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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 08:45
 
 
provence
 
 
 
C'était sur un chemin crayeux
Trois châtes de Provence
Qui s'en allaient d'un pas qui danse
Le soleil dans les yeux.

Une enseigne, au bord de la route,
- Azur et jaune d'œuf, -
Annonçait : Vin de Châteauneuf,
Tonnelles, Casse-croûte.

Et, tandis que les suit trois fois
Leur ombre violette,
Noir pastou, sous la gloriette,
Toi, tu t'en fous : tu bois...

C'était trois châtes de Provence,
Des oliviers poudreux,
Et le mistral brûlant aux yeux
Dans un azur immense.
 
 
 
paul-jean toulet (1867-1920). Les Contrerimes (1921).
 
 
fleurs à jeanne d'arc
pour sa fête en mai
 
 
 
Du jardin où la fermière
Pleure en songeant à l'absent
Voici la rose première !
On dirait de la lumière,
Hélas, on dirait du sang.

Et puis voici des pensées:
De mon amie, en sa fleur,
Les prunelles nuancées
Que l'amour fait plus foncées
Avaient la même couleur.

Convient-il mieux à tes larmes
Le lis de candeur vêtu
Dont la France orna ses armes ?
Ah ! Le deuil même a ses charmes
Que couronne la vertu.
 
 
 
paul-jean toulet (1867-1920). Vers inédits (1936).
 
 
seychelles
 
 
 
Mahé des Seychelles, le soir :
Zette est sur son dimanche,
Et sous la mousseline blanche
Brille son mollet noire.

Les cases aux fraîches varangues
Bâillent le long des quais ;
Dans les branches d'un noir bosquet
Etincellent les mangues.

Tandis qu'en ses jardins fleuris
Mystérieuse et belle,
Rêve une pâle demoiselle
Aux chapeaux de Paris.
 
 
 
paul-jean toulet (1867-1920). Nouvelles Contrerimes (1936).
 
 

 
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11 juin 2011 6 11 /06 /juin /2011 22:53
Trois pièces de Robert Marteau    
 
Quelques mots sur Robert Marteau, mort le 15 mai dernier dans un silence presque complet et qui était pourtant un des grands poètes de sa génération. Pourquoi ce silence ? Est-ce parce que Marteau ne faisait partie d'aucun cercle, d'aucun cénacle, qu'il avait choisi de ne sacrifier à aucune mode ? Est-ce parce qu'il était né dans une de ces familles paysannes de l'Ouest et que son oeuvre, depuis Royaumes, Travaux sur la Terre jusqu'à son récent Temps ordinaire, parle d'une nature belle et proche et du travail qu'y font les hommes ? Est-ce parce que lui, presque autodidacte, savait faire vivre dans ses vers les dieux d'Eschyle et de Sophocle, le paysan d'Hésiode, la terre sèche de Giono et celle plus grasse des hommes de l'Atlantique, parce qu'il aimait les taureaux et leur mystère rouge et noire, les oiseaux et les arbres, parce qu'il parlait bien du Saint Laurent et des forêts du Canada ? Soucieux d'écrire clair et juste, Robert Marteau avait choisi de revenir à la forme classique du sonnet, peut être parce qu'elle donne à la poésie cette forme d'éternité et de plénitude qu'on trouve chez Pétrarque et, en France, chez Ronsard, Saint-Amant ou Mallarmé. Marteau cherchait derrière l'artifice de notre modernité le monde tel qu'il continue à être, son temps long, ses saisons fortes, le bruit des sources, le cortège des morts et la rumeur des antiques combats. Chrétien, il avait l'âme latine et grecque et ne dédaignait pas, tout comme nos renaissants, un certain hermétisme. Pour tout cela, il faut le découvrir ou le relire. 
E. C

 

MARTEAU (Robert)


 
Travaux pour un bûcher
(fragment)
 
