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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 10:00
Rondeau


Entre deux draps de toile belle et bonne,
Que très souvent on rechange, on savonne,
La jeune Iris, au coeur sincère et haut,
Aux yeux brillants, à l'esprit sans défaut,
Jusqu'à midi volontiers se mitonne.

Je ne combats de goûts contre personne,
Mais franchement sa paresse m'étonne ;
C'est demeurer seule plus qu'il ne faut
Entre deux draps.

Quand à rêver ainsi l'on s'abandonne,
Le traître amour rarement le pardonne :
À soupirer on s'exerce bientôt :
Et la vertu soutient un grand assaut,
Quand une fille avec son coeur raisonne
Entre deux draps.

 fragonard-2.jpg
Antoinette Deshoulières (1638-1694). - Poésies.(1648)

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22 février 2010 1 22 /02 /février /2010 19:30
Le procès des Lumières          
essai sur la mondialisation des idées         
   

de Daniel Lindenberg
Mis en ligne : [22-02-2010]
DomaineIdées
 lindenberg.jpg

 

Daniel Lindenberg est historien des idées, professeur de sciences politiques à l’université de Paris VIII et membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Il a notamment publié Les Années souterraines 1937-1947 (La Découverte, 1990), Destins marranes (Hachette, 1997) et Le Rappel à l’ordre (La République des Idées/ Seuil, 2002).


Daniel Lindenberg, Le procès des Lumières, Paris, Seuil, Septembre 2009, 191 pages.


Présentation de l'éditeur.
Sept ans après son «enquête sur les nouveaux réactionnaires» qui avait déchaîné les controverses (Le Rappel à l'ordre, 2002), l'histoire semble avoir donné raison à Daniel Lindenberg. Le grand retournement idéologique qu'il avait identifié au seuil des années 2000 en France s'inscrit désormais dans une mondialisation des idées caractérisée par la montée des «révolutions conservatrices» un peu partout dans le monde. Retournant les Lumières contre elles-mêmes, à l'instar de leurs illustres devanciers des années 1930, les champions de ce nouveau backlash oeuvrent au recul de la rationalité et flattent des conceptions autoritaires et parfois racistes de la vie collective. Sous les apparences du mouvement, voire de la «rupture», c'est toujours une haine sourde de la modernité et de la démocratie qui les unit et constitue le fond de leur programme.

