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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 15:47
Perret, éternel
franc-tireur
 
 
 
 

 

LETTRES
La République
et ses Peaux-Rouges.
Jacques Perret.
Introduction par
Jean-Baptiste Chaumeil.
Editions Via Romana.
Novembre 2012.
298 pages.
 

 
Jacques Perret (1901,1992). Romancier, essayiste, journaliste, combattant, aventurier. A comblé trois générations de lecteurs avec des chefs d'oeuvre comme Ernest le Rebelle (1937), Le Caporal épinglé (1947), Bande à part (1951), Histoires sous le vent (1953), Les Biffins de Gonesse (1961). Publications récentes :  Les sept péchés capitaux. (Via Romana, 2009)Dans la musette du Caporal. (Le dilettante, 2011).
 
Présentation de l'éditeur.
Voici l'intégralité des chroniques écrites par Jacques Perret dans l'hebdomadaire Aspects de la France. Ce premier tome couvrant les années 1948 à 1952 nous remet en compagnie de l'écrivain bien connu pour ses talents de polémiste. Chaque semaine, il inflige un traitement de choc à un sujet d'actualité, avec humour, dérision, légèreté ou profondeur. "Je traverse une période d'indulgence qui frise l'impartialité ", c'est dire qu'en temps normal, Jacques Perret prend parti sans ambiguïté, comme l'y contraint la brièveté de la chronique. A tout seigneur, tout honneur, le premier servi est le lecteur fidèle du journal royaliste, qui découvre une mise à nu spirituelle des institutions républicaines. Mais ," un chroniqueur consciencieux ne doit pas se dérober devant les poncifs saisonniers de sa profession " et Jacques Perret traite pareillement du muguet, du Père Noël, de l'art abstrait, des nouveaux bistrots, des Anglais, de la Sécurité sociale, des programmes scolaires, de l'Europe, du bruit, de la Guyane, etc., mais sans jamais trop s'éloigner des édiles émerpés ou essephiots. Ces quelques 150 chroniques raviront les amateurs du style et de la verve de Jacques Perret, au sommet de son talent.
 
L'article de Philippe Doche. -  Causeur. - janvier 2013.
Le (re)voilà Perret. J’ai eu beau fouiller, me tourner de toutes parts, je n’ai rien trouvé. Ainsi une profonde injustice se faisait jour, Jacques Perret, mort voici vingt ans, passait aux oubliettes ! Pourtant, les éditions Via Romana viennent de sortir le premier volume de ses chroniques parues dans Aspect de la France. Alors, profitons de l’occasion… Jacques Perret est né en 1901, comme mon grand-père, c’est dire si ma découverte de l’auteur démarrait sous les meilleurs auspices quand, adolescent, j’achetai Le Caporal Epinglé, ouvrage avec lequel il échoua de peu au prix Goncourt. Quatre ans plus tard, il obtint l’Interallié pour Bande à part. Je ne sais si ce prix fut à la mesure de son talent, mais il lui permit d’acquérir un bateau, le Matam, « oiseau des mers » avec lequel il put réaliser ses rêves pélagiques avec l’ami Collot. Il en tira Rôle de plaisance, son livre préféré. Je pense avoir tout lu de Perret. Le plus extraordinaire est que je pense avoir tout relu également. Car Perret est de ces rares écrivains qui ne lassent pas et qu’on peut lire et relire à l’infini en éprouvant toujours le même ravissement. Un sacré camouflet pour la théorie de l’utilité marginale décroissante ! Dernièrement, je me suis à nouveau extasié sur ses Insulaires. Luxuriance du style et vocabulaire  richissime. Ajoutez-y périphrases et métaphores de qualité, un humour finement ciselé, et vous avez là une cuvée qui vous fait claquer la langue française au palais. L’homme sait également émouvoir. Son livre de souvenir Raisons de famille , tout en délicatesse, en apporte la preuve. Le passage du voyage avec son père du côté de Bouchavesne dans la Somme pour retrouver la dépouille du frère tué au front en 1916 est un moment poignant, servi tout en pudeur et retenue. Mais il était aussi un pamphlétaire redoutable dont l’efficacité renvoie sur les bancs de l’école nos folliculaires modernes, qui confondent souvent agressivité et talent. Son soutien à l’Algérie française et son opposition au grand Charles lui valurent quelques déboires : déchéance de ses droits civiques et retrait de la médaille militaire. Commentant en 1949, bien avant son heure, la même mésaventure (à l’exception de la médaille) survenue à Aragon pour avoir publié de fausses nouvelles dans son journal, il écrit : « Je me dis tout bonnement, que privé de sa carte d’électeur, un poète digne de ce nom peut encore écrire des poèmes, et c’est le principal ». On voit bien par là que la punition gaullienne ne laissa pas à Perret un mauvais pli à l’estomac. En bon marin, Perret a toujours hissé sa voile contre le vent de l’histoire. Cela ne pardonne pas dans notre démocratie moderne, et au panthéon de la reconnaissance républicaine, il est plutôt tricard. Tour à tour gaulois, mérovingien, chouan et mousquetaire, il était terriblement français, un indécrottable français, mais d’une France qui n’existe plus guère. S’étant toujours déclaré pour le trône et l’autel, à l’argument que les temps ont changé il répondait imperturbable : «  Qu’ils aient changé ou non c’est leur affaire, mais un principe n’est pas une girouette. » C’est sans doute ce qui donne à ses écrits le charme suranné des vérités séculaires aujourd’hui étouffées sous les apophtegmes progressistes ! Ce n’est pas qu’il était contre le progrès mais il se méfiait : « Bien sûr, unité, universalité, c’est un vieux rêve, une noble hantise ; et sur le plan temporel elle sert de caution à toutes les  entreprises d’hégémonies, à toutes les tyrannies autocratiques et doctrinaires ». J’espère que ce Dieu qu’il aimait tant lui a réservé une place de choix et que les vignes célestes lui offrent de temps en temps un petit coup de muscadet. Quant à moi, en avançant en âge, je me retrouve de plus en plus dans cette phrase : « À mesure que se développe une certaine notion aberrante et inhumaine de l’universel, je tends à me ramasser dans le particulier ».
 
Autre article recommandé : François Marcilhac, "Les chroniques de Jacques Perret." - L'Action française, 19 septembre 2013. 
 
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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 08:59
Actualité de
Montherlant
 
 
 
 

 

LETTRES
Montherlant
ou l'indignation
tragique.
Philippe de
Saint Robert.
Hermann.
Novembre 2012.
257 pages.
 