Pour incendier le repaire ils feront de paille
Leur cheval de Troie et de leur dard ouvriront
Les volets humides des chambrières.
Ah - Astarté
Que le jasmin gagne ta chair insolente !
Ah, ce corps maculé de digitale
Qui empoorpre la verrière !
Déjà Byzance nous maquille,
Eteint la torche, empierre le bûcher,
Nous montre le tombeau la plus sûre galère;
Tandis que les mules qui ont tiré
Jusqu'ici les troncs urinent dans la poussière,
Tandis qu'à cheval on se dispute l'or,
Tandis que les marchands débattent du cubage,
Et que les bûcherons crachent le vin rouge;
Tandis que perle la résine aux blessures de l'aubier
Et que nous autres de nos capes nous chassons les buses
Qui font un dais sur le bûcher.
 
Les dieux sont immortels mais ils vivent masqués
Qu'ils changent de visage et nous croyons changée
Leur nature pourtant qui est surnaturelle
Puisqu'en Un ils sont trois et multiples de trois
Peuplent l'Olympe et le Nil les îles les bois.

  Travaux sur la terre. (1966).
 
C'est ce que j'aime...
 
C'est ce que j'aime : un tertre avec des cyprès; l'eau
Qui ruisselle sur la pierre d'un abreuvoir;
Des chevaux disséminés parmi les genêts;
Un chemin qui s'insinue entre l'herbe; un toit
De tuiles; une hirondelle accrochée au bord
De la génoise; un épouvantail que les pies
Prennent pour perchoir et que les geais vitupèrent.
C'est le premier matin de juin : le faisan
Salue, étonné du silence; un coup de vent
Fait parler le frêne, emportant un papillon
Sur les vagues de la prairie. A l'horizon,
Les montagnes s'appuient contre le bleu du ciel.
Une corneille en ramant se tient sur ses ailes;
Avertit de trois cris, et d'une croix contresigne.
 Louange. (1996).
 
Le houx est coupé...
 
Le houx est coupé. La symphorine a fleuri.
La valériane épanouit ses corymbes
Dans la haie où le ciel tombe en ajours, en voiles
Qui se déchirent dès que le soleil en armes
Miraculeusement inaugure un nouveau Règne.
C’est aussitôt que de leur bec armé
Les pics en tribus vous aident à déchiffrer
La mythologie au secret entre l’écorce
Et le liber. Clameur en forêt. À la porte
On crie : au parlement des oiseaux on n’est plus
D’accord. La chevêche est cachée au fond de l’arbre.
Sans elle on ne peut rien décider. La hulotte
S’est retirée avant l’aube. La buse tourne
Où la lune était. On a des soucis nouveaux.
Rites et offrandes. (2002).
 
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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 15:32
 
 
fête
 
 
 
Dans la cité des citronniers
Le jour où les reines entrèrent,
L'azur vert des paons familiers
Rouait au haut des belvédères.

Les baguettes des timbaliers
Sonnaient sur la peau des nacaires,
Le soleil faisait flamboyer
Les tromblons roux des trabucaires.

Les mules des litières closes
Foulaient dans la poussière rose
Des grenades sanguinolentes.

Et lorsque la nuit eut croulé
Sur la ville et ses blancs palais
Il plut des étoiles filantes.
 
 
 
léon vérane (1886-1954). Dans le jardin des lys (1917).
 
 
d’un soir à montparnasse
 
 
 
Chabaneix, vous souvenez-vous
De la gargote à Montparnasse,
De ces flacons de vin d’Anjou,
De cette maritorne grasse.

Et de ces Bretons aux yeux bleus
Qui lampaient le cidre et la fine
En évoquant des soirs pompeux
Sur le Gange et les mers de Chine ?

La fuite des autos dehors
Vibrait du long cri des sirènes
Et les trottoirs monnayait l’or
Du gaz et de l’acétylène.

Nous nous citions Ronsard, Catulle,
Tristan, Théophile et Villon.
Et le mastroquet ridicule
Prenait un faux air d’Apollon.

