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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 22:40

Le retour du "gaullisme immobilier"
 

En feuilletant récemment la collection de la Nouvelle Action française[1], je suis tombé en arrêt sur un numéro de juillet 1971, titré "Garantie foncière : le panier de crabes", qui aurait presque pu être écrit hier. L'auteur du papier titre - sans doute le regretté Arnaud Fabre de Rieunègre - faisait le lien entre la série de scandales qui venaient d'éclabousser le parti gaulliste et les relations plus que malsaines qui avaient fini par s'établir entre  "l'Etat batisseur" et le monde de la construction. Le "mal de la pierre", cette croyance absolue dans les vertus de l'immobilier est un vieux mal français, mais on assistait alors à de véritables débordements.  Comme le soulignait l'article :
L'exemple manifesté par l'Etat dans la gestion de ses propres crédits, joint à la faveur dont le secteur immobilier a longtemps bénéficié, constitue sans nul doute un climat favorable au développement d'escroqueries qui ne sauraient trouver meilleur terrain de prédilection que le marché immobilier. Depuis 1962, celui-ci a pris le relais de la Bourse dont la baisse régulière a découragé les épargnants. L'investissement dans la pierre était devenu un véritable mythe social auquel une opinion publique conditionnée accorde encore une confiance quasi aveugle. En effet, tout ce qui a trait à la construction intéresse au plus haut point les Français auxquels, paradoxalement, on a présenté les opérations immobilières comme plus morales que les placements boursiers.[2]

Le sarkozysme à mi parcours est-il en passe de connaître les mêmes dérives que le gaullisme finissant? On y trouve en tous cas des similitudes frappantes : le goût démesuré du Président et de ses ministres pour les "grands travaux", une forte influence, jusqu'au sein même du pouvoir, des majors de la construction et des services urbains, un marché immobilier fébrile, qui se prête parfaitement à la spéculation et aux plus-values juteuses, une "nouvelle" bourgeoisie " prise d'une véritable fringale d'argent facile et d'affaires vite et bien faites.... L'actualité de ces dernières semaines semble d'ailleurs nous donner de premiers signes avant-coureurs de cette épidémie de "grippe immobilière".

Le premier d'entre eux, c'est évidemment la comédie de l'EPAD. Soyez rassuré, nous dit-on ce soir, finalement Jean Sarkozy n'ira pas. Nous sommes ravis de le savoir, mais nous serions encore plus heureux qu'on nous dise pourquoi on en est arrivé là. Tous ceux qui s'intéressent au monde des affaires savent que depuis plus d'une dizaine d'années, l'opération de la Défense n'est plus que l'ombre d'elle même. Mal conçu, très coûteux en aménagement et en entretien, fruit d'un urbanisme largement obsolète, le quartier d'affaires parisien ne fait plus recettes. On dit même que près du quart de sa surface est considéré comme invendable en l'état. La situation est particulièrement grave pour le monde immobilier parisien (opérateurs mais aussi banques, compagnies d'assurances...), qui y a investi dans les années 90 une grande partie de ses actifs. Seule stratégie possible, sauf à provoquer un "assainissement forcé" de la profession, celle de la "relance" des investissements, c'est à dire de la fuite en avant. C'est la stratégie à laquelle Sarkozy a attaché son nom depuis 2005, en tant que ministre de l'aménagement du territoire, puis comme président du conseil général des Hauts de seine et aujourd'hui en tant que chef de l'Etat. Si son plan de relance devait réussir, c'est de l'ordre d'un milliard d'euros de recettes supplémentaires qui pourraient rentrer dans les caisses de l'EPAD, 4 à 5 milliards dans celles des investisseurs et l'opération serait sauvée pour quelques années. S'il échoue, c'est une nouvelle correction financière sévère pour toute la profession. On comprend mieux pourquoi le président de la République cherche à garder la haute main sur un dossier qui lui vaut le soutien indéfectible du monde des affaires. Qui mieux que son fils pouvait jouer le rôle d'intermédiaire zélé entre les aménageurs et l'Elysée? Gageons, qu'à défaut, on trouvera des candidats moins en vue mais tout aussi dociles. Il n'en manque pas dans les Hauts de Seine ou dans la haute administration!

Deuxième exemple, le dossier du Grand Paris. Là encore, il s'agit d'un projet suivi personnellement par le chef de l'Etat, piloté depuis l'Elysée par sa garde rapprochée, Claude Guéant en tête, et dont l'exécution est confiée à un "homme sûr", en l'occurrence Christian Blanc. A l'origine, l'affaire est présentée comme hautement stratégique et on sait la parer de toutes les couleurs de l'intérêt général : Paris et l'Ile de France décrochent de la compétition mondiale, ce qui est évidemment inacceptable; il faut lancer un grand projet mobilisateur, hauts les coeurs et retroussons nous les manches... Afin d'endormir au mieux les grandes consciences, on commence par confier le chantier à dix équipes d'architectes qui vont faire assaut d'imagination sur le thème du Paris de 2050. Les résultats sont d'une pauvreté, voire d'une laideur insigne [3] - preuve supplémentaire qu'il ne faut pas confier notre avenir aux architectes! - mais cela n'a strictement aucune importance. On juge qu'on a assez amusé la galerie et le gouvernement sort en moins d'un mois, sans aucune concertation avec qui que ce soit, un texte de loi qui sera discuté dans quelques semaines au Parlement. Bien entendu, le contenu de la loi n'a strictement rien à voir avec les rêveries de nos hommes de l'art, puisqu'elle propose, de la façon la plus prosaïque qui soit, la réalisation d'une rocade en métro souterrain de 130 km de long, l'implantation de 40 nouvelles gares en proche et moyenne couronne et la possibilité pour l'Etat de préempter le foncier jusqu'à plus d'un km autour de ces gares. C'est à dire sur une surface  équivalente à 3 fois la surface de Paris ! Même les aménageurs gaullistes, dans leurs rêves les plus fous, n'avaient pas osé aller jusque là ...

Naturellement, tout le BTP français et européen regarde cette affaire comme la poule aux oeufs d'or. Le BTP mais aussi le monde de l'immobilier qui guette sa proie. Christian Blanc a d'ailleurs pour partie vendu la mèche en déclarant que la réalisation du projet de transport ne devra pas peser sur les budgets publics et que ce sera donc aux recettes tirées du foncier - c'est à dire à la spéculation immobilière - d'en assurer le financement. Voilà qu'on nous refait le film de La Défense,  mais en accéléré et en très grand format. On découvre d'ailleurs au passage que le projet de métro aura aussi vocation à valoriser le site de la Défense, plan de relance oblige... et la boucle est bouclée.

