliards d'années de vie sur la Terre ou des 13 milliards et plus d'existence de l'Univers avant nous ? Il y a ceux qui ne veulent pas entendre parler de cela et ceux qui en ont conscience du matin au soir. D'un côté, les vaniteux, les imbéciles et, de l'autre, tous ceux dont ce livre entend élargir encore le cercle.
Jean d'Ormesson dit avoir eu envie d'écrire cet essai, présenté drôlement comme un roman, un jour d'été, sur une côte méditerranéenne : alors que, "fragment du paysage", il sortait de la mer, où il avait nagé "dans une espèce de ravissement", il s'est demandé, soudain, assis sur un tronc mort, ce qu'il fichait là. Le monde était devenu une question : pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? Dans cette brève histoire de nos croyances, il répond par un credo, mais un credo à la saint Augustin, qu'il cite au demeurant trois fois, signe qui ne trompe pas : "credo quia absurdum" ("je crois parce que c'est absurde"). A la fin du livre, il résume sa pensée en deux magnifiques ormessonismes : "Je doute de Dieu parce que j'y crois. Je crois à Dieu parce que j'en doute. Je doute en Dieu." Et cet autre : "A la fin de ce monde et du temps (...), il n'y aura plus que ce rien éternel qui se confond avec tout, dont le monde est sorti, où il retournera, et que nous appelons Dieu." Entre-temps, Jean d'Ormesson aura fait défiler tous ceux qui ont fait ce que nous sommes dans nos têtes : Homère, Socrate, Newton, Darwin, Einstein et quelques autres. Même si on peut regretter qu'il expédie Nietzsche un peu vite ou qu'il ne s'attarde pas trop sur Spinoza, il reste que son livre, plein de gaieté, de gratitude, de nostalgie, fait du bien et même, comme aurait dit Giono, un plein bon Dieu de bien. Jean Giraudoux, rappelle-t-il, affirmait : "Rien n'est plus vieux que le journal du matin et Homère est toujours jeune." C'est pourquoi l'auteur de C'est une chose étrange à la fin que le monde est sans doute le plus vert de cette rentrée littéraire.
 