 
Philippe de Saint Robert, né en 1934, est écrivain et journaliste. Gaulliste intransigeant, défenseur farouche de la langue française et de la francophonie, il est l'auteur d'un grand nombre de chroniques politiques ou littéraires (dans Combat, Notre République, La Nation française, Le Quotidien de Paris, Le Figaro...). Il a récemment publié :  Ecrire n'est pas jouer (Hermann, 2009), Juin 40 ou les paradoxes de l'honneur (CNRS Ed., 2010)
    
Présentation de l'éditeur.
Montherlant s'est donné la mort il y a 40 ans, en septembre 1972. On pourrait le présenter aujourd'hui comme un avant-gardiste des "indignés" de notre époque, lui qui écrivait, dès 1935, dans Service inutile : "On m'a reproché quelquefois de n'avoir pas beaucoup d'amour, mais j'ai de l'indignation, qui est une forme d'amour". Philippe de Saint Robert revisite tant le romancier d'avant-guerre que l'auteur dramatique de la seconde partie de sa vie. Trois sources d'inspiration, venant de sa jeunesse, irriguent cette oeuvre : le monde romain et ses cruautés, comme miroir de notre temps, le christianisme dont le fatum l'obsède sans qu'il y adhère autrement que par admiration, et enfin un patriotisme amer à la Caton, forgé au feu de la Grande Guerre et désolé par le pacifisme et la lâcheté qui s'ensuivirent et aboutirent à la défaite que l'on sait. Montherlant s'est toujours défendu d'avoir donné un théâtre de la grandeur ; ce qu'il recherche, c'est ce qu'il y a de grandeur en des êtres faibles. Lui qui se défend d'être psychologue, poursuit une quête constante de la nature et de l'âme humaines. L'exceptionnelle qualité de son style n'explique pas l'apparent éloignement dont il souffre aujourd'hui. Les écrivains ne se démodent que dans l'esprit de ceux qui ne les ont pas lus, ou qui ne les ont pas compris. Montherlant demeure, par sa clairvoyance, plus que tout autre, un écrivain pour notre temps. .
 
L'article de Gilles Brochard. - Service littéraire. - février 2013.
Montherlant, l'indigné tragique. Classique ou moderne, Montherlant reste un auteur actuel, revisité par Philippe de Saint-Robert, son fidèle admirateur. Et si Montherlant avait raison, lui qui assurait dans ses « Carnets » qu’« il ne faut pas que l’artiste s’intéresse trop à son époque, sous peine de faire des œuvres qui n’intéressent que son époque » ?
Quarante ans après son suicide, Philippe de Saint Robert observe dans un essai brillant : « Le risque est considérable, le pari est quasiment pascalien. Car le courage qui ne mise pas sur son temps ne connaîtra pas la réponse », ajoute-t-il avec lucidité. Quel lecteur ne sait pas que « l’œuvre de Montherlant fourmille de passions sociales », comme la passion de la justice ou même la passion de la patrie, « horrible maladie. Mais pas plus que tout amour » (Carnets). Les feux de la passion, Montherlant les a connus depuis l’enfance, d’accord avec le mot de Bernanos : « L’esprit d’enfance va juger le monde ». Homme libre, Montherlant soupire : « Je sais bien ce qui me nourrit : ce sont les satisfactions de mon esprit, de mon cœur, de ma chair ; tout cela demande de la liberté ».
On le croit hautain, il n’est que sensible ; on le pense cynique, il se veut détaché de tout et « anarchiste supérieur », dixit Saint Robert. On le fait passer pour un formaliste, alors qu’il est un vrai « subversif ». Ne dites pas qu’il est carré dans ses opinions, il ne cesse de défendre le principe de « l’alternance ». « Professeur d’élan vital » a écrit de lui Gabriel Matzneff. Et celui qui a chanté les morts de Verdun prenait goût au libertinage. « N’est-ce pas une vie bien ordonnée, que celle où l’on a consacré sa jeunesse à b…, son âge mûr à écrire, et sa vieillesse à dire la vérité ? », clame encore dans ses « Carnets » l’auteur d’un « Don Juan » admirable. Romancier d’abord, puis auteur de théâtre ensuite, à nul autre pareil, Montherlant savait mettre de lui-même dans tous ses personnages, les forts comme les faibles, reconnaissant que « partout où il y a élévation, il y a grâce ». De Sevrais (« La Ville dont le prince est un enfant ») à Costals (« Les Jeunes filles »), même intensité dans le nihilisme que dans la quête du bonheur. Ce peintre du tragique des sentiments savait y faire : « La colère ressort en cris de tendresse ; la douleur en cris de plaisir, peu importe de quelle émotion, il faut que vous soyez émus » tranchait-il dans « Textes sous une occupation ».
Montherlant mérite mieux que la réputation que certains critiques trompés par leurs préjugés lui ont faite depuis quarante ans. C’est pourquoi Montherlant ou l’indignation tragique est d’une lecture roborative, essentielle pour percer l’âme de celui que Saint Robert nomme « cette sorte d’aventurier qui se cache de l’être ». Pour se rendre compte de la modernité d’une telle œuvre, un conseil : regarder l’adaptation réussie au cinéma d’ « Un incompris », par François Ozon, devenu « Un lever de rideau », avec Louis Garrel et Vahina Giocanti, superbe bonus ajouté au DVD de « Potiche ».
 
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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 21:19
Matzneff persiste
et signe
 

 

LETTRES
Séraphin,
c'est la fin !
Gabriel Matzneff.
La Table Ronde.
Février 2013.
266 pages.
 

 
Gabriel Matzneff, né en 1936, est romancier et essayiste. Esprit profond, doublé d'une fine lame. Après des débuts dans le journaliste, il se consacre entièrement à la littérature et livre des chefs-d’œuvre comme L'Archimandrite (La Table ronde, 1966), Le Carnet arabe (La Table ronde, 1971), Nous n'irons plus au Luxembourg (La Table ronde, 1972). Il a récemment publié : La Séquence de l'énergumène. (Leo Scheer, 2012), Monsieur le comte monte en ballon. (Leo Scheer, 2012).
 
Présentation de l'éditeur.
La liberté n'est jamais acquise, elle est une perpétuelle reconquête. Quand je vois l'imbécile "nouvel ordre mondial" prôné par les pharisiens glabres d'outre-Atlantique et les excités barbus d'Arabie (qui, les uns et les autres, prétendent régenter nos moeurs, nous dicter ce que nous devons penser, croire, écrire, manger, fumer, aimer) étendre son ombre sur la planète, j'ai l'impression d'avoir labouré la mer, écrit et agi en vain. Pourtant, je m'opiniâtre. Qu'il s'agisse de la résistance au décervelage opéré par les media, de la résistance à l'omniprésente vulgarité des mufles, de la résistance aux prurigineux anathèmes des quakeresses de gauche et des psychiatres de droite. "Séraphin, c'est la fin !" où sont assemblées des pages écrites de 1964 à 2012, témoigne que je demeure fidèle aux passions qui ont empli ma vie d'homme et inspiré mon travail d'écrivain ; que, jusqu'au bout, je persiste dans mon être.
 
