à dono guihaumouno, qui m'avié manda de figo Davans de figo comme aquéli, Madamo, que m'avès mando, Aurié segur canta Vergéli E Teoucrite aurié bada. Dévié penja, douço coume éli, La frucho d'or au mount Ida ; E, quand prechavo l'evangéli, Aurien au bon Diéu agrada. Ansin, dins la Prouvénço antico, Li castelano pouëtico, Quand lou troubaire avié fini, Em' un sourrire l’estrenavon Divinamen, e iè dounavon La bluio four dou souveni. Maiano, pér Caléndo de 1873. |
à madame guillaumon, qui m'avait envoyé des figues Devant des figues comme celles, - madame, que vous m'avez envoyées, - Virgile aurait chanté certainement, - et Théocrite eût crié merveille. Doux comme elles, devaient pendre - au mont Ida les fruits d'or, - et, lorsqu'il prêchait l'Évangile, - au bon Dieu elles auraient plu. Ainsi, dans l'antique Provence, - les châtelaines poétiques, - quand le troubadour avait fini, Avec un sourire le guerdonnaient - divinement, et lui donnaient - la fleur bleue du souvenir. Maillane, à la Noël de 1873. | ||
frédéric mistral (1830-1914). Les Îles d'or. (1875). |
lou gaudre Coulo e trespiro l'aigo de plueio dedins lou gaudre : Li cardelino vènon ie béure sus lou risènt ; Lis erbo folo se ié refrescon toutis ensèn ; E la feruno, singlié vo luri, n’en fai soun pautre. Mai jour que trempon, jour que destrempon, après l'un l'autre. La secaresso vuejo lou vabre : l'estièu se sènt. La bourdigaio vai sus li ribo se passissènt E nuso et tristo, li gravo rèston… Ansin de nautre. Tant que sian jouine, vivo la roio, vivo l'amour ! Dis esperanço nous embelino la reflamour, Di jouïssuro noste foulige bèco à la leco. Ma vèngue l'age, touti li joio, las ! prenon fin ; Sus la carcasso li braio toumbon, meme au plus fin: E de la vido rèsto lou vabre que s'entre-seco. |
le torrent L'eau de la pluie suinte et coule dans le torrent : - les oisillons viennent y boire au flot rieur ; - les herbes folles s'y rafraichissent toutes ensemble ; - les bêtes fauves, sangliers et loutres, en font leur bauge. Mais se succèdent les jours qui trempent et qui détrempent. - La sécheresse vide le ru : on sent l'été. - l'algue des berges sur le rivage déjà flétrit, - et, nue et triste, la grève reste. Ainsi de nous. Tant qu'on est jeune, vive l'orgie, vive l'amour ! - les espérances nous illusionnent de leur mirage, - des voluptés notre folie succombe au leurre. Mais vienne l'âge, toutes les joies, las ! prennent fin ; - les chausses tombent sur la carcasse du plus habile : - et de la vie, ravin aride, toi seul nous restes ! | ||
frédéric mistral (1830-1914). Les Olivades. (1914). |