Reverrons-nous un soir semblable,
Philippe en quelque cabaret,
Ivres, les coudes sur la table,
Tels Saint-Amant avec Faret ?

Et le signe clair de la Lyre
Fera-t-il encor, indulgent,
Luire sur notre beau délire
Vingt et une étoiles d’argent ?
 
 
 
léon vérane (1886-1954). Images au jardin (1921).
 
 
cerf en automne
 
 
 
Pour Tristan Derème.

Ce matin où nul cor ne corne
Aux forêts d'or mort décorées
L'automne somptueux et morne
A toutes feuilles essorées.

Et la perspective dorée
Toute en la courbe de ses cornes
Le cerf apparaît à l'orée
De la solitude qu'il orne.
 
 
 
léon vérane (1886-1954). Le Livre des passe-temps (1930).
 
 

 
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29 mai 2011 7 29 /05 /mai /2011 09:53
Soirs d'été   
 
Vois, c'est déjà le soir. Notre table est dressée
Dans le jardin, avec ses assiettes de fruits,
Et les insectes d’or l’entourent de leurs bruits
Et les derniers rayons du soir l’ont caressée.
 
Les grands magnolias répandent leurs odeurs.
Sous leurs rameaux luisants, jusqu'au sol qui [l'accueille,
L'eau qu'on vient de lancer, coule de feuille en feuille.
Le soleil, en mourant, baigne encore leurs fleurs.
 
Au delà du jardin où la terre s'incline,
Avec ses champs abrupts et ses bosquets de pins,
Dans le silence, ainsi qu'un grand autel divin
Où brûlent des flambeaux, s'élève la colline.
 
Le chant de la fontaine emplit la paix du soir.
La lumière s'éteint aux briques scintillantes,
Sous les légers rameaux de roses odorantes.
Auprès de ses bassins monte un grand laurier noir.
 
Voici venir la soupe aux mains de la servante.
Nous allons nous asseoir sous les branchages bleus
Et manger dans le silence religieux,
Le pain coupé par toi sur la nappe brillante.
 
Le vent est tiède ; on sent venir les nuits d’été.
Ton beau geste, ô ma mère, a fait resplendir l'heure.
Le soir est rayonnant et la vieille demeure
Luit dans l’ombre qui croît avec sérénité»

 

RIEDER (Marcel) Soirée romantique

 
Marc Lafarge. (1876-1927), L'Age d'or. (1903)
 
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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 09:53
La grande ivresse
                                                                                                                                      
Par les nuits d’été bleues où chantent les cigales,
Dieu verse sur la France une coupe d'étoiles.
Le vent porte à ma lèvre un goût du ciel d'été !
Je veux boire à l'espace fraichement argenté.

L'air du soir est pour moi le bord de la coupe froide
Où, les yeux mi-fermés et la bouche goulue,
Je bois, comme le jus pressé d'une grenade,
La fraîcheur étoilée qui se répand des nues.

Couché sur un gazon dont l'herbe est encor chaude
De s'être prélassée sous l'haleine du jour,
Oh ! que je viderais, ce soir, avec amour,
La coupe immense et bleue où le firmament rôde !

Suis-je Bacchus ou Pan ? je m'enivre d'espace,
Et j’apaise ma fièvre à la fraîcheur des nuits.
La bouche ouverte au ciel où grelottent les astres,
Que le ciel coule en moi ! que je me fonde en lui!

Enivrés par l'espace et les cieux étoilés,
Byron et Lamartine, Hugo, Shelley sont morts.
L'espace est toujours là; il coule illimité;
A peine ivre il m'emporte, et j'avais soif encore !

 

MATISSE (Henri)-copie-2 

 
Paul Fort. (1872-1960), Ballades françaises. (1897-1960)
 
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7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 22:00
Le poème à la France
 
Toi qui, dans la tourmente et les calamités
Vainquis par la santé de ton libre génie,
Tu tires de ton sol une force infinie,
O France, dans le luxe et la sérénité.