Le "mal de la pierre" s'attrape vite et il ne connaît malheureusement aucune  frontière, ni physique ni idéologique. S'il commence  souvent par frapper à droite, il n'épargne  que rarement la gauche, surtout lorsqu'elle dispose du pouvoir. L'équipe parisienne en est aujourd'hui la première victime. Depuis le début de son second mandat, M. Delanoë s'est juré de relancer la construction de tours à Paris parce que c'est beau et parce que c'est moderne! On pensait que la crise financière aurait fait son oeuvre et que le Maire de Paris renverrait ses fantasmes à beaucoup plus tard. Point du tout ! On annonce la réalisation d'une première tour de 200 m dans la ZAC des Batignolles, et ce n'est qu'un début... Pourquoi recommencer les erreurs du passé? Pourquoi infliger aux parisiens l'urbanisme détestable, la laideur, les conditions de vie inhumaines auxquels tant de citadins dans le monde sont confrontés, sans possibilité de choix. La bêtise, l'ignorance, le copinage et le conformisme intellectuel y sont pour quelque chose. Mais c'est demain la spéculation et l'affairisme qui en feront leur miel, en pesant à nouveau sur les affaires de Paris d'un poids étouffant

La "fièvre immobilière" est de retour. Elle est la manifestation d'un capitalisme qui a perdu tous ses repères et qui ne sait plus quoi faire de ses profits.  Méfions nous que tout cela ne se termine pas très mal. Une succession de scandales retentissants, surtout si ils impliquent l'épargne publique, peut balayer d'un revers de main les régimes les mieux établis. Le pouvoir actuel prend le risque de flirter dangereusement avec ces sujets, il est dans sa logique et tant pis pour lui. Mais si le reste de la classe politique n'allume pas les contre-feux nécessaires, c'est à la démocratie dans son ensemble à qui les Français demain demanderont des comptes.

Hubert de Marans.

[1]. Sur l'excellent site des Archives Royalistes.
[2]. Jacques Delcour, Garantie foncière : le panier de crabes, La Nouvelle Action française, 26 juillet 1971.
[3]. Les résultats de ces cogitations sont exposés jusqu'au 22 novembre à la Cité de l'architecture (1, Place du  Trocadéro, Paris 16e). Si vous voulez prendre conscience du niveau de confusion intellectuelle qui règne dans la tête de nos "grands" architectes, courez-y, c'est absolument édifiant. Nous y reviendrons dans un prochain billet.
[4]. Alors que toutes les enquêtes montrent que les Parisiens et les visiteurs étrangers sont massivement hostiles à l'érection de telles horreurs, Delanoë persiste. Il faudra qu'il paye un jour ce déni de démocratie. Notre site relaiera toutes les initiatives visant à s'opposer par tous les moyens (même légaux!) à ces constructions. A quand la reconstitution du Comité "Sauver Paris"?

 

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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 17:47

La France en lutte

 

Mercredi 14 octobre
- Rio Tinto Alcan, branche aluminium du géant minier anglo-australien Rio Tinto, a annoncé la suppression de 350 postes sur 2500 dans les sept sites qu'exploitent l'entreprise en France. La maison-mère, qui fait des bénéfices, a annoncé parallèlement qu'elle doublait sa participation  financière au capital du canadien Invanhoe Mines. Pas d'argent pour l'emploi, tout pour les profits!

Jeudi 15 octobre
- Le tribunal de commerce de Bourges a prononcé la liquidation judiciaire de la fonderie Two Cast Berry, qui emploie 79 salariés à Saint-Satur (Cher). L'entreprise, qui appartient au groupe chinois Two Cast, avait été placée en redressement judiciaire en juin dernier, après une série de difficultés techniques liées à un manque d'investissement. La fermeture du site est prévue pour fin octobre.
- Un salarié de France Télecom a mis fin à ses jours, portant le nombre de suicides dans l'entreprise à 25 depuis le mois de février 2008. Cet ingénieur de 48 ans travaillait au centre de recherche et de développement de Lannion (Côtes-d'Armor) et était en arrêt de travail depuis un mois.

Vendredi 16 octobre
- 50000 agriculteurs ont défilé dans vingt-trois villes françaises, à l'appel de la FNSEA, pour défendre la filière "lait" et obtenir des mesures d'accompagnement du Gouvernement et de l'Union européenne. Une réunion des ministres européens de l'agriculture aura lieu lundi mais  débouchera  sur des mesures décevantes du fait de l'attitude négative de Mme Fischer Boel,  commissaire européen chargé du secteur.

Lundi 19 octobre
- Les salariés de Servisair, société prestataire de services pour les aéroports, ont reconduit leur grève décidé d'engager des actions pour perturber l'activité sur l'aéroport d'Orly. Le contrat entre Aéroports de Paris er Servisair n'ayant pas été reconduit et s'achevant fin octobre, les salariés se battent pour que le futur repreneur s'engage à conserver l'intégralité de l'effectif et les salaires.

Mardi 20 octobre
- Plus de 15000 employés de Pôle Emploi, le nouveau service public né de la fusion de l'ANPE et des Assedic, ont débrayés pour protester contre les conditions "catastrophiques" dans lesquelles était opéré ce rapprochement et les conséquences sur l'accueil des chômeurs.
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Trois syndicats de cheminots - CGT, Fgaac-CFDT et Sud Rail - ont appelé à une grève non reconductible pour protester contre la réforme du fret et ses conséquences en termes d'emplois. A la suite de l'annonce fin septembre d'un "plan de développement du fret" par la SNCF, les syndicats redoutent 6.000 "suppressions d'emplois" dans cette branche et la filialisation de certaines activités.
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  Dans le secteur de la santé, une intersyndicale CGT, CFDT, CFTC, FO, FSU, Sud Santé et Unsa des infirmiers appelle à une nouvelle journée d'actions contre la mise en place d'un Ordre infirmier.
L'entreprise SPIR Communication, filiale du groupe SIPA-Ouest France, va procéder à d'importantes restructurations, qui pourraient se traduire par la suppression de 170 postes.

Mercredi 21 octobre
- L'équipementier suédois Autoliv projette de fermer d'ici la fin de l'année son usine de Caudebec-lès-Elbeuf (près de Rouen), qui emploie 141 salariés. Selon la CGT, Autoliv a laissé mourir ce site, en privilégiant ses unités de Roumanie et de Turquie qui réalisent le même type de composants.

Jeudi 22 octobre
- Plusieurs fédérations CGT (métallurgie, plasturgie, verre, etc.), ainsi que la CGT retraités et Sud appellent à une mobilisation pour "le développement et l’emploi industriels " alors que les suppressions d’emplois se sont amplifiées dans ces secteurs depuis le début de la crise. Une manifestation nationale est prévue à Paris. Les Etats généraux de l’Industrie ont été lancés jeudi dernier par le ministre Christian Estrosi et une «  grande convention nationale » doit les clore en février. Selon les syndicats, il ne devrait rien sortir de cette démarche.

Henri Valois.

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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 10:50
Justice
et société                 

     





Nous reproduisons ci-dessous deux extraits du traité majeur de Pierre-Joseph Proudhon, De la Justice dans la Révolution et dans l'Eglise, publié pour la première fois en 1858. C'est une oeuvre de maturité où Proudhon cherche à la fois à théoriser ses intuitions sur la morale, la formation de la société, l'autorité, les conditions d'existence d'une communauté d'hommes libres et à les faire coïncider avec la situation politique présente, cette première phase du Second Empire, dont il dénonce la démagogie et la duplicité vis-à-vis du mouvement socialiste. Comme toujours, pensée et action coexistent chez Proudhon.

La Justice est le maître mot de cette philosophie. Une justice qui est bien plus qu'une règle de conduite sociale, mais une réalité universelle, fondement même de la société humaine et moteur de progrès. On retrouve ici, rassemblées autour de cette notion, plusieurs idées chères à Proudhon: celle d'une force d'équilibre au sein de la nature, force d'ordre capable de composer et d'organiser les antagonismes créateurs, celle de la réciprocité qui doit fonder les relations au sein d'une société d'hommes libres, celle du respect de la dignité humaine. Selon Proudhon, cette justice "est tout à la fois, pour l'être raisonnable, principe et forme de la pensée, garantie du jugement, règle de la conduite, but de savoir et fin de l'existence. Elle est sentiment et notion, manifestation et loi, idée et fait; elle est la vie, l'esprit, la raison universelle" (De la Justice).

