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La Revue Critique des idées et des livres |
"Ce n’est pas seulement pour vivre ensemble, mais pour bien vivre ensemble qu’on forme un État." aristote |
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Le procès des Lumières essai sur la mondialisation des idées de Daniel Lindenberg Mis en ligne : [22-02-2010] Domaine : Idées |
Le tombeau du conquérant | |
A l'ombre de la voûte en fleur des catalpas Et des tulipiers noirs qu'étoile un blanc pétale, Il ne repose point dans la terre fatale; La Floride conquise a manqué sous ses pas. Un vil tombeau messied à de pareils trépas. Linceul du Conquérant de l'Inde Occidentale, Tout le Meschacébé par-dessus lui s'étale. Le Peau-Rouge et l'ours gris ne le troubleront pas. Il dort au lit profond creusé par les eaux vierges. Qu'importe un monument funéraire, des cierges, Le psaume et la chapelle ardente et l'ex-voto ? Puisque le vent du Nord, parmi les cyprières, Pleure et chante à jamais d'éternelles prières Sur le Grand Fleuve où gît Hernando de Soto. | |
Notre Bernanos |
C'est un 20 février 1888 qu'est né Georges Bernanos. Voici l'occasion de rendre un premier hommage à celui que Roger Nimier salua du titre de Grand d'Espagne, en reproduisant la fin d'un entretien qu'il donna au Brésil en février 1939. Texte prémonitoire puisqu'il exprime en quelques phrases ce que va être la tragédie de 1940 et, en même temps, hymne à la France et à son éternelle joie de vivre.
La tristesse est le plus grand vice du monde moderne, le monde moderne est triste, c'est pourquoi d'ailleurs il s'agite tant. La tristesse n'est pas chrétienne. Les chrétiens tristes sont des imposteurs. Ni votre peuple [NDLR: le Brésil] ni le nôtre ne sont prisonniers de ce démon. Les fausses grandeurs qui menacent aujourd'hui l'Europe sont tristes, avides et tristes, tristes comme des bêtes affamées, tristes jusque dans les manifestations colossales de leur ivresse collective, tristes et cruelles comme Satan. Si calomnié que soit mon pays, quiconque a pris la peine de le voir de près, a parcouru en ami ses villes et ses campagnes, ne se contente pas de le juger sur le témoignage d'une certaine presse française de droite et de gauche nototoirement vendue à l'étranger, sait qu'il a gardé le secret de sa joie, de cette profonde allégresse intérieure qui a fait jadis de notre "gai royaume de France" l'ornement et comme la fleur de l'antique chrétienté. C'est pourquoi, au cours des siècles, nous avons toujours vu venir à nous, l'injure à la bouche, les orgueilleux, les hypocrites et les pharisiens, tous ceux que le Christ a maudits, et qu'il maudit encore, même s'ils prétendent s'autoriser de son nom. Qu'ils accourent aujourd'hui avec des canons, des avions, et des générateurs d'hypérite, ils n'en sont ni moins laids ni moins tristes, et - qu'ils veuillent bien me permettre de leur dire - moins impuissants. Car ce qu'ils veulent nous prendre est hors de portée. C'est l'héritage des saints et des héros de notre race, c'est cet esprit d'enfance, cette jeunesse surnaturelle que vient d'incarner notre petite sainte Thérèse, pour l'épreuve et le scandale des fanatiques de toute espèce, même de ceux qui voudraient faire de l'Eglise un cimetière austère et lugubre, alors qu'elle est un parterre fleuri. Le trésor que convoitent les ravisseurs de joie armés jusqu'aux dents, il ne leur appartient pas plus de le prendre qu'à nous de le vendre. Et qu'ils entrent demain en maîtres au palais de Versailles ou dans la cathédrale de Chartres, ils y trouveront peut-être les cadavres de nos fils mais non le secret de notre liberté.
Georges Bernanos (1).
(1). Georges Bernanos, Le monde moderne est un monde humilié, Entretien donnée à Juiz de Fora et publiée dans O Jornal le 10 février 1939.
Les premiers pas de M. Van Rompuy
La presse européiste est aux petits soins pour M. Van Rompuy. Pas une semaine sans qu'on ait droit à quelque article laudateur, quelque portrait flatteur, quelque propos dithyrambique sur le nouveau président "stable" du Conseil européen, cette personnalité charismatique qui nous est tombée du ciel avec le traité de Lisbonne, que les belges regrettent et que le monde nous envie. Il est vrai que notre Herman n'est pas sans qualités. Il en est une qu'il pratique d'ailleurs avec constance et qui est sans doute une des clés de son succès : le mutisme. M. Van Rompuy n'a pas du dire deux paroles publiques depuis sa désignation comme pape de la nouvelle Europe. Il a souri aux journalistes, grimacé devant les caméras, joué les utilités dans d'interminables conseils ministériels, mangé tout son soûl dans d'innombrables dîners de chefs d'Etat, mais il n'a pas prononcé un mot. Au point que certains, jusque chez ses thuriféraires, ont commencé à s'interroger tout bas : M. Van Rompuy ne parle pas ! C'est inconcevable ! Est-ce qu'au moins il pense ?