Critique de Gérard Leclerc. - Royaliste
, n°955, 19 octobre 2009.
La haine de la modernité ? Daniel Lindenberg récidive. Sept ans après son petit livre (Le Rappel à l'ordre), il persiste et signe. Les nouveaux réactionnaires sont partout présents et menaçants. Leur haine des Lumières, de la modernité et de la démocratie font des ravages universels. Car ils ne sont pas seulement Français. De l'Amérique à l'Inde en passant par tous les pays d'Europe (singulièrement l'Allemagne et l'Italie), ils submergent la culture contemporaine de leurs thématiques antirationnelles, autoritaires, et parfois carrément racistes. Avec Nicolas Sarkozy ils ont conquis le pouvoir en France, comme les néo-conservateurs hier avaient conquis l'Amérique avec les deux mandats de Bush. La victoire d'Obama signifierait-elle un répit face à la vague, voire même l'amorce d'un renversement de tendance ? " Il est sans doute un peu tôt pour annoncer haut et fort la revanche des Lumières, après plusieurs décennies de descente aux enfer."  Diable ! L'affaire est donc sérieuse, et il convient de l'examiner avec toute l'acuité possible. Le Rappel à l'ordre n'était pas un excès de mauvaise humeur. Daniel Lindenberg nous contraint à reprendre entièrement les principaux dossiers intellectuels de ces dernières décennies. 
D'une certaine façon, je m'en félicite. Autant son petit livre m'avait assez indisposé sans jamais me convaincre, autant cet essai plus substantiel m'a intéressé, instruit, parfois remis en cause. Convaincu? Non, car mes objections n'ont fait que se renforcer au fur et à mesure. Mais je ne voudrais pas qu'il y ait méprise. Mon intention n'est nullement de réfuter les thèses de Daniel Lindenberg, pour en prendre carrément le contre-pied. Il voudra bien me pardonner de ne pas rester dans son piège, qui consiste tout de même à imposer une grille parfaitement manichéenne de lecture de l'histoire des idées, qui suppose l'exaltation d'un camp forcément lumineux (celui des Lumières) et la diabolisation du camp adverse. Pour moi les choses sont infiniment plus complexes, plus mêlées, à commencer par les trop fameuses Lumières. Je puis admettre, certes, qu'on se réclame d'un grand moment de la Pensée, un peu comme Todorov prenant appui sur le célèbre texte d'Emmanuel Kant. Mais je ne suis pas sûr que le philosophe des Critiques condense à lui seul tout le XVIIIe siècle européen (pour faire court). Un historien comme Pierre Chaunu, dont on peut contester les options, mais sûrement pas l'ampleur du savoir, a écrit un grand livre sur l'Europe des Lumières, que François Furet considérait comme son chef d'oeuvre. Or, ce qui me frappe dans ce vaste tableau de la culture d'une époque, c'est son extraordinaire diversité. De l'Angleterre à la Pologne, les contrastes dominent par rapport aux ressemblances, en dépit d'un fond commun qui est l'expression d'un certain rationalisme.
Encore une fois, j'admets qu'on se reconnaisse dans cette haute époque, mais peut-être pas au point d'en épurer les ambiguïtés, parfois les lourdes erreurs. Daniel Lindenberg passe un peu vite sur l'anthropologie naturaliste d'une grande partie des philosophes généralement qualifiés d'humanistes. Et s'il dénonce à juste titre un racisme renaissant, il fait silence sur les travaux de Léon Poliakov montrant que les concepts du racisme contemporain sont liés au scientisme caractéristique d'une partie de la pensée du XVIIIe qui se prolonge sur les siècles suivants. De même, il peut citer les travaux de Xavier Martin pour se gausser de son féminisme traditionaliste, il passe à pieds joints sur une recherche encyclopédique qui met en évidence le biologisme dixhuitiémiste prolongé par les Idéologues et qui pose des questions gravissimes sur le concept même d'humanité. Je sais bien que Kant n'est pas du tout dans cette ligne mais son humanisme est précisément en rapport avec le piétisme religieux dont il est profondément imprégné. Sans doute Daniel Lindenberg entend-il introduire quelques nuances dans son tableau, mais c'est pour radicaliser plus fortement "alors même que le bilan des anti-Lumières, du fascisme d'hier aux fondamentalismes d'aujourd'hui, est plutôt terrifiant". Evidemment, en ces termes il peut être difficilement contredit. Mais n'est-ce pas au prix, encore une fois, d'un manichéisme qui ostracise tous ceux qui hier, et aujourd'hui, ne sont  pas exactement dans la ligne ?
Je prends deux exemples, pour aller vite.  Pourquoi cette vindicte à l'encontre de Burke qui dénonce l'emballement terroriste de la Révolution française ? On peut ne pas partager son analyse et sa postérité intellectuelle mais il est téméraire de prétendre qu'il ne pose pas de vraies questions. François Furet s'est précisément mis en travers de l'historiographie classique, sans crainte de se rapporter à un historien réactionnaire comme Auguste Cochin. Daniel Lindenberg a sans doute raison de marquer les nuances d'un auteur qu'on ne saurait ranger dans la mouvance contre-révolutionnaire, mais la radicalisation dont il fait preuve dans son attachement à l'histoire canonique de la Révolution est quand même étrange. Elle semble défier tout effort de complexification en dehors des camps balisés. Deuxième exemple : Léo Strauss. J'admets encore que ce philosophe intempestif ne fasse pas partie de sa paroisse. Mais rien ne fera contre le fait qu'il s'agit d'un penseur considérable, qui par son érudition et sa solide réaction même, peut rendre de signalés services à ceux qui ne le suivent pas dans ses conclusions. A son propos encore: pourquoi Daniel Lindenberg ironise-t-il sur les athées dévots qui semblent aujourd'hui prospérer, alors que lui-même se fait l'avocat fervent du rationalisme antireligieux lorsqu'il s'agit d'exégèse biblique ? 
Je ne parlerai pas de Charles Maurras, qui semble d'autant plus universellement redivivus, qu'il est sans cesse fantasmé et que sa survie semble aujourd'hui assurée par des adversaires qui ont besoin d'une sorte de pantin désarticulé. 
Pardon de ces sévérités. Je répète que je ne considère nullement cet essai comme négligeable, qu'il peut parfois faire utilement réfléchir, qu'il apporte dans certains domaines des informations précieuses. Mais comment réagir impartialement, alors que son auteur vous somme de choisir entre deux camps qui ne vous conviennent vraiment ni l'un ni l'autre. Pour ma part, je ne me suis jamais reconnu dans la révolution conservatrice. Les néo-conservateurs américains ont provoqué chez moi plus que des sentiments mêlés. S'ils m'ont intéressé, j'ai récusé une bonne part de leurs choix politiques. Le libéralisme économique a toujours été aux antipodes de mes conceptions sociales.Par contre il est vrai que certains réactionnaires fustigés par Daniel Lindenberg, comme Philippe Muray, me sont proches, mais en raison de leur profondeur et de leur lucidité humanistes. Je demande la simple liberté de ne pas adhérer à une modernité obligatoire. Grâce au ciel, la vie est plus riche et nuancée qu'un certain combat des idées le donne à croire.

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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 10:00
Le tombeau du conquérant

A l'ombre de la voûte en fleur des catalpas
Et des tulipiers noirs qu'étoile un blanc pétale,
Il ne repose point dans la terre fatale;
La Floride conquise a manqué sous ses pas.

Un vil tombeau messied à de pareils trépas.
Linceul du Conquérant de l'Inde Occidentale,
Tout le Meschacébé par-dessus lui s'étale.
Le Peau-Rouge et l'ours gris ne le troubleront pas.

Il dort au lit profond creusé par les eaux vierges.
Qu'importe un monument funéraire, des cierges,
Le psaume et la chapelle ardente et l'ex-voto ?

Puisque le vent du Nord, parmi les cyprières,
Pleure et chante à jamais d'éternelles prières
Sur le Grand Fleuve où gît Hernando de Soto.
hernando de soto 
José-Maria de Heredia (1842-1905). -  Les Trophées.(1893)

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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 13:42
Notre Bernanos                 
 bernanos 2
  

C'est un 20 février 1888 qu'est né Georges Bernanos. Voici l'occasion de rendre un premier hommage à celui que Roger Nimier salua du titre de Grand d'Espagne, en reproduisant la fin d'un entretien qu'il donna au Brésil en février 1939. Texte prémonitoire puisqu'il exprime en quelques phrases ce que va être la tragédie de 1940 et, en même temps,  hymne à la France et à son éternelle joie de vivre.

