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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 22:40
 

Refaire les Lumières ?

La revue Esprit a placé son dernier numéro [1] sous un thème accrocheur, "Refaire les Lumières?", et une revue comme la nôtre ne pouvait que saisir la balle au bond. Michaël Foessel, dans une longue introduction, s'interroge sur l'actualité de la pensée rationaliste face aux discours alternatifs de toutes sortes qui assaillent aujourd'hui nos sociétés :

Osons une hypothèse: les actualisations des Lumières sont aujourd'hui plus qu'hier, confrontées à un défi que, faute de mieux, on peut qualifier d'anthropologique. C'est un truisme de le dire: l'homme des Lumières n'est pas l'homme contemporain. Européen, masculin, confiant dans les pouvoirs de l'entendement et les progrès conjoints  de la morale et de la scienceo, l'intellectuel des Lumières pouvait encore entrevoir le monde à venir comme une extension heureuse des principes qu'il incarnait. C'est du sol européen lui-même que sont venus les premiers démentis : nationalismes du XIXe siècle, totalitarismes et guerres mondiales au siècle suivant, doutes sur les bienfaits des progrès de la science durant toute la période. Mais, aujourd'hui, "l'homme des Lumières" voit ses prétentions à représenter l'universel remises en cause par la montée en puissance de modèles alternatifs, qu'ils soient liés à la promotion de l'homme économique, individualiste et calculateur, ou aux exigences de nouvelles solidarités communautaires, religieuses ou politiques.

Ces critiques ne sont pas nouvelles et on n'a pas attendu l'homme contemporain pour exercer un droit d'inventaire sur le corpus philosophique du XVIIIe siècle. Le dossier d'Esprit, présenté d'ailleurs très honnêtement, montre que le premier de ces esprits critiques, c'est Rousseau lui-même, qui reproche aux Lumières de faire une place trop belle à l'homme au détriment de la nature et d'ignorer délibérément le rôle de l'affect, des passions dans le développement humain. Mais la critique la plus forte est portée par Joseph de Maistre parce qu'il s'attaque moins aux idées des Lumières qu'à leurs conséquences directes et visibles:

Il faut pour Maistre, juger la philosophie des Lumières à ses fruits, et ces fruits sont amers puisqu'elle à produit la Terreur : " que m'importe que, durant l'épouvantable tyrannie qui a pesé sur la France, les philosophes, tremblant pour leurs têtes, se soient renfermés dans une solitude prudente? Dès qu'ils ont posé des maximes capables d'enfanter tous les crimes, ces crimes sont leur ouvrage, puisque les criminels sont leurs disciples". De Voltaire et Rousseau à Carrier et Collot d'Herbois, la conséquence est à ses yeux bonne et directe. après Burke, il considère que la Terreur ne procède pas de circonstances tragiques ou d'une dérive malheureuse, mais résulte nécessairement du philosophisme.

Comment le débat se présente-t-il aujourd'hui? Michaël Foessel a raison de rappeller que derrière les Lumières, on trouve un désir de rupture qui va bien au-delà des oppositions classiques entre religion et rationalisme ou entre absolutisme et démocratie:

A l'inverse de la Renaissance, les Lumières se sont historiquement constituées contre l'idée d'héritage, avec tout ce que celle-ci suggère de soumission à l'autorité du passé et de révérence à l'égard de la tradition. En privilégiant l'invention  et la rupture plutôt que la continuité et la répétition, les Lumières désignent un geste irréductible à un ensemble de thèses qu'il s'agirait simplement de réaménager dans le présent. Sapere aude ! ("Aie le courage de te servir de ton propre entendement!"): l'injonction héroïque de Kant relève plus du "dire" que du "dit". Elle définit les Lumières négativement comme un processus d'arrachement à un passé d'hétéronomie dont les suggestions normatives doivent au moins être mises en suspens.

Rien d'étonnant donc à ce que l'on voit apparaître aujourd'hui plusieurs types, ou familles de positionnement vis à vis de ce que Maistre appelait le philosophisme. Ceux qui, conscients des critiques qui peuvent émaner de certains jugements de l'Histoire (Révolution française, communisme, colonialisme...), cherchent à "immuniser les Lumières", à les mettre en quelque sorte à l'abri de leurs traductions historiques; Jürgen Habermas chemine dans cette perspective et, avec lui, ceux qui veulent "tenir les promesses non tenues de la modernité", c'est à dire  poursuivre, en le corrigeant, le mouvement de rupture né de l'Encyclopédie.  Et ceux qui refusent, pour des raisons diverses, de considérer que ce mouvement coïncide seul avec l'avenir de l'humanité. C'est au sein des religions, et dans un contexte fortement marqué par le "retour du religieux", que cette perspective s'exprime le plus nettement. En ce qui concerne l'Islam, les choses sont particulièrement claires :

En appeler aux Lumières de l'islam, soutenir que l'islam a besoin des lumières, c'est tenir un discours édifiant. Or, on sait, depuis Hegel, ce que valent les discours édifiants [...] Les catégories des Lumières sont inadéquates aussi bien pour comprendre l'islam que pour créer un "bouger" dans ses principes. S'il y a une religion qui résiste tout particulièrement à la manière de pensée des Lumières, c'est précisément l'islam. La formule kantienne, qui veut que l'on cherche la suprême pierre de touche de la vérité en soi-même, est irrecevable pour un philosophe de l'islam, pour qui la norme de la vérité est autre.

Et elles semblent l'être également du côté du christianisme, comme on a pu le voir dans les déclarations de Benoît XVI a Ratisbonne, où celui-ci se référe, lorsqu'il parle de l'universalité de la raison, à la raison traditionnelle, celle du Beau, du Bien et du Vrai platonicien, et non à la raison critique qui naît avec les Lumières. Ce procès des Lumières est aussi mené au sein du judaïsme  où, avec des personnalités comme Benny Lévy ou Jean Claude Milner, on assiste à un retour à la tradition. Doit-t-on aller jusqu'à "considérer que les Lumières ont été un moment historique, une figure indépassable de l'esprit et une vérité constructive du destin de l'Occident?." Cette vision n'est en tout cas plus tabou au sein des grandes religions monothéismes et des courants de pensée qui les accompagnent aujourd'hui.

Saluons la qualité de ce dossier d'Esprit et la volonté de ses auteurs d'agir avec prudence, par touches successives, sans brusquer un sujet qui reste évidemment sensible. En rouvrant le débat des Lumières, cette revue renoue d'ailleurs avec ses sources. Emmanuel Mounier et ses jeunes amis n'avaient pas beaucoup d'indulgence dans les années 1930, lorsqu'est née l'aventure d'Esprit, pour les nuées du philosophisme. En témoigne cette citation, tirée d'une livraison de 1934, qui souligne l'opposition entre l'homme abstrait, fondement des Lumières, et "l'homme réel", figure de l'homme moderne que le personnalisme de l'époque cherchait à promouvoir.

Notre siècle opposera au concept de citoyen celui de producteur, à l'homme abstrait et juridique l'homme réel. La crise actuelle est avant tout une crise d'adaptation. Les institutions ne correspondent plus aux faits.  [...] Dans toutes les démocraties, qu'elles soient donc républicaines ou monarchiques, le même problème se pose, qui est celui, non pas de la destruction de cette démocratie libérale et parlementaire, mais de son dépassement ou, si l'on veut, de son remplacement par une démocratie non plus seulement politique, mais politico-économique avec des institutions syndicalistes ou corporatives obligatoires qui substitueront le citoyen au producteur, à l'individu la collectivité, à l'homme abstrait des Encyclopédistes et de la Révolution française l'homme concret de la Révolution industrielle, en bref, l'homme qui n'a pas seulement une opinion mais aussi et surtout un métier, une région, une Patrie. [2]

On nous annonce que le prochain numéro d'Esprit portera sur l'héritage de 1789. Nous y serons évidemment très attentifs !