L'article de Christopher Gérard. - Causeur. - mars 2013.
Séraphin, chroniques d'un esprit libre. « J’espère que mes livres insufflent un surcroît d’énergie, un supplément de joie »confie Gabriel Matzneff dans une lettre à un professeur tenté par le suicide, l’un des inédits de ce sixième volume de chroniques, où l’écrivain caracole, toujours pareil à lui-même, fidèle à des passions schismatiques autant que fécondes.
Séraphin, c’est la fin ! rassemble en effet des textes rédigés entre 1964 et 2012 et publiés ici ou là, de Combat au Figaro, même si les trois quarts datent des dix dernières années, quand les « circonstances atmosphériques » se révèlent de plus en plus maussades, grâce, entre autres, à la bénéfique influence de l’esprit puritain sur notre merveilleuse modernité.
Par ses textes, Matzneff prouve que, loin de s’acagnarder dans un hamac en grignotant une grappe de raisins (verts), il a toujours été un artiste attentif à la marche du monde, non pas l’une de ces têtes d’œuf engagées, ridicules à force d’être péremptoires (et à côté de la plaque), mais un esprit libre, qui pense par lui-même et prend la parole quand cela lui chante.
Un « salmigondis » donc, qui témoigne d’une belle constance, d’une ferveur communicative et d’un vrai talent, car la langue de Matzneff, toute de limpidité, scintille, étonne, amuse sans jargon ni fausse note. Le naturel dans toute sa splendeur. Qu’il évoque Rozanov ou d’autres penseurs russes forcés à la clandestinité pendant trois quarts de siècle, Arafat, Harry Potter ou son cher Lucrèce, Matzneff touche son lecteur de façon miraculeuse. La preuve ? On a beau être en désaccord avec lui, par exemple à propos du mythe trinitaire ou de certaines amours, à le lire, on est conquis : non point converti, mais captivé par la musique, car rien ne « sonne creux et faux sous la lime ». À chaque page transparaît cette intelligence sensible, si précieuse tant l’écrivain prend soin de ne jamais s’abaisser au truisme : ce qui est dit est toujours senti, exprimé sans tricherie ni prudence excessive, d’où bien des malentendus. Depuis toujours, en disciple conséquent d’Héraclite et de Montherlant, Matzneff donne la parole aux voix discordantes de son cœur … et jubile d’agir ainsi. C’est en cela qu’il incarne une forme de dandysme, bien au-delà de la diététique ou du choix – important – d’une cravate. Oser déplaire pour demeurer soi-même ou, pour le citer : « un cœur noble ne peut sans déchoir se mettre à battre au même rythme que les cœurs vulgaires ».
Dans ce riche volume, Matzneff aborde ses dadas : la Russie et la philocalie, Venise et l’impérialisme anglo-saxon, le nouvel ordre moral et, surprise, le culte du phallus : un salmigondis, oui, ô combien stimulant. Plein de sympathie pour les vaincus – « après Pharsale, j’aime mieux Pompée que César » -, l’amoureux du Levant clame sa douleur de voir la Terre Promise confondue avec le Far West, son dégoût devant la vulgarité des commentaires ignominieux sur la mort de Kadhafi. Son vieil ami Casanova lui inspire de jolies pages qui sont le prétexte d’une causerie tour à tour épicurienne (carpe diem) et stoïcienne (sustine et abstine). Le sequere deum casanovien lui inspire une interprétation stendhalienne ou même nietzschéenne : pour être grand,  il faut suivre son génie particulier et aimer son destin. Cela paraît simple, et pourtant…
Les plus beaux textes de Séraphin sont, à mon sens, l’éloge d’Alain Daniélou, dont l’œuvre est considérée à juste titre comme un tournant dans la pensée contemporaine avec l’irruption de l’Inde traditionnelle, et cette évocation d’une bague vénitienne, qui lui inspire des lignes superbes. Je m’en voudrais d’oublier sa défense, devant les étudiants de l’Ecole Normale, rue d’Ulm, des Deux Etendards, de Lucien Rebatet, le collabo maudit, que Matzneff verrait bien dans la Pléiade ! Si l’écrivain est bien « un univers soutenu par un style », Matzneff, quoi que grommellent les envieux, compte parmi les rares classiques d’aujourd’hui. Lisons-le.
    
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21 janvier 2013 1 21 /01 /janvier /2013 21:54
Eloge de
l'aristocrate
  
LETTRES
Monsieur
le comte monte
en ballon.
Gabriel Matzneff.
Ed. Léo Scheer.
Juin 2012.
72 pages.
 

 
Gabriel Matzneff, né en 1936, est romancier et essayiste. Après des débuts dans le journaliste, il se consacre entièrement à la littérature et nous livre les chefs-d’œuvre que sont L'Archimandrite (1966), Le Carnet arabe (1971), Nous n'irons plus au Luxembourg (1972). Il a récemment publié : Les Émiles de Gab la Rafale. (Léo Scheer, 2010), La Séquence de l'énergumène. (Léo Scheer, 2012).
 

Présentation de l'éditeur.

« Français par le droit du sol, je n'ai jamais tenu mes origines étrangères pour une gêne, une entrave, mais au contraire pour une source féconde. Aussi, métèque et fier de l'être, éprouvé-je un vif plaisir à ressusciter un de mes aïeux russes, le comte Ivan Matzneff, chaud lapin " amant de toutes les actrices de Paris " selon Barbey d'Aurevilly, ami du prince Louis-Napoléon, d'Alexandre Dumas, du chevalier d'Orsay, aéronaute passionné qui, en 1851, publia Un voyage dans les airs de Paris à Spa, en trois étapes, succulent récit qui, en 2012, n'a rien perdu de sa saveur, de son charme, de sa drôlerie ; qui est pour moi l'occasion de réfléchir sur cette Russie réelle ou imaginaire qui, depuis mon enfance, aura joué un si grand rôle dans ma vie. » Gabriel Matzneff. 
 
Le point de vue de La Revue Critique.  
Gabriel Matzneff nous étonnera toujours ! Après avoir fait tant de pieds de nez à l’esprit de famille et s’être autant de fois moqué du culte du foyer, cette « sirupeuse niaiserie pour curés et pour politiciens », le voilà plein d’admiration et de prévenance pour un sien ancêtre, aristocrate russe du XIXe siècle, dont il nous raconte le curieux voyage en ballon de Paris jusqu’à Spa. Il est vrai que l’aïeul en question sort complètement de l’ordinaire et que le récit de sa vie aurait de quoi faire s’évanouir un bataillon de vieilles filles et de députés MRP. Le comte Ivan Matzneff, après avoir loyalement servi le tsar dans ses guerres du Caucase et envoyé ad patres son contingent de rebelles tchétchènes, s’installe à Paris pour oublier ses émotions militaires et s’y faire une belle réputation de viveur. Plein aux as, snob jusqu’au bout des ongles, grand amateur de femmes, avec une préférence pour les petites danseuses, monsieur le comte est remarqué par Barbey d’Aurevilly, dont il devient l’ami et qui le décrit comme « le plus étourdi des Russes », ce qui est peu dire. Les aventures en aérostat d’Ivan, de son ami le comte Alexis de Pomereu et de leur suite, racontées par un Gabriel déchainé et plein de verve, réjouiront tous ceux qui prennent la vie pour un exercice de liberté et de plaisir. Le ballon russe est un salon où l’on s’amuse, où l’on badine, où l’on devise, parfois gravement, sur les merveilles de la technique et sur les commodités du monde moderne. Car le comte Ivan a beau être un vrai gentilhomme et un parfait réactionnaire, il n’en est pas moins de son temps. Bon sang ne saurait mentir et l’on voit, page après page, s’installer une complicité entre l’aristocrate d’hier et l’écrivain d’aujourd’hui. N’ont-ils pas en commun un nom – presque – imprononçable, un goût immodéré pour l’amour et cette mélancolie profonde, insurmontable, qui derrière le rire et les incartades, est la signature de l’âme russe ? Cette âme russe qui suscite en France, de nos jours encore, tant d’incompréhension. Mais ce petit ouvrage n’est pas seulement le recueil d’une vie brillante. Les amateurs d’idées justes y trouveront aussi leur compte. Ainsi dans la préface où Gabriel commente les joyeux diners d’Ivan et de ses complices d’aérostat, on relèvera cette réflexion pleine de sens : « De nos jours, les hommes politiques français de tous bords nous cassent les pieds avec les « valeurs de la République », ils n’ont que ces mots à la bouche, ils n’ont que çà à proposer aux émigrés candidats à la naturalisation, comme si, avant 1792, la France n’existait pas, comme si, pour être un vrai Français, il fallait être républicain et préférer Zola à Bossuet. Quel mensonge ! Quelle barbe ! Heureusement, Pomereu et Matzneff sont là pour nous rappeler qu’existent aussi les valeurs de la monarchie. » On ne s’étonnera pas de lire ici que nous préférons ces dernières.
eugène charles.
      