La tristesse est le plus grand vice du monde moderne, le monde moderne est triste, c'est pourquoi d'ailleurs il s'agite tant. La tristesse n'est pas chrétienne. Les chrétiens tristes sont des imposteurs. Ni votre peuple [NDLR: le Brésil] ni le nôtre ne sont prisonniers de ce démon. Les fausses grandeurs qui menacent aujourd'hui l'Europe sont tristes, avides et tristes, tristes comme des bêtes affamées, tristes jusque dans les manifestations colossales de leur ivresse collective, tristes et cruelles comme Satan. Si calomnié que soit mon pays, quiconque a pris la peine de le voir de près, a parcouru en ami ses villes et ses campagnes, ne se contente pas de le juger sur le témoignage d'une certaine presse française de droite et de gauche nototoirement vendue à l'étranger, sait qu'il a gardé le secret de sa joie, de cette profonde allégresse intérieure qui a fait jadis de notre "gai royaume de France" l'ornement et comme la fleur de l'antique chrétienté. C'est pourquoi, au cours des siècles, nous avons toujours vu venir à nous, l'injure à la bouche, les orgueilleux, les hypocrites et les pharisiens, tous ceux que le Christ a maudits, et qu'il maudit encore, même s'ils prétendent s'autoriser de son nom. Qu'ils accourent aujourd'hui avec des canons, des avions, et des générateurs d'hypérite, ils n'en sont ni moins laids ni moins tristes, et - qu'ils veuillent bien me permettre de leur dire - moins impuissants. Car ce qu'ils veulent nous prendre est hors de portée. C'est l'héritage des saints et des héros de notre race, c'est cet esprit d'enfance, cette jeunesse surnaturelle que vient d'incarner notre petite sainte Thérèse, pour l'épreuve et le scandale des fanatiques de toute espèce, même de ceux qui voudraient faire de l'Eglise un cimetière austère et lugubre, alors qu'elle est un parterre fleuri. Le trésor que convoitent les ravisseurs de joie armés jusqu'aux dents, il ne leur appartient pas plus de le prendre qu'à nous de le vendre. Et qu'ils entrent demain en maîtres au palais de Versailles ou dans la cathédrale de Chartres, ils y trouveront peut-être les cadavres de nos fils mais non le secret de notre liberté.

Georges Bernanos (1).
  


(1). Georges Bernanos, Le monde moderne est un monde humilié, Entretien donnée à Juiz de Fora et publiée dans O Jornal le 10 février 1939.

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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 11:40

Les premiers pas de M. Van Rompuy

La presse européiste est aux petits soins pour M. Van Rompuy. Pas une semaine sans qu'on ait droit à quelque article laudateur, quelque portrait flatteur, quelque propos dithyrambique sur le nouveau président "stable" du Conseil européen, cette personnalité charismatique qui nous est tombée du ciel avec le traité de Lisbonne, que les belges regrettent et que le monde nous envie. Il est vrai que notre Herman n'est pas sans qualités. Il en est une qu'il pratique d'ailleurs avec constance et qui est sans doute une des clés de son succès : le mutisme. M. Van Rompuy n'a pas du dire deux paroles publiques depuis sa désignation comme pape de la nouvelle Europe. Il a souri aux journalistes, grimacé devant les caméras, joué les utilités dans d'interminables conseils ministériels, mangé tout son soûl dans d'innombrables dîners de chefs d'Etat, mais il n'a pas prononcé un mot. Au point que certains, jusque chez ses thuriféraires, ont commencé à s'interroger tout bas : M. Van Rompuy ne parle pas ! C'est inconcevable ! Est-ce qu'au moins il pense ?

Le sommet que M. Van Rompuy a convoqué jeudi dernier à Bruxelles, et qui marquait en quelque sorte ses débuts au sein du cirque Barroso, a permis de lever ces inquiétudes : le Président du conseil européen pense et il parle. Le document de travail, soumis à la discussion du sommet, et dont Le Monde nous apprend qu'il est de la plume même de M. Van Rompuy, ne laisse subsister aucun doute : nous sommes bien en présence d'un esprit, voire d'un souffle. Le titre même de ce document, Une stratégie européenne pour la croissance et pour l'emploi, est prometteur, et, à défaut de charme et de fantaisie, l'on sent qu'on va en avoir pour son argent. Quels sont les postulats de M. Van Rompuy et quelles vérités va-t-il nous révéler quant à la gravité de la crise actuelle ? - D'abord qu'elle est grave, nous dit-il longuement, qu'elle se caractérise par un niveau d'activités trop faible et qu'il faut créer les conditions d'une croissance plus forte. Certes, fort bien, mais encore.  - Que la stratégie dite de Lisbonne, qui devait faire de l'Europe l'économie la plus performante du monde, a lamentablement échoué et qu'il faut tout reprendre à zéro. Nous savions déjà que tout ce qui touchait de près ou de loin à Lisbonne finissait dans un fiasco retentissant, mais cela ne nous donne pas les remèdes à la crise. - Que le pacte de stabilité doit rester le pilier de la stratégie européenne, mais qu'il faut profondément l'adapter, faute de quoi la plupart des économies européennes risquent d'en crever. C'est une autre intuition qui ne nous avait pas échappé, mais nous sommes encore loin des médications. - Et qu'il nous faut, pour conclure, mieux coordonner nos politiques nationales et donner un rôle plus clair aux présidents du Conseil et de la Commission dans les futurs G20. Voilà, nous y sommes enfin, on sent bien qu'il y a là en effet les bases et les ingrédients d'une vraie stratégie de sortie de crise. Ce que c'est, tout de même que d'avoir de l'esprit!  