 

Figures pour notre temps.

Le Magazine littéraire, qui s'enrichit numéro après numéro, sous la houlette intelligente et attentive de Joseph Macé-Scaron, est en passe de devenir une de nos belles revues de référence. Signalons tout particulièrement sa livraison de l'été, datée juillet-août, qui nous propose des vacances à la fois charmantes et studieuses. Le dossier thématique sur les "haines d'écrivains" est une plongée dans un océan de vacheries. Maurras avait (une fois de plus!) raison lorsqu'il disait, à l'attention spéciale de Claudel, que la littérature rajoute à la méchanceté naturelle de l'homme.

Pour vous en convaincre, jetez-vous sur le petit florilège de mots d'écrivains qui conclut le numéro. J'en extrais deux citations qui se répondent presque. De Mauriac, qui n'a pas usurpé sa réputation de vieille punaise de bénitier : " Que Dieu préfère les imbéciles, c'est un bruit que les imbéciles font courir depuis dix-neuf siècles". Et de Bernanos, presque du tac au tac:  "Le jour où je n'aurai plus que mes fesses pour penser, j'irai les asseoir à l'Académie".

Venons en maintenant à plus sérieux. Avec d'abord un grand entretien du mois consacré à Régis Debray. Nous reviendrons plus complètement à la rentrée sur le dernier-né de Debray, ce livre-fleuve intitulé Le Moment  fraternité  [3]. Un grand livre, qui nous charme pendant des pages entières, après nous avoir irrité pendant un nombre de pages au moins aussi grand. L'auteur a pour lui de parfaitement comprendre l'âme française, petite chose subtile qui sait de temps à autre faire bouger les montagnes. Il a aussi pris de l'épaisseur. C'est un Debray moins engoncé dans son personnage, moins poseur, qui peut aujourd'hui prendre du champ avec la mystique républicaine :

J'en suis revenu, en partie. Non que le clivage entre démocrates et républicains soit idiot. Il ne m'a jamais paru aussi actuel, et nécessaire. (...) On a amalgamé sous l'englobant vague de démocratie deux trajectoires historiques très distinctes : la trajectoire française et la trajectoire américaine. Mais enfin...Il m'arrive d'envier le sentiment d'adhésion religieuse qui fait la cohésion des Etats-Unis. La fierté d'appartenance à la Manifest Destiny, le "One nation under God" qui construit en ordonnées l'américanité.

Et même aller jusqu'à dire :

Pour filer la métaphore géométrique, notre appartenance républicaine se déploie dans la seule dimension de l'horizontalité. Elle a décroché de la Providence dès qu'on a coupé la tête du roi, lieutenant de Dieu sur terre. On n'est plus qu'en abscisse. D'où la religion républicaine du progrès - un peu mince.

On appréciera également la finesse du jugement de Debray sur Malraux et sa prémonition quant au retour du Religieux :

Disons qu'il a senti que, lorsqu'une appartenance s'efface, par exemple nationale ou partidaire, une autre, qu'elle soit ethnique ou confessionnelle, prend automatiquement sa  place. Chaque fois qu'un lieu de naissance disparaît, qu'une circonscription est gommée, il y a déboussolement, car, pour savoir où l'on va, il faut savoir d'où l'on vient. L'extraordinaire arasement des héritages culturels auquel on a assisté depuis cinquante ans a produit presque mécaniquement la remontée des identités héréditaires.

Malraux précisément qui est l'autre belle surprise de cette livraison du Magazine littéraire. Avec en premier lieu le récit émouvant du dernier voyage de l'écrivain, en 1975 à Haïti, pour y rencontrer un groupe de peintres naïfs, inspirés par le vaudou. Et surtout la retranscription d'un entretien magique avec Jean-Marie Drot. Nous sommes en 1976, quelques mois avant sa mort, et Malraux l'agnostique revient sur ce sentiment, au fur et à mesure plus clair, qui a dicté sa "conversion" au monde de l'art :

Je crois que nous ne pouvons réfléchir sérieusement sur l'art, à notre époque, que comme une problématique. Or les autres problématiques ont tout de même un lien, mais aussi une faiblesse: c'est que les autres problématiques ne sont pas accompagnées d'une présence. N'importe quelle problématique religieuse relève de la foi donnée ou du dogme, comme vous voudrez. Mais la problématique de l'art dépasse son élément proprement historique, à savoir : la statue égyptienne ne nous dit pas ce qu'elle voulait dire à un Egyptien, mais il est certain qu'elle nous parle. Alors là, l'art représente pour moi quelque chose de tout à fait exceptionnel dans les problématiques de notre temps.

L'entretien se conclut sur une formidable profession de foi de Malraux dans le rôle culturel de la télévision, le seul Musée imaginaire possible, selon lui. On sent qu'il a raison, mais que le temps ne joue pas actuellement pour cette raison là. Mais patience, le XXIème siècle - qui sera d'évidence religieux pour Malraux comme pour Debray - ne fait que commencer.

paul gilbert.  

 

[1]. Esprit, Refaire les Lumières, août-septembre 2009

[2]. Aldo Dami. Esprit, n°21 et 22, juin et juillet 1934

[3]. Régis Debray, Le Moment fraternité. (Gallimard, 2009).

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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 20:50
Le siècle                
de Proudhon       
     





A l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Pierre-Joseph Proudhon, l'université de Franche Comté et la ville de Besançon organisent un grand colloque, du 15 au 17 Octobre, sur le thème "Le siècle de Proudhon, hier et aujourd'hui". Cette manifestation réunira de nombreux experts français et internationaux de l'oeuvre de Proudhon, ainsi que des acteurs  récents du mouvement ouvrier, comme Charles Piaget, qui fut un des animateurs du mouvement des "Lip". Nous recommandons à nos lecteurs et amis, qui résident ou qui seraient de passage en Franche Comté, de participer à ce moment exceptionnel d'échanges autour d'une pensée pour notre temps.



Colloque "Le siècle de Proudhon : hier et aujourd’hui"
Histoire et actualité de Proudhon à l’occasion du bicentenaire de sa naissance
15-16 octobre : Opéra-théâtre de Besançon,17 octobre : Petit Kursaal

Organisation: Université de Franche-Comté,  Laboratoire de Recherches philosophiques sur les sciences de l'action.  Tél. (0033/0) 3 81 66 54 43

 

L'oeuvre de Pierre-Joseph Proudhon, le penseur socialiste français le plus important du XIXe siècle, est méconnue. Elle a été rejetée dans l'ombre par l'emprise du marxisme qui a triomphé intellectuellement et pratiquement après la deuxième guerre mondiale. Ainsi en est-on arrivé à oublier toutes les formes de conception du socialisme qui existaient avant lui. La fin de l'Union Soviétique et la chute du mur de Berlin conduisent au moins à observer qu'il n'y a pas de nécessité à n'admettre comme conception du socialisme que celle venue de Marx et d'Engels. A un moment où la pensée socialiste dans le monde entier est en interrogation et en recherche, au moment où le modèle économique du libre-échange semble à la fois triompher sans partage et être pris en des convulsions inquiétantes qui paraissent même mettre l'économie mondiale en danger tout en laissant nombre d'êtres humains dans la misère, il vaut la peine de redécouvrir les racines du socialisme dans une époque antérieure au XXe siècle.

