4 octobre 2009
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Automne Ô Saison bienfaisante, aimable et douce Automne, Toi que le Soleil voit d'un regard tempéré; Toi qui par les présents que ta faveur nous donne, Fais arriver un bien qu'on a tant espéré. Ce riche amas de fruits dont ton front se couronne, Rend par tous nos Hameaux ton Autel révéré; L'Abondance te suit; le Plaisir t'environne; Mais un plaisir tranquille, aussi bien qu'assuré. Bachus te suit partout; et Cerès t'accompagne; Les Côteaux élevés et la vaste Campagne, Leurs raisins et leurs blés, te montrent tour à tour; Chacun dans l'Univers a le fruit de ses peines; Moi seul, hélas moi seul, abusé par l'Amour N'ai qu'un espoir trompeur et des promesses vaines. | |
Georges de Scudery, 1601-1667. Poésies diverses (1649).
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Le jardin français
27 septembre 2009
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Conseil Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt, Escalade la roche aux nobles altitudes. Respire, et libre enfin des vieilles servitudes, Fuis les regrets amers que ton coeur savourait. Dès l'heure éblouissante où le matin paraît Marche au hasard; gravis les sentiers les plus rudes. Va devant toi, baisé par l'air des solitudes, Comme une biche en pleurs qu'on effaroucherait Cueille la fleur agreste au bord du précipice, Regarde l'antre affreux que le lierre tapisse Et le vol des oiseaux dans les chênes touffus. Marche et prête l'oreille en tes sauvages courses; Car tout le bois frémit, plein de rythmes confus, Et la Muse aux beaux yeux chante dans l'eau des [sources. | |
Théodore de Banville, 1823-1891. Les Cariatides (1842).
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6 septembre 2009
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| les épiceries | |
| Le soleil meurt : son sang ruisselle aux devantures ; Et la boutique immense est comme un reposoir Où sont, par le patron, rangés sur le comptoir, Comme des cœurs de feu, les bols de confitures.
Et, pour mieux célébrer la chute du soleil, L'épicier triomphal qui descend de son trône, Porte dans ses bras lourds un bocal d'huile jaune Gomme un calice d'or colossal et vermeil.
L'astre est mort ; ses derniers rayons crevant les nues Illuminent de fièvre et d'ardeurs inconnues La timide praline et les bonbons anglais.
Heureux celui qui peut dans nos cités flétries Contempler un seul soir pour n'oublier jamais La gloire des couchants sur les épiceries ! | |
| vincent muselli (1879-1956). Les Masques (1919). |
| les aventuriers | |
| Stériles comme un glaive enceint des seuls éclairs ! Vous n'avez point fondé d'état ni de famille, Rien laissé qu'aux débris d'une pourpre guenille, Cent bouches à vos noms clamantes dans les airs.
La cité, les travaux, les tranquilles partages, L'inexorable abri des lois et des maisons... Pourtant si vos yeux pillent les horizons, Qu'ils sont beaux ces destins fatiguant les cordages !
Les lâches, les jaloux couvrent le parapet : Partez grands cœurs ! L'océan gronde et vous promet La gloire des dangers allumée à leurs pointes.
Que votre pavillon soit frère de la nuit ! Vous verrez le ciel poindre aux morales disjointes, Et, dans le sang versé, l'ombre des dieux qui luit. | |
| vincent muselli (1879-1956). La Revue anarchiste. (janvier 1930). |
| intérieur | |
| Qu'il faille leur concours pour gonfler l'édredon, Suspendre les rideaux, dresser les étagères, Les Dieux sont avec toi, belle Iris, quand tu gères La chambre et les loisirs dont l'amant te fit don.
Psyché sur un tapis pleure son abandon, Le Faune au ciel du lit courtise les bergères, Et creusant l'acajou de leurs pointes légères Les flèches de l'Amour ornent le guéridon.
Reine de ces trésors ils occupent tes heures, Souvent aussi, debout longuement tu demeures Rendant à ton miroir l'honneur que tu lui dois,
Et sur la cheminée un couple de Silènes Ecoutent lamenter au choc dur de tes doigts Une flûte captive au creux des porcelaines. | |
| vincent muselli (1879-1956). Revue "Les Marges". (mars 1914). |
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2 août 2009
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A la paresse Accablé de paresse et de mélancolie, Je rêve dans un lit où je suis fagoté, Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté, Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie. Là, sans me soucier des guerres d'Italie, Du comte Palatin, ni de sa royauté, Je consacre un bel hymne à cette oisiveté Où mon âme en langueur est comme ensevelie. Je trouve ce plaisir si doux et si charmant, Que je crois que les biens me viendront en dormant, Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine, Et hais tant le travail que, les yeux entrouverts, Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine Ais-je pu me résoudre à t'écrire ces vers. | |
Antoine de Saint-Amant, 1594-1661. La Suite des Oeuvres (1631).