Article de Bruno Frappat. La Croix, novembre 2010 .
De la joie d'être. Cela s’appelle « roman ». Évidemment, ce n’est pas un roman. Jean d’Ormesson, pirouettant et malicieux, s’en explique au bout de cent soixante-six pages : «L’Univers tout entier, avec tout ce qu’il contient, est un roman fabuleux. C’est pour cette raison, et non pour attirer le chaland, que les pages que vous lisez se présentent sous la rubrique : roman. » Admettons. Car, de la part de Jean d’Ormesson, on peut tout admettre dès lors que ce prince charmant du plaisir des mots (et, en l’occurrence, de Dieu) répand autour de lui une liesse d’exister, une admiration pour toute chose. Plaisir de lire, d’apprendre, de réapprendre, d’avoir l’illusion de comprendre, jovialité au bord des mystères, main qui nous tient au-dessus du vide et nous protège des «vertiges» : tout d’Ormesson est dans ce livre aisé et profond.
Mais alors, si ce n’est pas un roman, qu’est-ce donc ? Nul ne peut le dire en enfermant cette promenade sous le soleil dans un étiquetage. Ce n’est pas un essai : pas assez structuré. Ce n’est pas un livre de souvenirs : peu d’anecdotes. Ce n’est pas un pamphlet : trop gentil. Des pages de journal intime ? Peut-être, mais il se garde de le dire. Une méditation ? Parfois. Une sorte de Conférence du Figaro, plaisante aux yeux d’un public acquis d’avance ? Il y a de ça, mais pas que… Finalement, au risque d’être impertinent vis-à-vis de notre académicien national, on risquera cette comparaison : le dernier livre de Jean d’Ormesson ressemble aux Histoires de l’Oncle Paul qui ont réjoui notre jeunesse. L’Oncle disserte, raconte, étale sa science universelle sans cuistrerie. Et nous, neveux aux mines ébahies, nous le suivons avec délice dans cette randonnée philosophique.
N’oublions pas : Jean d’Ormesson a dépassé les quatre-vingt-cinq ans et il est agrégé de philosophie. Toute sa vie, et toute son œuvre, il aura été marqué par cette matrice culturelle dans laquelle ont baigné à leurs débuts les élèves de Normale Sup. Ce sont de grands liseurs. Ils s’intéressent à tout. Ils ont appris beaucoup de choses sur tout et sur rien. Ils ont toujours dix citations à portée de discours. Ils savent écrire, sont diserts. Dès lors qu’ils avancent en âge, tout ce qu’ils ont engrangé représente une somme, un trésor dont on s’approche, modestement, mais avec délices. Parmi tous ces khâgneux, Jean d’Ormesson a de longue date fait la preuve qu’il était l’un des plus délicieux. Dès lors, tout coule de source et il nous mène dans ses bateaux avec une humeur égale.
Talent particulier de notre écrivain multifonctions : il épate toujours par sa joie de vivre, d’écrire et par l’un des quatre sentiments dont il fait état aux approches de la fin de son parcours terrestre : l’admiration. Il admire tout, aime tout, ne regrette rien. Il est lucide. Il sait qu’il aura été un privilégié, qu’il a eu une chance folle, né dans la soie, nourri du meilleur de la culture, amoureux du beau, protégé du laid.
Très bien, mais, au fait, de quoi est-il question dans cette histoire de l’Oncle Jean ? De tout, figurez-vous. De toutes les questions qu’un esprit affûté pose et se repose en voyant approcher le terme de ses jours. Du sens de la vie, de la formation de l’univers, des pourquoi et des comment que tous les hommes de science et tous les philosophes ont creusés depuis que l’homme, sur Terre, est en âge de penser. De tout ce qu’un adolescent anxieux se pose comme tourments : la vie, la mort, l’amour, Dieu. Tout, on vous dit. Comme le grand adolescent en question est gai, talentueux, limpide dans l’expression, le lecteur glisse avec bonheur, grâce à lui, sur le fleuve des grands questionnements.
Dieu – appelé « le Vieux » au début du livre – est présent à chaque pas de cette promenade. D’Ormesson se dit, à certains moments, agnostique : il ne sait pas. Ce n’est pas qu’il Le refuse (il serait athée), non c’est qu’il n’est ni pour ni contre, ne l’ayant jamais rencontré. Et puis, vers la fin du livre, quand même, cette remarque qui ne relève pas seulement de la jonglerie avec les mots : « Je doute de Dieu parce que j’y crois. Je crois à Dieu parce que j’en doute. Je doute en Dieu. » Et plus loin, à trois pages de la fin, cette confidence encore plus levée : « Je ne sais pas si ce livre est bon, ni s’il aura changé, si peu que ce soit, les lecteurs. Il m’a changé, moi. Il m’a guéri de mes souffrances et de mes égarements. Il m’a donné du bonheur, une espèce de confiance et la paix. Il m’a rendu l’espérance. »
Ne lui demandez pas de se livrer plus. Son parcours dans l’histoire de l’Univers, dans celle de la science et de la philosophie, ses vertiges sur l’avant-big bang, sa randonnée dans les immensités de la beauté terrestre et artistique, sa foi en l’écriture, de Gilgamesh à Aragon (dont un vers donne son titre à l’ouvrage), son absence d’illusions sur les pouvoirs qui tous finissent en ruines, sa connaissance du fait que toute œuvre périra (la sienne, la nôtre) quand le Soleil aura englouti la Terre et tout projet humain, sa connaissance du passé, sa gourmandise du présent, son incertitude tranquille de l’avenir, tout cela, et le reste, donne à Jean d’Ormesson une force et un allant entraînants. Pas optimiste, pas pessimiste : ce n’est pas son sujet. Il ne cesse de rendre grâce d’avoir vécu. Voilà un livre simple et requinquant. 