Tu sais ce que tu vaux, Nation immortelle,
La dernière à quitter les vieilles vérités,
La première à goûter les vérités nouvelles,
0 France, douce aux cœurs épris d'humanité

Jadis, t'en souviens-tu, dans l'ombre, côte à côte,
Et dans le sein de Rome, impatients d'agir,
Nos deux peuples, pressés de sculpter l'avenir,
Appelaient, anxieux, les tâches les plus hautes.

Tous deux, forgeant la vie et modelant le sort,
Remuant l'univers jusqu'à ce qu'il fût nôtre,
Nous allions, nous barrant la route l'un à l'autre,
Et les peuples étaient conquis par notre effort.

Et nous avons rempli les océans d'orages,
Pénétré, violents, dans les mondes nouveaux,
La main au glaive et le cœur plein d'un fier courage,
Certains d'être toujours de solides rivaux,
Nous avons parcouru les mers, franchi les âges!

Vous ne reculiez pas. Nous ne reculions pas.
Dites un coin du ciel qui n'ait pas vu nos luttes !
D'autres races, en vain, nous ont tendu les bras;
Toujours nous retournions à nos saintes disputes.

Émules animés d'une pareille ardeur,
Nous aimions la beauté de nos vertus égales,
Le mystère, la crainte et les forces fatales
Quel combat nous eût faits plus riches en honneur!

Nos légions s'arrachaient, comme un suprême hommage
Un cri d'admiration jailli du fond des cœurs.
Nous nous versions ce vin de fureur et de rage
Du sang, des larmes, de l'espoir, de la terreur!
Tout ce qui fait l'éclat féroce de la vie,
Tout ce qui la colore et qui la magnifie
Ah! nous avons vécu splendidement, ma Sœur

Accouplés maintenant sous les mêmes pensées,
Riant de nos griefs et des joutes passées,
Nous pardonnant, tout bas l'inlavable péché
Commis, jadis, sur cette place du Marché
De Rouen, nous allons vers l'Avenir penchés,
Et regardons monter les heures annoncées!

Nous écoutons monter les nouvelles années,
Grosses de plus d'éclairs, de cris et de rumeurs
Que n'en lançaient, jadis, nos foules déchaînées.
Aujourd'hui, nous rangeons en masses nos armées,
Et, narguant le pirate, alignons nos croiseurs!

Nous avons ferraillé, mais pour mieux nous connaître
Dans l'étreinte crispée, et les yeux dans les yeux.
Est-il au monde un jeu plus fier et plus joyeux!
A ce rude contact, les âmes se pénètrent!

Quel sang, quel fer pourraient séparer maintenant,
Ceux qui, cent fois, se sont prouvé même vaillance,
Depuis les temps où résonnait, dans la balance
De Rome, le poignard de Brennus insolent?

Nos cœurs se sont trempés dans l'airain de la guerre.
Demain, ma sœur, sous les lauriers ensanglantés,
Libres dans notre force et notre rareté,
Nous donnerons la Paix adorable à la terre!

Toi qui, dans la tourmente et les calamités
Vainquis par la santé de ton libre génie,
Tu tires de ton sol une force infinie,
O France, dans le luxe et la sérénité.

Tu sais ce que tu vaux, Nation immortelle,
La dernière à quitter les vieilles vérités,
La première à goûter les vérités nouvelles,
0 France, douce aux cœurs épris d'humanité.