L'autre miracle de ce sommet bruxellois si fondateur, ce fut la prise de parole de M. Van Rompuy. Comme toute les choses rares et précieuses, celle ci n'intervint que tardivement dans la journée. Il est vrai que le sommet informel qu'il avait convoqué, ce moment de convivialité où l'on devait débattre à bâtons rompus de la gouvernance économique, des perspectives à moyen terme et des "stratégies de croissance durable et d'emploi soutenable", ne se déroula pas exactement comme il l'avait prévu. La crise grecque, et avec elle les stupides préoccupations du court terme, s'invitèrent à la fête. Sarkozy, Merkel et Papandréou lui volent très vite la vedette. La matinée et une partie de l'après midi passent dans les tractations de tous ordres autour de l'euro et du renflouement d'Athènes. On bâcle le séminaire de réflexion et la seule chose que l'on consent à faire annoncer par M. Van Rompuy, c'est l'accord de soutien à la Grèce qui vient d'être conclu. La gouvernance attendra plus tard. Qu'à cela ne tienne, notre Herman, en bon flamand, fait contre mauvaise fortune bon coeur. Il a décidé de parler et il parlera. Il s'avance timidement au devant des journalistes, Barroso, en bon directeur de cirque, à ses côtés, arborant un sourire commerçant. Il bafouille son texte en anglais, d'une voix blanche et faiblarde, qui ne passe pas dans les micros, au point qu'il faut recommencer à plusieurs reprises. Contre tout usage, il juge inutile de refaire sa péroraison en français et se retire à petits pas pour retrouver, loin du bruit et des médias, la chaude camaraderie des dirigeants européens. Qu'à dit M. Van Rompuy ? Nul ne le sait vraiment. Mais qu'importe, il a parlé. La prochaine fois, c'est juré, il s'exprimera.

Vincent Lebreton.

 

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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 18:47

La France en lutte

 

Mardi 26 janvier
- Des rumeurs courent sur la fermeture de la grande raffinerie Total de Dunkerque. La mesure, qui entraînerait la suppression de 360 emplois chez Total ("sans licenciement", selon Total) et 260 postes chez les sous-traitants, pourrait être annoncée au comité central d'entreprise le 1er février prochain. Elle suscite un rejet unanime des élus du Nord et des organisations syndicales.
- Le groupe Hitachi Computer va rapatrier au Japon une partie de la production de son usine d'Orléans (cartes électroniques pour grandes unités informatiques) et pourrait supprimer 63 postes de travail sur 215. Les salariés font valoir que la production de ces unités à Orléans est rentable et qu'ils ont déjà accepté des restructurations importantes de ce site en 2006.
- Le Tribunal de grande instance de Nimes annule les effets du plan de restructuration des Salins du Midi, qui prévoyait la suppression d'environ 150 emplois sur les 750 salariés de la Compagnie des Salins. Cette décision fait suite à une action conduite par les syndicats du site d'Aigues-mortes qui contestent le motif économique de ce plan.

Vendredi 29 janvier
- La cour d'appel de Versailles confirme la suspension du plan de restructuration déposé en 2009 par le groupe américain Goodyear, qui entraînait la suppression de 820 emplois dans son site d'Amiens. Goodyear devra reprendre l'ensemble des procédures et ouvrir de vraies discussions avec ses salariés.

lundi 1er février
Totalreporte finalement après les régionales la fermeture de la grande raffinerie des Flandres, à Dunkerque. Le groupe pétrolier renvoie sa décision à fin juin et annonce par avance qu'il offrira un emploi au sein de l'entreprise à chacun de ses salariés de Dunkerque. Les syndicats et les élus du Nord restent mobilisés et prévoient des "actions coups de poing" alors que Total s'apprête à annoncer plus de 8 milliards de bénéfices pour 2009.
- Le chantier naval de Saint Nazaire STX Franceengage un plan de chômage partiel  de mars à mai 2010 qui touchera plus d'un millier de salariés sur 2300. Le chantier (ex Alstom) ne dispose plus d'aucune commande ferme et un programme de 351 départs volontaires est déjà en cours.

Lundi 8 février
- Le fabricant de chaussures  Marbot-Bata vient de s'engager à améliorer le plan social qui touche son usine de Neuvic (Dordogne), fermée depuis fin 2009. Le tribunal de grande instance de Périgueux avait annulé, le 19 décembre dernier, ce plan qui concerne 73 salariés. L'annonce de Bata, qui intervient en pleine campagne des régionales en Aquitaine, où le ministre du travail Xavier Darcos est candidat, ne s'appuie pour le moment sur aucune mesure chiffrée.
- L'entreprise textile CMT Finition, qui emploie 120 salariés à Villeneuve-d'Olmes (Ariège), est placé en redressement judiciaire. Selon la CGT, la direction du groupe Carreman, maison mère de CMT,  cherche à supprimer une cinquantaine de postes sans avoir à payer de plan social.

Jeudi 11 février
- Le mouvement social prend de l'ampleur au sein d'Ikea France, à la suite de l'échec des négociations salariales. Des débrayages sont annoncés dans plusieurs centres, notamment en Ile de France et le siège social du groupe est occupé par des syndicalistes. 

Henri Valois.

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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 19:30
Le concert européen                 Aux origines de l'Europe   

de Jacques-Alain de Sédouy
Mis en ligne : [16-02-2010]
Domaine : Histoire
 le-concert-europeen.jpg

Après quelques années passées à la Commission européenne, Jacques-Alain de Sédouy a été ambassadeur en Jordanie, au Mexique et au Danemark. Co-président adjoint de la conférence sur l'ancienne Yougoslavie (1994-1995), il a été nommé ensuite conseiller d'Etat en service extraordinaire. Il est l'auteur, entre autres, de Chateaubriand, un diplomate insolite (Perrin, 1992), Le Congrès de Vienne, l'Europe contre la France (Perrin, 2003).