On s'amusera de voir combien Proudhon dans ces textes est loin des caricatures qui déforment encore trop souvent son oeuvre. Sa critique du communisme, particulièrement nette et prémonitoire ("il n'y a pas d'exemple d'une communauté, née dans l'enthousiasme, qui n'ait fini dans l'imbécilité"), prive d'arguments  ceux qui, encore aujourd'hui, continuent à voir en Proudhon un satellite de Marx. De la même façon, ses préventions vis à vis d'une société libertine, poussant l'invidualisme jusqu'à l'extrême, répondent à ceux qui voudraient récupérer le penseur franc comtois dans le camp de l'hédonisme et de la pensée 68.

Equilibre, mesure, dignité, réconciliation de l'homme et de la nature, tels sont en définitive les maîtres mots de la pensée proudhonienne. Sa conception  de la réciprocité, ferment des relations humaines, n'est en réalité pas très éloignée de celle de la philia d'Aristote. Quant à la Justice concue comme moteur et force agissant sur la nature, mais aussi comme source de connaissance, il est difficile de ne pas y trouver d'affinités avec le logos d'Héraclite ou la raison droite des stoïciens.  On le voit, c'est sur des terrains proches des nôtres que Proudhon se situe en métaphysicien. Rien d'étonnant à ce que nous puissions faire nôtres la plupart des idées qu'il en tirera en tant que sociologue.


Vincent Maire.



C’est la Justice qui permet à une société d’hommes libres d’exister


I. — Dans le sujet considéré isolément, l'étude des mœurs, quelques variations que celles-ci subissent sous les influences du dehors, ne paraît pas souffrir de difficulté sérieuse. L'homme se subordonnant la nature, n'étant serviteur que de lui-même, sa dignité primant toute existence, sa félicité étant sa seule loi, la contradiction ne surgit d'aucune part.

Il n'en est pas de même du sujet considéré dans ses rapports avec ses pareils et vivant en société ; et l'on se demande tout d'abord si une science des mœurs, dans une collectivité formée d'êtres intelligents et libres, est possible. La variété des mœurs est infinie, parmi les nations. Mais y a-t-il, peut-il y avoir une constante sociale? Ici commence une série de problèmes qui font le désespoir des philosophes et le triomphe des théologiens.

On a vu plus haut que dans le sujet, quel qu'il soit, individu ou groupe, considéré en lui-même, et abstraction faite de tous rapports avec des individus ou des groupes de même espèce, la règle des mœurs est le plus grand bien, ce qu'on nomme la maxime de félicité. Or, il peut arriver, et l'expérience prouve qu'il arrive tous les jours, que les intérêts, tant individuels que collectifs, malgré la sympathie qui rapproche les êtres de même espèce, soient en opposition diamétrale. Comment concilier ces intérêts divergents, si, pour tout le monde, la maxime des mœurs reste la même, la félicité? Comment satisfaire en même temps des volontés antagoniques, dont chacune exige ce qui fait l'objet des réclamations des autres?

II. — Pour établir l’équilibre, on a recours à diverses hypothèses.

Les uns, considérant que l'homme n'a de valeur que par la société, que hors de la société il retombe à l'état de brute, tendent de toutes leurs forces, au nom de tous les intérêts, particuliers et sociaux, à absorber l'individu dans la collectivité. C'est-à-dire qu'ils ne reconnaissent d'intérêts légitimes que ceux du groupe social, de dignité, d'inviolabilité par conséquent que dans le groupe, de qui les individus tirent ensuite ce qu'on appelle, mais fort improprement, leurs droits. Dans ce système, l'individu n'a pas d'existence juridique; il n'est rien par lui-même; il ne peut invoquer de droits, il n'a que des devoirs. La société le produit comme son expression, lui confère une spécialité, lui assigne une fonction, lui accorde sa part de félicité et de gloire : il lui doit tout, elle ne lui doit rien.

Tel est, en peu de mots, le système communiste, préconisé par Lycurgue, Platon, les fondateurs d'ordres religieux, et la plupart des socialistes contemporains. Ce système, qu'on pourrait définir, la déchéance de la personnalité au nom de la société, se retrouve, légèrement modifié, dans le despotisme oriental, l'autocratie des césars et l'absolutisme de droit divin. C'est le fond de toutes les religions. Sa théorie se réduit à cette proposition contradictoire : Asservir l'individu, afin de rendre la masse libre. Évidemment la difficulté n'est pas résolue : elle est tranchée. C'est de la tyrannie, une tyrannie mystique et anonyme ; ce n'est pas de l'association. Aussi le résultat a-t-il été ce que l'on pouvait prévoir : la personne humaine destituée de ses prérogatives, la société s'est trouvée dépourvue de son principe vital ; il n'y a pas exemple d'une communauté qui, fondée dans l'enthousiasme, n'ait fini dans l'imbécillité.

III. — L'esprit va d'un extrême à l'autre. Averti par l'insuccès du communisme, on s'est rejeté dans l'hypothèse d'une liberté illimitée. Les partisans de celle opinion soutiennent qu'il n'y a pas, au fond, opposition entre les intérêts; que, les hommes étant tous de même nature, ayant tous besoin les uns des autres, leurs intérêts sont identiques, partant aisés à accorder; que l'ignorance seule des lois économiques a causé cet antagonisme, qui disparaîtra le jour où, plus éclairés sur nos rapports, nous reviendrons à la liberté et à la nature. Bref, on conclut que s'il y a désharmonie entre les hommes, cela vient surtout de l'immixtion de l'autorité dans des choses qui ne sont pas de sa compétence, de la manie de réglementer et légiférer ; qu'il n'y a qu'à laisser agir la liberté, éclairée par la science, et que tout rentrera infailliblement dans l'ordre. Telle est la théorie des modernes économistes, partisans du libre-échange, du Laissez faire laissez passer, du Chacun chez soi chacun pour soi, etc.

Comme on voit, ce n'est toujours pas résoudre la difficulté; c'est nier qu'elle existe. —Nous n'avons que faire de votre Justice, disent les libertaires, puisque nous n'admettons pas la réalité de l'antagonisme. Justice et utilité sont pour nous synonymes. Il suffit que les intérêts, soi-disant opposés, se comprennent pour qu'ils se respectent : la vertu, chez l'homme social, de même que chez le solitaire, n'étant que l'égoïsme bien entendu.

Cette théorie, qui fait consister uniquement l'organisation sociale dans le développement de la liberté individuelle, serait peut-être vraie, et l'on pourrait dire que la science des droits et la science des intérêts sont une seule et même science, si la science des intérêts, ou science économique, étant faite, l'application ne rencontrait aucune difficulté. Elle serait vraie, dis-je, cette théorie, si les intérêts pouvaient être fixés une fois pour toutes et rigoureusement définis ; si, dès le commencement, ayant été égaux, et plus tard, dans leur développement, ayant marché d'un pas égal, ils avaient obéi à une loi constante; si, dans leur inégalité croissante, il ne fallait pas faire si grande la part du hasard et de l'arbitraire; si, malgré tant et de si choquantes anomalies, le moindre projet de régularisation ne soulevait de la part des individus nantis de si vives protestations; si l'on pouvait dores et déjà prévoir la fin de l'inégalité, et par suite de l'antagonisme; si, par leur nature essentiellement mobile et évolutive, les intérêts ne venaient continuellement se faire obstacle, creuser entre eux des inégalités nouvelles; s'ils ne tendaient malgré tout à s'envahir, à se supplanter; si la mission du législateur n'était précisément, enfin, de consacrer par ses lois, à mesure qu'elle se dégage, cette science des intérêts, de leurs rapports, de leur équilibre, de leur solidarité : science qui serait la plus haute expression du droit si on pouvait jamais la croire définitive, mais science qui, venant toujours après coup, ne devançant pas les difficultés, forcée d'imposer ses décisions par autorité publique, peut bien servir d'instrument et d'auxiliaire à l'ordre, mais ne saurait être prise pour le principe même de l'ordre.