En ce qui concerne plus précisément l'histoire française, Karl Marx n'était qu'à peine une référence politique avant la fin du XIXe siècle. Au moment de la Commune de Paris, le représentant le plus connu et le théoricien le plus lu des idées socialistes était Pierre-Joseph Proudhon. A la fois philosophe, économiste, journaliste et homme politique, Proudhon était l'une des figures les plus célèbres de la révolution de 1848. Il était aussi vu comme l'un des principaux opposants à la politique intérieure et extérieure de Napoléon III. Inclassable, il n'hésitait pas à s'en prendre à ses contemporains, de gauche comme de droite, en toute indépendance de pensée, ce qui fit d'ailleurs qu'à sa mort, tout le monde put croire pouvoir le ranger dans son camp, alors que s'il était bel et bien socialiste, il n'avait justement pas un dogmatisme en lequel définitivement se camper.

Proudhon pense que la concurrence est en économie une nécessité indépassable, et que sa régulation, doublée de l'action des associations, pourra permettre une vie libre et digne pour chaque être humain. Autodidacte, ouvrier longtemps, très prolixe, sa pensée peut apparaître souvent brouillonne, il reste qu’elle a influencé au moins un siècle de socialisme, qu'il fut célèbre dans toute l'Europe, que Tolstoï, Nietzsche, Péguy, Sartre le citent avec considération, et que Georges Gurvitch disait de lui qu'il était « le plus grand sociologue français ».
La ville de Besançon, sa ville natale, le Conseil Général du Doubs, la Maison des Sciences de l'Homme et de l'Environnement Claude Nicoals Ledoux et l'Université de Franche-Comté, rendent hommage à la mémoire de cet homme attaché à sa région, même s'il la critiqua parfois, à l'occasion du bicentenaire de sa naissance, en un colloque dont l'objet est de s'interroger sur les divers aspects de sa pensée en montrant sa réelle logique sous le foisonnement, mais aussi sur la forme de reprise qui pourrait être faite de cette pensée aujourd'hui relativement à la quête d'une redéfinition de la citoyenneté.


Programme

Jeudi 15 octobre :

8h45. - Ouverture du colloque.
M. le Maire de Besançon, M. Le Président de l’Université de Franche-Comté

9h15–9h30. -  Présentation du colloque.
Hervé Touboul, Maître de conférences en philosophie à l'Université de Franche-Comté

Président : M. Antonio Gonzalès, Doyen de la Faculté des Lettres
9h30-10h. -  Proudhon, critique du chemin de fer.
Georges Ribeill, Professeur à l'Université de Marne la Vallée
10h15-10h45. -  Le proudhonisme et les ouvriers militants du bureau parisien de la 1ère Internationale au Second Empire.
Bruno Scacciatelli, ATER en sociologie à l’Université de Picardie, membre du comité de rédaction de la revue Les Mondes du travail
11h15 – 11h45. -  Une affaire de raison.
Georges Navet, Professeur de philosophie, Université Paris VIII, a publié de nombreux articles sur Proudhon, membre de la Société Proudhon

Président : M. Thierry Martin, Professeur de philosophie, Université de Franche-Comté
14h-14h30. -  Proudhon, penseur de l’autonomie ouvrière.
Jacques Julliard, Directeur d’études honoraire à l’EHESS, membre de la rédaction du Nouvel Observateur
14h45. - Discussion avec Charles Piaget, animateur du mouvement des « LIP »
15h45-16h15. -  Proudhon et les Confessions d’un révolutionnaire.
Jonathan Beecher, Professeur d’histoire à l’Université de Californie à Santa Cruz, a publié des biographies de Fourier et de Considérant, Fourier, le visionnaire et son monde, et Victor Considerant ans the rise and fall of french romantic socialism, traduction à paraître aux éditions des Presses du réel Dijon
16h30-17h. - Proudhon et la pensée libérale.
Vincent Valentin, Maître de Conférences en droit l’Université de Paris I, enseignant à Sciences-po, a publié une anthologie de Proudhon : Liberté partout et toujours
17h15-17h45. - Du bon usage de la caricature antisocialiste pendant la Seconde République. Le chien Proudhon et le chat Considérant à l'affiche chez Aubert.
M. Detourbet, Doctorant en histoire à l’Université de Dijon
20h30, au Petit Kursaal. - Discussion sur l’actualité de Proudhon.
La question du socialisme et du marché avec (sous réserve) :
Vincent Bourdeau (Université de Franche-Comté), Robert Damien, (Université de Paris X), René Berthier membre du « Cercle d’études libertaires »,Vincent Valentin, (Université de Paris)

Vendredi 16 octobre:
Présidente : Annie Stora-Lamarre, Professeur d’histoire, Université de Franche-Comté.
9h–9H30. -  Proudhon, héraut et philosophe du peuple.
Chantal Gaillard, Secrétaire générale de la Société Proudhon, a publié diverses études sur la propriété depuis le XVIIIéme siècle, et dans la pensée de Proudhon
9h45-10h15. -  Un agnostique engagé : Proudhon en prise avec l’absolu.
Edouard Jourdain, Doctorant en études politiques à l’EHESS, a publié Proudhon, Dieu et le guerre aux éditions L’Harmattan et Proudhon, un socialiste libertaire aux éditions Michalon.
10h45-11h15. -  Proudhon et l'économie, 1848.
Thierry Menuelle, de la Société Proudhon
11h30-12h. -  Lecture proudhonienne de la Constitution de 1848.
Anne Sophie Chambost, Maître de Conférences en droit, Université de Paris-Descartes, a publié La Pensée juridique de Proudhon. Un anarchiste et le droit et de nombreux articles sur Proudhon

Président : Frédéric Brahami, Professeur de philosophie, Université de Franche-Comté.
14h-14h30. - Proudhon et la question italienne.
Gilda Manganaro, Professeur d’histoire de la pensée politique à l’Université de Trieste, a publié notamment « Proudhon e l’Italia », Trieste, 2000.
14h15-15h15. -  Les dimanches de Monsieur Proudhon, ou les célébrations d’une religion sociale.
Robert Damien, Professeur de philosophie politique et éthique à l’Université de Paris X-Nanterre, auteur de plusieurs ouvrages de philosophie politique, il vient de publier avec E. Castleton, une nouvelle édition de Qu’est ce que la propriété ? au Livre de Poche.
16h-16h30. -  Le crédit gratuit, une idée révolutionnaire ? La banque du peuple 1848-1849,
Olivier Chaïbi, Professeur en lycée professionnel, Docteur en histoire
17h-17h30. -  La notion de pacte fédératif chez Proudhon.
M. Cagiao, Maître de Conférences en espagnol à l’Université de Tours, a publié une édition critique des Ecrits fédéralistes de Proudhon en espagnol

17h45-18h15. -  Proudhon, le canton de Vaud et la Suisse.
Olivier Meuwly, Adjoint au secrétariat général du département des finances et des relations extérieures du canton de Vaud, Docteur en droit et ès Lettres, a travaillé sur la correspondance de Proudhon avec L. H. Delarageaz, homme politique Vaudois.