L'article de Jacques Aboucaya. - Service littéraire, septembre 2012
Le snobisme vient-il se nicher dans les gènes ? Gabriel Matzneff réfute cette hypothèse. Trop indépendant. Trop réfractaire pour se reconnaitre quelque dette envers une hérédité à laquelle il n'entend rien et qui, de son propre aveu, ne l'intéresse pas. Une exception, toutefois, cet Ivan Matzneff, ami de Barbey d'Aurevilly, dont il exhume un pittoresque récit de voyage en ballon. Occassion pour ressusciter, à travers cette oeuvrette, la Russie éternelle. Elle innerve, comme on sait, toute son oeuvre. Or, par delà les années, cet aïeul lui ressemble comme un frère. Aristocrate jusqu'au bout des ongles, avec tout ce que cela suppose de singularité consciente. De souci de ne pas déroger en quelque circonstance que ce soit, se trouvât-on à dix mille pieds au-dessus du sol dans une nacelle chancelante, emportée par les courants d'air. Qui plus est, chaud lapin, cet Ivan. Amant, à en croire Barbey, "de toutes les actrices de Paris qui jonchent le parquet à quatre pattes." C'est le détail, on le devine, qui a séduit son lointain descendant. Lequel assure ne jamais, pour sa part, faire marcher ses jeunes amantes à quatre pattes. Mais peut-on le croire ? Pour en revenir à l'intrépide aérostier, son "Voyage dans les airs de Paris à Spa, en trois étapes" lui inspire un récit circonstancié. Précis. Nourri de calculs. On y respire la révérence pour la Science, de mise au milieu du dix-neuvième siècle. Avec la bienséance exigeant que l'on ne cède jamais à l'emphase dans l'expression des sentiments, même aux moments les plus cruciaux d'une ascension périlleuse. Ce décalage, cette componction dans le ton apparaissent aujourd'hui d'une drôlerie d'autant plus irrésistibre qu'elle est incontestable. M. le comte ne plaisante pas, il parcourt les airs, entre ciel et terre, sur les ailes de l'Aigle. Avec la conscience aiguë que ses observations serviront les générations futures. En quoi il ne se trompait guère : Gab la Rafale en apporte la preuve. 
 
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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 23:59
Présence
de Barrès
 
 
 

 

LETTRES
Maurice Barrès.
François Broche.
Bartillat.
Septembre 2012.
352 pages.
 

 
François Broche, né en 1939, est historien et journaliste. Spécialiste de la France Libre et de l'histoire politique et littéraire du XXe siècle, il a publié des ouvrages de référence sur le général de Gaulle, le comte de Paris, Maurice Barrès ou Anna de Noailles. Publications récentes : Dictionnaire de la France Libre. (Robert Laffont, 2010), La Commune démystifiée. (France-Empire, 2012).

 

Présentation de l'éditeur.
Cette biographie insiste sur de nombreux aspects méconnus et pourtant essentiels de la vie de Maurice Barrès (1862-1923). Elle modifie l'approche habituelle d'une oeuvre singulièrement diverse, moderne et à certains égards visionnaire. Barrès a en effet ouvert des voies nouvelles, annoncé un élargissement de l'inspiration, fait pressentir un univers radicalement différent de celui du XIXe siècle et influencé les plus grands écrivains du XXe.  Cet ouvrage ne cache rien de ses erreurs et ses égarements et rappelle que Barrès lui-même les a reconnus et reniés. En s'appuyant sur des sources récentes et sur une réflexion personnelle approfondie, François Broche permet de redécouvrir un grand écrivain, le "divin mélodiste" dont parlait Proust, qui fut un éternel foyer de contradictions, mais aussi un éveilleur d'intelligences et de sensibilités, témoin capital et passeur incomparable, maître à sentir, à analyser, à juger par soi-même.
 
L'article de Michel Bernard. - Service littéraire. - novembre 2012.
Les charmes du maître de Charmes. L'influence de Barrès sur ses contemporains fut considérable par l'étendue et par la hauteur des talents sur lesquels elle s'exerça. Proust, Claudel, Mauriac, Bernanos, Aragon, Malraux lui doivent beaucoup et l'ont reconnu, pour s'en détacher. Le général de Gaulle, qui le cita rarement, y prit une certaine idée de la France. «Toute licence sauf contre l'amour», « N'importe où hors du monde», ces titres qu'on jurerait de Breton, sont de Barrès qu'il insulta. François Broche est celui qui aujourd'hui connait le mieux l'écrivain et son temps. Sa nouvelle biographie du maître de Charmes enjambe, avec allégresse et précision, le fatras d'idées viellies qui font une fausse réputation à l'écrivain, et s'intéresse à l'homme. A quoi bon aller s'enquérir de Maurice Barrès que la postérité a déjà fusillé cent fois pour haute trahison de la pensée du jour ? Parce qu'il a écrit de puissants et beaux livres. La Colline inspirée, âpre, difficile, est l'oeuvre maîtresse d'une cetaine manière française, ce lyrisme retenu dans une narration austère, qui s'épanche par à coup, magnifiquement, comme dans un quatuor. Amori et dolori sacrum, Le Mystère en pleine lumière recèlent quelques-uns des trésors de la prose française. Celui qui accabla le malheureux capitaine Dreyfus, puis se repentit, reste avec Chateaubriand et Hugo, un de ses plus grands artistes. Ce que nous appelons maintenant l'écriture, et la ratiocination narrative et prétentieuse qui l'entoure, François Broche le montre, sont radicalement étrangers à Barrès. Il croit au style qui est le chant que produit la lumière du jour, le vent, la pluie, la vue sur les forêts et la plaine, lorsqu'en tel point du monde, à tel instant du temps d'une vie, on en est traversé. Il croit aux choses et à une certaine façon, amoureuse et détachée, d'habiter le monde. François Broche saisit admirablement Barrès dans le mouvement de la fuite. Ce fut d'abord les voyages, l'Orient, l'Italie, l'Espagne. Ce fut surtout la Lorraine. Le biographe l'a placée au centre de son livre, elle en est le point d'équilibre, comme elle le fut pour son héros. Une vieille rue de Metz porte le nom de l'auteur de Colette Baudoche, et la plaque bleue précise "Patriote lorrain". C'est étroit et c'est très vrai. Barrès a profndément aimé cette province peu gracieuse. C'est sur cette terre, entre l'Argonne et les Vosges, que son âme a reçu les coups d'archet les plus précisément appliqués. Qu'on relise le grand chant géographique des premières pages d'Au service de l'Allemagne : cet ample survol du plateau lorrain en trois pages contient un des plus beaux paysages et un des plus beaux ciels de la littérature. Sa phrase exigeante et sinueuse change de climat avant que le point ne l'ait refermé. Elle est comme la Lorraine, sévère et maussade, qui, tout à coup, par la grâce d'une lumière sur les pierres et les fruits blonds, et les verts brillants de la campagne, révèle un coin d'Italie. Barrès est devenu cela, qui dure plus que les idées, une région secrète et belle de la langue française.
 