Le sommet que M. Van Rompuy a convoqué jeudi dernier à Bruxelles, et qui marquait en quelque sorte ses débuts au sein du cirque Barroso, a permis de lever ces inquiétudes : le Président du conseil européen pense et il parle. Le document de travail, soumis à la discussion du sommet, et dont Le Monde nous apprend qu'il est de la plume même de M. Van Rompuy, ne laisse subsister aucun doute : nous sommes bien en présence d'un esprit, voire d'un souffle. Le titre même de ce document, Une stratégie européenne pour la croissance et pour l'emploi, est prometteur, et, à défaut de charme et de fantaisie, l'on sent qu'on va en avoir pour son argent. Quels sont les postulats de M. Van Rompuy et quelles vérités va-t-il nous révéler quant à la gravité de la crise actuelle ? - D'abord qu'elle est grave, nous dit-il longuement, qu'elle se caractérise par un niveau d'activités trop faible et qu'il faut créer les conditions d'une croissance plus forte. Certes, fort bien, mais encore. - Que la stratégie dite de Lisbonne, qui devait faire de l'Europe l'économie la plus performante du monde, a lamentablement échoué et qu'il faut tout reprendre à zéro. Nous savions déjà que tout ce qui touchait de près ou de loin à Lisbonne finissait dans un fiasco retentissant, mais cela ne nous donne pas les remèdes à la crise. - Que le pacte de stabilité doit rester le pilier de la stratégie européenne, mais qu'il faut profondément l'adapter, faute de quoi la plupart des économies européennes risquent d'en crever. C'est une autre intuition qui ne nous avait pas échappé, mais nous sommes encore loin des médications. - Et qu'il nous faut, pour conclure, mieux coordonner nos politiques nationales et donner un rôle plus clair aux présidents du Conseil et de la Commission dans les futurs G20. Voilà, nous y sommes enfin, on sent bien qu'il y a là en effet les bases et les ingrédients d'une vraie stratégie de sortie de crise. Ce que c'est, tout de même que d'avoir de l'esprit!
L'autre miracle de ce sommet bruxellois si fondateur, ce fut la prise de parole de M. Van Rompuy. Comme toute les choses rares et précieuses, celle ci n'intervint que tardivement dans la journée. Il est vrai que le sommet informel qu'il avait convoqué, ce moment de convivialité où l'on devait débattre à bâtons rompus de la gouvernance économique, des perspectives à moyen terme et des "stratégies de croissance durable et d'emploi soutenable", ne se déroula pas exactement comme il l'avait prévu. La crise grecque, et avec elle les stupides préoccupations du court terme, s'invitèrent à la fête. Sarkozy, Merkel et Papandréou lui volent très vite la vedette. La matinée et une partie de l'après midi passent dans les tractations de tous ordres autour de l'euro et du renflouement d'Athènes. On bâcle le séminaire de réflexion et la seule chose que l'on consent à faire annoncer par M. Van Rompuy, c'est l'accord de soutien à la Grèce qui vient d'être conclu. La gouvernance attendra plus tard. Qu'à cela ne tienne, notre Herman, en bon flamand, fait contre mauvaise fortune bon coeur. Il a décidé de parler et il parlera. Il s'avance timidement au devant des journalistes, Barroso, en bon directeur de cirque, à ses côtés, arborant un sourire commerçant. Il bafouille son texte en anglais, d'une voix blanche et faiblarde, qui ne passe pas dans les micros, au point qu'il faut recommencer à plusieurs reprises. Contre tout usage, il juge inutile de refaire sa péroraison en français et se retire à petits pas pour retrouver, loin du bruit et des médias, la chaude camaraderie des dirigeants européens. Qu'à dit M. Van Rompuy ? Nul ne le sait vraiment. Mais qu'importe, il a parlé. La prochaine fois, c'est juré, il s'exprimera.
Vincent Lebreton.
La France en lutte
Henri Valois.