Samedi 17 octobre:

Président de séance, Henri Ferreira Lopès, directeur des bibliothèques de Besançon
8h45-9h15. -  L’articulation entre droit et Etat dans le système politique de Proudhon.
Fawzia Tobgui, enseigne le français et la philosophie à Munich, achève une thèse de philosophie politique sur la notion de fédéralisme chez Proudhon,
9h30-10h. - La famille chez Proudhon.
Sébastien Pasteur, doctorant à l'Université de Franche-Comté, fait une thèse sur Proudhon, la philosophie et l'art
10h30-11h. - Proudhon et le renouveau l’opposition libérale au début des années 1860.
Antoine Schwartz, doctorant en sciences politiques à l’Université de paris X, sa thèse porte sur la pensée politique des libéraux du Second Empire
11h30-12h. -  Proudhon. Une pensée et une vie toujours inédite ?
Edward Castleton. Docteur de l'Université de Cambridge, chercheur associé à l'Université de Franche-Comté, travaille à l'édition des manuscrits inédits de Proudhon
12h15-13h. -  Proudhon et Victor Hugo et conclusion du colloque.
Gaston Bordet, Maître de Conférences honoraire à l’Université de Franche-Comté.

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7 octobre 2009 3 07 /10 /octobre /2009 22:40

De Dublin à Prague

Nous n'avons pas voulu commenter à chaud les résultats du référendum irlandais. C'était d'autant plus inutile que samedi 3 octobre vers midi, tous les grands médias français et européens donnaient le "oui" gagnant à 67%, sans aucune autre précision, et alors même qu'un tiers environ des bulletins restaient à dépouiller. On était visiblement pressé d'en finir avec la question "irlandaise", au prix de quelques infidélités à la démocratie. L'affaire ne prit d'ailleurs qu'assez peu de place à la une des journaux, comme si on avait quelque chose à cacher, quelque chose de honteux, de pas net qui pouvait entacher d'opprobre cette victoire, jugée pourtant si "brillante".

Après quelques jours de recul, on comprend mieux ce qui s'est passé et le mutisme un peu gêné des partisans de l'Europe fédérale. Il y a d'abord ce taux d'abstention, assez mauvais malgré l'énorme flot de propagande déversé sur le peuple irlandais pendant près de six mois: avec 58% de votants, on est loin de la mobilisation pour la victoire, anticipée, puis annoncée sans retenue par les Lisbonnards quelques semaines avant le scrutin; on retrouve en revanche un niveau de participation tout à fait comparable avec celui des dernières élections européennes, ces élections de la défiance vis à vis de Bruxelles et son système. Ce qui signifie, comme on pouvait s'y attendre, que près d'un irlandais sur deux a refusé la mascarade de ce deuxième vote, présenté comme une punition, une expiation. Ne disait-on pas dans l'entourage de Barroso : "les  Irlandais, ils voteront jusqu'à ce qu'ils aient dit oui!"

Autre sujet de gêne, la façon dont cette victoire a été acquise. N'insistons pas sur la disproportion des moyens entre les camps. Elle fut tellement choquante que des journaux comme Le Monde ou Le Figaro, pourtant bien intentionnés vis à vis du "oui", durent reconnaître qu'on était aux limites du bourrage de crâne. Que dire en effet de ces grands groupes américains présents en Irlande (Google, IBM, Microsoft, Intel...), qui ont fait savoir sur d'immenses panneaux publicitaires leur engagement dans le camp du "oui"? Que dire de M. O'Leary, ci-devant PDG de Ryanair, qui proclamait, sur les mêmes panneaux, avec peut être un peu moins de finesse, que "sans l'Europe, l'économie irlandaise serait gouvernée par les politiciens incompétents, une fonction publique inepte et des syndicats qui ont détruit la compétitivité du pays" ? Que dire de l'argent bruxellois, coulant à flot via le gouvernement irlandais et les innombrables officines fédéralistes ? Tout cela a bien sûr fortement joué pour l'abstention.

Mais on n'a pas hésité à aller encore plus loin. A travers une campagne mensongère, ignoble, scandaleuse, on a cherché à culpabiliser tout un peuple, en jouant sur la peur de la récession, de la crise, en annonçant sciemment les pires catastrophes, alors même que c'est le gouvernement de M. Cowen et sa politique ultra libérale inspirée par la BCE qui est à l'origine de tous les maux que connaît aujourd'hui le pays. On a menacé l'Irlande, si son peuple votait mal, d'être mise au ban de l'Union. Et, soufflant le chaud et le froid, on a promis n'importe quoi : des emplois, le retour à la croissance, des investissements, toutes choses qui n'engagent que ceux qui les entendent. M. Ganley, l'opposant le plus acharné au traité, résumait parfaitement la situation lundi matin en parlant d'un vote fondé sur "la crainte plus que sur l'espoir", dont les Irlandais découvriront l'inanité dans peu de temps. On comprend mieux désormais le relatif silence des médias.

Il est également vrai que ce que l'on appelle désormais "l'obstacle tchèque" a eu tendance à relativiser les résultats du scrutin irlandais. M. Klaus, l'excellent président de la République tchèque, tient bon. Il a reçu il y a quelques jours une lettre de M. Cameron, leader des conservateurs anglais, qui lui confirme son intention d'organiser un référendum sur le Traité s'il accède au pouvoir après les élections générales de 2010. On s'attend à ce que M. Cameron confirme cet engagement devant le congrès conservateur qui s'est ouvert aujourd'hui à Manchester. Lorsque l'on sait que plus de 80% des militants conservateurs partagent ce choix, on ne voit pas bien ce qui pourrait conduire M. Cameron à ne pas jouer cette carte à fond. Après la bataille de Dublin, perdu dans l'honneur, voilà donc que s'ouvre la bataille de Prague. Gageons qu'elle sera longue. 

  Vincent Lebreton.

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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 18:42
L'intelligence
et son avenir

 

 

Bernard Stiegler est un esprit au travail. Philosophe, directeur du développement du Centre Pompidou, la pensée ne semble l'intéresser que dans la mesure où elle se double d'une action, où elle produit. On sent chez lui le lecteur de Nietzsche, attentif à l'esprit qui fouille, qui avance et qui crée. Rien d'étonnant à ce que cet esprit, qui s'est complu pendant des années à surveiller de près les aventures de la technique - et notamment celles qui occupent la scène depuis  deux à trois décennies, les techniques de communication - surgisse maintenant dans le champ du politique. Après la Télécratie contre la Démocratie, publié en 2006 sous la forme d'une lettre ouverte aux politiques, et dont la campagne présidentielle de 2007 fut une terrible illustration, il livrait quelques mois plus tard un livre programme, Réenchanter le Monde, passé presque inaperçu à l'époque et qui devient avec le temps d'une  remarquable actualité.

Que nous dit Stiegler ? Que depuis une décennie, la "baisse de la valeur esprit", pour reprendre une expression de Paul Valéry, a atteint des niveaux inégalés. Que cette situation correspond à la pointe extrême de ce capitalisme industriel qui a fait du consumérisme son unique moteur de développement, de la publicité et du marketing ses seuls ressorts et dont l'objet essentiel est désormais de canaliser les désirs, de contrôler les cerveaux au seul bénéfice du commerce des biens. Que cette organisation pulsionnelle du capitalisme, démultipliée par les médias de toutes natures qui ont envahi notre quotidien, finit par provoquer une forme d'atrophie du désir, d'écoeurement, de nausée collective, qui se retournera inévitablement contre le système économique lui-même, pour provoquer l'émergence de quelque nouvelle barbarie. Terrible diagnostic. Selon Stiegler "la régression mentale, l'avilissement moral qui l'accompagne, et l'anesthésie de l'intelligence et donc de la volonté qui traduit l'intelligence en actes, sont désormais ce qui gouverne le monde hyperindustriel - et pour une très large part, le discours de ceux qui, prétendant aux fonctions gouvernementales, s'adaptent à cet état de fait au lieu de le combattre". Nous voici maintenant pleinement dans le champ du politique.