 

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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 10:30
Le Pélerin                                  
 
de Fernando Pessoa
Mis en ligne : [11-10-2010]
Domaine : Lettres 
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Fernando Pessoa (1888, 1935) a publié ses oeuvres principales sous des pseudonymes ou hétéronymes divers : Le gardeur de troupeau (1911-1912), Le Pâtre amoureux (1913-1915), Ode maritime, Le Livre de l'intranquillité (1913-1935), le Bureau de tabac (1914).  

  


Fernando Pessoa, Le Pélerin. Traduit du portuguais par P. Gonçalves, Paris, La Différence, mars 2010, 92 pages.


Présentation de l'éditeur.
Dans ce récit initiatique, datant de 1917, le jeune narrateur - le Pèlerin - évoque d'abord sa vie paisible chez ses parents, jusqu'au jour où, alors qu'il contemple la route en bas de chez lui, apparaît un mystérieux Homme en noir qui lui dit : " Ne fixe pas la route ; suis-la. " Une force mystérieuse le pousse alors à quitter sa maison et à suivre la route. Jusqu'où ? " Puisqu'il m'avait dit de la suivre et non de l'emprunter jusqu'à un certain point, je devais la suivre sans m'arrêter, jusqu'au bout... " Qui est l'Homme en noir et quel est l'objet de la quête qui jette le narrateur sur la route ? Comme dans tout conte initiatique, il sera soumis à la tentation et subira diverses épreuves, dont, d'étape en étape, il sortira vainqueur. Arrivé au bout de la route, quelle sera sa découverte ultime ?

Recension de Dominique Cupillard.
Etudes - juin 2010
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De récentes parutions témoignent de l’engouement des lecteurs pour l’œuvre majeure de Fernando Pessoa, en même temps que de son étonnante prolixité, qui alimente sans cesse de nouvelles parutions. On se souvient de la remarquable réédition en 1999 du Livre de L’Intranquillité, chef-d’œuvre du grand écrivain portugais, suivie de beaucoup d’autres découvertes parues chez Christian Bourgois. Les éditions La Différence éditent une étonnante nouvelle, Le Pèlerin, récit de 1917, qui nous plonge en quelques pages magnifiques, dans l’univers tourmenté de F. Pessoa. Dans cette fable initiatique, déchiffrée et commentée par Teresa Rita Lopes, le jeune narrateur, le Pèlerin, mène une vie paisible chez ses parents, jusqu’à ce qu’un mystérieux homme en noir le réveille à la sieste de sa vie, et lui enjoigne de tout quitter : « Ne fixe pas la route ; suis-la jusqu’au bout. » L’appel était ancien, qu’il avait senti monter lentement, le soir, au cours de ces longues veillées, comme une sourde marée, dans [son] dos, de l’autre côté de la mer. F. Pessoa nous livre en fait une superbe réflexion, qui résume sa propre quête, sur l’errance métaphysique de l’homme, qu’aucune étape n’apaise, sans autre but que cet appel qui l’a mis en route : « Tous semblaient avoir une destination, et… je n’en avais pas d’autre que la route. » Cette courte nouvelle est dans la veine des plus grandes fables spirituelles (on pense au Songe d’un homme ridicule de Dostoïevski, paru quarante ans plus tôt). L’autre parution est la présentation d’un spectacle créé à la Maison de la Poésie, où François Marthouret a incarné sur scène les mots et les situations de L’Intranquillité, en 1997, sous la direction d’Alain Rais. Une autre façon d’entrer dans l’œuvre capitale de Fernando Pessoa.
 
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6 septembre 2010 1 06 /09 /septembre /2010 10:30
Le Corps de la France               
 
de Michel Bernard
Mis en ligne : [7-09-2010]
Domaine : Lettres 
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Né en 1960, Michel Bernard est romancier. Il a récemment publié :  Comme un enfant. (Le temps qu'il fait, 2003), La tranchée de Calonne. (La Table ronde, 2007), La maison du docteur Laheurte. (La Table ronde, 2009). 

  


Michel Bernard, Le Corps de la France, Paris, La Table ronde, mai 2010, 224 pages.


