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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 19:51

Lorànt le magnifique

 

Il y a un phénomène Lorant Deutsch et sans doute plus qu’un phénomène. Ce garçon est impressionnant d’intelligence, de simplicité et d’honnêteté dans un monde où la bêtise, la cuistrerie et le cynisme sont devenus des valeurs cardinales. C’est pour cela qu’il plait et qu’il fait des adeptes. Nous reviendrons prochainement sur son Métronome, dont la version illustrée, parue il y a quelques mois est un vrai régal pour l’esprit et pour les yeux. Pour ceux de nos lecteurs qui commencent à faire leurs emplettes de Noël, voilà un cadeau parfait pour des amis de qualité. Qu’on se le dise !

Nous publions ci-dessous la dernière chronique télévisée de l’excellent Basile de Koch dans Valeurs actuelles qui rend compte du phénomène Deutsch.

Jean Casinelli.

 

 

C'est jeune, et ça ne suit pas !

 

 

A priori, je ne raffole pas des artistes qui se mêlent de politique et de religion : « Ne sutor ultra crepidam», comme dirait mon voisin Philippe Barthelet. Qui songerait sérieusement à questionner Valls ou Copé sur leurs goûts en matière de sculpture grecque ou de rap ?

Eh bien, il est plus absurde encore de demander à des Arditi, Huster et autres Balasko ce qu’ils pensent de l’injustice, du racisme et de la méchanceté en général : ils sont contre, figurez-vous !

Mettons à part quelques personnages comme Richard Bohringer ou Philippe Caubère, que je crois assez fêlés pour être sincères. Mais l’exception qui confirme vraiment la règle, on pouvait la voir l’autre samedi dans l’émission On n’est pas couché (sur France 2, 27 novembre, 23 heures) : elle s’appelle Lorànt Deutsch.

Un vrai phénomène, vous dis-je ! À 35 ans, cet acteur hors norme a déjà incarné entre autres, sur scène et sur les écrans, Sartre et La Fontaine, Mozart et Jérôme Kerviel… Entre-temps, après cinq ans de recherches, il publiait l’an dernier son premier livre : Métronome. Sous-titré l’Histoire de France au rythme du métro parisien, ce bouquin atypique a déjà été écoulé à plus de 500 000 exemplaires et reste en tête des ventes d’essai.

L’autre samedi, Lorànt était en promo pour la version illustrée de son livre. Joie ! Il ne s’est pas senti obligé pour autant de s’adapter au prêt-à-penser qui est de mise chez ses pairs.

Interrogé sur l’actualité de Benoît XVI, il se déclare « fier d’être catholique ». Aussitôt, Éric Zemmour, sceptique par nature et par fonction, l’interrompt : « Vous êtes comme tous les artistes : d’autant plus catholique que l’Église ne l’est pas spécialement… »

Mais Zemmour sera aussi le premier à se réjouir d’être démenti : au-delà des Roms et du latex, c’est « son pape » et « sa foi » que Lorànt Deutsch défend mordicus. Pour l’avenir, il appelle même de ses voeux un « concordat » entre l’Église catholique et l’État français – ce qui, à l’évidence, n’a plus le même sens que sous Napoléon Ier…

Bref, le genre de propos qu’on ne vous sert pas tous les soirs sur un plateau télé ! Encore la cerise, sur ce gâteau, n’arrivera-t-elle que plus tard. Sous prétexte de politique, le jeune gandin n’hésite pas à se proclamer « royaliste » : les rois n’ont-ils pas tracé la voie d’une «magnifique histoire de France à poursuivre » ? Bien sûr, si un autre artiste risquait sa carrière en s’affichant républicain et agnostique, je serais le premier à signer la pétition. Mais qu’on se rassure : ce n’est pas pour après-demain…

En attendant, j’ai décidé d’acquérir le Métronome de Lorànt Deutsch et de télécharger l’ensemble de ses films par tous les moyens, même légaux. Ça me fera au moins un truc à confesser avant Noël.

 

Basile de Koch. Valeurs actuelles du 9 décembre 2010.

 

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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 13:00
Régner et gouverner               
Louis XIV et ses ministres           
 
de Thierry Sarmant et Mathieu Stoll
Mis en ligne : [6-12-2010]
Domaine : Histoire
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Thierry Sarmant, ancien élève de l'Ecole nationale des chartes, docteur habilité en histoire, est conservateur en chef au Musée Carnavalet. Il a récemment publié : Les Ministres et Secrétaires d'Etat de la Guerre, 1570-1792.(Perrin, 2007),  Politique, guerre et fortification au Grand Siècle. Lettres de Louvois à Louis XIV. (Société de l'histoire de France, 2007).  
Mathieu Stoll, ancien élève de l'Ecole nationale des chartes, docteur en histoire est conservateur à la Bibliothèque de la Sorbonne.


Thierry Sarmant et Mathieu Stoll, Régner et gouverner. Louis XIV et ses ministres.  Paris, Perrin, avril 2010, 672 pages.


Présentation de l'éditeur.
Comment gouverne-t-on la France sous Louis XIV ? Comment le roi choisit-il ses conseillers ? Qui sont-ils ? Ambitieux, courtisans et hommes d'épée, patriarches, hommes d'affaires, directeurs d'administration, chefs de cabinet, les ministres de Louis XIV développent par de multiples facettes l'art de gouverner. Ils entourent, informent, conseillent le Roi-Soleil, relaient ses ordres dans les provinces par les rouages d'une véritable machine administrative. Dans l'univers des grands ministres - Le Tellier, Colbert, Seignelay, Louvois -, le pouvoir est affaire d'influence et d'argent, mais aussi de travail acharné et de compétences. Les charges s'obtiennent et se cumulent au gré des méandres de la faveur royale, des fortunes personnelles et familiales, des talents et des inimitiés de Cour. Nourri par plusieurs années de dépouillement d'archives, cet ouvrage novateur dévoile l'intimité des ministres comme le secret de leur travail de cabinet. A travers le prisme de ces personnalités - remarquables ou falotes -, le gouvernement de Louis XIV révèle son volontarisme et sa modernité, mais aussi son héritage féodal et ses imperfections.
 