Bernard Stiegler, avant d'en venir aux remèdes, met en lumière les ruses d'un système qui cherche à perdurer sous d'autres formes et qui nous sert aujourd'hui  l'imposture de ce que l'on appelle l'économie de la connaissance ou le capitalisme cognitif.  Importées récemment en France par le MEDEF, à partir de sources anglo-saxonnes d'un niveau conceptuel assez médiocre, ces théories prétendent dessiner une nouvelle forme de société, la société du savoir, dont Tony Blair en Grande-Bretagne s'était fait il y a quelques années le champion. Or, malgré les colloques, les expériences, les programmes sponsorisés par les grandes congrégations économiques, avec la complicité de la Commission européenne, cette nouvelle société n'advient pas. Comme le montre Bernard Stiegler, elle n'adviendra pas tant que le  modèle capitaliste, faussement régénéré dans  un monde de l'image et de l'innovation, continuera à dissocier les sphères de la production et de la consommation, à surveiller les comportements des consommateurs et à faire des intellectuels, porteurs de connaissance, les ingénieurs ou les contrôleurs de ses intérêts. Ce que l'on appelle aujourd'hui l'industrie des services, et qui se traduit en réalité par une "marchandisation" de tous les instants de la vie humaine, y compris la vie de l'esprit, est au coeur de ce processus, qui ouvre grandes les portes à un devenir barbare, à un nouveau règne de l'ignorance.

On l'aura compris, combattre ce modèle, dans sa vieil acceptation fordiste et consumériste ou dans sa nouvelle apparence, moderne et "branchée", appelle quelques changements radicaux. C'est d'abord à une lutte généralisée contre la bêtise, à laquelle Stiegler nous convient, retrouvant dans son livre des accents rafraîchissants, tout droit issus de Mai 68 et de feu le situationnisme. Reprendre le contrôle de soi, "du temps de la conscience, c'est à dire celui de l'intelligence, de la volonté, de l'action, de la lucidité et de la responsabilité", refuser le travail en miettes, la division des tâches, jouer au contraire la carte de la longue durée, se remettre au centre du monde par ses capacités propres d'innovation, de création et de contribution: tels sont les quelques maximes de l'art de vivre prôné par Stiegler, d'une hygiène de vie qui lui semble accessible à tous. Mais la désintoxication du consumérisme passe aussi par de nouvelles aventures collectives. Le refus de la dissociation, le retour du désir social passent par ce qu'Aristote appelait la philia, l'amitié, ce ferment des cités anciennes qui peut aujourd'hui déboucher sur de nouvelles associations, des sociétés de producteurs libres, loin du monde finissant de l'entreprise. Stiegler a mis ses paroles en actes en créant en 2006 avec quelques amis l'association Ars industrialis, qui préfigure ce que pourraient être ces nouveaux clubs de l'esprit.

Les idées de Stiegler nous comblent, même si elles ne figurent ici qu'à l'état d'ébauches. Elles nous ravissent d'autant plus qu'elles recoupent la pensée anticipatrice de certains de nos maîtres, le Proudhon de la Justice, le Sorel des Réflexions sur la violence, le Péguy de l'Argent, le Maurras de l'Avenir de l'intelligence... Un regret toutefois : que ces idées ne soient pas servies par une plus belle langue et par un discours plus  personnel. Stiegler abuse des tics d'universitaire (abus de notes, de citations d'ouvrages anglo-saxons obscurs, expressions jargonantes...) et il a parfois, l'art d'exaspérer le lecteur le plus indulgent. Gageons que pour son prochain essai, il saura trouver un ton plus juste.  D'ici là, surveillons du coin de l'oeil cet esprit qui cherche et fouille.

 

Paul Gilbert.

 


[1]. Bernard Stiegler, La Télécratie contre la Démocratie. (Flammarion, 2006, 268 pages)

[2]. Bernard Stiegler, Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel. (Champs essais, octobre 2008, 178 pages)

 

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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 19:29
Pars Theologica                     
logique et théologique chez Boèce

par Axel Tisserand
Mis en ligne : [5-10-2009]
Domaine : Idées


Axel Tisserand, né en 1959, philosophe et journaliste, est un spécialiste de l'histoire des idées. Il a récemment publié : Dieu et le Roi, correspondance entre Charles Maurras et l'abbé Penon. (Privat, 2007, 751 pages).


Axel Tisserand, Pars theologica, logique et théologique chez Boèce - Paris, Vrin, décembre 2008, 480 pages.


Présentation de l'éditeur

Né, sans doute à Rome, vers 476 après J.-C. et mort supplicié à Pavie en 524, Boèce, surtout connu pour ses traductions et commentaires des traités logiques d'Aristote et sa Consolation de Philosophie, écrite en prison, est également l'auteur de cinq traités théologiques, dont la place exacte dans l'ensemble de l'oeuvre reste à définir. Faut-il continuer de camper le portrait d'un Boèce en quelque sorte schizophrène ou peut-on découvrir un lien plus intime entre le commentateur néoplatonicien et le théologien chrétien et dégager ainsi un axe qui modifierait en profondeur la perspective à la fois méthodologique et philosophique de l'entreprise ? D'où les questions auxquelles tente de répondre l'ouvrage : en quoi la conception aristotélicienne de la philosophie spéculative influence-t-elle la constitution chez Boèce de la théologie comme pars theologica ? Quelle place y occupe la logique et quelle articulation observer entre les héritages patristique et philosophique ? Boèce ne se conçoit-il pas comme un nouvel Aristote, l'Aristote de la théologique chrétienne, et si oui ne convient-il pas de voir en lui, plus encore qu'un théologien, un théologicien ?


Critique de Gérard Leclerc - Royaliste, n°947 du 4 mai 2009.

Boèce, l'ambition de l'intelligence. Que peut nous apporter dans notre vingt-et-unième siècle commençant, un auteur qui vécut aux cinquième et sixième siècles de notre ère, dans un univers politique et culturel bien différent du nôtre ? À peu près rien, répondraient sans doute les esprits forts, persuadés que la modernité nous a propulsés dans un espace qui nous rend étrangers à des modes de pensée précritiques, voire théologiques. Et pourtant, quelles que soient les options d’un chacun, on ne perd jamais son temps à tenter de comprendre ce qui nous a précédés et sans doute explique ce que nous sommes aujourd’hui. Après tout, en dépit de nos prétentions et de l’incontestable avancée du temps, nous continuons à nous débattre avec nos héritages les plus anciens, constatant que les limes culturels multiséculaires sont tenaces et que nous sommes tributaires des grands penseurs de la Grèce et des docteurs de l’Antiquité tardive. Et de ce point de vue, Boèce offre un intérêt particulier, se situant à l’intersection des premiers et des seconds, concentrant toutes ses énergies à prolonger l’empire romain défait et à assumer l’étonnant défi de la rencontre de la philosophie et du dogme chrétien.