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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 14:07
Chroniques littéraires
 
de Georges Laffly
Mis en ligne : [15-10-2012]
Domaine : Lettres 
LAFFLY-Georges-Chroniques-litteraires.jpg
 
Georges Laffly (1932, 2008), journaliste, écrivain et critique littéraire. Proche de la droite catholique, il collabora notamment à la Nation française, à Itinéraires, à l'Aurore et au Spectacle du Monde. Publications récentes : État des lieux. Une société entre le rêve et la peur (Éditions Sainte-Madeleine, 2000), Le grand conseil (Éditions de Paris, 2005), Monnerot (Éditions Pardès, 2005.)
   

Georges Laffly, Chroniques littéraires, Paris, Via Romana, 2012, 374 pages.

 
Présentation de l'éditeur.
Les bons critiques littéraires sont rares et les moralistes désertent la cité, cédant leur vigie aux promoteurs d’une pensée unique ou conforme aux nouveaux tabous : les rieurs singent la sédition, les penseurs, l’insurrection. Quarante ans de libres réflexions éclairent ces pages que parcourent les thèmes et l’actualité littéraire d’une époque où l’on guettait le dernier Camus ou le nouveau Sagan, l’insolent Perret ou l’indolent Roger Martin du Gard, années marquées par l’exil des rapatriés, exil dont on mesure ici combien il fit de Georges Laffly l’écorché vif extra-lucide des mœurs et des écrits d’un temps où tout s’accéléra pour le meilleur et pour le pire avec l’exigence du style, du talent, du caractère. Collaborateur de plusieurs hebdomadaires, mensuels et quotidiens parmi lesquels Itinéraires, Présent, Le Spectacle du monde et Le Figaro littéraire, Georges Laffly (1932-2008) a enchanté plusieurs générations de lecteurs par l’alliance acérée de sa plume et de ses goûts littéraires.
     
Le point de vue de La Revue Critique.  Chroniqueur à la Nation française, critique littéraire à Itinéraires et au Spectacle du Monde, Georges Laffly n'a jamais mis son drapeau dans sa poche. Il revendiquait même ouvertement l'appartenance à ce vieux courant de droite, catholique, qui était pour lui une sorte de famille. Bernanos était son maître et Boutang et Perret ses vieux camarades. La perte de l'Algérie française fut son drame et sa blessure. Et ce drame et cette blessure le rapprochèrent d'autres blessés, y compris de l'autre bord. Il aimait Chateaubriand malgré Maurras et Maurras malgé Bernanos, Paulhan malgré Brasillach, et Larbaud, et Sagan, et Montherlant, et Orwell et Jünger. Voici une quarantaine de textes recueillies par son épouse et qui illustrent l'impressionnante palette sur laquelle Georges Laffly composait son oeuvre de critique et d'essayiste. On y salue Corneille, on y croise La Fontaine hilare puis au bord des larmes, Gobineau dialoguant avec Barrès, et tant d'autres, classiques ou contemporains, tous porteurs de ce double signe qui fascinait Laffly, une extrême soif de vivre et une froideur extrême lorsqu'ils parlent de la mort. Homme de la Méditerranée, Laffly savait oublier jusqu'à ses origines lorsqu'il évoquait les lettres et les idées : c'est que, pour lui, normands, bretons, picards ou algérois, hommes des marches de l'est ou du Rhône ensoleillé, les écrivains qu'ils aimaient marchaient d'un même pas et servaient une même langue et une même civilisation. L'Italie, qu'il aimait, fut la seule infidélité qu'il fit à sa passion française. L'oeuvre qu'il laisse derrière lui apparaît dans toute sa richesse. Il est temps de la faire connaître. Eugène Charles.
      
Note de Hilaire de Crémiers. - Politique Magazine, juin 2012
Poésie et vérité. Qui a connu Georges Laffly garde le souvenir d'un homme charmant. Il pouvait se donner l'air austère, surtout quand il parlait d'une époque de lâcheté et de trahison. Il n'était amer que des causes perdues. Il avait tant aimé l'Algérie française, son Algérie, son pays de Blida et tout ce qu'il aurait été possible de faire si la France avait tenu la solution politique juste. La République la rendait impossible. Cet esprit latin, de vaste culture, était le plus fin des critiques littéraires. Il écrivait dans Itinéraires : il était ami de Jean Madiran qui ouvre ce recueil  de quelques-unes des plus belles pages de son ancien collaborateur par une présentation de la pensée contre-révolutionnaire, de haute volée. Georges Laffly en était. Aussi comprenait-il Corneille, Chateaubriand, Bernanos et Maurras et Boutang. Il sait dire la grandeur des esprits. Ses réflexions sur la poésie de Maurras et sur celle de Brasillach sont un enchantement : l'analyse est d'une justesses parfaite. Et pour couronner le tout quelques poèmes très personnels nous livrent l'âme de l'ami disparu. 
 
Autre article recommandé : Philippe d'Hugues "Georges Laffly, le goût d'un maître", Le Spectacle du Monde n° 591. - juillet-août 2012. 
 
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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 14:58
Le cousin de la marquise
 
de François Bott
Mis en ligne : [16-07-2012]
Domaine :   Lettres 
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François Bott, né en 1935, est journaliste et écrivain. Directeur des pages littéraires de l'Express, fondateur du Magazine littéraire, il dirige le Monde des livres jusqu'en 1995 et se consacre désormais entièrement à la littérature.  Il a récemment publié : Gina (La Table Ronde, 2008), Ecrivains en chambre, (La Table Ronde, 2010), La Traversée des Jours (1958-2008) (Ed. du Cherche-Midi, 2010).
 

François Bott,  Le cousin de la marquise, Paris, La Table Ronde, février 2012, 252 pages.