Par ces considérations, la théorie de la liberté, ou de l'égoïsme bien entendu, irréprochable dans l'hypothèse d'une science économique faite et de l'identité démontrée des intérêts, se réduit à une pétition de principe. Elle suppose réalisées des choses qui ne le peuvent être jamais; des choses dont la réalisation incessante, approximative, partielle, variable, constitue l'œuvre interminable du genre humain. Aussi, tandis que l'utopie communiste a encore ses praticiens, l'utopie des libertaires n'a pu recevoir le moindre commencement d'exécution.

IV. — L'hypothèse communiste et l'hypothèse individualiste étant donc toutes deux écartées, la première comme destructive de la personnalité, la seconde comme chimérique, reste à prendre un dernier parti, sur lequel du reste la multitude des peuples et la majorité des législateurs sont d'accord : c'est celui de la Justice.

La dignité, chez l'homme, est une qualité hautaine, absolue, impatiente de toute dépendance et de toute loi, tendant à la domination des autres et à l'absorption du monde.

On admet à priori que, devant la société dont ils font partie, tous les individus, considérés simplement comme personnes morales, et abstraction faite des capacités, des services rendus, des déchéances encourues, sont de dignité égale; qu'en conséquence ils doivent obtenir pour leurs personnes la même considération, participer au même titre au gouvernement de la société, à la confection des lois, et à l'exercice des charges.

Respect des personnes, égal et réciproque, quoi qu'il en coûte aux antipathies, aux jalousies, aux rivalités, à l'opposition des idées et des intérêts : voilà le premier principe.

Le second est une application du premier.

La tendance de l'homme à l'appropriation est, comme la dignité dont elle émane, absolue et sans limite. On convient de faire droit à cette tendance, chez tous les sujets, mais sous certaines conditions qui servent a constater la propriété de chacun et à la distinguer de celle d'autrui. Ainsi la propriété est légitime, à ce titre inviolable et garantie par la puissance publique, si elle est déterminée dans son objet ; si l'occupation est effective ; si elle a été acquise par usucapion, travail, achat, succession, prescription, etc. Ces conditions sont d'ailleurs sujettes à révision; elles peuvent, à mesure de la multiplicité et de la complication des intérêts, s'augmenter de nouveaux articles : telles qu'elles existent, elles doivent être observées religieusement.

Respect des propriétés et des intérêts, égal et réciproque, dans les conditions posées par la loi, et quoi qu'il en coûte à l'envie, à l'avarice, à la paresse, à l'incapacité : tel est le second principe.

En deux mots, reconnaissance mutuelle de la dignité et des intérêts, tels qu'ils sont déterminés et conditionnés par le pacte social : voilà, par premier aperçu, ce que c'est que le système juridique, la Justice. Respect pour respect, garantie pour garantie, service pour service, sous condition d'égalité : c'est tout le système. Faisons-en ressortir les avantages.

V. — 1° En ce qui concerne l'homme :

Nous avons vu le communisme partir de l'idée que l'homme est un être foncièrement insociable et méchant, homo homini lupus; qu'il n'a aucun droit à exercer, aucun devoir à remplir envers son semblable; que la société seule fait tout en lui, qu'elle seule lui donne la dignité, et fait de lui un être moral. Ce n'est pas moins que la déchéance humaine posée en principe : ce qui répugne à la notion de l'être et implique contradiction

Dans le système de la liberté pure, la dignité du sujet, qu'on croyait sauvegarder par une exagération en sens contraire, n'est pas moins sacrifiée. Ici l'homme n'a plus ni vertu, ni justice, ni moralité, ni sociabilité, l'intérêt seul faisant tout en lui : ce qui répugne à la conscience, qui ne consent pas à ce qu'on la réduise au pur égoïsme.

L'idée juridique paraît donc, sous ce premier point de vue, satisfaire aux plus nobles aspirations de notre nature : elle nous proclame dignes, sociables, moraux ; capables d'amour, de sacrifice, de vertu; ne connaissant la haine que par l'amour même, l'avarice que, par le dévouement, la félonie que par l'héroïsme ; et elle attend de notre conscience seule ce que les autres imposent à notre soumission ou sollicitent de notre intérêt.

En ce qui touche la société, nous relèverons des différences analogues :

Dans le communisme, la société, l'Etat, extérieur et supérieur à l'individu, jouit seul de l'initiative; hors de lui, point de libre action; tout s'absorbe en une autorité anonyme, autocratique, indiscutable, dont la providence gracieuse ou vengeresse distribue d'en-haut, sur les têtes prosternées, les châtiments et les récompenses. Ce n'est pas une cité, une société; c'est un troupeau présidé par un hiérarque, à qui seul, de par la loi, appartiennent la raison, la liberté" et la dignité d'homme.

Dans le système de la liberté pure, s'il était possible d'en admettre un seul instant la réalisation, il y aurait encore moins de société que dans le communisme. Comme, d'un côté, on ne reconnaît pas d'existence collective; que d'autre part on prétend n'avoir pas besoin, pour maintenir la paix, de concessions réciproques, que tout se réduit à un calcul d'intérêt, l'action politique ou sociale devient superflue : il n'y a réellement pas de société. C'est une agglomération d'individualités juxtaposées, marchant parallèlement, mais sans rien d'organique, sans force de collectivité ; où la cité n'a rien à faire, où l'association, réduite a une vérification de comptes, est, je ne dis pas nulle, mais, pour ainsi dire, illicite.

Pour qu'il y ait société entre des créatures raisonnables, il faut qu'il y ait engrenage des libertés, transaction volontaire, engagement réciproque : ce qui ne peut se faire qu'à l'aide d'un autre principe, le principe mutuelliste du droit. La Justice est commutative de sa nature et dans sa forme : aussi, loin que la société puisse être conçue comme existant au-dessus et en dehors des individus, ainsi que cela a lieu dans la communauté, elle n'a d'existence que par eux; elle résulte de leur action réciproque et de leur commune énergie; elle en est l'expression et la synthèse. Grâce à cet organisme, les individus, similaires par leur indigence originelle, se spécialisent par leurs talents, leurs industries, leurs fonctions ; développent et multiplient, à un degré inconnu, leur action propre et leur liberté. De sorte que nous arrivons à ce résultat décisif : En voulant tout faire par la liberté seule on l'amoindrit ; en l'obligeant à transiger, on la double.

En ce qui touche le progrès :

La communauté une fois constituée, c'est pour l'éternité, Là, point de révolutions, point de transformations : l'absolu est immuable. Le changement lui répugne. Pourquoi changerait-il? Ne consiste-t-il pas à absorber de plus en plus dans l'autorité anonyme toute vie, toute pensée, toute action ; à fermer les issues, à empêcher le travail libre, le commerce libre, comme le libre examen? Le progrès ici est un non-sens.