L’historien des idées qu’était Jacques Chevalier désignait Boèce comme « le premier des penseurs médiévaux et le dernier des Romains. » Il lui reconnaissait aussi le mérite considérable d’annoncer le Thomas d’Aquin du treizième siècle avec son projet de rendre compte de la cohérence intellectuelle de la Révélation chrétienne en se servant de l’instrument aristotélicien. Bien sûr, l’Aquinate rencontrera Aristote grâce à des intermédiaires plus proches et son étonnante synthèse devra tout à son génie singulier. Mais le rapprochement avec son prédécesseur lointain n’en est pas moins précieux, d’autant qu’il s’en reconnaît l’héritier pour l’élaboration d’une notion aussi capitale que celle de personne. C’est en vertu de ce lien, que j’entendis parler de Boèce durant mes études, ignorant l’homme et le penseur qu’il avait été. Axel Tisserand est venu au secours de mon ignorance, pour m’instruire de la façon la plus précise de l’itinéraire et de l’oeuvre du personnage. J’avais déjà rendu compte de sa traduction et de sa présentation publiées des Traités théologiques [1]. Mais avec la publication de sa thèse, nous sommes désormais en possession du dossier intégral qui permet de comprendre l’origine de sa recherche.

Je persiste, en effet, à prétendre que cet enjeu dépasse la pure érudition universitaire, pour nous engager dans une réflexion qui nous touche dans nos soucis les plus actuels. La question de l’héritage est inépuisable, surtout en période de mutation historique accélérée. Même si l’aspect proprement politique n’est pas ici abordé, il n’en est pas moins sous-jacent à la problématique des échanges intellectuels entre tradition romaine et tradition grecque, dans la perspective tracée par un Cicéron. Il l’est aussi dans le développement de la sagesse ancienne modifiée par le christianisme, conformément aux formidables intuitions d’un Augustin d’Hippone.

Axel Tisserand montre en premier lieu le prodigieux effort de Boèce pour traduire le plus exactement possible en latin les exigences conceptuelles de Platon et d’Aristote et de leurs grands commentateurs, Porphyre en tête. Son extrême rigueur déclarée est à la mesure d’une ambition intellectuelle dont la seule limite est sa faiblesse à rendre compte du mystère divin. Mais, même infirme, la rationalité est sans prix, car nous ne possédons pas d’autres moyens d’accès au vrai. Donc tout le travail considérable de traducteur et d’interprétation constitue un préalable obligé à la théologie. Augustin dans son traité sur la Trinité avait indiqué la voie que Boèce poursuivra avec plus de systémacité encore. Il faut ajouter que les Pères grecs ne sont pas indemnes de cette élaboration que des polémiques tardives voudront identifier avec la seule tradition latine.

Philosophe de métier en quelque sorte, l’auteur De la consolation de Philosophie (son ouvrage de la fin écrit en prison, alors qu’il est condamné à mort et se prépare à l’exécution) est aussi théologien. Non reconnu comme Père de l’Église, il n’en est pas moins l’un des acteurs essentiels de la lutte au service de l’orthodoxie, à l’heure des grandes hérésies trinitaires et christologiques. Apparemment, il continue à s’exprimer en philosophe, avec des concepts aristotéliciens. Mais il le fait à partir de la foi qu’il revendique hautement. « Partie de la philosophie spéculative, la théologique est le point de rencontre de la foi et de la raison, et cette rencontre l’intéresse en tant que telle, parce qu’elle est l’image de l’homme même, mais assumé par Dieu. » On saisit par-là la sottise journalistique contemporaine qui ne cesse d’employer le mot théologie en un sens dévalorisant, comme s’il s’agissait d’un mode inférieur de la pensée, figé dans l’affirmation obtuse de vérités cadenassées. Alors que c’est tout le contraire. Boèce en fait la démonstration : il n’est capable de se saisir des données de la Révélation que parce qu’il est en possession des instruments les plus élaborés de la Raison. Et cette dernière est sollicitée vers le haut, de telle façon qu’elle devient capable de mieux appréhender ce qu’il en est du mystère de l’homme et de sa personnalité.

C’est en effet la réflexion sur la double nature du Christ et les relations trinitaires qui permettent à Boèce d’élaborer la notion de personne qu’il définira comme « une substance individuelle de nature rationnelle. » A priori une telle définition paraît proprement philosophique et aristotélicienne. Mais il faut prendre garde que c’est à partir du mystère de la personne du Christ qu’elle s’est formée et qu’ainsi elle est du côté de la transcendance de Dieu. Ce qu’elle a d’absolument unique et non instrumentalisable, lui vient d’une ressemblance plus haute. C’est bien là ce que Pierre Boutang appelait la modification chrétienne, qui sans abolir le socle essentiel de la rationalité humaine, apparentait l’homme au mystère insaisissable de Dieu.

 


[1]. Boèce – Traités théologiques, présentation et traduction par Axel Tisserand, (2000, éditions Garnier Flammarion, 2000). Voir Royaliste n° 753.


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4 octobre 2009 7 04 /10 /octobre /2009 18:00
Automne

Ô Saison bienfaisante, aimable et douce Automne,
Toi que le Soleil voit d'un regard tempéré;
Toi qui par les présents que ta faveur nous donne,
Fais arriver un bien qu'on a tant espéré.

Ce riche amas de fruits dont ton front se couronne,
Rend par tous nos Hameaux ton Autel révéré;
L'Abondance te suit; le Plaisir t'environne;
Mais un plaisir tranquille, aussi bien qu'assuré.

Bachus te suit partout; et Cerès t'accompagne;
Les Côteaux élevés et la vaste Campagne,
Leurs raisins et leurs blés, te montrent tour à tour;

Chacun dans l'Univers a le fruit de ses peines;
Moi seul, hélas moi seul, abusé par l'Amour
N'ai qu'un espoir trompeur et des promesses vaines.



Georges de Scudery, 1601-1667
. Poésies diverses (1649).


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3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 18:42
L'âme d'un             
peuple en guerre
     




 

On ne saurait trop louer les Éditions Taillandier[1]. d'avoir rassemblé quelques-uns des meilleurs et des plus émouvants discours de guerre de Sir Winston Churchill. M. Guillaume Piketty, dont nos lecteurs connaissent le talent et qui nous a récemment donné un remarquable recueil sur les Français en résistance[2], s'est chargé du choix et de la présentation. Celle-ci a pris la forme d'une préface succincte, mais toute en nuances, qui rappelle l'oeuvre politique mais aussi littéraire de Churchill pendant la guerre, ainsi que de petites fiches parfaitement synthétiques qui resituent ces trente discours, prononcés aux Communes, à la BBC ou devant des auditoires variés, dans leur contexte du moment.

M. Piketty a raison d'écrire que "la guerre fut la grande affaire de Churchill". Il la rencontra régulièrement durant toute sa carrière d'officier et d'homme d'Etat et elle fut pour lui une sorte de passion dramatique. On oublie souvent de rappeler qu'en plaçant Churchill à la tête de leur gouvernement en 1940, les britanniques firent d'abord le choix d'un homme de guerre. Rejeton d'une grande dynastie militaire, le descendant des ducs de Malborough fut lui-même un brillant  soldat qui s'illustra sur tous les théâtres d'opération de l'Empire, en Inde, au Soudan et en Afrique du Sud, faisant montre d'une témérité et d'un courage exemplaires. Il fut également un administrateur avisé des questions militaires; plusieurs fois ministre, il rénova en profondeur la marine, créa l'arme aérienne et modernisa l'administration des colonies. Ses discours s'en ressentent; comme ceux du général de Gaulle, ils ont la netteté, la précision du guerrier et du chef, ainsi que son sens du tragique. Ils expriment, en même temps qu'une émotion, une volonté.

