Contrairement à nos prévisions, les sénateurs tchèques ont ratifié dans l'urgence, jeudi 7 mai dernier, le traité de Lisbonne. Le contexte intérieur à la République tchèque, dominé par la chute du gouvernement libéral de M. Topolanek en pleine présidence de l'Union, a beaucoup joué dans cette adoption confuse. "Nous ne pouvions pas nous permettre une nouvelle honte", a déclaré le Premier ministre démissionnaire à l'ouverture des débats. Et c'est en effet une sorte de "sauve qui peut parlementaire" qui aura conduit une partie de l'ancienne majorité libérale, pourtant très réticente au traité, à joindre ses voix à celles des sociaux-démocrates. En aucune façon un vote d'adhésion.
Le Président Sarkozy s'est empressé de saluer une "étape importante dans la mise en oeuvre de l'engagement pris par les 27 en décembre dernier de tout faire pour permettre à ce traité d'entrer en vigueur avant la fin de l'année 2009". On sent implicitement de la fébrilité dans ce message qui conclut en faisant appel au civisme "européen" des Irlandais.
Conclusion sans doute un peu rapide. En premier lieu, le processus de ratification tchèque est loin d'être achevé. Le texte doit encore être signé par le tonitruant président tchèque, Vaclav Klaus, eurosceptique militant, qui encourage en sous-main ses amis parlementaires à saisir la Cour constitutionnelle et à susciter de nouveaux obstacles, cette fois juridiques, à la ratification. Il est peu probable que M. Klaus appose sa signature sur le traité, tant que les résultats du référendum irlandais ne seront pas connus. Ce qui nous fait glisser doucement vers l'automne.
Le référendum irlandais est, lui même, loin d'être gagné. Si les derniers sondages donnent encore un avantage au "oui", l'écart s'est beaucoup réduit depuis quelques semaines et la "purge" économique que le gouvernement du Fianna Fail fait subir à l'économie irlandaise, au nom des critères de convergence européens, n'est pas pour rendre le traité plus populaire. Dublin vient d'exiger de ses partenaires européens la confirmation des garanties qu'il prétend avoir obtenu (respect de la neutralité irlandaise, non ratification du droit à l'avortement...), en échange de son appui à Lisbonne, mais cette confirmation tarde à venir. Viendra-t-elle ?
Sur les autres fronts, rien de nouveau. En Pologne, le Président Lech Kaczynski se fait toujours tirer l'oreille pour parapher un texte que la diète polonaise a pourtant ratifié il y a plus d'un an. Même chose en Allemagne, où la Cour constitutionnelle, saisie en février, tarde à se prononcer pour ouvrir la voie d'une approbation rapide.
La divine surprise viendra-t-elle des Britanniques ? On sait que le chef des Tories, David Cameron, a annoncé qu'il soumettrait le traité à référendum s'il arrivait au pouvoir. Le résultat de cette consultation ne fait guère de doute, le mécontentement de nos amis anglais à l'encontre des institutions européennes allant grandissant. Quant à la perspective d'une arrivée au pouvoir des conservateurs, elle prend de l'ampleur. M. Cameron tient la corde pour les prochaines municipales, prévues le 4 juin, avec près de 20 points d'avance sur les travaillistes, et le gouvernement Brown ne tient plus qu'à un cheveu. Si sa chute devait avoir lieu d'ici la fin de l'année 2009, c'en serait sans doute fini du Mauvais Traité. D'ici là, patience!
Vincent Lebreton.