François Bott, né en 1935, est journaliste et écrivain. Directeur des pages littéraires de l'Express, fondateur du Magazine littéraire, il dirige le Monde des livres jusqu'en 1995 et se consacre désormais entièrement à la littérature. Il a récemment publié : Gina (La Table Ronde, 2008), Ecrivains en chambre, (La Table Ronde, 2010), La Traversée des Jours (1958-2008) (Ed. du Cherche-Midi, 2010).
François Bott, Le cousin de la marquise, Paris, La Table Ronde, février 2012, 252 pages.
Présentation de l'éditeur.
De Montaigne, qu'il dépeint comme " notre cousin de province le plus aimable ", à Montesquieu, dont il rappelle qu'il eut l'idée d'une étude sur le goût en prenant de la liqueur de cerise chez Mme du Deffant, François Bott arpente, en promeneur éclairé, trois siècles d'histoire littéraire, entre le crépuscule du Moyen-Âge et l'éclat des Lumières. Il brosse, par petites touches pleines de vivacité, le portrait de hautes figures de la littérature, de Villon à Voltaire. Et c'est avec la même allégresse qu'il dépeint les " seconds rôles ", parmi lesquels Bussy-Rabutin, cousin de la marquise de Sévigné, auteur impertinent d'une Histoire amoureuse des Gaules, " trop dissipé dans un siècle tellement tenu "
Le point de vue de la Revue Critique.
François Bott connaît notre littérature sur le bout des doigts et il brode à merveille autour des auteurs, des femmes et des livres qui l'inspirent. Voilà une quarantaine de charmantes petites chroniques où l'on badine, où l'on déjeune, où l'on dine, où l'on voyage avec les écrivains, les sommités et les bretteurs de la Renaissance, du Grand Siècle et de celui de Louis XV. On y croise Villon, le prince des poètes voyous, du Bellay, inconsolable à Rome, le lunatique Cyrano, on y salue le vieux Fontenelle, le Prince de Ligne, le Maréchal de Richelieu, quelques anglais, deux ou trois originaux et une pleine charette de philosophes. Le monde qu'il met en scène regorge d'esprit et dans cette Europe-là, comme le dit François Bott, "on se souciait moins d'échanger des marchandises que des idées". On s'y bat, on s'y amuse, on y pleure d'émotion ou d'amour, mais on y vit bien. L'aventure y a sa place, tout comme la guerre et on y voyage souvent, davantage par devoir que par agrément. Qu'il évoque d'Artagnan, La Fontaine, Crébillon fils ou l'abbé Galliani, Francois Bott nous fait partager un appétit de vivre, une alacrité parfois teintée d'un brin d'amertume ou de nostalgie, un bonheur de conter et de décrire qui puise au meilleur de Dumas, d'Anatole France ou de Jules Lemaitre. On admirera également son art de camper les petits auteurs - Bussy-Rabutin, le fameux cousin de la marquise de Sévigné qui vécut dans l'ombre des stars de son époque en fournit le portrait le plus réussi -, les femmes savantes, les égéries politiques, les éclésiastiques perdus dans la poésie, et toutes les figures qui les accompagnent, soldats galants, diplomates gastronomes, comédiennes frivoles, maris trompés... François Bott a enfin le bon goût d'arrêter ses chroniques aux limites de ce XIXe siècle, qualifié par certains de stupide parce qu'il confondit l'élégie avec le désespoir, le goût de vivre avec le goût du sang. On lui en rendra grâce. E. C.
Critique de Jacques Aboucaya. - Le Magazine des Livres, mai- juin-juillet 2012.