Recension. - L'Histoire, octobre 2010.
Royaume de papier. Dans le secret des conseils et des appartements de Versailles, le métier "réel" du roi est paradoxalement peu connu. De même sont pratiquement ignorés le travail au quotidien du souverain avec ses ministres, l'activité des départements et des bureaux ministériels, les rapports entre les ministres. En fait, c'est l'ensemble de la conduite des affaires au sommet de l'Etat, au temps de Louis XIV, qui est encore, largement, terra incognita. Cette méconnaissance est en grande partie dissipée grâce à ce livre écrit à deux mains par Thierry Sarmant et Mathieu Stoll, tous deux archivistes de formation. C'est la première fois que le travail, au quotidien, des ministères est reconstitué à partir des bureaux des commis. Entre 200 et 300 personnes constituent le monde restreint des "secrétaires", "commis", "copistes" payés à la journée, tout ce petit monde des greffiers à la plume d'oie sans lesquels la machine gouvernementale s'arrêterait de fonctionner. Or, ce "royaume de papier" est le siège d'une essentielle métamorphose : de l'atelier de l'écriture où se cotoyaient au début du règne quelques parents et domestiques du ministre parvenus là par la faveur on passe à l'Administration, marquée par la pérennité, l'anonymat et surtout une connaissance des dossiers. "Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours. " Ce sont les dernières paroles prononcées par Louis XIV à la veille de sa mort. Elles résument magnifiquement la révolution silencieuse qui s'est déroulée pendant son long règne : au-delà des clientèles, des réseaux de fidélité et des "lobbys", l'émergence d'une haute administration de mieux en mieux structurée. Le gouvernement de Louis XIV inaugure ainsi une longue tradition, bien française, qui mène à nos hauts fonctionnaires, serviteurs de la "chose publique", placés à la charnière de l'administration et de la politique.

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27 novembre 2010 6 27 /11 /novembre /2010 17:36
Maurice de Noisay
(1885-)
 
Maurice Pagniez, comte de Noisay, né en 1885 à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), écrit des vers dès sa première jeunesse; il se consacre entièrement à son œuvre poétique et cherche à rattacher plus étroitement le symbolisme à la grande tradition française et à l'élargir dans un sens plus classique. Il fut, selon l'expression d’Henri Clouard, « le plus dandy des transfuges » passant du symbolisme au néo-classicisme. Ses recueils de vers témoignent de cette évolution vers une création qui s'exprime dans une langue parfaite et qui discipline les sentiments.
Maurice de Noisay a collaboré à de nombreuses revues politiques et littéraires du début du XXème siècle, parmi lesquels Les Guêpes de Jean-Marc Bernard, Psyché, Vers et Prose de Paul Fort, Antée, l’Occident, la Phalange et la Revue critique des idées et des livres de Jean Rivain et Eugène Marsan. Proche de Charles Maurras et des idées de l'Action française, il s'est tu après la Première Guerre mondiale, au grand regret des amateurs de fier langage et de sentiments pensés.
 
L'Ame en route (Henri Jouve, 1905). - Le Bon Adieu, suite en mineur (Éditions de Psyché, 1907). - Les Douze Flèches d'Éros (La Belle Édition, 1912)
Bibliographie : Henri Clouard, Histoire de la littérature française, du symbolisme à nos jours (Albin Michel, 1947). – Robert Sabatier, Histoire de la poésie française, la poésie du XXe siècle (Albin Michel, 1982). 
 
 
Nuages
 
Quand mon cœur est léger comme un oiseau sauvage,
Il monte dans les cieux, à longs coups d'aile, fier :
Il joue avec la brise et s'accroche aux nuages;
Et son front radieux baigne dans l'azur clair,
Quand mon cœur est léger comme un oiseau sauvage.

Or, mon cœur, étant jeune, était toujours léger;
Il suivait, en chantant, les nuages qui volent;
Il désapprit la terre et ne put voyager
Que les deux poings noués à leurs crinières molles;
Car mon cœur, étant jeune, était toujours léger.

Mais maintenant mon cœur a les ailes meurtries,
Et, trop lourd pour voler, il rampe et se débat,
Il pleure vers le ciel où passent des féeries.
O nuages, mon cœur vous appelle d'en bas;
Mais mon cœur maintenant a les ailes meurtries.

Nuages, descendez, ô frères de mon cœur,
Vous qui mettez au ciel des taches de tristesse,
Des montagnes de rêve et des flots de noirceur !
Déroulez sur mon cœur vos ténèbres épaisses,
Nuages, descendez pour étouffer mon cœur!
 
   
 
Maurice de Noisay (1885-). L'Ame en route (1905).
 
 
Le soir tombe sur la lagune
 

Le soir tombe sur la lagune :
O tristesse du soir tombant!
Au ciel monte en glissant la lune :
O douceur que la lune épand!

La lune chante sa romance :
O charme du soir estompé !
C’est un chant de bonne souffrance,
C'est un chant d'amour détrompé.

J'étais ébloui tout à l'heure;
Des nappes de soleil voilaient
Le front des antiques demeures,
Des gondoles et des palais.

A présent filtre la lumière
Et se découpent finement
En silhouettes princières
Les contours et les ornements.

La lagune à présent repose
Et concentre tous ses reflets
Pour mirer dans leurs câlines poses
Les gondoles et les palais.

Reconnais-tu pas, ô mon âme,
Le soir tombant, baigné de pleurs,
Qui projeta toute ta trame
Dans ton miroir intérieur?

 
   
 
Maurice de Noisay (1885-). L'Ame en route (1905)..
   