Avec la liberté illimitée, on conçoit à toute force que le progrès puisse exister dans l'industrie; mais il sera nul dans la vie publique, nul dans les institutions, puisque, d'après l'hypothèse, le juste et l'utile étant identiques, la morale et les intérêts se confondant, il n'y a pas de solidarité sociale, pas d'intérêts communs, pas d'institutions.

La Justice seule peut donc encore être dite progressiste, puisqu'elle suppose un amendement continuel de la législation, d'après l'expérience des rapports quotidiens, partant un système de plus en plus fécond de garanties.

Au reste, ce qui fait le triomphe de l'idée juridique sur les deux formes hypothétiques du communisme et de l'individualisme, c'est que, tandis que le droit se suffit à lui-même, le communisme et l'individualisme, incapables de se réaliser par la seule vertu de leur principe, ne peuvent se passer des prescriptions du droit. Tous deux sont forcés d'appeler la Justice à leur secours, et se condamnent ainsi eux-mêmes par leur inconséquence et leur contradiction. Le communisme, obligé par la révolte des individualités opprimées à faire des concessions et à se relâcher de ses maximes, périt tôt ou tard, d'abord parle ferment de liberté qu'il introduit dans son sein, puis par l'institution d'une judicature, arbitre des transactions. L'individualisme, incapable de résoudre à priori son fameux problème de l'accord des intérêts, et contraint de poser des lois au moins provisoires, abdique à son tour devant cette puissance nouvelle, qu'excluait la pratique pure de la liberté.

VI. — Des trois hypothèses que nous avons vues se produire pour triompher de l'opposition des intérêts, créer un ordre dans l'humanité, et convertir la multitude des individualités en association, il ne subsiste donc réellement qu'une seule, celle de la Justice. La Justice, par son principe mutuelliste et commutatif, assure la liberté et en augmente la puissance, crée la société, et lui donne, avec une force irrésistible, une vie immortelle. Et de même que, dans l'état juridique, la liberté en s'élevant à une plus haute puissance a changé de caractère; de même l'état, en acquérant une force extraordinaire, n'est plus le même qu'il s'était posé d'abord dans l'hypothèse communiste : il est la résultante, non la dominante des intérêts. (De la Justice dans la Révolution et dans l’Eglise, tome 1, pages 56 à 64) 

 


La Justice, force motrice de la société


La condition sociale ne peut pas être pour l'individu une diminution de sa dignité, elle ne peut en être qu'une augmentation. Il faut donc que la Justice, nom par lequel nous désignons surtout cette partie de la morale qui caractérise le sujet en société, pour devenir efficace, soit plus qu'une idée, il faut qu'elle soit en même temps une Réalité. Il faut, disons-nous, qu'elle agisse non-seulement comme notion de l'entendement, rapport économique, formule d'ordre, mais encore comme puissance de l'âme, forme de la volonté, énergie intérieure, instinct social, analogue, chez l'homme, à cet instinct communiste que nous avons remarqué chez l'abeille. Car il y a lieu de penser que, si la Justice est demeurée jusqu'à ce jour impuissante, c'est que, comme faculté, force motrice, nous l'avons entièrement méconnue, que sa culture a été négligée, qu'elle n'a pas marché dans son développement du même pas que l'intelligence, enfin que nous l'avons prise pour une fantaisie de notre imagination, ou l'impression mystérieuse d'une volonté étrangère. Il faut donc, encore une fois, que cette Justice, nous la sentions en nous, par la conscience, comme un amour, une volupté, une joie, une colère; que nous soyons assurés de son excellence autant au point de vue de notre félicité personnelle qu'à celui de la conservation sociale; que, par ce zèle sacré de la Justice, et par ses défaillances, s'expliquent tous les faits de notre vie collective, ses établissements, ses utopies, ses perturbations, ses corruptions; qu'elle nous apparaisse, enfin, comme le principe, le moyen et la fin, l'explication et la sanction de notre destinée.

En deux mots une Force de Justice, et non pas simplement une notion de Justice ; force qui, en augmentant pour l'individu la dignité, la sécurité et la félicité, assure en même temps l'ordre social contre les incursions de l'égoïsme : voilà ce que cherche la philosophie, et hors de quoi point de société. (De la Justice dans la Révolution et dans l’Eglise, tome 1, pages 74-75)



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20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 18:40
Retour de la question sociale

Ainsi que le signale Jean Philippe Chauvin dans son excellent blog[1], la question sociale revient au coeur des problématiques françaises. Il suffit pour s'en convaincre de prendre connaissance de la longue liste de conflits, parfois très violents, qui, semaine après semaine, alimentent les pages sociales de nos quotidiens. La crise actuelle est, en réalité, le révélateur d'une situation beaucoup plus ancienne qui a progressivement bloqué "l'ascenseur social" et placé une partie de la population dans un état de désespérance et d'atonie. Cette réalité recouvre ce que Denis Clerc, dans un livre paru l'an dernier, appelait "la France des travailleurs pauvres"[2]  et qui constitue aujourd'hui, comme le montre Jean-Philippe Chauvin, une nouvelle forme de prolétariat:

Bien sûr, le « nouveau prolétariat »  n’est plus celui de 1900, mais, au-delà de ses difficultés présentes, sa nature reste la même ; c’est-à-dire une masse de travailleurs interchangeables sans autre lien avec le Travail que celui que les détenteurs de l’Argent veulent et voudront bien lui allouer, à titre temporaire, pour en tirer des profits substantiels sans être obligés de les redistribuer à ceux qui en sont les producteurs « de base », mais plutôt et seulement aux actionnaires ou aux cadres dirigeants, les uns se confondant parfois avec les autres : c’est d’ailleurs là un des éléments forts du « scandale social » qui voit d’immenses fortunes se bâtir sur de simples jeux boursiers et non plus sur la qualité du travail effectué en tant que telle. Le « nouveau prolétariat » comme l’ancien se caractérise par la « dépossession ».

Dans un entretien donné, il y a un an, à l'hebdomadaire Marianne[3], Denis Clerc marquait bien la différence de nature qui existe entre ce monde des "travailleurs pauvres" et le prolétariat de la fin du XIXe siècle : 

D'une part, le prolétariat des années 1850-1950 était organisé et combatif, les travailleurs pauvres – des travailleuses dans plus d'un cas sur deux – sont isolés et résignés ; tandis que de bonnes âmes se chargent de leur expliquer que c'est de leur faute s'ils en sont là. D'autre part, ce même prolétariat avait moins besoin d'emploi –, – il en avait, le plus souvent – que de protection sociale, alors que les travailleurs pauvres ont besoin d'emploi digne plus que de protection sociale, le premier leur assurant l'accès à la seconde. 

A nouvelle donne sociale, nouvelle forme d'intervention de l'Etat. Nous suivons assez Jean-philippe Chauvin lorsqu'il insiste sur la dimension politique des réponses à apporter à la question sociale et qu'il met en valeur le cadre naturel de solidarité que constitue la nation : 

La nation est la première protection sociale, c’est le plus vaste des cercles communautaires à mesure humaine et historique et qu’il offre des solidarités fortes en son sein, en son espace souverain, au-delà des différences professionnelles ou culturelles. Aussi, la question sociale est une question éminemment politique, et, là encore, le « Politique d’abord » doit être compris comme la nécessité d’utiliser ce moyen pour limiter les excès de la globalisation ; susciter une véritable impulsion de l’Etat pour les grandes réformes sociales qui sont urgentes et son arbitrage pour les conflits de « légitimité sociale » entre les divers « décideurs » et les « acteurs du travail », et cela sans tomber dans l’étatisme ou le dirigisme ; permettre et accompagner un véritable aménagement du territoire qui ouvre la voie à une relocalisation de nombreuses activités et à une prise en compte véritable du « souci environnemental » ; etc. Aujourd’hui, traiter la question sociale signifie « ne plus laisser faire la seule loi du Marché » mais redonner au Politique des moyens de pression sur l’Economique.