 
Présentation de l'éditeur.
De Montaigne, qu'il dépeint comme " notre cousin de province le plus aimable ", à Montesquieu, dont il rappelle qu'il eut l'idée d'une étude sur le goût en prenant de la liqueur de cerise chez Mme du Deffant, François Bott arpente, en promeneur éclairé, trois siècles d'histoire littéraire, entre le crépuscule du Moyen-Âge et l'éclat des Lumières. Il brosse, par petites touches pleines de vivacité, le portrait de hautes figures de la littérature, de Villon à Voltaire. Et c'est avec la même allégresse qu'il dépeint les " seconds rôles ", parmi lesquels Bussy-Rabutin, cousin de la marquise de Sévigné, auteur impertinent d'une Histoire amoureuse des Gaules, " trop dissipé dans un siècle tellement tenu "
 
Le point de vue de la Revue Critique.
François Bott connaît notre littérature sur le bout des doigts et il brode à merveille autour des auteurs, des femmes et des livres qui l'inspirent. Voilà une quarantaine de charmantes petites chroniques où l'on badine, où l'on déjeune, où l'on dine, où l'on voyage avec les écrivains, les sommités et les bretteurs de la Renaissance, du Grand Siècle et de celui de Louis XV. On y croise Villon, le prince des poètes voyous, du Bellay, inconsolable à Rome, le lunatique Cyrano, on y salue le vieux Fontenelle, le Prince de Ligne, le Maréchal de Richelieu, quelques anglais, deux ou trois originaux et une pleine charette de philosophes. Le monde qu'il met en scène regorge d'esprit et dans cette Europe-là, comme le dit François Bott, "on se souciait moins d'échanger des marchandises que des idées". On s'y bat, on s'y amuse, on y pleure d'émotion ou d'amour, mais on y vit bien. L'aventure y a sa place, tout comme la guerre et on y voyage souvent, davantage par devoir que par agrément. Qu'il évoque d'Artagnan, La Fontaine, Crébillon fils ou l'abbé Galliani, Francois Bott nous fait partager un appétit de vivre, une alacrité parfois teintée d'un brin d'amertume ou de nostalgie, un bonheur de conter et de décrire qui puise au meilleur de Dumas, d'Anatole France ou de Jules Lemaitre. On admirera également son art de camper les petits auteurs - Bussy-Rabutin, le fameux cousin de la marquise de Sévigné qui vécut dans l'ombre des stars de son époque en fournit le portrait le plus réussi -, les femmes savantes, les égéries politiques, les éclésiastiques perdus dans la poésie, et toutes les figures qui les accompagnent, soldats galants, diplomates gastronomes, comédiennes frivoles, maris trompés... François Bott a enfin le bon goût d'arrêter ses chroniques aux limites de ce XIXe siècle, qualifié par certains de stupide parce qu'il confondit l'élégie avec le désespoir, le goût de vivre avec le goût du sang. On lui en rendra grâce. E. C. 
   
Critique de Jacques Aboucaya. - Le Magazine des Livres, mai- juin-juillet 2012.
La littérature à la hussarde. Voici un de ces ouvrages propres à vous faire aimer la littérature. A vous donner envie de vous plonger ou de vous replonger dans les oeuvres des siècles passés. Pas forcément les plus connues, du reste. Dans Le Cousin de la Marquise, François Bott, qui dirigea lontemps les pages littératures du Monde, arpente à la hussarde, de Villon au maréchal de Richelieu, du Moyen-Âge aux Lumières, les allées et contre-allées de l'histoire littéraire. Publié d'abord en 1966, ce florilège d'articles écrits au fil de l'actualité éditoriale des années 1990 n'a pas pris une ride. Son intérêt demeure intact. C'est une rétrospective pertinente le plus souvent, surprenante parfois, et même piquante lorsqu'elle s'aventure hors des sentiers battue. Ce qui lui arrive plus d'une fois. Bott y rencontre, au gré de ses détours, de ses lectures et de ses humeurs, des écrivains éminents, Montaigne, Ronsard, La Fontaine, Pascal, Racine, le prince de Ligne, Montesquieu. Des seconds rôles aussi, comme aussi, comme Crébillon fils ou Dominique-Vivant Denon, Hérault de Séchelles, Charles Pinot Duclos. Voire de parfaits inconnus, tels ce Charles Timoléon de Sigogne, qui fut le confident de Henri IV, ou Charles Lassailly, petit romantique contemporain de Petrus Borel - bien oublié lui aussi. On n'aura garde d'omettre celui qui lui fournit son titre générique, Roger de Bussy-Rabutin, auteur de La Vie amoureuse des Gaules, le cousin de la marquise de Sévigné, que Roger Nimier immortalisa dans son délectable D'Artagnan amoureux. "Il aimait trop se moquer des gens et des choses, assure François Bott, et l'on guérit difficilement de l'irrespect lorsqu'on y a pris goût" Voilà le genre de sentence qui révèle, sous le critique, le moraliste. Lequel porte le XXe siècle finissant un jugement dépourvu d'illusion : "celui-ci aura été, certainement, un des plus mal élevés. Avec la guerre de 14-18, la terreur stalinienne, l'horreur nazie, les guerres coloniales, les diverses dictatures, le triomphe de l'argent et la suite que vous savez : Le Liban, la misère africaine, Sarajevo..., il aura donné un bel exemple des raffinements de la civilisation" Cela glissé en passant, sans s'apesantir. Car le ton général est celui de la légèreté et du primesaut plutôt que de la componction. Pour en revenir aux écrivains sur lesquels il se penche, peu importe en réalité, le degré de notoriété de chacun. Pas davantage les propres dilections de l'essayiste, même s'il est aisé d'en déceler certaines. En homme du monde, ce dernier les présente tour à tour à son lecteur avec une constante bonne grâce, mettant en exergue les qualités, soulignant l'originalité, livrant son appréciation avec une bonhomie déférente. Une distance affectueuse à laquelle se mêle souvent un brin d'ironie. Il se livre à des rapprochements saisissants. A des raccourcis qui font cousiner, par delà les siècles, la religieuse portugaise et Hélise (celle qui valut à Abélard le châtiment que l'on sait). Il fait dialoguer à distance Colette et Mme de Sévigny. Découvre des traits de parenté inattendus ("Jean-Baptiste Rousseau était fils de cordonnier, comme pls tard Jean Giono et Jean Guéhenno..."). Ou encore souligne ce qui, vers Lord Chesterfield, l'ami de Voltaire, fait penser à l'Italien Castiglione et au Français La Rochefoucault. Quelques auteurs étrangers viennent en effet se glisser parmi les Français. Ainsi l'Anglais Antoine Hamilton qui, au temps de la Fronde, "partageant les vicissitudes des Stuart n'a cessé de traverser et de retraverser la Manche". Ou Lytton Stratchey, ami de Virginia Woolf et de Horace Walpole, précurseur du roman noir. L'horizon s'en trouve dégagé, les perspectives élargies. L'intérêt de ce vagabondage, le plaisir qu'on en retire viennent de ce qu'il échappe à tout académisme. Il fait parfois penser à Une histoire de la littérature française de Kléber Haedens. En plus mesuré, toutefois, et moins provocateur. Aux Journées de lecture de Roger Nimier. Voire aux Certificats d'études d'Antoine Blondin. Ces références "hussardiennes" ne viennent pas au hasard sous ma plume. En témoignent, en tout état de cause, de la qualité d'un critique qui mériterait une citation à l'ordre de la littérature. Pour services rendus.