 

femme

 
 
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26 novembre 2010 5 26 /11 /novembre /2010 23:53

Crépuscule de l'euro
 

Nous reprenons cette chronique européenne au moment où la crise de l'Union rentre dans une phase nouvelle et peut-être décisive. Une première série d'articles, publiée ici il y a un an sous le titre "Le front de Lisbonne" [1], avait permis de mettre en évidence la montée des oppositions antifédéralistes dans l'ensemble des pays du continent. Après la France, après le Danemark, le front des peuples rétifs s'est élargi à l'Irlande, à la Belgique, aux pays d'Europe de l'est; l’euroscepticisme atteint des niveaux record dans l’opinion britannique; il s’est renforcé aux Pays Bas, en Autriche et en Suède. Dans une série plus récente intitulée "Sale Europe" [2], c'est la situation des pays du sud  qui nous préoccupait. La Grèce, l'Espagne, le Portugal, principales victimes d'une crise financière que l'Union n'avait ni anticipée ni préparée, faisaient amèrement les frais du piège de l'euro. Privés de tous moyens de contrôle sur leur économie, ces pays se retrouvaient brutalement livrés à l'Allemagne, à l'Eurogroupe de Juncker, aux restructurateurs de la Commission et du FMI. On leur imposait des plans d'austérité délirants, socialement dramatiques, économiquement inefficaces. Ils découvraient aussi à cette occasion les limites de la solidarité européenne : une Commission qui les montrait du doigt, une Europe du Nord, qui après les avoir largement exploités, les méprisait ouvertement, une Allemagne qui faisait montre vis-à-vis d’eux de l'égoïsme le plus abject.

C'est maintenant l'euro lui-même qui est en danger. Confrontée à la guerre des devises, ballottée entre le dollar et le yuan, la monnaie unique est aujourd’hui le maillon faible de l’Europe. Son éventuelle disparition entrainerait une crise majeure des institutions européennes. Bruxelles le sait et le craint. La crise de l’euro, annoncée il y a quelques mois puis démentie, est désormais patente. Le feu qui couvait un peu partout prend petit à petit des allures de brasier. Après la Grèce, c’est au tour de l’Irlande et du Portugal de dévisser et l’Espagne n’est pas loin. Malgré les canadairs lancés par Van Rompuy, Barroso, Trichet et Juncker, il semble que rien n'arrive à réduire l'incendie. Plus l'euro brule, plus les politiques d'austérité se durcissent et plus les peuples rentrent dans la danse. Après Paris en octobre, après Rome, ce sont les rues de Dublin, de Lisbonne, de Madrid qui se remplissent alors que celles d'Athènes accueillent toujours les mêmes foules imposantes. Au Portugal, la grève générale contre l’austérité décidée par les syndicats le 24 novembre dernier a paralysé tout le pays et mobilisé plus d’un salarié sur deux. Du jamais vu.

Ces mouvements ont déjà des conséquences politiques. Le gouvernement socialiste de M. Papandréou vient de subir un échec aux élections locales et si la correction n'a pas été plus rude c'est que le bilan laissé par la droite libérale, lorsqu'elle était au pouvoir, reste dans la mémoire de tous les Grecs. Il est clairement en sursis. En Irlande, il n’est pas sûr que la coalition menée par M. Cowen soit en situation de faire voter le plan d’austérité draconien que Bruxelles vient de lui imposer et elle sera sans doute balayée lors des élections législatives prévues début 2011. En Espagne, sous l’effet des mesures d’austérité, la croissance est nulle depuis des mois et le taux de chômage dépasse les 20%, rendant toute reprise impossible ; l’opposition de droite appelle ouvertement à la démission du gouvernement Zapatero, qui paye sa servilité à Bruxelles. Le Portugal n’est pas mieux loti et le socialiste José Socrates, dont le gouvernement n’a plus de majorité à la Chambre, devrait faire lui aussi les frais de sa politique d’alignement sur la BCE. Même chose pour l’équipe Berlusconi, rongée par les scandales mais aussi par la montée du chômage dans la péninsule, et qui ne passera sans doute pas l’hiver.

Cette instabilité politique inquiète évidemment Bruxelles et les dirigeants européistes. A court terme, il suffit qu’un des pays les plus exposés, Irlande, Grèce ou Portugal, rentre en crise politique pour que l’euro s’effondre et que l’Eurozone se déchire. Les mouvements spéculatifs que l’on a enregistré la semaine dernière contre le Portugal ou l’Irlande montrent que ce scénario reste ouvert et qu’il faut peu de chose pour qu’il se déclenche. Mais, pour les partisans de l’euro, la situation n’est pas sensiblement meilleure à plus long terme: la disparition d’alliés comme Zapatero, Owen, Socrates ou Berlusconi, l’arrivée au pouvoir dans ces pays d’équipes nouvelles, moins dociles, sans doute plus à l’écoute de la rue fait partie des choses plausibles. Ces équipes ne seront-elles pas tentées d’user d’autres moyens, plus expéditifs, pour régler le problème insoluble de leur dette tout en s’ouvrant des capacités de rebond ? Rééchelonnement unilatéral des emprunts, moratoire sur une partie de la dette, nationalisation du crédit, retour au contrôle des changes, autant de mesures qui mettraient les marchés sous tension. L’euro n’en réchapperait pas, l’Eurozone non plus.

Ce n’est donc pas un hasard si la Commission et le directorat européiste de l'Union ont annoncé une prochaine révision des traités européens, dans le sens, naturellement, d'un durcissement des critères de convergence. Derrière ces manœuvres il y a d’abord l’Allemagne. L’Allemagne, dont l’euro est l’instrument, et qui n’entend pas laisser d’autres qu’elle en manipuler le cours au profit de ses intérêts. L’Allemagne, qui détient tous les pouvoirs de fait au sein de la BCE et du système financier de l’Union, et qui s’emploiera à monnayer les aides apportées aux pays fragiles en échange d’un alignement sur ses vues. L’Allemagne, dont la soit disante vertu dissimule en réalité une stratégie claire de domination des économies européennes : mainmise sur les grandes filières automobile, mécanique et énergétique en Europe de l’est, forte emprise sur les industries d’Europe centrale et de Scandinavie, monopole de fait des exportations hors d’Europe, contrôle des économies des autres pays par la régulation de son énorme marché intérieur… L’Allemagne, qui a payé par 50 ans de silence, d’humiliation et d’abnégation son retour politique en Europe, et qui n’entend pas gâcher ses chances. On peut donc s’attendre, une fois les affaires portugaises et irlandaises réglées, à une offensive sans précédent de Berlin et de tous ses alliés pour mettre l’ensemble de l’économie européenne sous contrôle, en introduisant dans les traités des dispositifs de régulation sans précédent. Et cela sous prétexte de préserver l’euro. Gageons que la France, selon son habitude, suivra les injonctions allemandes s’en broncher et sans en comprendre les fins.