Présentation de l'éditeur.
Le Corps de la France parle de gens qui ont réellement existé. Ils ne se connaissaient pas, mais la plupart ont vécu à la même époque, pendant et entre les deux guerres mondiales, en France et hors de France, au Québec. Ce sont des écrivains : Léon Werth, Henri Calet, Maurice Genevoix, Antoine de Saint-Exupéry, Louis Hémon, des musiciens : Jehan Alain, Arthur Honegger, Charles Munch, un chanteur, Charles Trenet, un sculpteur, Paul Landowski, et Charles de Gaulle. Le livre commence au mois de juin 1940, à Paris que quittent dans une vieille Bugatti un écrivain et sa femme. Le flot de l’exode les entraîne vers la Loire où ils assistent aux derniers combats. Plus rien ne sera pareil pour LéonWerth. Pas plus que pour le mitrailleur Henri Calet capturé au même moment, à la tombée de la nuit, dans un village de l’Yonne. Ils voient, de ce jour, ce qui était près d’eux et en eux, et qu’ils n’avaient jamais vu. L’un dialogue avec l’Histoire, l’autre avec son chagrin. Les deux écrivains sont entrés dans un étrange pays : le leur. Ils y croisent d’autres artistes, des soldats et des marins, des illustres et des humbles, les siècles et l’avenir, la campagne sous le soleil, les quais de la Saône à Tournus, la neige, des coureurs du Tour de France, « La route enchantée ». Le Corps de la France est un chant d’amour.

Critique de Pierre Cornut-Gentille.
Service littéraire - juin 2010
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Hymne à la France. Voici un beau livre qui n'appartient à aucun genre : on le lit comme un roman, parfois comme un poème, mais c'est d'Histoire qu'il s'agit. Au départ, il y a "la honte collective" de juin 1940, la stupeur de Léon Werth enlisé sur les routes de l'exode et l'hébétude d'Henri Calet, capturé par des motocyclistes allemands le long du mur d'un cimetière de Bourgogne. Puis, de proche en proche, Michel Bernard, dans une langue superbe, évoque d'autres personnages, d'autres évènements et d'autres lieux : de Gaulle (poète "non pas de l'action, lieu commun dénué de sens" mais "parce qu'il désigne chaque chose par le mot juste"), Saint-Exupéry, le Jura et les bords de la Saône, la Libération, Maurice Genevoix, l'agonie de Montcalm, le Canada français et Maria Chapdelaine, Charles Trenet, Paul Claudel, le plateau du tardenois, un récit éblouissant du voyage de de Gaulle au Québec, les morts de la Grande Guerre et le Tour de France dans la vallée de l'Aude... Tout cela se mêle et s'enchaîne pour constituer un hymne à la France. Louis Nucéra, préfaçant le premier livre de Michel Bernard, avait salué "la langue d'un écrivain, sa sensibilité". Il aurait aimé "Le Corps de la France".
 
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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 10:30
Dumas
et les mousquetaires               
Histoire d'un chef-d'oeuvre             
 
de Simone Bertière
Mis en ligne : [8-07-2010]
Domaine : Lettres 
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Née en 1926, Simone Bertière est historienne. Elle a récemment publié :  Le cardinal de Retz. (Memini, 2000), Apologie pour Clytemnestre. (Editions de Fallois, 2003), Mazarin, le maître du jeu. (Editions de Fallois, 2007). 

  


Simone Bertière, Dumas et les mousquetaires. Histoire d'un chef-d'oeuvre, Paris, Editions de Fallois, novembre 2009, 306 pages.