Ces convictions sont partagées par Hilaire de Crémiers, qui consacre également l'éditorial de Politique magazine (Octobre)[4] à la question sociale: 

Les rapports économiques dans leur nécessité - et souvent leur implacable nécessité - s'inscrivent naturellement, pour trouver leur sens humain, dans la logique du bien commun où la société, la nation  ont toute leur finalité et l'Etat son sens précis de serviteur public. La mondialisation ne saurait être une réduction des cultures au plus petit dénominateur commun mais exige un juste équilibre dont aucun des organismes internationaux actuels, dans leur philosophie, leur structure et leur fonctionnement, ne peut assumer la responsabilité : il y faudrait une autorité - et non un pouvoir - qui soit le garant de l'avenir de la civilisation humaine. [...] Bref, pour résoudre la question sociale, se pose à tous les niveaux une plus grave question, celle de la légitimité.

Respect du cadre national,  légitimité de l'Etat, capacité d'arbitrage entre les groupes sociaux sont à l'évidence des  conditions nécessaires pour pouvoir traiter la question sociale. Mais sont-elles suffisantes ? Et ne faut-il pas aussi s'interroger sur l'orientation des politiques sociales qui doivent être mises en oeuvre, sur leur contenu même ?

Dans son dernier livre[5], le sociologue Robert Castel insiste sur un certain nombre de pistes de diagnostic et de solutions. Pour lui, l'effritement du salariat et de la précarisation massive du travail, qui sont à l'oeuvre depuis la fin des années 70, sont les premières causes de fragilisation de la cohésion sociale. Elles font naître une différence fondamentale entre celui qui maîtrise son avenir, possède son travail et celui qui exerce un travail dévalorisé, sans perénnité d'embauche. S'il est illusoire, sauf à retomber dans des utopies dangereuses, d'espérer pouvoir protéger partout l'emploi salarié garanti, une réponse prometteuse repose sans doute dans la sécurisation des trajectoires professionnelles, qui doit permettre, par un jeu régulier de formation et d'apprentissage, d'aboutir à un travail revalorisé.

Cette réponse, qui suppose de remobiliser très largement la société sur la valeur "travail", ne se construira pas spontanément. Robert Castel montre d'ailleurs assez bien, sans s'en réjouir, que l'essor de l'individualisme et de la "culture consumériste" ne vont pas spontanément dans ce sens. De la part des acteurs sociaux, et en premier lieu des syndicats ouvriers, elle appelle une volonté d'agir sur l'orientation de la production, les métiers, les qualifications et l'évolution des carrières au sein des entreprises, toutes choses sur lesquelles il sera impossible d'avancer en l'absence d'un syndicalisme de masse, présent à tous les niveaux de la société. Enfin, comme concluait Denis Clerc dans Marianne[2]., ce chantier est impensable sans réviser profondément les modes de faire de la sphère publique, et en premier lieu ceux de l'Etat :

Cela ne se fera pas tout seul : et c'est pourquoi je pense que l'État de demain, s'il sera interventionniste, sera davantage un Etat d'investissement social, veillant à ce que les travailleurs affrontent le marché du travail avec suffisamment d'atouts, qu'un État producteur, à la manière de celui des Trente Glorieuses.

Pour tous ceux qui veulent sérieusement construire une alternative au capitalisme mondialisé, et qui commencent à émettre des doutes sur le fait que la politique ne se devrait plus se résumer qu'aux questions d'écologie, voici en tous cas quelques chantiers prometteurs!

Paul Gilbert.

 


[1]. Jean-Philippe Chauvin

[2]. Denis Clerc, La France des travailleurs pauvres. (Grasset, 2008, 221 pages).

[3]. Marianne2.fr Entretien avec Denis Clerc "Vers un retour de la question sociale au coeur de la crise, 9 octobre 2008.

[4]. Hilaire de Crémiers, La question sociale, Politique magazine, n°78, octobre 2009.

[5]. Robert Castel, La montée des incertitudes. (Le Seuil, 2009,  457 pages).


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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 13:00
Delfica

La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance,
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l’olivier, le myrthe ou les saules tremblants,
Cette chanson d’amour… qui toujours recommence?

Reconnais-tu le Temple, au péristyle immense,
Et les citrons amers où s’imprimaient tes dents,
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l’antique semence?...

Ils reviendront, ces dieux que tu pleures toujours!
Le temps va ramener l’ordre des anciens jours;
La terre a tressailli d’un souffle prophétique…

Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l’arc de Constantin
— Et rien n’a dérangé le sévère portique.

Gerard de Nerval, 1808-1855. Les Chimères (1854).

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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 22:40
Le chat et les souris

Décidément, Vaklav Klaus a bien du talent ! Jouer seul contre vingt-six dans la course à la montre pour la ratification du traité de Lisbonne demande déjà un bel effort. Mais accomplir un tel parcours tout en narguant les autres joueurs et en les faisant tourner en bourrique relève véritablement de l'exploit sportif.  C'est ce que vient de faire l'excellentissime chef de l'Etat tchèque en ré-exhumant le dossier empoisonné des décrets Benès. Et voilà que toutes les souris européistes, à commencer par le mirobolant Barroso, se jettent à corps perdu sur ce morceau de fromage vénéneux.

Nous sommes sûr que nos lecteurs gardent une bonne mémoire des péripéties de l'histoire récente. Ils se souviennent certainement qu'à la fin de l'été 1938, Adolf Hitler, poursuivant un plan  préparé de longue date, demanda et obtint, après Munich, le rattachement au IIIe Reich des 3 millions d'Allemands des Sudètes, alors sujets tchéco-slovaques. Une grande partie d'entre eux eurent l'imprudence et le malheur de jouer les supplétifs du régime nazi, dans une Tchécoslovaquie sous la botte allemande. Bien mal leur en pris. L'histoire n'aimant pas les vaincus, ils furent expulsés immédiatement après la guerre et le nouveau gouvernement tchèque, présidé par Edvard Benès, confisqua tous leurs biens. En échange de quoi l'Etat tchèque ne réclama pas de dommages de guerre à l'Allemagne vaincue. Voilà pour les décrets Benès.

Comme il se doit, les Sudètes spoliés n'ont pas laché prise et ils exercent régulièrement des pressions sur la République tchèque pour récupérer leurs biens. En particulier depuis l'introduction dans le traité de Lisbonne d'une Charte des droits fondamentaux, sur laquelle ils fondent beaucoup d'espoir. Comme on peut l'imaginer, l'immense majorité du peuple tchèque, qui a la mémoire longue, n'apprécie que très modérément leurs revendications, surtout lorsqu'elles paraissent  soutenues par des mains allemandes. Voilà  pourquoi le président tchèque demande aujourd'hui une protocole additionnel au traité de Lisbonne, garantissant la pérennité des décrets Benès. Il ajoute au passage que ce privilège n'est pas plus excessif que ceux que les Irlandais, les Anglais ou les Polonais ont obtenu en échange de leur adhésion au traité. On voit que l'argumentaire est assez bien pesé ! Avec le recours déposé devant la Cour constitutionnelle de Prague contre le traité, M. Klaus dispose maintenant de deux fers au feu.