Alors que le modèle européen voulu par le Traité de Rome s’efface devant les réalités du monde tel qu’il est aujourd’hui, et notamment devant la puissance retrouvée de l’Allemagne, force est de constater qu’aucun autre schéma cohérent d’organisation du continent n’émerge encore dans l’espace politique. Des pistes se dessinent pourtant : le tabou du « protectionnisme européen » semble levé, on commence à évoquer l’idée d’une autre Europe, confédérale celle-ci, fondée non plus sur la chimère d’un « Etat européen » mais sur des coopérations renforcées, sur la protection de nos emplois et de notre industrie, sur l’innovation, la recherche et l’Intelligence. Une Europe des ingénieurs et des créateurs, des producteurs et des artistes et non plus l’Europe des énarques et des juristes que nous connaissons aujourd’hui. Une Europe des nations qui ferait de sa diversité et de son dynamisme une force pour demain. Ces idées sont reprises dans des cercles et des clubs, elles commencent à faire école en France autour d’Emmanuel Todd, de Paul Thibaud, de Jacques Sapir, de Jean-Luc Gréau, de Bertrand Renouvin, de philosophes comme Pierre Manent, Marcel Gauchet, de sociologues comme Jacques Julliard. Hubert Védrine pourrait leur donner une forme politique s’il consentait à descendre dans l’arène. Car ces voix sont encore faibles, elles ont du mal à se faire entendre dans un débat politique où le libéralisme et la social démocratie ont décidé de jeter leurs dernières forces. Et surtout, elles sont encore trop françaises. Il leur reste à structurer dans le reste du continent un « corpus partagé » qui n’existe pas encore. La renaissance d’une pensée catholique, qui se manifeste avec force y compris dans le domaine de l’économie et des idées politiques, l’avènement d’une nouvelle gauche critique, libérée des dogmes marxistes [3], sont autant d’opportunités à saisir pour accélérer l’évolution des esprits.

Crépuscule de l’euro, crise des institutions européennes, révoltes sociales de grande ampleur, jeu de l’Allemagne, construction d’un modèle alternatif pour le continent, voilà les quelques grands thèmes que nous nous efforcerons de couvrir et d’éclairer dans cette troisième série de chroniques qui s’ouvre « sur le front de l’euro ».

François RENIE.



[1]. La Revue critique des 4 avril, 12 mai, 24 juillet, 29 septembre, 2 octobre, 8 octobre, 17 octobre, 11 novembre 2009.

[2]. La Revue critique des 3 mars, 7 mars, 18 mars, 24 mars, 29 avril, 15 mai, 21 mai, 24 mai 2010.

[3]. Des dogmes marxistes et non pas des idées de Marx, qui restent largement pertinentes pour ce qui est de la critique de l’économie politique libérale. Nous restons de ce point de vue fidèle à Georges Sorel qui chercha jusqu’au bout à préserver les intuitions de Marx de l’esprit routinier et conservateur de ses épigones français et allemands. C’est en cela que la nouvelle gauche critique, libertaire, proudhonienne mais aussi gramscienne, nous intéresse.


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22 novembre 2010 1 22 /11 /novembre /2010 11:30
La fin du courage                       
    
de Cynthia Fleury
Mis en ligne : [22-11-2010]
Domaine :  Idées  
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Cynthia Fleury, philosophe, professeur à l'American University of Paris, travaille sur les outils de la régulation démocratique.Elle a publié de nombreux ouvrages, dont Les Pathologies de la démocratie (Fayard, 2005).


Cynthia Fleury, La fin du courage. Paris, Fayard, mars 2010, 203 pages.


Présentation de l'éditeur.
Chaque époque affronte, à un moment de son histoire, son seuil mélancolique. De même, chaque individu connaît cette phase d'épuisement et d'érosion de soi. Cette épreuve est celle de la fin du courage. Comment convertir le découragement en reconquête de l'avenir ? Notre époque est celle de l'instrumentalisation et de la disparition du courage. Mais ni les démocraties ni les individus ne peuvent en rester à ce constat d'impuissance. Nul ne résiste à cet avilissement moral et politique. Il s'agit de surmonter ce désarroi et de retrouver le ressort du courage, pour soi, pour nos dirigeants si souvent contre-exemplaires, pour nos sociétés livrées à une impitoyable guerre économique. Le plus sûr moyen de s'opposer à l'entropie démocratique reste l'éthique du courage et sa refondation comme vertu démocratique. Dans cet essai enlevé, Cynthia Fleury rappelle qu'il n'y a pas de courage politique sans courage moral et montre avec brio comment la philosophie permet de fonder une théorie du courage qui articule l'individuel et le collectif. Car si l'homme courageux est toujours solitaire, l'éthique collective du courage est seule durable.