Mais c'est, bien évidemment, dans le drame de la Seconde Guerre Mondiale que l'implication de Churchill fut la plus décisive. La succession des discours, dans leur ordre chronologique, restitue la longue, harassante, périlleuse et coûteuse marche de l'Empire britannique vers la victoire. Churchill,  presque seul en 1938, refuse l'ignominie de Munich et pointe la guerre qui vient. Dès son entrée au cabinet de guerre en 1939, il définit parfaitement les enjeux du conflit: "il ne s'agit pas de  se battre pour Dantzig ou de combattre pour la Pologne. Nous nous battons pour préserver le monde entier de cette peste qu'est la tyrannie nazie et pour défendre ce que l'homme a de plus sacré". C'est cette inspiration qui le guide dans les deux terribles années qui suivent, où, désormais en charge du gouvernement, il assiste, effaré, à l'effondrement de la France, se reprend et mobilise toutes les énergies pour sauver l'Angleterre.

C'est dans ces heures où toutes les certitudes sont balayées, où la Grande Bretagne se retrouve brusquement seule au monde, que les mots de Churchill frappent le plus juste. A son peuple, il n'offre que "du sang, du labeur, des larmes et de la sueur", à ses soldats il n'ouvre qu'une perspective, celle de vivre "leur plus belle heure", à ses pilotes il apporte l'hommage de la nation "jamais, dans l'histoire de l'humanité et de ses guerres, tant de gens ont dû autant à si peu d'hommes", à la France vaincue il adresse les mots du réconfort et de l'espoir "Dieu protège la France!". Et puis progressivement, la confiance revient; c'est l'heure des premiers succès, des premières victoires. Mais Churchill refuse de céder à l'optimisme: après El-Alamein, il entrevoit non pas la fin, ni le commencement de la fin, mais "la fin du commencement"; en plein siège de Stalingrad, il exhorte les britanniques à "ne pas se laisser séduire par les apparences enjôleuses de la bonne fortune" mais à "placer leur confiance dans les courants profonds et lents des marées qui nous ont portés si loin déjà". Voici enfin la victoire, puis l'incroyable démission en juillet 1945 et le discours que le vieux lutteur fatigué fait, aux Communes, en guise de bilan et de testament en août 1945. 

On trouvera du plaisir à lire tous ces textes, plaisir mêlé toutefois d'un peu de nostalgie. La langue de Churchill est riche, sa culture immense; à tous moments, il fait appel aux  Anciens, aux poètes, à l'Histoire; son lyrisme, surtout lorsqu'il évoque les pages glorieuses de la couronne britannique, est impressionnant. Le patriotisme auquel il se réfère  est authentique, simple, aux antipodes des nationalismes qu'il combat. Et surtout, Churchill soigne ses interventions, il recherche la clarté, il veut exposer le plus complètement possible ses vues, sa politique, ses décisions. Car, en homme respectueux des institutions, il sollicite chaque fois que possible l'assentiment de son monarque et du Parlement. A l'heure où tant d'histrions, de démagogues ou de cuistres encombrent nos tribunes politiques, quelle belle leçon de démocratie nous donne rétrospectivement Sir Winston Churchill! 

François Renié.



[1]. Winston Churchill, Discours de guerre. (Texto, mai 2009, 430 pages)

[2]. Français en résistance. Carnets de guerre, correspondances, journaux personnels. Edition établie et présentée par Guillaume Piketty. (Robert Laffont collection « Bouquins », 2009, 1.216 pages)


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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 22:40
Les maîtres chanteurs

Il est encore trop tôt pour donner des estimations fiables sur le référendum irlandais. Mais on vient d'apprendre une nouvelle qui réchauffera le coeur de tous les anti-lisbonnards. Un nouveau recours contre la ratification du mauvais traité a été déposé devant la Cour constitutionnelle tchèque par un groupe de sénateurs eurosceptiques, mardi 29 septembre à Prague. Ces parlementaires, proches du Président Vaclav Klaus, mettent en avant de nombreuses contradictions entre le texte bruxellois et la loi fondamentale tchèque. Selon Jiri Oberfalzer, sénateur du parti ODS, à l'origine de cette initiative, la Cour de Prague devra dire si l'Union européenne est une "organisation internationale" ou un "super-Etat" en devenir. Visiblement le recours est très sérieusement fondé et a été préparé de haute main par les meilleurs juristes.

Selon certains milieux diplomatiques à Bruxelles, la démarche des sénateurs tchèques serait de nature à retarder de plusieurs mois - on parle même d'un délai supérieur à 6 mois - la ratification du traité européen par Prague et sa mise en oeuvre effective. De plus, elle contrarie très sérieusement les plans de M. Barroso qui comptait mettre en place sa nouvelle Commission dans un délai d'un à deux mois, en s'appuyant sur les règles de Lisbonne qui conservent à chaque pays la possibilité de disposer d'au moins d'un commissaire. Si le traité ne pouvait être approuvé avant fin 2009, l'équipe Barroso devrait alors être désignée selon les critères du traité de Nice qui restreint fortement le nombre de commissaires. Ce qui ne manquerait pas de provoquer une crise politique durable des institutions européennes.

On commence à percevoir à Bruxelles la portée dramatique de ce recours. Certains ne manquent pas d'y voir l'action directe du chef de l'Etat tchèque, qui ne cache pas sa volonté d'utiliser tous les moyens en son pouvoir pour s'opposer au mauvais traité. Comme nous l'indiquions ici même mardi dernier (RCIL du 29 septembre), le calcul de M. Klaus pourrait être assez simple : le recours des parlementaires de Prague est de nature à faire trainer les choses jusqu'aux élections générales en Grande Bretagne prévue au printemps 2010, qui devraient logiquement voir l'arrivée au pouvoir des conservateurs de M. Cameron. Or M. Cameron a encore confirmé mercredi 1er octobre que "si ce traité est encore en débat en Europe dans 8 mois, nous fixerons une date de référendum durant la campagne et nous l'organiserons immédiatement après l'élection. Et je défendrai le non". Les tories ont d'autant plus de raisons de mettre leur projet à exécution que l'opposition à l'Europe de Lisbonne les rend très populaires auprès de l'ensemble des électeurs britanniques.

Il semble qu'à Bruxelles, personne n'ait vu le coup venir. Toute l'oligarchie européiste pensait se débarasser ce weekend de l'affaire irlandaise et elle s'étouffe évidemment de rage à la vue de ce nouvel obstacle. L'atlantiste Javier Solana, ci devant diplomate en chef de l'Union européenne,  y est allé hier de sa petite larme de crocodile : "Le monde a besoin d'une Union Européenne en bonne forme. Il serait absurde, étant donné la crise économique et le changement climatique (sic!), de ne pas permettre à l'UE de réaliser tout le potentiel que lui promet ce traité". Mais derrière M. Solana et ses propos à l'eau tiède, les commentaires des excités de l'eurocratie sont  beaucoup moins modérés et certains rèvent d'en découdre avec les Tchèques. Plusieurs gouvernements envisageaient sérieusement la tenue d'un Conseil européen extraordinaire, une fois les résultats irlandais connus, pour mettre Prague en accusation mais la Suède, qui préside actuellement l'Union, a rapidement désamorcé ces demandes, par crainte de braquer davantage encore les dirigeants et l'opinion tchèques. D'autres boutefeux agitent des menaces dans tous les sens: on parle de priver les tchèques de commissaire européen, de réduire unilatéralement les fonds européens attribués à Prague, tout celà naturellement dans la plus pure illégalité démocratique. M. Lellouche, sous ministre français des affaires européennes, tonnait contre le président Klaus et annonçait qu'en cas de blocage, "il y aura des choses désagréables pour la République tchèque". Il y a vingt ans, la prononciation de  telles aneries nous aurait valu  une crise diplomatique, mais qui connait M. Lellouche à Prague ?