Présentation de l'éditeur.
Alexandre Dumas, vous connaissez ? Oui, bien sûr, l'auteur des Trois Mousquetaires! Mais encore? Il n'est pourtant pas l'homme d'un seul livre. Il est vrai que les Mousquetaires occupent dans son immense production une place à part et continuent de lui valoir une popularité mondiale qui ne se dément pas. Pourquoi ? Comment ? Leur rédaction, tardive, ne s'inscrivait pas dans la ligne de ses projets initiaux : il se voulait dramaturge. Sa conversion au roman doit beaucoup au hasard et aux contraintes extérieures. Elle est le fruit d'une maturation à laquelle ont contribué concurremment les leçons de la vie et la pratique assidue de l'écriture. Ce livre conte l'itinéraire qui l'a conduit à son chef-d'oeuvre. Contraint de vivre de sa plume, il fut partie prenante dans les principales batailles politiques et littéraires sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Sa carrière est inséparable de l'histoire du temps, qu'on tente ici de faire revivre. Enfin on s'efforce de découvrir les secrets de fabrication de la très fameuse trilogie - dans son recours à l'histoire notamment - et l'on évoque les relations de Dumas avec son collaborateur, Maquet, condamnées à mal finir. Le récit vivant, alerte, souvent fort drôle, réserve plus de place à l'oeuvre qu'à la vie privée. Mais l'oeuvre n'est-elle pas le meilleur moyen d'accès à celui qui y a épanché ses rêves - qui sont aussi ceux de nous tous ?  

Recension.
L'Histoire - mai 2010
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Le génie de Dumas. Les Trois mousquetaires sont le plus grand titre de gloire d'Alexandre Dumas. En écrivant ce livre et ses deux suites, Vingt ans après et Le Vicomte de Bragelonne, Dumas fut un des premiers artisans de l'écriture romanesque. Pourtant, Simone Bertière nous révèle à quel point ce livre doit au hasard et à la nécessité. Hasard tout d'abord, puisque Dumas se croyait promis à une double carrière de dramaturge et d'homme politique. Avant qu'une vie dispendieuse et la naissance du roman-feuilleton ne le conduisent à s'essayer à un genre nouveau: le récit débité en tranches, dont chacune se termine par un suspens renvoyé "au prochain numéro". Mais c'est bien la nécessité, ensuite, qui le piège dans l'engrenage infernal de la copie à rendre à temps. Sa production alors, entre 1844 et 1851, est phénoménale : la série des Mousquetaires, quatre romans sur la Révolution, Monte-Cristo... Même s'il utilisa un "nègre" (Auguste Maquet), c'est bien par son génie propre que Dumas a fait passer, notamment dans Les Trois Mousquetaires, le souffle de l'histoire. Mais ce qui permet en définitive de comprendre l'extraordinaire succès de ce roman unique, c'est, nous explique Simone Bertière, que son auteur a su épouser les hantises et les aspirations de l'imagination collective : il joue sur le dénominateur commun des sentiments, de la morale et de l'action avec la victoire finale des bons sur les méchants. Dumas, c'est le triomphe du Bien sur le Mal. Et c'est ainsi que son oeuvre "atteint en nous des fibres sensibles, celles qui font pencher notre coeur vers les justes, les intrépides, les généreux. Le roman se souvient qu'il est fils de l'épopée. Et l'épopée, sous sa forme vivante, orale, s'est toujours adressée à tous".
 
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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 10:00
A mes prochains                     

d'Antoine Blondin
Mis en ligne : [25-05-2010]
Domaine : Lettres
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Antoine Blondin (1922-1991) fut à la fois un de nos meilleurs romanciers,  un journaliste plein de verve et un chroniqueur sportif souvent inattendu.  Parmi ses ouvrages récemment publiés : Mon Journal (La Table Ronde, 1993), Un malin plaisir (La Table ronde, 1993), La Semaine buissonnière (La Table Ronde, 1999), Tours de France (La Table Ronde, 2001), Mes petits papiers (La Table ronde, 2006).
  

Antoine Blondin, A mes prochains. Paris, La Table Ronde, octobre 2009, 218 pages. 