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13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 23:31
Pierre Benoit
Le romancier paradoxal
 
de Gérard de Cortanze
Mis en ligne : [14-05-2012]
Domaine : Lettres 
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Né en 1948, Gérard de Cortanze est écrivain, poète, essayiste et critique littéraire. Il collabore au Figaro Littéraire, au Magazine littéraire et dirige la collection Folio Biographies chez Gallimard. Il reçoit le Prix Renaudot en 2002 pour son roman historique Assam. Parmi ses dernières publications : De Gaulle en maillot de bain (Plon, 2007),  Indigo (Plon, 2009),  La belle endormie (Le Serpent à Plumes, 2009),  Le Clezio (Gallimard, 2009), Le Roman de Ernest Hemingway (Le Rocher, 2011), Miroirs (Plon, 2011)
 

Gérard de Cortanze, Pierre Benoit, le romancier paradoxal. Paris, Albin Michel, février 2012, 560 pages.

 
Présentation de l'éditeur.  
50 ans après sa mort, l'auteur de L'Atlantide reste, pour la majorité des lecteurs, un écrivain mythique. Célèbre dès la publication de son premier roman, président de la SGDL, académicien à 45 ans, il connut toutes les gloires et la déchéance suprême lorsqu'il fut injustement jeté en prison en 1944 pour " collaboration avec l'ennemi ". Reporter passionné, journaliste prophétique, voyageur invétéré, il fit 5 tours du monde, romancier du bonheur et séducteur impénitent, il écrivit des dialogues de films, des opérettes, des nouvelles, plusieurs centaines d'articles, et 43 romans dont les héroïnes ont toutes un prénom qui commence par un A. A Cocteau qui lui disait qu'il avait " le génie de l'imprévu ", il répondait que " le devoir d'un romancier, c'est d'être de son temps". Le XXème siècle et ses soubresauts lui donnèrent, ô combien, l'occasion d'être ce romancier paradoxal dont cette biographie retrace le destin.
   
Critique de Bernard Pivot. - Le Journal du Dimanche, 4 mars 2012.
Faut-il ressusciter Pierre Benoit ? Mort dans la nuit du 2 au 3 mars 1962 – il y a donc exactement un demi-siècle –, Pierre Benoit eut droit à de gros titres dans la presse et à des émissions spéciales à la radio. Aujourd’hui, pour les lecteurs de moins de 60 ans, son nom ne dit rien. La Châtelaine du Liban, L’Atlantide, Mademoiselle de la Ferté, quèsaco? Des romans qui ont connu des succès fous. Un nouveau roman de Pierre Benoit – il en a écrit une cinquantaine – se tirait d’emblée à 100.000 exemplaires, ce qui pour l’époque – il est né en 1886 et son premier best-seller, Kœnigsmark, a été publié le 11 novembre 1918, jour de l’armistice – était considérable. Il fut si vite oublié que Le Petit Larousse le retira de ses pages. Cela déclencha dans l’association Les Amis de Pierre Benoit une telle colère que le dictionnaire le réintégra. Il y est toujours.Gérard de Cortanze a raison d’intituler sa biographie de Pierre Benoit Le Romancier paradoxal. Car tout chez lui paraît contradictoire, bizarre, antithétique. Ainsi, n’y a-t-il pas plus français que lui – classique dans son écriture, son patriotisme de droite, ses valeurs, son parcours, qui le mena à l’Académie française – et son goût pour l’étranger et les voyages. De son enfance maghrébine, Tunisie et Algérie, il tira une vraie curiosité pour les civilisations méditerranéennes et orientales. Combien de fois fit-il le tour du monde? Combien d’années passées ailleurs qu’en France? La majeure partie de son œuvre est bâtie sur l’exotisme, le reportage, sans pour autant, affirme Gérard de Cortanze, avoir été un chantre de l’épopée coloniale. Il n’y a pas plus mondain que Pierre Benoit. En témoignent son ambition, ses relations, ses affaires, sa correspondance, et même son éternel nœud papillon ! C’est pourtant le même homme qui déménage sans cesse, fuit Paris, s’établit en province, s’installe dans des chambres d’hôtel pour écrire ses romans et ses articles. Pierre Benoit est un anachorète attiré par la lumière du salon. C’est aussi un farceur, au jeu, un tricheur, un pasticheur, un mystificateur. Gérard de Cortanze raconte quelques-unes des blagues perpétrées par cet homme, rescapé de la Grande Guerre et des tranchées, qui sera président de la Société des gens de lettres. Son entourloupe la plus osée? Avoir simulé un premier enlèvement sur les Grands Boulevards à Paris, par le Sinn Féin irlandais, puis un second, place Vendôme, toujours par les indépendantistes irlandais. Plus fort que Jean-Edern Hallier, qui, lui, n’inventera qu’un seul enlèvement ! Pierre Benoit avait manigancé tout cela, qui mit en effervescence policiers et journalistes, pour se dépêtrer d’un imbroglio de trois amantes soupçonneuses. Car ce petit homme engoncé, aux yeux bleus, aux traits sans grâce, a été un fieffé séducteur. Une princesse, des chanteuses, des comédiennes, des dames du beau monde, des mariées ou pas, il a été, dans son œuvre comme dans sa vie, un homme à femmes. Chacun de ses romans est d’abord le portrait d’une héroïne, vamp ou victime, intrigante ou amoureuse, aristocratique ou plébéienne. Et toutes, c’était sa marque, sa manie, ont un prénom ou un nom qui commence par A. Enfin, quoique jalousé pour ses succès en tout genre, Pierre Benoit eut beaucoup d’amis, surtout parmi les écrivains : Cocteau, Carco, Mac Orlan, Bourget, Simenon, Dorgelès, Pagnol, son éditeur Albin Michel. Sa fidélité à Maurras, à Pétain, ses idées royalistes, lui valurent à la Libération beaucoup d’ennuis, quelques imprudences pendant la guerre lui étant imputées à crime. Gérard de Cortanze raconte et décortique ces années sombres avec à la fois gourmandise et indignation. Car Pierre Benoit, maquisard dans le Périgord, auquel Aragon et les intellectuels communistes apportèrent leur soutien, fut enfin innocenté par la cour de justice après plusieurs mois de prison. Antisémite? Il avait fait l’éloge de "l’âme juive" dans Le Puits de Jacob. Excellemment documenté et écrit, le livre de Gérard de Cortanze ouvre pour Pierre Benoit un procès posthume : la cour de justice littéraire lui rendra-t-elle son honneur et sa réputation? "Comme tout ce qui vit très fort, il a beaucoup vieilli. Je souhaite aux autres vivants d’avoir un jour d’aussi belles rides", écrit Amélie Nothomb. Ce n’est pas gagné.

 

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 23:11
Aventures extraordinaires
d'Arsène Lupin
 
de Maurice Leblanc
Mis en ligne : [16-04-2012]
Domaine : Lettres  
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Maurice Leblanc (1864-1941). est écrivain. Publications récentes : Jacques Derouard, Dictionnaire Arsène Lupin (Encrage, 2001).  
 

Maurice Leblanc, Les Aventures extraordinaires d'Arsène Lupin, Paris, Jean-Claude Gawsewitch, novembre 2011, 368 pages.