Ce soir, dans le palais du Hradschin qui surplombe la vieille ville de Prague, l'homme que les tchèques ont placé à leur tête, il y a un peu plus de 5 ans, se frotte sans doute les mains, en savourant un de ses énormes cigares. S'il réussit son coup, celui qui se définit lui même comme "un dissident européen" aura droit à la gratitude de tous les hommes libres du continent. Le peuple français, dont la voix est baillonnée depuis 2005 par des politiciens indignes, saura s'en souvenir.

 

  Vincent Lebreton.

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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 18:42
Nouvelles                 
du quart de siècle
     




 

Patrick Besson a du talent, et il le sait. Qu'il nous plonge dans de sombres tribulations familiales  - Les Braban, Belle-Soeur, pour en rester aux titres récents - ou qu'il nous livre quelques nouvelles courtes, légères et aériennes, son style est inimitable. Le recueil qu'il publie chez Fayard, sous le titre 1974 [1], en est la parfaite illustration. Il a beau se mettre dans les situations les plus absurdes ou les plus émouvantes, c'est lui, c'est bien lui qui est au bout de l'histoire, avec ses mots clairs et nets, son sens du dialogue et sa façon si taquine d'imiter le langage de ces contemporains. Voici six récits tirés de ses aventures journalistiques (L'Humanité, l'Idiot international, VSD, Madame Figaro) et qui sont du meilleur cru.

Le choix de ces textes ne doit rien au hasard. Ils forment au contraire une sorte de chronique amusée et mélancolique de la dernière partie du XXe siècle. Et ils correspondent en même temps à une tranche de vie de l'auteur, qui l'emmène de la jeunesse à l'âge mûr. 1974, c'est à la fois l'année de la publication de son premier roman - les Petits Maux d'Amour -  et le titre de la première nouvelle du recueil. On y voit un jeune français partir à la découverte de l'Europe du sud, découvrir une Grèce libérée de ses colonels et envahie par la jeunesse du continent, faire la connaissance d'un étonnant couple nordique et vivre sa première histoire d'amour. Autre récit, autre temps : celui du New York des années 80, où deux pianistes venus de l'est, deux frères "abrutis d'alcool et de nostalgie" transforment de fond en comble la vie d'une jeune et jolie attachée de presse, belge de surcroit. Dans l'histoire suivante, encore plus improbable, on suit deux journalistes de l'Humanité, en goguette, claquer l'argent du parti dans une tournée de night-clubs, entre Interlaken et Munich. Et voici Belgrade, bien connu de l'auteur, où le meurtre d'un e journaliste française serbophobe est élucidé, non sans mal, par un vieux commissaire et une jeune inspectrice gay. Nous nous retrouvons enfin à Paris pour deux histoires pleines de pudeur : celle d'un père divorcé qu'un triste dimanche projette dans son passé, il y retrouve sa femme de l'époque qui ignore qu'il vient de la quitter; celle enfin d'un romancier d'entre deux âges fascinée par une jeune beauté noire. De la suédoise d'Athènes à la camerounaise du XVIIe arrondissement, du jeune routard à l'écrivain confirmé, un cycle s'achève.

On sent que Besson a pris plaisir à dessiner cette ribambelle de personnages qui ont tous un peu de lui-même, sans être entièrement lui. Il a visiblement aimé cette époque fin de siècle où les héros et les tragédies d'hier ont laissé la place à des hommes plus craintifs, plus maladroits, souvent désemparés et que l'ironie devait aider à vivre. Les nouvelles de Besson en sont toutes parsemées, de cette gentille ironie qui fait entendre sa voix au moment où la nostalgie, la tendresse nous submergent, ou, comme aurait dit Barrès, nous empoisonnent. Besson a beau proclamer crânement "qu'il n'y a pas de douceur grecque", que "celle-ci est une invention du ministère du tourisme hellène", il peut bien affirmer que "la meilleur façon de dominer le monde est de le gêner", il peut snober ses souvenirs, faire le blasé, se cacher derrière le masque de quelque bonne formule, on ne le croira pas. Son brusque frémissement au rappel d'un amour passé, son étonnement presque enfantin devant les personnages hors normes, les paumés comme les forces de la nature, son angoisse devant la vie qui s'écoule trop vite montrent qu'il est d'une autre race que celle des insensibles et des mufles. Ayant beaucoup vu, il n'est revenu de rien.

 

Eugène Charles.



[1]. Patrick Besson, 1974. (Fayard, mars 2009, 170 pages)


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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 12:17

Automne 2009
Louvois et
la guerre
 

Les idées et livres

- Les beautés de l'Astrée, par Pierre Gilbert. [lire]
La préciosité est de retour. Madame de Lafayette trouve à nouveau le chemin du coeur des enfants du siècle et Honoré d'Urfé, si oublié, est de nouveau à la mode. L'occasion de retrouver un charmant texte de Pierre Gilbert publié en 1910 et qui n'a pas pris une ride. Eternelle jeunesse de l'amour courtois. 

- Retour des nations (2). - Une autre Europe, textes présentés par V. Maire.
L'Europe n'a plus le vent en poupe. Du moins celle que l'on prétend nous imposer, à travers le monstre institutionnel et technocratique que l'on appelle l'Union européenne. Le début du désamour des peuples pour l'Europe telle qu'elle se construit date du milieu des années 80 : la Commission s'avère incapable de protèger les nations face aux crises et ne propose aucune alternative au libéralisme; son seul objectif est de s'affranchir de la tutelle des Etats. De Maastricht à Lisbonne, on assiste au lent rejet d'un modèle sans qu'un autre n'émerge vraiment. Quelles sont les conditions d'apparition d'une Europe des peuples ? 

- Louvois et la guerre, par François Renié. [lire]
En 1663, François Le Tellier, marquis de Louvois, devient secrétaire d'Etat à la guerre. Ingénieux, organisé, doté d'une énorme puissance de travail, il permet en vingt ans à Louis XIV de réformer les armées et de faire de la France la première puissance militaire d'Europe. Malgré l'incendie du Palatinat et les dragonnades, dont il ne fut pas seul responsable, son bilan est impressionnant et les effets de sa politique se feront sentir jusqu'au milieu du XIXème siècle. Portrait d'un homme d'Etat.

- La Fontaine chez les voleurs, nouvelle de Jules Lemaître. [lire]
Et si La Fontaine avait mal tourné? Et s'il avait ajouté à ses vers, à son goût du libertinage et de la paresse, la rapine, le brigandage et le larcin. Qu'on se rassure : dans ce petit pastiche très XVIIème siècle, Jules Lemaître veille au grain et notre Jean reste dans les immoralités convenables. A déguster.

- Le jardin français, poèmes de V. Muselli, P. de Nolhac, M. Thiry. [lire]

Chroniques

- Notes politiques, par Hubert de Marans.
Après la Rochelle. - Darcos. - Sur le front de Lisbonne. 

- Revue des revues, par Paul Gilbert.
Refaire les Lumières ? - Figures pour notre temps.

- Les livres, par Eugène Charles, François Renié.
1974 (Patrick Besson). - Discours de guerre (Churchill). - Réenchanter le monde (Bernard Stiegler). - Livres reçus.

 

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N°1 - 2009/01
 
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