Jacques-Alain de Sédouy, Le concert européen. Aux origines de l'Europe, 1814-1914, Paris, Fayard, Septembre 2009, 484 pages.


Présentation de l'éditeur.
On a beau jeu de pointer les grands conflits militaires qui ont frappé l'Europe entre la défaite napoléonienne et la Première Guerre mondiale, mais on ne pense presque jamais à tous ceux qui ont été évités. On oublie que l'Europe n'a pas attendu le traité de Rome (1957) pour s'organiser. Si le système européen né en 1814-1815 fut au début dirigé contre la France, celle-ci a rapidement rejoint les quatre premiers garants de l'ordre international : Grande-Bretagne, Autriche, Prusse et Russie. Ce qu'on a appelé le « concert européen » devait ainsi fonctionner jusqu'en 1914, permettant à notre continent de se transformer profondément dans une paix relative, sans catastrophe majeure. Se concerter, se réunir pour apaiser les tensions avant qu'elles ne dégénèrent devient une habitude pour les diplomates, les ministres et les souverains. Le XIXe siècle est ponctué de rencontres où les Européens apprennent à se parler (en français). Faire accepter des limites aux hégémonies, gérer les effets des mouvements révolutionnaires, contrôler au mieux (ou au moins mal) l'idée d'Etat-nation et l'aspiration à l'unité (Italie, Allemagne) ou à l'indépendance (Grèce, Bulgarie, Serbie, etc.), discipliner la compétition coloniale, définir un comportement face à l'effondrement de l'Empire ottoman. Voilà un bilan largement positif. Jusqu'à ce que le système s'enraye et qu'éclate l'affrontement généralisé. Toute cette histoire trop oubliée, mais qui a des accents étonnamment modernes, méritait d'être racontée dans sa totalité sous la plume vivante et érudite d'un diplomate doublé d'un historien. C'est l'une des faces cachées du XIXe siècle qui est révélée ici

Recension de Henri Madelin. - Etudes, février 2010.

Jacques-Alain de Sédouy, diplomate doublé d’un historien signataire de plu­sieurs livres bien documentés, présente un ouvrage qui scrute une face peu explorée du système diplomatique du xixe siècle, qui court de la fin de l’épo­pée napoléonienne jusqu’au déclenche­ment de la Première Guerre mondiale. Le terme de « concert européen » n’ap­paraît qu’aux alentours de 183O et c’est sans doute Metternich qui en est l’inventeur. Si le système européen de cette période repose sur la notion clas­sique d’équilibre, il ne peut s’y résumer. La France vaincue de 1814 est très vite invitée à se joindre aux quatre premiers garants de l’ordre international : Grande-Bretagne, Autriche, Prusse et Russie. Souverains, ministres, diploma­tes se réunissent fréquemment pour tenter de réduire les tensions sur le continent et d’éviter qu’elles ne dégé­nèrent en conflits armés, comme on le verra en 1914. Les Congrès se succè­dent, depuis celui de Vienne en 1814 jusqu’à celui de Berlin en 1878. On y parle français et c’est dans cette période que sont rédigés de nombreux « proto­coles » et un ensemble de textes juridi­ques qui constituent un « droit public européen ». Pour préserver une paix relative, la tâche des diplomates est de freiner les menaces hégémoniques, de réduire les mouvements révolutionnai­res, de discipliner l’expansion coloniale et de se positionner ensemble face à l’effondrement de l’Empire ottoman. Mieux connaître les principales facet­tes de ce « concert européen », spéciale­ment dans les Balkans, c’est aussi mieux comprendre les racines de l’Eu­rope dans laquelle nous vivons présentement.

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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 11:30
Souvenirs littéraires           

de Léon Daudet
Mis en ligne : [8-02-2010]
Domaine : Lettres

 

Daudet.jpg

Léon Daudet (1867-1942). Livres ou biographies récemment parus :  Eric Vatré, Léon Daudet ou le libre réactionnaire (1987, Editions France empire). -  François Maillot, Léon Daudet, député royaliste (1991, Editions Albatros). - Léon Daudet, Souvenirs et polémiques (1992, Robert Laffont, col. "Bouquins"). - François Broche, Léon Daudet, le dernier imprécateur (1992, Robert Laffont).


Léon Daudet, Souvenirs littéraires, préface de Kléber Haedens, Paris, Grasset, col. "Les Cahiers Rouges", octobre 2009, 570 pages.


Présentation de l'éditeur.
De 1880 à 1930, ces souvenirs du grand artificier de l'Action française couvre un demi-siècle de vie artistique et politique : du naturalisme et de la décadence fin de siècle à l'entre-deux-guerres, avec un détour sur les routes sillonnées par la bande à Bonnot... Hugo, Clemenceau, Zola, Maupassant, Wilde, Poincaré et autres gloires défilent dans une incroyable suite de portraits, de caricatures, d'analyses et d'anecdotes. Proust jugeait ces Souvenirs " prodigieux ", pour donner, " au-delà de la verve inouïe du récit et de la peinture, l'impression mystérieuse d'un âge d'or ". Les madeleines de Daudet sont explosives.