Article de Yves Landevennec. Royaliste - 11 octobre 2010.
Depuis bientôt trente ans la classe dirigeante se flatte de prendre des décisions courageuses qui consistent à imposer des sacrifices à un peuple qui n’est en rien responsable des fautes des gouvernants. Pire : les artisans de la rigueur ont toujours vécu douillettement ou se sont enrichis de manière plus ou moins scandaleuse tout en nous expliquant qu’il fallait faire pénitence. La France, paraît il, vit au-dessus de ses moyens selon la formule consacrée qu’on est en train de ressortir pour justifier les restrictions de crédits.
Ce discours parfaitement hypocrite s’est accompagné d’une manœuvre torve : les oligarques ont demandé aux citoyens d’avoir le courage de sacrifier leur bien-être tout en cherchant à détruire leurs capacités de résistance : « on n’a pas le choix » ; « il n’y a pas d’alternative » ; toute contestation des réformes aggraverait le mal. Comme l’opposition socialiste et de puissants dirigeants syndicaux donnaient l’exemple du réalisme résigné, le découragement avait toutes chances de se propager.
Bien des facteurs idéologiques et politiques expliquent l’échec des révoltes et le report d’une possible révolution mais on aurait tort de sous-estimer l’aspect personnel de la démission de certains dirigeants. Je pense à ceux qui auraient pu prendre la tête de mouvements populaires et qui ont préféré la gestion sans péril d’une mairie et d’une circonscription...
Faut-il simplement dénoncer la lâcheté de quelques-uns ou s’interroger plus gravement sur le sinistre destin d’une société qui serait celle de « la fin du courage » ? Le récent livre de Cynthia Fleury, qui porte ce titre, a rencontré un écho justifié car on y trouve à la fois une réflexion sur le découragement et une incitation à reprendre courage.
Cynthia Fleury sait de quoi elle parle : cette philosophe avait perdu courage « comme on perd ses lunettes » puis elle est sortie de l’épreuve grâce aux autres et en prenant le temps nécessaire à la reconstitution des forces. Les autres, ce sont tantôt les parents, tantôt les amis : « il y a toujours quelqu’un ». Il est également roboratif de lire les poètes et les philosophes en se gardant, bien sûr, des sophistes qui vendent leurs petits traités de vertus et des histrions médiatiques : au lieu de perdre du temps avec eux, il faut interroger les plus grands esprits, riches de vérités simples et fortes.
Ceux qui redoutent de se plonger dans les classiques de la philosophie trouveront en Cynthia Fleury un guide très sûr. Avec elle, lisez Aristote : il nous dit que l’homme courageux vit la peur - c’est le téméraire, toujours dangereux pour les autres et pour lui même, qui ignore ce qu’il faut redouter. Découvrez comment Axel Honneth, encore peu connu, dépasse le formalisme de Jürgen Habermas en montrant que « pour être valable, le paradigme de la communication a besoin de s’inscrire dans une épistémologie du courage qui renvoie elle-même à une intelligibilité de la justice ». Et soyez surtout attentifs à la méditation de Vladimir Jankélévitch qui fit lui aussi , comme Résistant, l’expérience du courage et de la peur. Pour lui, le courage est la vertu matricielle - la plus difficile à vivre. C’est que « le courage est sans victoire » car passé l’instant de l’acte courageux, accompli dans la solitude, on peut tomber dans le découragement et la lâcheté. Nul ne peut se dire courageux : nous sommes seulement, en certaines circonstances, capables de courage. Et il faut une nouvelle épreuve pour savoir qu’on a été, une fois encore, courageux.

Bien entendu, le courage ne se délègue pas, contrairement à ce que pensent les dirigeants avilis qui nous commandent de prendre soin des autres sans jamais abandonner le moindre élément de leur propre confort ni compromettre leur notoriété. Cette lâcheté est facile à comprendre : le courage, c’est d’agir dans les marges, seul, sans être reconnu, félicité, décoré - sauf après coup, longtemps après, quand les rats ont mis des casquettes de capitaine et président les comités d’épuration devant lesquels ils auraient dû comparaître.
Il n’y pas de « fin du courage» car ils sont des millions, dans notre pays, et des centaines de millions, dans le monde, à affronter dans la solitude la faim, le froid, la maladie et la peur. Ils n’ont presque plus d’espoir mais ils s’accrochent à ce presque rien qui les retient sur la pente du suicide. Le miracle, dans une société ultra-par l’isolement, c’est qu’il puisse y avoir encore et toujours des révoltes collectives et des révolutions triomphantes - par la conjonction de tous ces courages individuels.
Le courage de Victor Hugo, exilé à Guernesey, c’est de proclamer dans la solitude l’imposture de Louis Bonaparte, non pour la beauté du geste mais par exigence de vérité et dans l’espoir que cette vérité se diffusera dans le peuple et qu’il y puisera la force de se soulever. Nous sommes loin du care, présenté par Cynthia Fleury comme sollicitude démocratique et pédagogie de la solidarité, alors que j’y vois une manière pernicieuse, pour la gauche sociale libérale, de se défausser de ses responsabilités politiques et de renoncer au devoir de justice sous prétexte que « l’État ne peut pas tout faire ».
L’éthique du courage ne doit pas seulement fonder une politique courageuse, qui n’est pas plus assurée de la continuité que l’acte de courage personnel. Il faut des institutions solides, elles mêmes éprouvées par l’Histoire, pour que le courage collectif soit possible et durable. À juste titre, Cynthia Fleury évoque Winston Churchill. Mais qu’aurait pu faire le vieux lion hors des institutions britanniques ?

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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 19:42
Dioscures      
LE GUILLOU (Philippe)


Il est des auteurs pour qui chaque livre est une avancée. L’œuvre nouvelle bonifie les  précédentes, complète l’ensemble, le rend plus clair, plus solide. Philippe Le Guillou fait partie de cette belle race d’écrivains que l’on appelle classique. Son dernier livre, Le bateau Brume [1], est une superbe réussite. Pas une page qu’il puisse renier, tout s’y enchaîne admirablement, tout y est décrit avec une sûreté de plume et une sensibilité parfaite. Ce bateau Brume est d’ailleurs plus qu’une étape dans l’œuvre de Le Guillou, c’est une sorte de carrefour, de lieu géométrique où l’auteur rassemble et compose tous les thèmes qui lui sont chers : cette Bretagne solaire et troublante qui illumine ses précédents romans, le Paris des initiations et des rencontres qui servait déjà de décor à La Consolation et à Après l’Equinoxe, la figure du peintre, également présente dans Les sept noms du peintre, le mysticisme chrétien de Fleurs de tempête, la politique et ses formes sacrées, celle du commandeur de Stèles à de Gaulle, celle du roi dans Le Roi dort Autant de matériaux qu’il met au service d’une histoire, l’histoire singulière de deux jumeaux bretons, droits comme des phares, le récit de leur ascension dans la France de la fin du XXe siècle et du début de ce siècle là.