 

Jeanne-d-Arc-copie-1.jpg

 

 
Rudyard Kiplng. (1865-1936), adaptation de José de Bérys. (1917)
 
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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 22:11
Franc-Nohain
(1872-1934)
 
Maurice Antoine Legrand, dit Franc-Nohain, nait le 25 octobre 1872 à Corbigny (Nièvre), dans une famille modeste (son père est agent-voyer). Brillant élève, il fait ses études au lycée Janson-de-Sailly, où il se lie d'amitié avec André Gide et Pierre Louys. Avocat, sous-préfet, écrivain, librettiste, poète, il publie ses premiers vers dans la revue Le Chat noir. Il écrit de nombreux livrets d'opérettes, dont celles de Claude Terrasse, et notamment le livret de L'Heure Espagnole de Maurice Ravel. Marié avec l'illustratrice Marie-Madeleine Dauphin, il a deux fils, l'animateur Jean-Nohain et le comédien Claude Dauphin. Franc-Nohain fonde la revue Le Canard Sauvage, puis prend la direction du quotidien L'Echo de Paris. Il meurt le 18 octobre 1934 à Paris. 
Plein de verve, de trouvailles charmantes, de diversité, Franc-Nohain sait extraire du quotidien, celui qui tente Courteline et que métamorphose Cami, des réjouissances subtiles. Selon Henri Clouard, son pseudonyme littéraire est devenu synonyme de raillerie flegmatique et de cocasserie bonhomme : "Il s'était forgé, sous l'influence de Banville, de Glatigny et des décadents, mais aussi par instinct personnel et par nécessité d'un genre, ce vers irrégulier sinon libre, assonancé, narquois dans ses enjambements, qui devait faire merveille au service de ses jeux d'esprit".  
 
Flutes (Editions de la Revue Blanche, 1898). - Chansons des Trains et des Gares (Editions de la Revue Blanche, 1900). - Le Dimanche en famille (Juven, 1902). - Fables (1921). - Le Kiosque à Musique (Edition Charpentier, 1922). - Nouvelles Fables (La Renaissance du Livre, 1927). - Poèmes amorphes (Jean-Jacques Pauvert, 1969).  
Bibliographie : Henri Clouard, Histoire de la littérature française, du symbolisme à nos jours (Albin Michel, 1947). – Robert Sabatier, Histoire de la poésie française, la poésie du XXe siècle (Albin Michel, 1982). 
 
 
Le triangle orgueilleux
 
Le triangle orgueilleux a dit :
- Je suis symbole de science,
C'est en m'étudiant que le savant pâlit. -

Le triangle orgueilleux a dit :
- Je suis symbole d'harmonie,
Et ma voix argentine à l'orchestre s'unit. -

Le triangle orgueilleux a dit :
- Je rayonne au fronton des temples,
Et c'est en mon milieu que l’œil de Dieu luit. -

Mais voici dans les cieux une voix qui s'écrie :
- Toi qui te dis Science et te dis Harmonie,
Qui t'égales aux Dieux en d'insolents discours,

0 Superbe, courbe la tête :
Tu ne seras jamais la roue de la bicyclette
Avec laquelle on va jusqu'à Saint-Pétersbourg.
 
     
 
Franc-Nohain (1872-1934). Flûtes (1898).
 
 
Chanson française
 
Faisons ripaille et largesses,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Vive la France aux Français,
Bouillabaisse et Cassoulet !

France, ô pays d'allégresse.
Cassoulet et Bouillabaisse,
Chaque province a son mets.
Bouillabaisse et Cassoulet!

A nous, poulardes de Bresse,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et pâtés de Pithiviers,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Dans nos prés les gigots paissent,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et les boudins guillerets,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Sous les ramures épaisses,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Voyez courir les civets,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Pour la pêche, que l'on tresse,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Miraculeux, des filets.
Bouillabaisse et Cassoulet !

Les arbres fruitiers se baissent,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et se cassent sous le faix,
Bouillabaisse et Cassoulet!

Les noisettes et les fraises.
Cassoulet et Bouillabaisse,
S'offrent au coin des forêls,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Et dans les champs, sous les herses,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Jaillit la vigueur des blés,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Paradis des abbesses.
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et des prieurs grassouillets,
Bouillabaîfese et Cassoulet !

Les ventres se gonflent d'aise,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Le panache est un plumet.
Bouillabaisse et Cassoulet !