La critique de Bruno de Cessole. - Valeur actuelles, 7 janvier 2010.
Léon Daudet, le Saint-Simon de la IIIe. La scène se passe dans les années 1880. Le jeune Léon Daudet, alors élève au lycée Louis-le- Grand, est appelé à monter sur l’estrade pour recevoir les lauriers que lui ont valus ses succès scolaires. Au côté de son père, Alphonse Daudet, trône un éléphantesque vieillard – Ernest Renan – l’oeil mi-clos, qui lui susurre en l’embrassant : «Nous ferons de vous quelque chose ! » Peu après, dans l’appartement familial de l’avenue de l’Observatoire, un barbu à l’allure proconsulaire et à la trogne rubiconde, Léon Gambetta, apprenant que le jeune fils de son hôte se révèle un brillant sujet, lui donne solennellement l’accolade et lui glisse ces mots : « Nous ferons de toi quelque chose, la République aime les travailleurs ! » Puis c’est Victor Hugo en personne,«oracle trapu, aux yeux bleus, à la barbe blanche », mélange de noblesse émouvante et de burlesque, qui, la première fois qu’il le rencontre, lui pose sur le front une main bénisseuse en lui confiant : « Il faut bien travailler et aimer tous ceux qui travaillent ! ». Nanti de cette triple bénédiction, élevé dans la familiarité du sérail littéraire et politique grâce à son père, Léon Daudet (1867-1942) aurait dû finir dans la peau d’un notable de la IIIe République, académicien doré sur tranche, ministre ou, à tout le moins, sénateur, couvert de prébendes et de décorations.Tout à l’encontre, le léonin Léon, bête noire des politiciens de la IIIe, terreur des « rhéteurs bouffis de l’Assemblée nationale », connut un destin mouvementé de rebelle et de proscrit, mais aussi de formidable vivant et d’homme libre, justifiant le proverbe anglais selon lequel “chien de race se bat contre son père”. Cette irréductible indépendance de jugement entraîna l’élève de Burdeau (celui des Déracinés de Barrès), élevé dans la foi républicaine et laïcarde, à renier les “immortels principes” pour se convertir, par l’intercession de Maurras, au royalisme et à l’antiparlementarisme. Pour autant, il ne fut jamais le “godillot” obéissant qui suit, les yeux fermés, la “ligne du parti”. Contre les dogmes esthétiques de l’Action française, il ne se priva pas de défendre les hétérodoxes qui avaient su l’émouvoir, de Céline à Bernanos, de Debussy à Proust, de Gide à Claudel et jusqu’à Picasso. Et le polémiste qui ferraillait contre le Stupide XIXe Siècle avouait son admiration pour Balzac, Baudelaire et même Hugo. Élu en 1900 à l’académie Goncourt, au fauteuil de son père, il y affirma haut et fort ses préférences, à l’avant-garde de l’art et de la littérature, à l’étonnement de ses propres amis et, plus encore, de ses adversaires. À qui déplorait devant lui que Voyage au bout de la nuit manque d’égards pour la patrie, Léon, qui s’était battu pour l’attribution du prix Goncourt à Céline, aurait rétorqué : « La patrie, je lui dis merde quand il s’agit de littérature. » Le critique Edmond Jaloux n’avait pas tort de voir en l’auteur du formidable et picaresque Voyage de Shakespeare, « prodigieusement intelligent, d’une érudition gigantesque, d’une puissance de travail inimaginable », un « homme du XVIe siècle ». Au vrai, l’excès était la norme de Léon Daudet. Il y avait en lui du Rabelais et du Brantôme,mais aussi du Mirabeau et du Danton. Ardent, passionné, entier, il aimait le combat,la joute intellectuelle comme la bagarre physique (quatorze duels, d’innombrables algarades avec les forces de l’ordre en témoignent).Tel un bulldog, il prenait ses adversaires par la nuque et ne les lâchait plus, jusqu’à ce qu’ils crient grâce. Certes il a donné des coups, parfois assez bas, mais toujours de bonne foi,certes il a prodigué son talent de polémiste dans des causes indéfendables, l’antisémitisme, notamment, au temps de la Libre Parole de Drumont puis de l’affaire Dreyfus,avant de s’en détacher, mais il a connu également des épreuves, et de terribles : la mort de son fils Philippe, dont il a toujours cru qu’il s’agissait d’un assassinat et non d’un suicide, la prison, l’exil, la diffamation… Cet ogre n’a cessé pourtant d’aimer la vie sous toutes ses formes. Porté naturellement au lyrisme, à la santé et à la gaieté, il professait des goûts simples : « les belles-lettres, les belles femmes, les bonnes blagues, le bon vin, le commerce des gens gais et libres », les cafés et les auberges plus que les palaces et les musées de la vieille Europe. En homme de droite, c’est-à-dire en homme libre, le personnage est contradictoire, et attachant par cela même. Sa vie et son oeuvre le révèlent écartelé entre le sentiment et la raison, entre élans dionysiaques et quête de sérénité apollinienne. C’est en disciple de Pan que Barrès le voit, défilant à la tête des Camelots du roi,« rayonnant d’audace, de force et de joie, être venu du fond des âges, couronné de lierre, au milieu des cymbales et des tigres déchaînés », tandis que Bernanos le dépeint « tout étincelant de vie, d’audace, de gourmandise et de génie, avec son teint doré, ses yeux brefs, fulgurants, sa bouche nerveuse, cette voix de cuivre étrangement dominatrice, et tout à coup si caressante, jusqu’au rire pathétique où roule et se prolonge on ne sait quelle plainte secrète ». Homme de guerre, et de guerres civiles, le “gros Léon” s’ébroue, comme d’Aubigné ou Barbey d’Aurevilly, dans la violence, les discordes, les passions, la vie ardente et risquée, tout en aspirant à la restauration de l’ordre et de la paix,sous la tutelle d’une monarchie qui mettrait fin à la guerre franco-française et à la lutte des classes. Cette dualité se fait jour dans ses Mémoires et jusque dans son écriture d’une vigueur et d’une liberté presque expressionnistes. Marcel Proust, qui l’admirait, le tenait pour un nouveau Saint-Simon, sachant