Comme l’auteur, les protagonistes du Bateau Brume sont nés dans les années 60. Gilles et Guillaume sont jumeaux, ils vivent l’un pour l’autre, inséparables. Les tourmentes familiales vont rendre leur gémellité douloureuse. Un père qui disparait brusquement et sans raison, une mère qui s’éloigne, les voilà confiés à leurs grands parents maternels, un couple de hobereaux bretons qui vit à Loscoat, dans un manoir au bord de l’Elorn. La figure du grand-père, Jean-Tanguy, député gaulliste, solide comme un roc et plein de bienveillance, dominera une enfance faite de mystères, d’équipées nocturnes et de signes de ralliements. Telle cette épave, échouée au bord de l’Elorn, qui ne porte plus que l’indication « brume », où les deux jumeaux aiment à se retrouver. Pour Jean-Tanguy, ses deux petits fils, ce sont ses phares, chacun portant sa propre lumière. Gilles, le plus studieux, se jettera dans les études supérieures, intégrera l’ENA, le Conseil d’Etat, reprendra la circonscription de son grand-père et finira ministre sous Chirac. Guillaume, plus sensible, mettra du temps à comprendre pourquoi la vie le sépare de Gilles ; c’est au prix d’années de bohème, de misère et de travail acharné qu’il finira par devenir l’un des meilleurs peintres de sa génération. Malgré leurs destins différents, ces deux êtres fonctionnent comme par signal : en pleine joie ou au plus profond du désespoir, ils se cherchent, s’appellent, s’attendent comme si la force de leur plaisir ou de leur souffrance devait brutalement les réunir et les fondre ensemble à nouveau.

Le roman laisse alternativement la place au récit de l’un et de l’autre frère, comme deux journaux intimes qui se répondent, se complètent, mettent en scène d’autres figures attachantes : François, le jeune prêtre au fin sourire, Antonin, l’ami cinéaste, la jolie Deirdre qui résume toutes les souffrances de l’Irlande,  Catherine, la mère des jumeaux, obsédée par l’idée de refaire sa vie…  C’est aussi à dessein que le roman adopte une tonalité particulière pour chacune des étapes de la vie des jumeaux. On se trouve ainsi en présence de trois récits juxtaposés. Le récit de l’enfance et de ses enchantements, où «  les jumeaux de l’Elorn », comme les appelle Jean-Tanguy, sont aux prises avec les forces primaires et les mystères du monde : l’Ankou, démon majeur qui règne sur la lande bretonne, les cryptes ensevelies le long des rivages, ces grottes blanches du Périgord, où d’anciens dieux ont laissé des traces, l’étrange collège de J., sa chapelle profanée et son cygne ensanglanté gisant dans la neige. Le récit de la jeunesse et de ses découvertes : pour Gilles, les jolies femmes, la bourgeoisie parisienne et la politique offrent une vie presque sans hasard, une circonscription sur mesure, une existence élégante et glacée sous les ors de la République; pour Guillaume, la misère, les amours de passage, les nuits d’ivresse tristes, le désespoir débouchent un jour sur le festin de la création où l’univers entier est à peindre. Le récit de l’âge mûr où le destin des frères se croisent, où le météore politique se range des voitures et se met au service du peintre, le breton des deux qui a réussi…

Le destin de nos deux phares croise aussi régulièrement celui de la France. Une France qui finit un cycle de son histoire : de Gaulle s’en va, Paris éteint ses barricades, le pays s’abandonne sans grâce à la modernité, l’histoire des hommes se confond avec celle des modes. Jusqu’à ce que la tragédie réapparaisse brusquement avec le SIDA, cette peste moderne qui interroge et qui a ému, on le sent bien, jusqu’au fond de l’âme le chrétien Philippe Le Guillou. Est-ce un hasard si le livre se termine hors de France ? S’il s’achève sur la terrasse d’un gratte-ciel de Shanghai où Guillaume et Gilles semblent succomber aux tentations de l’Asie éphémère. Gageons pourtant qu’ils ne sont pas dupes, nos bretons, et que ces vers de La Tour du Pin dans Les enfants de Septembre trottent à cet instant dans leurs têtes :

 
Ce n’est pas dans ces pauvres landes
Que les enfants de Septembre vont s’arrêter ;
Un seul qui se serait écarté de sa bande
Aurait-il, en un soir, compris l’atrocité
De ces marais déserts et privés de légende ?

 

Eugène Charles.



[1]. Philippe Le Guillou, Le bateau Brume, Gallimard, 446 pages.

   

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15 novembre 2010 1 15 /11 /novembre /2010 11:30
Ecrits, vies, témoignages        
 
de Saint François d'Assise
Mis en ligne : [15-11-2010]
Domaine :  Idées  
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Sur la vie de Saint François d'Assise (1182-1226), on lira avec profit :  André Vauchez, François d'Assise (Fayard, 2009), ainsi que le beau livre de Nikos Kazantzakis, Le pauvre d'Assise (Plon, 1957).  

  


Jacques Dalarun (dir.), François d'Assise. Ecrits, vies, témoignages. Paris, Cerf/Ed. franciscaines, mars 2010, 2 tomes, 3418 pages.


Présentation de l'éditeur.
Les Éditions Franciscaines et les Éditions du Cerf présentent une nouvelle traduction des « Sources franciscaines ». Jacques Dalarun, directeur au CNRS, est le maître d'œuvre de ce travail monumental. Il a su associer à cette entreprise nombre de collaborateurs français et étrangers, de l'université Saint Bonaventure dans l'État de New York à l'Antonianum de Rome. Ce travail éditorial constitue un événement à divers titres. Tous les textes ont été traduits par une équipe de spécialistes avec de nouvelles introductions. Certains écrits sont devenus accessibles alors qu'ils n'avaient jamais été traduits en français. Index et concordances sont des outils qui complètent avec rigueur et clarté l'ensemble de cette œuvre.  Ces deux volumes constituent un corpus élargi des sources les plus anciennes qui éclairent la personne du « Poverello » et l'événement historique qu'il représente dans l'Église. François d'Assise a inspiré des réformes diverses. Dans notre monde bouleversé, il nous offre un signe et une inspiration.