Notre chair est en liesse
Cassoulet et Bouillabaisse,
Notre esprit est en gaité.
Bouillabaisse et Cassoulet :

Faisons ripaille et largesses,
Cassoulet et Bouillabaisse
Vive la France aux Français,
Bouillabaisse et Cassoulet !
 
     
 
Franc-Nohain (1872-1934). La nouvelle cuisine bourgeoise (1900).
   
 

corbeille-de-fruits.jpg

 
 
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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 09:53
Stances
                                                                                                                                      
Ô ciel aérien inondé de lumière,
Des golfes de là-bas cercle puissant et pur,
Immobile fumée au toit de la chaumière,
Noirs cyprès découpés sur un rideau d'azur;

Oliviers du Césiphe, harmonieux feuillages
Que l'esprit de Sophocle agite avec le vent ;
Temples, marbres brisés, qui, malgré tant d'outrages,  
Seuls gardez dans vos trous tout l'avenir levant;

Parnès, Hymette fier qui, repoussant les ombres,
Retiens encor le jour sur tes flancs enflammés;
Monts, arbres, horizons, beaux rivages, décombres,
Quand je vous ai revus, je vous ai bien aimés.
MARILHAT Prosper L'erechtéion
 
Jean Moréas. (1856-1910), Les Stances. (1899-1901)
 
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10 avril 2011 7 10 /04 /avril /2011 09:53
Vers les yeux des sirènes
 
Qu'on déserte la ville! que nul rallume
L'autel ! nous laisserons à tout jamais, ce soir,
Les dieux horribles de la terre, et dans le noir
Nous partirons, suivis par un frisson d'écume...

La nef impérieuse à travers l'amertume
Bondira, tranchant l'eau du fil de son coupoir
Et nous nous pencherons sur la proue, à l'espoir
De vos terribles voix, déesses de la brume!

Grands poissons glauques d'où fleurissent des corps blancs,
Nus miroirs de la lune et des flots nonchalants,
Vous qui chantez vos yeux dans les algues, Sirènes!

Quand nous aurons touché vos bouches, vous pourrez,
D'un signe seulement de vos doigts adorés,
Délivrer dans la mort nos âmes plus sereines.
 
COCTEAU-Jean-Ulysse-et-les-sirenes-copie-2.jpg
 
Pierre Louÿs. (1870-1925), Poésies. (1927)
 
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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 09:53
Invitation
                                                                                                                                                 
Je ne vous offre pas d'immenses étendues,
Ni l'héroïque assaut des sapins noirs et fiers
Contre les cimes défendues
Par l'avalanche et les éclairs.

Je ne vous offre pas les innombrables ondes
De la mer, son parfum, ses îles, ses vaisseaux,
Ni même entre des rives blondes
Un petit lac plein de roseaux.

je ne vous offre pas des remparts gigantesques,
Un château dont les tours semblent porter les cieux,
Des salles brillantes de fresques,
Un parc où survivent des dieux.

Je ne vous offre pas, désinvolte et cambrée
La danse aux gais conseils et ses regards trop beaux,
Ni la chasse et l'âpre curée
A la lumière des flambeaux.

Je vous offre un ciel pur, des collines joyeuses
Entourant de leur ronde un vignoble vermeil
Et sous sa couronne d'yeuses
Un toit se riant du soleil.

Je vous offre un ruisseau dont l’ondine farouche
A fui l'œil trop ardent de l'amoureux été,
Mais, au creux profond de sa couche,
L'ombre dort et la volupté.

Je vous offre le geai, le merle et la fauvette,
La cigale du pin, le grillon des guérets,
La pie, oscillante navette
Sur la quenouille du cyprès.

Je vous offre le jour, la nuit, les fleurs, la gerbe
Des étoiles, le vent, la musique des joncs
Et je vous offre parmi l'herbe
Le tendre exemple des pigeons.
   
ARNOLD Cyprès-copie-3
 
Lionel des Rieux. (1870-1915, mort pour la France), Vers et prose. (1906)
 
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N°1 - 2009/01
 
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