Présentation de l'éditeur.
Antoine Blondin n'écrivait pas à la légère. L'auteur d'Un singe en hiver pesait ses mots — ses bons mots — jusque dans ses cartes postales. Inédites, ces lettres sont adressées à des proches : ses parents, ses éditeurs Catherine et Roland Laudenbach, avec lesquels il se montre aussi angoissé que fraternel, son grand complice Roger Nimier, amateur comme lui de plaisanteries et de grivoiseries, son ami Michel Déon, Kléber et Caroline Haedens, à qui il manifeste une déférente affection : « Nous avons dû nous croiser de peu à travers la Charente. Votre souvenir est tapi dans ces grottes, comme un bernard-l'hermite... Dégoûté d'écrire, mais non de vous aimer, je m'arrête là pour vous embrasser. »  

La critique de Thierry Richard. - Le magazine des livres, janvier-février 2010.
Antoine Blondin, homme de lettres. C'est un vrai petit régal de lecture auquel nous convie Alain Cresciucci en rassemblant, aux éditions de la Table Ronde, la correspondance inédite d'Antoine Blondin. A vos prochains, c'est toute une vie concentrée en 130 lettres et cartes postales, dessinant le portrait d'un écrivain mélancolique et drôle, finalement aussi peu productif dans sa correspondance que dans son oeuvre romanesque (cinq romans en 21 ans : "Aux approches de la cinquantaine, je suis resté mince, mon oeuvre aussi", écrira-t-il avec humour).
Tout commence en 1943 avec les lettres envoyées par Blondin, alors en Allemagne pour le S.T.O., à sa famille, pour s'achever en 1984, sur une courte missive à Roland Laudenbach, son éditeur à La Table Ronde, faisant état d'une "gêne" financière, phénomène devenu alors pour l'auteur de L'Europe buissonnière aussi coutumier que les gueules de bois et les ennuis de santé.
Deux choses frappent en premier lieu le lecteur de cette correspondance ténue. Le faible nombre de destinataires, tout d'abord. Blondin ne s'y adresse, outre sa famille, qu'à un petit cercle de proches et de fidèles avec qui il a tissé des liens d'amitié puissants et durables : Catherine et Roland Laudenbach, Roger Nimier, Michel Déon, Caroline et Kléber Haedens. Le second étonnement vient de ce que l'auteur de Monsieur Jadis y adopte une grande variété de tons : affectueusement déférent avec les Haedens, amicalement respectueux avec Déon, confident avec Laudenbach et potache avec Nimier.
On découvre au fil de ces pages un portrait de Blondin par lui-même, avec sa cargaison de lieux communs, ami fidèle et aimant, casanier contrarié, coureur de jeunes jupons, amateur forcené de bonne chère, menteur, farceur impénitent, alcoolique bagarreur, mais aussi cruel pour lui-même que pour ses livres ("une connerie très affligeante", voilà pour lui le résumé d'Un singe en hiver). C'est que sous la fantaisie (il invente pour Nimier un nouveau signe de ponctuation, le "point et virgule d'interrogation (...) pour emmerder ceux qui tapent à la machine") perce rapidement la mélancolie d'une âme tourmentée qui trouvera dans l'alcool de quoi s'apaiser.
Arrivent les années 1960 et l'humeur se fait plus maussade encore ("Je me sens triste, je ne bois pas, je n'écris pas non plus"). Elles verront la mort de son ami, de son frère d'armes, Roger Nimier, dont Blondin ne se remettra jamais ("J'ai peur, dans l'état où je suis, de faire de Roger un mystérieux personnage. Or, il était tout le contraire, dans ses sentiments, dans ses actes profonds, dans ses fidélités, il était la limpidité même"). Se multiplieront aussi les ennuis de santé et les problèmes financiers. "Il faudrait une existence autrement structurée que la mienne pour franchir cette passe sans dégâts", écrit-il. Mais malgré cette morosité nostalgique souvent présente ("Je me sens de plus en plus dans les marges de la vie"), c'est la gaieté de ce vieux singe espiègle que l'on a plaisir à retrouver au fil des pages. Les traits d'esprit fusent sans répit  (à la montagne avec le Tour de France, il veut "tourner l'alpage"). L'humour qui lui était une faible armure jaillit périodiquement ("Nous avons lâché lamproie pour l'omble"; à Bordeaux il écrit : "Dites à Roland que je ne suis pas un vignoble individu mais le Médocain malgré lui".)
Il faut également noter le remarquable travail effectué dans les notes de bas de page par Alain Cresciucci, éclairant les faits, les circonstances, les sous-entendus et les jeux de mots permanent lâchés au coin des lignes par l'auteur de L'Humeur Vagabonde.
La lecture de cette correspondance nous rappelle à quel point le style de Blondin n'avait rien d'un artifice. Son talent d'écriture lui était une seconde nature, il se posait même au dos des cartes postales : "Je me demande ce que je fais là au lieu d'écrire des romans au calme parmi des gens que j'aimerais. C'est donc au livre que je vais demander mes revanches". Nul ne doute qu'il les ait obtenues. Fusse au compte-gouttes.