Recension de Jean-Louis Schlegel. Esprit - août-septembre 2010.
Pour le VIIIe centenaire de la fondation de l'Ordre franciscain, c'est un monument qui est offert aux "fils et filles de saint François" (Franciscains, Capucins, branches féminines, tertiaires...) et en fin de compte à beaucoup d'autres, pour lesquels François d'Assise est le "Frère universel" : une édition critique et une nouvelle traduction de ses oeuvres et plus largement des "sources franciscaines", en deux considérables volumes (rendus maniables par une reliure souple, très élégante par ailleurs). Travail irréprochables de l'équipe d'historiens spécialisés réunie autour de Jacques Dalarun, préface nette d'André Vauchez, qui rappelle qui fut François, la rupture qu'il a signifiée dans la trajectoire de l'Occident chrétien et ce qui en reste actuel, par exemple dans les rêves, écologiques et autres, de sociétés humaine et de vies échappant au pouvoir de l'argent et de la richesse. Vauchez le rappelle cependant : François et ses utopies furent refrénés, "cléricalisés" de son vivant déjà et remis dans des rails juridiques peu après sa mort. Il n'empêche: le mythe de la pauvreté heureuse, libérée, a traversé les siècles. Aujourd'hui, les textes très nombreux (une trentaine) et les "témoignages" de cette édition "historico-critique", nouvellement présentés et traduits, gardent une saveur forte, une force "poétique" au sens de créatrice, qui emporte toujours le lecteur par sa fraîcheur et une (fausse) naïveté constante, une ironie efficace finalement dans la contestation de Mammon, le dieu-argent qui, avec le sexe, fait courir le monde depuis toujours et plus que jamais.  Ce n'est pas que l'historicité de François, de sa vie et de son message, importe peu : au contraire, le lecteur trouvera dans ces deux volumes de quoi satisfaire sa curiosité sur  le "vrai François". Mais le "vrai François d'Assise" n'aura toujours qu'un intérêt limité par rapport à la légende de saint François et ce qu'elle a engendré dans l'imagination occidental et mondial. 
 
L'avis de Marilyne Chaumont. La Croix du 16 novembre 2010.
Le "Totum", ou l'oeuvre de saint François d'Assise. Quarante ans après la première publication française des documents, le nouveau «Totum» invite à redécouvrir les textes médiévaux imprégnés de la vie du Poverello.  Le profond Cantique de frère soleil, les rares documents autographes de saint François, la résonance de ses Vies sous la plume de Thomas de Celano, de Julien de Spire ou de Bonaventure… la publication du nouveau Totum, qui rassemble les Écrits, Vies et témoignages du pauvre d’Assise rédigés aux XIIIe et XIVe siècles, est un événement. Certes, plusieurs de ces textes sont loin d’être diffusés pour la première fois en France. Dès le XIXe siècle, un bon nombre d’entre eux ont été traduits. D’autres ont suivi au XXe siècle, jusqu’à aboutir en 1968 à une traduction des différentes sources par les franciscains Théophile Desbonnets et Damien Vorreux. Il y a quarante ans, cette naissance du Totum a eu l’effet d’un détonateur : tant dans la recherche sur saint François que pour la diffusion de son message. Pourquoi donc retourner aux sources originelles franciscaines, composées dans une langue – souvent latine – tantôt rugueuse, tantôt raffinée, selon que l’auteur soit l’un des premiers compagnons du poverello ou un Thomas de Celano, qui rédigea la première biographie officielle de saint François à la demande de Grégoire IX ? « Le fait de traduire et rassembler les textes avait créé en 1968 un intérêt hors du commun dans la sphère francophone, rappelle l’historien du Moyen Âge Jacques Dalarun, maître d’œuvre de ce chantier immense. Ayant été pionniers en la matière, nous étions un peu “victimes” de notre précocité. » Car entre-temps, nombre de nations ont prolongé cette tâche, constitué leurs propres volumes, ajouté des sources, affiné des traductions. Alors que l’ordre s’apprêtait à célébrer le 8e centenaire de sa fondation, un travail de restructuration et d’épaississement du corpus a donc été confié en 2005 à une équipe internationale de chercheurs. Dès lors, cette nouvelle édition du Totum représente l’une des plus grandes entreprises de traduction de sources latines pour un même ouvrage depuis plusieurs décennies. « Pour beaucoup de nos contemporains, saint François reste un mythe un peu flou, dont le contenu oscille entre une idéologie de la pauvreté proche de la théologie de la libération, un engagement en faveur de la paix entre les religions et une attitude écologique vis-à-vis de la création », souligne André Vauchez dans la préface de l’ouvrage. « Or, insiste-t-il, seule une connaissance précise des sources de son époque peut nous permettre de nous tenir à distance des interprétations hasardeuses qui ont fait tant de tort à sa mémoire. » Rares sont pourtant les saints qui, à l’époque médiévale, ont engendré une telle abondance d’écrits contemporains et posthumes. C’est en explorant ces sources que se révèle l’authenticité du saint d’Assise, d’une exigence radicale envers lui-même et ses frères – dans sa très grande attention à vivre selon la « sainte obéissance » – mais prêchant une miséricorde illimitée (lire extrait ci-dessous). De même, il s’agissait pour ce nouveau millénaire d’ajouter au «François historique» le «François vécu», selon Jacques Dalarun. Pour ce faire, «nous avons introduit nombre de sources liturgiques, explique l’historien, ainsi que des livres de miracles, qui donnent à voir l’impact de François dans la société». Outre ces attrayants apports comme le Traité des miracles de Thomas de Celano, qui trouve là sa première traduction complète, une place importante est accordée aux textes liturgiques, tels que la Légende de chœur, ou l’Office de saint François. De fait, alors même qu’une focalisation excessive sur la figure du poverello pouvait en réduire le message, le désir de rendre à l’œuvre de saint François toute sa dimension collective a tenaillé les historiens. «Il a parfois été utilisé comme un étendard, ou a pu faire l’objet d’un certain culte de la personnalité au risque de l’isoler du groupe, observe Jacques Dalarun. Nous n’avons pas essayé de le diminuer mais d’être simplement fidèles à ce qu’il a vécu en redonnant sa place à la fraternité dans l’histoire.» Certains textes, qui mettent en scène d’humbles frères bien après la mort de celui qui épousa «Dame Pauvreté», illustrent ainsi combien son esprit de louange et de simplicité a pu s’incarner plus tard au sein de l’ordre. Cette fabuleuse somme que représente le Totum convoque tout lecteur à une forme de pèlerinage, dont Jacques Dalarun ose prêcher l’intégralité. «Commencez par les autographes de François ! Parce que, là, on a le geste de sa main, fixant l’encre sur la peau de chèvre. Et puis, lisez son Testament, et puis passez à La Légende des Trois Compagnons, et allez ensuite vers Le Commerce sacré, cet extraordinaire chant franciscain du monde ! (…) Et finalement, vous lirez tout !» Tout ? Peut-être. Car ces textes font toucher la force de l’amour de saint François pour Dieu et toute créature ; et éprouver pourquoi ce dernier fut désigné comme un alter Christus, cet « autre Christ».