 
Présentation de l'éditeur.
" Le talent, le génie des malfaiteurs modernes semble prendre à notre époque, où tout se civilise, même le mal, des proportions grandioses. Qui peut se vanter d'échapper aux criminelles entreprises d'un coquin de l'envergure de celui dont le récit que nous publions expose " : ainsi commence L'Arrestation d'Arsène Lupin, la toute première aventure du célèbre gentleman cambrioleur publiée en juillet 1905 dans le magazine "Je sais tout". A l'origine, cette histoire ne devait pas connaître de suite. Mais l'accueil enthousiaste des lecteurs incite Maurice Leblanc, le père d'Arsène Lupin, à imaginer une suite, puis une autre. En quelques années, " le plus grand des voleurs " devient l'un des plus grands héros de la littérature. A travers vingt nouvelles accompagnées de leurs illustrations d'époque, les lecteurs du XXIe siècle vont découvrir, pour la première fois, l'Arsène Lupin de leurs (arrière) grands-parents, le seul, le vrai, celui publié dans Je sais tout entre 1905 et 1911. Dans ces Aventures extraordinaires, on croisera l'inspecteur Ganimard, Miss Nelly Underdown, la blonde et brune Clotilde Destange, le chef de la Sûreté Mr Dudouis, les agents de police Dieuzy et Folenfant ou Sherlock Holmes ! Le lecteur, qu'il soit lupinien averti ou non, retrouvera surtout le séduisant Arsène, ce virtuose de la cambriole, si élégant, si chevaleresque et si inoubliable.
 
Article de Delphine Peras, L'Express - novembre 2011.
Le grand retour d'Arsène Lupin. Pour le 70e anniversaire de la mort de Maurice Leblanc, les premières aventures du gentleman cambrioleur sont rééditées dans leur version d'origine. Une renaissance!  L'Arrestation d'Arsène Lupin: c'est le titre de la toute première des aventures du gentleman cambrioleur, publiée en juillet 1905 dans le sixième numéro de Je sais tout. Un mensuel créé par Pierre Lafitte, ancien journaliste sportif devenu directeur de journaux, qui prétend en faire le "roi des magazines". Il demande donc à son ami Maurice Leblanc, ancien journaliste aussi - né à Rouen en 1864 et décédé le 6 novembre 1941 - de lui trousser une histoire haute en couleur. Son héros, bien sûr, devra au moins rivaliser avec le Sherlock Holmes de Conan Doyle, déjà très célèbre au Royaume-Uni. Travail de commande, L'Arrestation d'Arsène Lupin n'appelle aucune suite. De fait, la carrière du "fantaisiste gentleman qui n'opère que dans les châteaux et dans les salons" y débute très mal: au terme d'une traversée en transatlantique, il échoue à conquérir le coeur d'une belle Américaine, perd son butin dans le port de New York et se fait menotter par son ennemi de toujours, l'inspecteur Ganimard! Mais Arsène Lupin séduit d'emblée les lecteurs de Je sais tout, qui en redemandent, et Pierre Lafitte convainc Maurice Leblanc de continuer à mettre en scène son "homme aux mille déguisements". Vingt aventures du "plus grand des voleurs", prompt à s'évader de prison, paraîtront ainsi sous la forme d'un feuilleton à rebondissements entre 1905 et 1913, assurant la bonne fortune de la revue, qui ne mégote pas sur les annonces accrocheuses - "Arsène Lupin revient!". Voici ces épisodes republiés aujourd'hui pour la première fois dans leur version initiale, avec les illustrations d'origine. "C'est un Arsène Lupin comme vous ne l'avez jamais lu !" assure Gilles Bouley-Franchitti, à l'initiative de ce très beau livre - avec le concours de l'Association des amis d'Arsène Lupin. De fait, Maurice Leblanc, dont l'oeuvre tombera dans le domaine public le 31 décembre, a réécrit, remanié et complété ces textes lors de leur réédition en romans. A commencer par Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, paru en 1907, qui reprend les neuf premiers épisodes de Je sais tout.  Il a aussi modifié le septième, Sherlock Holmes arrive trop tard: puisqu'il fallait tenir la dragée haute à Conan Doyle, à qui on eut tôt fait de le comparer, Maurice Leblanc n'a pas hésité à lui emprunter son détective. Si l'écrivain français évoque dans cette nouvelle le "grand policier anglais pour qui il n'est point de mystère" et le "plus extraordinaire déchiffreur d'énigmes que l'on ait jamais vu", il le met en échec face à son classieux vide-gousset et finit par le ridiculiser. Le procédé a si fortement déplu à Conan Doyle qu'il portera plainte. Qu'à cela ne tienne: Maurice Leblanc rebaptisera Sherlock Holmes en Herlock Sholmès et le Dr Watson en Dr Wilson! Elémentaire, mon cher Arsène...  
 
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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 15:08
Pour Genevoix
 
de Michel Bernard
Mis en ligne : [26-03-2012]
Domaine : Lettres  
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Michel Bernard est écrivain. Il a récemment publié : La Tranchée de Calonne (La Table Ronde, 2007), La Maison du docteur Laheurte (La Table Ronde, 2009), Le Corps de la France (La Table Ronde, 2010) .  
 

Michel Bernard, Pour Genevoix, Paris, La Table Ronde, novembre 2011, 200 pages.

 
Présentation de l'éditeur.
"J'ai écrit ce livre sur Maurice Genevoix pour que l'on se souvienne du temps où les mots étaient du côté des choses. L'écrivain de la Loire les a poussés, je crois, au plus près que l'on pouvait. Il avait, pour cela, au début de sa vie, dans un pays que je connais bien, payé un certain prix. C'est vers le mystère de cet écrivain, qui est peut-être le mystère de la littérature, que je me mets en route en commençant ces pages."
 
Recension, Le Spectacle du Monde - janvier 2012.
A quinze ans, Michel Bernard découvrait les récits de guerre de Maurice Genevoix (1890-1980), ses souvenirs d’ancien combattant rassemblés en cinq volumes sous le titre Ceux de Verdun (1916-1923). Plus qu’une révélation, cette lecture a conditionné son attitude vis-à-vis de la littérature, qui se justifie, dit-il, si elle donne le sentiment d’une puissance palpable. Reprenant cette lecture des années plus tard, Michel Bernard ressent semblable urgence, le pouvoir d’approcher les personnages pris de frisson et de peur, d’entraîner le lecteur au combat, de l’amener aux éboulis, de faire voir les soldats pétrifiés dans leurs derniers gestes par un obus, d’entendre siffler les tirs invisibles, d’imaginer les morts en boule pelotonnés à d’autres morts. L’oeuvre entière de Genevoix entraîne l’adhésion totale de Michel Bernard, qui le suit pas à pas, soulignant ce qui le lie à son pays de Loire, sa tendresse pour les gens, les bêtes, les landes, les étangs. A travers ce livre hommage, il s’agit, à ses yeux, de sauver un pan d’histoire de France, de considérer la nostalgie comme un ferment.
 
A lire également : François Bott, "Michel Bernard, les cols d'un champion styliste", Service littéraire, novembre 2011.
 
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N°1 - 2009/01
 
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