Le concert européen Aux origines de l'Europe de Jacques-Alain de Sédouy Mis en ligne : [16-02-2010] Domaine : Histoire |
Souvenirs littéraires de Léon Daudet Mis en ligne : [8-02-2010] Domaine : Lettres
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On apprenait vendredi 5 février dans l'après midi que les six salariés de l'usine Continental de Clairoix (Oise), poursuivis pour le saccage de la sous-préfecture de Compiègne en avril 2009, n'étaient finalement condamnés qu'à de simples amendes. La cour d'appel d'Amiens n'a donc pas suivi les réquisitions de l'avocat général qui demandait la confirmation des peines de prison prononcées en première instance.
Cette décision constitue un véritable camouflet pour le Gouvernement, et tout particulièrement pour le ministère de l'intérieur et le corps préfectoral qui entendaient faire payer au prix fort la rébellion des "Conti" et la destruction de l'antenne locale de la République. En revanche, l'annonce du jugement a été accueillie avec soulagement par tous ceux - élus, syndicats et population de l'Oise - qui soutiennent depuis plus d'un an l'action des salariés de Continental. Rappelons que ce conflit emblématique s'est conclu en juillet dernier par un accord entre la direction allemande du groupe et les syndicats. Chacun des salariés licenciés bénéficiera au final d'une indemnité de 50.000 euros et d'un engagement de reclassement.
Ce jugement intervient quelques jours après une autre bonne nouvelle pour les salariés de Picardie. La cour d'appel de Versailles confirmait, en effet, le 27 janvier dernier la suspension du projet de restructuration de l'usine Goodyear d'Amiens nord, qui devait se traduire par la suppression de plus de 800 emplois sur un total de 1400. La CGT et le comité d'entreprise de Goodyear Dunlop obtiennent donc gain de cause après des mois et des mois de dialogue de sourd avec leur employeur américain. Celui-ci devra reprendre l'ensemble des procédures et sans doute se résoudre à ouvrir des négociations sérieuses avec ses employés. En Picardie comme ailleurs, la détermination et la mobilisation des organisations ouvrières commencent à payer.
Soulages, De l'esprit à la forme | |
Il y a deux bonnes raisons pour se rendre à la rétrospective que le Centre Pompidou consacre à Pierre Soulages. C'est d'abord une exposition magnifique - plus d'une centaine d'oeuvres, parfaitement commentées et documentées - qui permet d'avoir un accès complet au parcours du peintre et de saisir ce que sa création comprend d'énergie, de volonté et de continuité. Et c'est en même temps l'occasion de saisir les failles de cette oeuvre, ses rythmes, ses changements, ses ruptures et ses longs moments de respiration.
On le sait, toute l'oeuvre de Pierre Soulages est dominée par le noir, mais cette domination du noir n'est pas d'un seul tenant, elle a ses périodes, le noir comme "couleur d'origine", puis comme paysage et enfin comme matière offerte à la lumière. Soulages évolue progressivement de l'idéogramme chinois et des fresques rupestres à une peinture en trois dimensions où les couches noires, creusées, travaillées et soumises à la lumière finissent en une forme de sculpture. De l'écriture à la forme, de l'esprit incarné dans les signes à la matière livrée dans son apparence primitive, voilà le parcours d'un artiste qui revendique son abstraction et dont l'oeuvre renvoie pourtant à des dimensions parfaitement humaines et concrètes.
Pour qui sait voir, Soulages est transparent malgré son goût pour l'obscurité. Son arrivée à Sète, à la fin des années 50 et sa proximité avec les paysages-lumières de Valéry - une mer diffuse ("Midi le Juste y compose de feu"), un cimetière offert ("Fragment terrestre offert à la lumière") - explique sans doute sa soudaine conversion au noir intégral. C'est certainement l'époque la plus forte de l'oeuvre de Soulages, son Midi, l'heure de la grande originalité. Le noir est étalé à longs coups de brosse sur la toile, la lumière s'y insère et produit les paysages d'un monde inédit : nuits métalliques, mers grises comme vues d'avion, levers de soleil noir... Là encore, l'abstraction vue par Soulages n'est ni une forme d'écriture automatique, ni une réduction de la vie ou un retrait du monde, c'est l'expression d'un monde autre, tout en restant apparenté à celui-là.
Il y a aussi du grec chez Soulages. Sa création prend appui sur le travail de l'homme, même si, à un moment, les dieux brouillent les cartes. C'est le moment où l'artiste, artisan, acteur et pythie à la fois, doit faire la preuve de sa grande mobilité. "L'artisan sait très bien quel objet il va produire et il sait même comment y arriver alors que nous ne savons ni comment faire, ni ce qui va se faire. Au moment où les matériaux sont à l'oeuvre, certaines choses se passent, se développent, ouvrent des possibilités que nous n'avions pas soupçonnées... ". Et Pierre Soulages de conclure "C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche". Voilà les accents d'un vrai classique.
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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01 |
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