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26 avril 2010 1 26 /04 /avril /2010 10:30
Lettres à Marilou                    

d'Alexandre Vialatte
Mis en ligne : [24-04-2010]
Domaine : Lettres
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Alexandre Vialatte (1901-1971) est l’auteur d’une douzaine de romans dont Battling le Ténébreux, Les Fruits du Congo, Le Fidèle Berger. Chroniqueur (notamment au journal La Montagne pour lequel il écrivit neuf cents chroniques), poète, traducteur de Nietzsche et de Thomas Mann, il fut aussi celui qui traduisit et fit connaître K afka en France. Publications récentes : Chroniques de la Montagne (Bouquins, 2000),  Chroniques des Arts Ménagers (Au Signe de la Licorne, 2001), Chroniques de Flammes et Fumées (Au Signe de la Licorne, 2001), Les Amants de Mata Hari (Le Dilettante, 2005),  Fred et Bérénice (Le Rocher, 2007).   


Alexandre Vialatte, Lettres à Marilou, Paris, Au Signe de la Licorne, octobre 2009, 120 pages.


Présentation de l'éditeur.
Vialatte amoureux. Telle est la raison de ce petit volume. C'est l'histoire d'un échec sentimental au sortir de sa vie étudiante, une aventure née en 1922 quand il dirigeait à Mayence La Revue Rhénane. Avec les stratégies de la correspondance amoureuse brillamment analysées par Pierre Jourde dans sa préface, beaucoup de Vialatte s'y retrouve : goût de l'Allemagne romantique et de l'Auvergne aux " chemins pavés d'améthyste ", intérêts littéraires et influences, dilection pour les personnages singuliers et les images.  

La critique de Jacques Aboucaya. - Service littéraire, janvier 2010.
Licorne d'abondance. Commençons par chanter le los des éditeurs de province. Qualifiés souvent de "petits éditeurs", certains sont l'honneur du métier. Parmi eux, "Au Signe de la Licorne", sis à Clermont- Ferrand. Son catalogue est exemplaire. Dominique de Roux y côtoie René Daumal, Maurice Barrès voisine avec Jean-René Huguenin, Jean Paulhan avec Jean Dubuffet et André Hardellet. Entre autres. Rien que du beau et du rare. Chaque volume est un bijou.  Alexandre Vialatte y a sa place depuis longtemps. Aujourd'hui, un Vialatte de vingt-et- un ans. Amoureux de sa dactylo rencontrée à Mayence en 1922. Il y travaille à la Revue rhénane. Elle s'appelle Henriette Maricou. Dans les mois qui suivent, il adresse à celle qu'il nomme Maricou, ou ma chère soeur, ou ma vieille Yetto, de vieilles cartes postales de son Auvergne natale. Et des lettres pleines d'une passion de moins en moins allusive. De déclarations emberlificotées. Vouvoiement et tutoiement alternent. Le ton bonhomme de la camaraderie laisse peu à peu place à celui de la passion. Peine perdue. Elle restera inflexible. Tout Vialatte est déjà dans cette correspondance. Celui des "Chroniques", des pirouettes, des raisonnements par l'absurde. De l'humour omniprésent. Mais aussi le chantre des amours adolescentes, empreintes de nostalgie. C'est dire l'intérêt de cette correspondance et de l'iconographie qui l'accompagne. "Je vous aime, parce que je vous aime". Voilà qui souligne l'inanité de toute justification. L'amour ne se prouve pas plus que l'existence de Dieu.  Il se vit ou on en meurt. Le grand Alex en a, Eros merci, réchappé.

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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01
 
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