alterner, à l’instar de l’irascible “petit duc”, l’atrocité magnifique et la noble suavité dans d’inoubliables portraits. Dans ces charges, à la limite de la caricature, « les mots, écrivait Proust, chargés d’une puissance instable, entrent en déflagration d’images irrésistibles, avec une drôlerie immortellement géniale, que la raison ne connaît pas mais dont l’évidence s’impose et s’imposera toujours à quelque chose qui, sans être la raison, est commun à tous les lettrés ». Il est visible que le mémorialiste devait s’amuser beaucoup à croquer les passagers de cette nef des fous, et les éclats de rire qu’il arrache à son lecteur font, sans nul doute, écho à son propre rire,“hénaurme”, homérique, de Gargantua sans fiel. Car, si atroces que soient ses tableaux, particulièrement dans les descriptions physiques, ils ne portent jamais la marque du ressentiment, de l’hypocrisie et de la mauvaise foi. Comme Hogarth, Daumier, Goya ou Forain, Léon Daudet possédait le don de voir au-delà des apparences, de déceler la canaille ou l’imbécile, le Tartuffe ou le mufle, sous le plastron de l’homme du monde, du ministre, de l’académicien ; bref, avec un flair infaillible de limier, il débusquait la bassesse et la misère humaines sous les grandeurs d’établissement et les réputations les mieux établies. Et c’est franchement,hardiment,qu’il arrachait les masques et portait l’estocade. Sans haine, car, même en politique, ce chouan du Midi ne connaissait que des adversaires, non des ennemis,à l’exception de quelques-uns comme Malvy ou Briand. Pour avoir fait ses classes d’étudiant en médecine sous les professeurs Charcot, Potain, Péan et Brissaud, il avait le coup d’oeil d’aigle du clinicien pour dépiauter un crétin ou un charlatan. Essayiste, romancier, publiciste politique, biographe,conférencier,critique, il a parcouru tous les chemins de la littérature, mais c’est dans le journalisme et ses neuf volumes de Mémoires, couvrant cinquante ans de vie littéraire et politique,qu’il a exprimé le meilleur de son talent. L’anthologie que réédite Grasset dans la collection Les Cahiers rouges avait été composée et préfacée, avec intelligence et enthousiasme, par Kléber Haedens, qui en puisa la matière dans les neuf volumes des Souvenirs de Daudet, Fantômes et Vivants, Devant la douleur, L’Entre-Deux- Guerres, Salons et Journaux, Au temps de Judas, Vers le roi, la Pluie de sang, Député de Paris,Vingt-Neuf mois d’exil. À la source de ces Mémoires, nulle volonté de plaider pour sa paroisse, de légitimer ses actes, de rationaliser le passé, mais le désir « de montrer les choses et les gens dans leur lumière d’époque, sans rien atténuer ni rien forcer », avec pour fil rouge « la sincérité dans l’exactitude ».Un demi-siècle de vie française, à la fois intellectuelle et politique, de 1880 au début des années 1930, revit sous la plume étincelante du Saint-Simon de la IIIe République. Par son père, Léon Daudet tenait aux célébrités du second Empire, comme la princesse Mathilde ou Henri Rochefort, mais aussi à Victor Hugo, dont il devait épouser la petite-fille, Jeanne, aux frères Goncourt et à l’école naturaliste,de Zola à Mirbeau de Huysmans à Maupassant.Tout jeune, il a vu de près ces vieilles gloires sans se laisser subjuguer par une admiration béate, conservant sa liberté de jugement, sceptique devant Zola, mais admiratif devant Barbey d’Aurevilly. Plus tard, il a côtoyé Maurras et Bainville à l’Action française, Barrès, Clemenceau, Herriot, Poincaré, Daladier, Tardieu, Mandel, Blum et Briand à l’Assemblée nationale. Il a connu et aimé Edmond de Goncourt,Théodore de Banville, François Coppée, Henry Stanley, George Meredith… Ces fantômes glorieux, mais aussi les fantoches justement oubliés ressuscitent sous la plume vive, colorée, abondante du mémorialiste en de saisissants portraits ou d’incisifs croquis. Voici la princesse Mathilde « aussi pétrifiée et ligneuse que les aigles de pierre et de bois qui encombraient ses lugubres salons », Maupassant chez qui « on distinguait à l’oeil nu trois personnages : un bon écrivain, un imbécile et un grand malade, les deux premiers ayant tendance à s’absorber dans le troisième » ; Oscar Wilde, « lourd et flasque, hideux par le bas du visage et presque majestueux par le front, l’enchâssement de l’oeil et les temporaux, et dont la voix pâle et grasse sortait d’une affreuse bouche molle » ; Émile Faguet, « ramoneur halluciné, pion sans linge, chaussé d’incroyables croquenots, et répandant une odeur de soupe à l’oignon » ; René Doumic, « noyé mondain à la barbe pisseuse, aux joues creuses, au corps efflanqué […], sans goût, sans odeur et sans forme, dont la bile acrimonieuse coule à son insu, en filets saumâtres et ruisselets jaunâtres, tout autour de lui » ; le journaliste Ernest Judet, « grand diable gauche, tenant de la fouine géante et du Scandinave d’eau douce, habile de sa plume comme d’un manche à balai, pas bon, pas intelligent, intempestif, rancunier et roublard » et dont Daudet, l’ayant retourné sous toutes ses larges coutures pendant sept ans, écrit, avec cette invention langagière qui fait de lui le petit-neveu de Rabelais et l’oncle de Céline : « En vérité j’ai habité Judet, j’ai judeté dans sa judetière, comme un judouillard de judoire, et tout ce que je vais conter ici n’est que suc, quintessence, distillation de vain colosse, unique en son genre. » Mais trêve de citations ! Il faudrait trop citer, tant dans les portraits charges que dans les portraits sublimes, et dans les tableaux d’époque, de l’enterrement de Victor Hugo aux séances de la Chambre, des dîners de la Revue des Deux Mondes aux pèlerinages esthétiques et épicuriens en Angleterre et en Belgique. Car tout n’est ici que suc, quintessence, distillation du bonheur d’écrire et de l’ardeur de vivre.