Les Lisbonnards sont évidemment tombés dans le panneau à pieds joints. En réagissant avec fureur à la demande de M. Klaus, en sommant celui ci de ratifier le traité au plus vite et sans conditions, M. Barroso et le directorat européiste ont démontré une fois de plus leur manque de sang froid, de métier et leur mépris des peuples. Le président tchèque a eu beau jeu de répondre qu'il était tenu par la réponse de la Cour Constitutionnelle, qui n'examinera le recours que vers la fin du mois, et qu'il entendait que l'on traite les demandes tchèques avec un peu plus de sérieux. A Prague, la réaction des milieux politiques ne s'est pas faite attendre : les conservateurs ont pris fait et cause pour le Président, l'opposition social démocrate s'est enfoui la tête dans le sable et le gouvernement de transition de M. Fisher pousse Bruxelles à négocier. A quelques mois d'élections générales très disputées, l'opinion publique commence à grogner contre les diktats bruxellois. Résultat : Barroso, enfin conscient des risques, s'est résigné ce weekend à discuter.

Tout est désormais suspendu à la décision de la Cour constitutionnelle tchèque. Si celle ci rejette le recours, M. Klaus cherchera à arracher un dernier gage pour son pays, avant de signer. Qu'elle émette au contraire un arrêt défavorable au traité, ou qu'elle décide de prendre son temps, et la perspective d'une ratification avant fin 2009 s'évanouira. Alors, tout redeviendra  possible.


  Vincent Lebreton.

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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 18:42
Mort d'un                          
grand vivant   

     



chessex.jpeg
 

Que dire de Jacques Chessex, disparu mercredi dernier, sinon que nous l'aimions. Le personnage n'était pas facile et ses provocations, ses coups de gueule et ses algarades en rebutèrent plus d'un. Mais ils lui attachèrent une vaste légion d'amis, fidèles jusqu'au bout. Non seulement parce qu'il était un vrai poète, dans la veine, si belle, de Gustave Roud, et parce qu'il était un écrivain plein de ressort, sachant mener la langue française des verdeurs de son Jorat jusqu'aux rives les plus neuves  et parfois les plus dramatiques de la modernité. Mais aussi et surtout parce qu'il était un grand vivant, un de ces hommes déchirés par la vie et qui savent faire de leurs déchirures un chant et une façon particulière de vivre.

Comme Cingria qu'il aimait, Chessex revendiqua jusqu'au bout sa singularité. Suisse, romand, vaudois, natif d'un pays qui étend ses crêtes et son plateau au dessus de Lausanne, il resta fidèle jusqu'au bout à ces coins de terre qu'il aimait, de même qu'il assuma stoïquement son double héritage calviniste et latin. A ces éléments, qui composaient déjà une âme particulière, s'ajouta un drame personnel, celui du suicide de son père, forte personnalité, professeur d'histoire adulé, grand amateur de femmes, qui marqua profondément ses livres. Chessex faisait ainsi partie de ce club secret, dominé par les hautes figures de Nietzsche, de Kierkegaard, de Dostoïevski, de Malraux ou de T.E. Lawrence, où l'écriture cherche à exorciser cette figure du père absent, à s'en arracher douloureusement ou à s'en détacher plus paisiblement. De l'oeuvre de Chessex, nous retiendrons d'abord cette lutte filiale, ce combat qui traverse trois grands livres, L'Ogre, qui lui valut en 1973 le Prix Goncourt, Monsieur en 2001, suivi de l'Economie du ciel en 2003 [1]. Auxquels nous rajouterions volontiers ces belles chroniques publiées en 2001 sous le titre De l’encre et du papier [2], récit d'une libération où l'appel du pays vaudois, ses paysages, ses habitants, ses chapelles, blanches et nues, aux autels en faux marbre, surchargés de bouquets multicolores, qui surgissent dans chaque village, apaisent progressivement la douleur du père disparu.

Jacques Chessex avait rejoint début septembre le jury du Prix Giono, qui l'avait d'ailleurs couronné en 2007 pour l'ensemble de son oeuvre. Rien là de plus normal, les affinités entre les deux oeuvres, celle du Suisse et celle du maître de Manosque étant frappantes. Même écriture pouvant aller de l'extase à la pleine violence, même volonté de montrer la nature humaine telle qu'elle est, cruelle, souvent impitoyable, sous le soleil d'un Dieu absent. Chessex prolonge Giono, comme il prolonge Ramuz. Mais il va plus loin qu'eux car son humanité n'est pas seulement hantée par le péché, par le diable ou en désaccordement avec la nature. Chez Chessex, écrivain de notre temps, le premier ennemi de l'homme, c'est l'homme lui même. Il nous dit que dans des paysages sans tâche, au milieu des Alpes, sur les bords riants du Rhône et du lac Léman, il peut y avoir aussi quelque forme de l'enfer. Sainteté ou libertinage, innocence ou perversité, vie intense ou contemplation, les livres de Chessex nous entraînent brusquement et rapidement d'un de ces môles à l'autre. Et l'on sent que lui-même s'est complu à ne pas choisir entre ces existences exagérées. Comme si lui avait manqué ce guide, ce passeur, cet autre soi même avec qui l'on peut partager ses choix, bref, encore une fois, l'ombre du père absent.


  Eugène Charles.



[1]. Jacques Chessex : L'Ogre (Grasset, 1973), Monsieur (Grasset, 2001), L'économie du ciel (Grasset, 2003).
[2]. Jacques Chessex, De l'encre et du papier, Chroniques (La Bibliothèque des Arts, 2001).

 

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14 octobre 2009 3 14 /10 /octobre /2009 18:42
La Terreur              
en Iran               
     




 

La Conférence Monarchiste Internationale (CMI) - organisation qui regroupe 64 organisations monarchistes représentant 29 nations -  signale  la condamnation à la peine capitale de trois militants monarchistes engagés dans le mouvement de protestation contre la réelection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République.

Le premier de ces condamnés, Mohammad-Reza Ali-Zamani, un militant monarchiste de 37 ans, membre de l'Association Monarchie d’Iran, avait comparu le 8 août dernier, en compagnie de Clothilde REISS devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran. Mohammad Reza Ali Zamani est aujourd’hui en sursis jusqu’au 4 novembre 2009.

Deux autres militants monarchistes iranien, membres de l’Association Monarchie d’Iran, viennent d’être condamné à la pendaison par le Tribunal révolutionnaire de Téhéran à la suite des manifestations de juin dernier. Il s’agit de Hamed Rouhinejad et de Arash Rahmanpour, ce dernier âgé de 20 ans seulement.

Au-delà de l’engagement politique de Mohammad-Reza, Hamed et Arash, c’est l’ensemble de la communauté internationale qui doit aujourd’hui se mobiliser pour sauver la vie de prisonniers politiques condamnés à mort du simple fait de leur opposition au régime terroriste iranien.

Afin d’aider à la mobilisation des énergies et des consciences, la Conférence Monarchiste Internationale vient de mettre en place un collectif  et de lancer une pétition pour la libération de Mohammad-Reza Ali-Zamani et de ses camarades. D’autres initiatives sont en préparation. 



SIGNEZ LA PÉTITION POUR SAUVER ZAMANI ET SES CAMARADES !

Libérez Zamani !


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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 17:47

La France qui bouge

 

Mardi 6 octobre
- Les salariés de l'usine Rohm and Hass, établissement du groupe chimique américain Dow Chemical, ont libéré leur directeur. L'usine, située à Semoy (Loiret), doit fermer à la fin de l'année 2010. 98 emplois seront supprimés.