La littérature à la hussarde. Voici un de ces ouvrages propres à vous faire aimer la littérature. A vous donner envie de vous plonger ou de vous replonger dans les oeuvres des siècles passés. Pas forcément les plus connues, du reste. Dans Le Cousin de la Marquise, François Bott, qui dirigea lontemps les pages littératures du Monde, arpente à la hussarde, de Villon au maréchal de Richelieu, du Moyen-Âge aux Lumières, les allées et contre-allées de l'histoire littéraire. Publié d'abord en 1966, ce florilège d'articles écrits au fil de l'actualité éditoriale des années 1990 n'a pas pris une ride. Son intérêt demeure intact. C'est une rétrospective pertinente le plus souvent, surprenante parfois, et même piquante lorsqu'elle s'aventure hors des sentiers battue. Ce qui lui arrive plus d'une fois. Bott y rencontre, au gré de ses détours, de ses lectures et de ses humeurs, des écrivains éminents, Montaigne, Ronsard, La Fontaine, Pascal, Racine, le prince de Ligne, Montesquieu. Des seconds rôles aussi, comme aussi, comme Crébillon fils ou Dominique-Vivant Denon, Hérault de Séchelles, Charles Pinot Duclos. Voire de parfaits inconnus, tels ce Charles Timoléon de Sigogne, qui fut le confident de Henri IV, ou Charles Lassailly, petit romantique contemporain de Petrus Borel - bien oublié lui aussi. On n'aura garde d'omettre celui qui lui fournit son titre générique, Roger de Bussy-Rabutin, auteur de La Vie amoureuse des Gaules, le cousin de la marquise de Sévigné, que Roger Nimier immortalisa dans son délectable D'Artagnan amoureux. "Il aimait trop se moquer des gens et des choses, assure François Bott, et l'on guérit difficilement de l'irrespect lorsqu'on y a pris goût" Voilà le genre de sentence qui révèle, sous le critique, le moraliste. Lequel porte le XXe siècle finissant un jugement dépourvu d'illusion : "celui-ci aura été, certainement, un des plus mal élevés. Avec la guerre de 14-18, la terreur stalinienne, l'horreur nazie, les guerres coloniales, les diverses dictatures, le triomphe de l'argent et la suite que vous savez : Le Liban, la misère africaine, Sarajevo..., il aura donné un bel exemple des raffinements de la civilisation" Cela glissé en passant, sans s'apesantir. Car le ton général est celui de la légèreté et du primesaut plutôt que de la componction. Pour en revenir aux écrivains sur lesquels il se penche, peu importe en réalité, le degré de notoriété de chacun. Pas davantage les propres dilections de l'essayiste, même s'il est aisé d'en déceler certaines. En homme du monde, ce dernier les présente tour à tour à son lecteur avec une constante bonne grâce, mettant en exergue les qualités, soulignant l'originalité, livrant son appréciation avec une bonhomie déférente. Une distance affectueuse à laquelle se mêle souvent un brin d'ironie. Il se livre à des rapprochements saisissants. A des raccourcis qui font cousiner, par delà les siècles, la religieuse portugaise et Hélise (celle qui valut à Abélard le châtiment que l'on sait). Il fait dialoguer à distance Colette et Mme de Sévigny. Découvre des traits de parenté inattendus ("Jean-Baptiste Rousseau était fils de cordonnier, comme pls tard Jean Giono et Jean Guéhenno..."). Ou encore souligne ce qui, vers Lord Chesterfield, l'ami de Voltaire, fait penser à l'Italien Castiglione et au Français La Rochefoucault. Quelques auteurs étrangers viennent en effet se glisser parmi les Français. Ainsi l'Anglais Antoine Hamilton qui, au temps de la Fronde, "partageant les vicissitudes des Stuart n'a cessé de traverser et de retraverser la Manche". Ou Lytton Stratchey, ami de Virginia Woolf et de Horace Walpole, précurseur du roman noir. L'horizon s'en trouve dégagé, les perspectives élargies. L'intérêt de ce vagabondage, le plaisir qu'on en retire viennent de ce qu'il échappe à tout académisme. Il fait parfois penser à Une histoire de la littérature française de Kléber Haedens. En plus mesuré, toutefois, et moins provocateur. Aux Journées de lecture de Roger Nimier. Voire aux Certificats d'études d'Antoine Blondin. Ces références "hussardiennes" ne viennent pas au hasard sous ma plume. En témoignent, en tout état de cause, de la qualité d'un critique qui mériterait une citation à l'ordre de la littérature. Pour services rendus.