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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 23:40
Victoires ouvrières en Picardie

On apprenait vendredi 5 février dans l'après midi que les six salariés de l'usine Continental de Clairoix (Oise), poursuivis pour le saccage de la sous-préfecture de Compiègne en avril 2009, n'étaient finalement condamnés qu'à de simples amendes. La cour d'appel d'Amiens n'a donc pas suivi les réquisitions de l'avocat général qui demandait la confirmation des peines de prison prononcées en première instance.

Cette décision constitue un véritable camouflet pour le Gouvernement, et tout particulièrement pour le ministère de l'intérieur et le corps préfectoral qui entendaient faire payer au prix fort la rébellion des "Conti" et la destruction de l'antenne locale de la République. En revanche, l'annonce du jugement a été accueillie avec soulagement par tous ceux - élus, syndicats et population de l'Oise -  qui soutiennent depuis plus d'un an l'action des salariés de Continental. Rappelons que ce conflit emblématique s'est conclu en juillet dernier par un accord entre la direction allemande du groupe et les syndicats. Chacun des salariés licenciés bénéficiera au final d'une indemnité de 50.000 euros et d'un engagement de reclassement. 

 Ce jugement intervient quelques jours après une autre bonne nouvelle pour les salariés de Picardie. La cour d'appel de Versailles confirmait, en effet, le 27 janvier dernier la suspension du projet de restructuration de l'usine Goodyear d'Amiens nord, qui devait se traduire par la suppression de plus de 800 emplois sur un total de 1400. La CGT et le comité d'entreprise de Goodyear Dunlop obtiennent donc gain de cause après des mois et des mois de dialogue de sourd avec leur employeur américain. Celui-ci devra reprendre l'ensemble des procédures et sans doute se résoudre à ouvrir des négociations sérieuses avec ses employés. En Picardie comme ailleurs, la détermination et la mobilisation des organisations ouvrières commencent à payer.

Henri Valois.
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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 19:42
Soulages,
De l'esprit à la forme                   
soulages
 

Il y a deux  bonnes raisons pour se rendre à la rétrospective que le Centre Pompidou consacre à Pierre Soulages. C'est d'abord une exposition magnifique - plus d'une centaine d'oeuvres, parfaitement commentées et documentées - qui permet d'avoir un accès complet au parcours du peintre et de saisir ce que sa création comprend d'énergie, de volonté et de continuité. Et c'est en même temps l'occasion de saisir les failles de cette oeuvre, ses rythmes, ses changements, ses ruptures et ses longs moments de respiration.

On le sait, toute l'oeuvre de Pierre Soulages est dominée par le noir, mais cette domination du noir n'est pas d'un seul tenant, elle a ses périodes, le noir comme "couleur d'origine", puis comme paysage et enfin comme matière offerte à la lumière. Soulages évolue progressivement de l'idéogramme chinois et des fresques rupestres à une peinture en trois dimensions où les couches noires, creusées, travaillées et soumises à la lumière  finissent en une forme de sculpture. De l'écriture à la forme, de l'esprit incarné dans les signes à la matière livrée dans son apparence primitive, voilà le parcours d'un artiste qui revendique son abstraction et dont l'oeuvre renvoie pourtant à des dimensions parfaitement humaines et concrètes.

Pour qui sait voir, Soulages est transparent malgré son goût pour l'obscurité. Son arrivée à Sète, à la fin des années 50 et sa proximité avec les paysages-lumières  de Valéry -  une mer diffuse ("Midi le Juste y compose de feu"), un cimetière offert ("Fragment terrestre offert à la lumière") - explique sans doute sa soudaine conversion au noir intégral. C'est certainement l'époque la plus forte de l'oeuvre de Soulages, son Midi, l'heure de la grande originalité. Le noir est étalé à longs coups de brosse sur la toile, la lumière s'y insère  et produit les paysages d'un monde inédit : nuits métalliques, mers grises comme vues d'avion, levers de soleil noir... Là encore, l'abstraction vue par Soulages n'est ni une forme d'écriture automatique, ni une réduction de la vie ou un retrait du monde, c'est l'expression d'un monde autre, tout en restant apparenté à celui-là.

Il y a aussi du grec chez Soulages. Sa création prend appui sur le travail de l'homme, même si, à un moment, les dieux brouillent les cartes. C'est le moment où l'artiste, artisan, acteur et pythie à la fois, doit faire la preuve de sa grande mobilité. "L'artisan sait très bien quel objet il va produire et il sait même comment y arriver alors que nous ne savons ni comment faire, ni ce qui va se faire. Au moment où les matériaux sont à l'oeuvre, certaines choses se passent, se développent, ouvrent des possibilités que nous n'avions pas soupçonnées... ". Et Pierre Soulages de conclure "C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche". Voilà les accents d'un vrai classique.

Sainte Colombe.

 


Rétrospective Pierre Soulages. - Centre Pompidou, place Georges Pompidou, Paris IVe. - Ouvert  tous les jours sauf mardi. - Jusqu'au 8 mars 2010.
 
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N°1 - 2009/01
 
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