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26 juillet 2009
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Sur la mort d'Henri IV Henri le Quatrième est étendu, frappé à mort, De la pire mort, reçue d'une main plébéienne; Lui qui rompit tant d'armées et versa sur les plaines Plus de sang que brassa d'onde l'humide Orion : Glorieux Français, chef illustre, Conducteur des armées, qui en vain De lys d'or, le cheveu déjà blanc, Et de sa garde royale allait ceint. La témérité ne craint pas les lances, La trahison trompe mille pensées, Un seul cheval grec brise les murs de Troie. Des archers se rit le couteau fatal; Ô, Espagne, Bellone des deux mondes, que fidèle t'honore, Et qu'armée te craigne la nation étrangère! | |
Luis de Gongora y Argote, 1561-1627. Les sonnets (1580-1623).
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19 juillet 2009
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L'automne des Canaries Voici les seuls coteaux, voici les seuls vallons Où Bacchus et Pomone ont établi leur gloire; Jamais le riche honneur de ce beau territoire Ne ressentit l'effort des rudes aquilons. Les figues, les muscats, les pêches, les melons Y couronnent ce dieu qui se délecte à boire; Et les nobles palmiers, sacrés à la victoire, S'y courbent sous des fruits qu'au miel nous égalons. Les cannes au doux suc, non dans les marécages, Mais sur les flancs de roche, y forment des bocages Dont l'or plein d'ambroisie éclate et monte aux cieux. L'orange en même jour y mûrit et boutonne, Et durant tous les mois on peut voir en ces lieux Le printemps et l'été confondus en l'automne. | |
Marc-Antoine de Saint-Amant, 1594-1661. Les Oeuvres, troisième partie (1649).
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28 juin 2009
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Rome Nouveau venu qui cherches Rome à Rome, Et rien de Rome en Rome n'aperçois, Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois, Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme. Vois quel orgueil, quelle ruine : et comme Celle qui mit le monde sous ses lois Pour dompter tout, se dompta quelquefois, Et devint proie au temps, qui tout consomme. Rome de Rome est le seul monument, Et Rome Rome a vaincu seulement. Le Tibre seul, qui vers la mer s'enfuit, Reste de Rome. Ô mondaine inconstance! Ce qui est ferme, est par le temps détruit, Et ce qui fuit, au temps fait résistance. | |
Joachim du Bellay, 1522 - 1560. Les Antiquités de Rome (1558). |
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7 juin 2009
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Les baleines Du temps qu'on allait encore aux baleines, si loin qu'ça faisait, mat'lot, pleurer nos belles, y avait sur chaque route un Jésus en croix, y avait des marquis couverts de dentelles, y avait la Sainte Vierge et y avait le Roi ! Du temps qu'on allait encore aux baleines, si loin qu'ça faisait, mat'lot, pleurer nos belles, y avait des marins qui avaient la foi, et des grands seigneurs qui crachaient sur elle, y avait la Sainte Vierge et y avait le Roi ! Eh bien! à présent, tout le monde est content, c'est pas pour dire, mat'lot, mais on est content ! ... y a plus de grands seigneurs ni d'Jésus qui tiennent, y a la république et y a l'président, et y a plus d'baleines ! | | |
Paul Fort, 1872-1960. Ballades françaises (1897).
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24 mai 2009
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Ordonnance pour un festin Pour nous soûler il nous faut des perdreaux, Force pluviers, et force cailleteaux; Mais à cela je veux faire la nique, Si nous n'avons la bisque magnifique A double front et triples chapiteaux. Que l'entremets paraisse des plus beaux, Suivi de fruits entassés à monceaux; Car il nous faut une chère Angélique Pour nous soûler. Nous y voulons contes, et mots nouveaux, Chansons, dizains, ballades et rondeaux, Et quand et quand excellente musique; Et plus que tout un broc de vin qui pique; Que dis-je, un broc? Il en faut des tonneaux Pour nous soûler. | |
Vincent Voiture, 1597-1648. Oeuvres (1650).
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