Mercredi 7 octobre
- Quelques dizaines de milliers de salariés ont participé aux manifestations organisées par l'intersyndicale CGT-CFDT-CFTC-CGC-UNSA-Solidaires-FSU, dans le cadre de la mobilisation internationale en faveur du "travail décent". Les salariés de France Télécom étaient fortement représentés dans ces cortèges.

Jeudi 8 octobre
- Chaffoteaux prépare la fermeture de son usine de Ploufragan (Côtes d'Armor). Un plan social portant sur plus de 200 salariés est engagée. L'actionnaire principal de Chaffoteaux, le groupe italien Ariston, a mis en vente le site qui employait encore 400 salariés en 2007 et plus de 800 en 2001.
- Les salariés du fabricant de chaussures JB Martin basé à Fougères (Ille et Vilaine) ont bloqué leur usine pour protester contre un plan social qui prévoit la suppression de 70 postes sur 136. La CFDT proteste contre l'attitude du groupe qui licencie alors qu'il est bénéficiaire.
- Un ingénieur du Technocentre  Renault de Guyancourt (Yvelines) s'est suicidé à son domicile, a indiqué la direction du personnel du groupe. Fin 2006, ce centre d'ingénierie avait déjà connu le suicide de trois salariés.
 
Vendredi 9 octobre
- Le groupe hollandais Philips confirme la fermeture de son usine de téléviseurs de Dreux (Eure et Loir). L'usine, qui produit des écrans LCD, emploie 218 salariés, après deux plans sociaux en 2003 et 2008, qui ont réduit l'effectif de plus de 600 emplois. La production sera transférée sur le site de Szekesfehervar en Hongrie. Cette fermeture intervient après celle, en 2006,  de l'usine de tubes cathodiques de Philips à dreux qui employait 550 salariés.
- Les salariés de la société Dietal, spécialisée dans l'éclairage industriel, ont retenu contre son gré le DRH de l'entreprise en signe de protestation contre la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce à l'encontre de leur entreprise. L'usine Dietal, installée à Belleville (Rhône) emploie 86 salariés.

Samedi 10 octobre
-  Quatre mille victimes de l’amiante ont défilé samedi, à Paris, pour dénoncer le scandale de l’amiante et réclamer un procès pénal des responsables : industriels, employeurs, hauts fonctionnaires.  Fait nouveau cette année, une vingtaine de membres de l’Union syndicale des magistrats (USM) et de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) étaient présents. Victimes de l’amiante et magistrats ont en effet décidé d’unir leurs forces pour s’opposer au projet du gouvernement (formalisé dans le rapport Léger) de supprimer le juge d’instruction et de confier les enquêtes aux procureurs, liés au pouvoir politique.

Lundi 12 octobre
- L'assemblée générale du personnel de l'usine Freescale à Toulouse a voté la suspension du mouvement de grève initié il y a cinq semaines. Son objectif était de protester contre la suppression de 800 postes d'ici fin 2011, sur un effectif de 1600 emplois.  Après un conflit très dure, qui s'est traduit par des actions spectaculaires, la direction du groupe américain s'est engagée à reprendre les négociations et à rechercher un emploi en CDI pour chaque salarié.
- Manifestation des salariés de Hewlett-Packard à Sophia Antipolis, pour protester contre la suppression de 134 postes de travail sur le site azuréen du groupe américain.

Mardi 13 octobre
- Ce sont 135 postes sur 3500 qui vont être supprimés chez Dekra Industrial France, société d'inspection et de certification, filiale du groupe allemand Dekra.Les quatre syndicats représentés au sein de la société française ont lancé un mouvement de grève général. Selon un représentant de Dekra, "chaque salarié sera accompagné".

Henri Valois.

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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 18:30
Les identités remarquables    


de Sébastien Lapaque

Mis en ligne : [12-10-2009]

Domaine : Lettres



Romancier, essayiste, critique littéraire au Figaro, Sébastien Lapaque a déjà publié plusieurs romans et recueils de nouvelles :  Les Barricades mystérieuses (Babel noir, 1998), Les Idées heureuses (Actes Sud, 1999),  Mythologie française (Actes Sud, 2002), ainsi que des essais et pamphlets:  Georges Bernanos encore une fois (Babel, 2002), Sous le soleil de l'exil, Georges Bernanos au Brésil (Grasset, 2003), Il faut qu'il parte (Stock, 2008), Sermon de Saint François d'Assise aux oiseaux et aux fusées (Stock, 2008). Egalement disponible chez Actes Sud,  Le Petit Lapaque des vins de copains (2006), dont paraît en septembre 2009 une édition mise à jour.
 

Sébastien Lapaque, Les identités remarquables, Paris, Actes Sud, Août 2009, 174 pages.


Présentation de l'éditeur.
"Tu vas mourir, aujourd'hui, et tu ne le sais pas encore." Dès la première phrase de cette chronique d'une mort annoncée - dès la première minute de cette journée particulière où se reflète la brièveté de toute existence -, un homme fait à la fois figure de héros et de victime. Et c'est lui, inconscient, égotiste et jouisseur, que le roman interpelle et tutoie comme s'il tendait à notre insouciante finitude un miroir. Plaisir de se croire si beau, privilège d'aimer, hélas fort mal, une exquise petite marchande de jouets, délice de convoiter une banquière aux yeux de biche, de se couler dans l'hédonisme d'une vie simplifiée. Mais en secret, une vierge froide et un tueur prédestiné trament le scénario de la vengeance familiale. Sur cette inexorable partition qui emprunte son tempo au roman policier, ses arpèges au catalogue de la consommation courante, ses harmoniques à la liberté de parole et son andante aux mirages des satisfactions éphémères, Sébastien Lapaque chante la vie derrière soi et salue, non sans ironie, le passage du temps.

Critique de Michel Crépu. - Revue des deux mondes, octobre-novembre 2009.

Journal littéraire. Resté un long moment perplexe à la lecture des Identités remarquables, très beau livre de Sébastien Lapaque, mieux connu, si je puis dire, pour la critique littéraire qu'il tient au Figaro que pour son travail d'écrivain. Or il y a bel et bien un travail à considérer. L'occasion m'en est donnée ici avec ce livre insaisissable, écrit à la première personne, un "je" annonçant d'emblée qu'il va mourir aujourd'hui, mais qui ne le sait pas encore.  Cet aujourd'hui, dirait-on, a une valeur autant métaphorique que circonstancielle, Lapaque jouant des deux avec finesses acuité, pudeur. Les souvenirs sont là, les corps désirables, la présence de Caroline, "la grâce de la rue qui le mène jusqu'à elle", tous ces menus détails du chemin, connus par coeur, récités comme un poème, les amitiés aussi bien, comme celle qui l'attache à Laroque le professeur.  Pour les souvenirs, il y en a beaucoup, ils forment comme un tissu, une substance de fond - mais rien ici qui emprunte à la fausse chronique autobiographique - et parfois ouvrant sur des blessures terribles. Ainsi le père qu'on devine, moqué par ses frères qui le traitent entre eux de "tapette", et l'enfant, son fils, entendant ces mots à la dérobée, les recevant comme un coup de poignard... Je m'en moque un peu, de l'intrigue, je préfère me laisser prendre par cette sensibilité à l'instant qui permet de tout filtrer jusqu'à un certain vertige. Un livre étrange, sans fond, certainement un des plus secrets de cette rentrée.

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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01
 
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