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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 11:30
C'est une chose étrange
à la fin que le monde             
 
de Jean d'Ormesson
Mis en ligne : [8-11-2010]
Domaine : Lettres 
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Jean d'Ormesson, né en 1925, est romancier et essayiste.  Elu à l'Académie française en 1973, il est également éditorialiste au Figaro. Il a récemment publié La Création du monde (Robert Laffont, 2006), Odeur du temps (Editions Héloïse d'Ormesson, 2007), Qu'ai-je donc fait (Editions Héloïse d'Ormesson, 2008), L'enfant qui attendait un train (Editions Héloïse d'Ormesson, 2009), Saveur du temps (Editions Héloïse d'Ormesson, 2009).   

  


Jean d'Ormesson, C'est une chose étrange à la fin que le monde, Paris, Robert Laffont, août 2010, 313 pages.


Présentation de l'éditeur.
Qu'est-ce que la vie et d'où vient-elle ? Comment fonctionne l'univers? Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? Des mathématiciens aux philosophes grecs, à Einstein et à la théorie des quanta, en passant par Newton et Darwin, voilà déjà trois mille ans que les hommes s'efforcent de répondre à ces questions. L'histoire s'est accélérée depuis trois ou quatre siècles. Nous sommes entrés dans l'âge moderne et postmoderne. La science, la technique, les chiffres ont conquis la planète. Il semble que la raison l'ait emporté. Elle a permis aux hommes de remplacer les dieux à la tête des affaires du monde. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Dieu est-il à reléguer au musée des gloires étrangères et des puissances déchues ? La vie a-t-elle un sens ou est-elle une parenthèse entre deux néants? Est-il permis d'espérer quoi que ce soit au-delà de la mort ? Avec les mots les plus simples et les plus clairs, avec une rigueur mêlée de gaieté, Jean d'Ormesson aborde de façon neuve ces problèmes de toujours et raconte au lecteur le roman fabuleux de l'univers et des hommes.

Article de Franz-Olivier Giesbert.
Le Point, 26 août 2010
.
Jean d'Ormesson, l'homme qui "doute en Dieu". C'est toujours quand on croit l'avoir percé qu'on a cessé de le comprendre. Depuis des décennies, j'allais dire des siècles, Jean d'Ormesson est l'incarnation vivante de l'esprit français, sa quintessence exquise, qu'on lit comme on boit du champagne et qui pétille dans la tête. On l'a rangé à jamais dans la catégorie des écrivains joyeux, ce qui n'est pas tout à fait exact. Mais bon, c'est toujours mieux que d'être relégué dans le tiroir réservé aux rasoirs ou aux austères. Frappé de cette estampille, il poursuit avec son éternel sourire une conversation ininterrompue avec ses lecteurs. C'est l'avantage de l'écriture : personne ne peut vous couper le sifflet. En l'espèce, on aurait bien tort de le lui couper. De livre en livre, Jean d'Ormesson se bonifie et prend de la hauteur. Son dernier opus, C'est une chose étrange à la fin que le monde, relève du tour de force. Il ose tout. Il se met dans la peau de Dieu, ni plus ni moins, et nous raconte carrément le roman du monde. Des idées, surtout, et puis aussi des sciences et des systèmes philosophiques. On pourrait y voir la marque d'une boursouflure terminale d'académicien statufié, mais non, l'auteur mène cette titanesque entreprise sans enflure ni moulinets, avec la vraie modestie des vrais érudits. Si la culture est ce qui reste quand on a tout oublié, alors il s'agit là d'un monument à sa gloire.
Chez l'homme, le bureau de travail dit tout : notre vérité est toujours dessus, impossible de se cacher derrière. Ainsi celui que Jean d'Ormesson a longtemps occupé à l'Unesco, où il officia comme secrétaire général du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines : son foutoir a longtemps fait le bonheur des photographes. Il trahissait le lecteur boulimique, le dévoreur compulsif de livres et de revues comme l'exigeante Diogène, dont il fut le rédacteur en chef. Il y a donc quelque chose de profondément sincère dans la démarche de C'est une chose étrange à la fin que le monde, toute sa vie est là pour le prouver. En exergue de son livre, il aurait pu mettre cette belle formule d'Oscar Wilde, qu'il cite : "Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d'entre nous regardent les étoiles." Non seulement Jean d'Ormesson les regarde, mais en plus il voit les galaxies et même le big bang derrière. Il se sent donc infiniment petit et remet sans cesse l'humanité à sa place, manie de philosophe postsocratique. Certes, elle a entre 200 000 et 300 000 ans d'âge, mais qu'est-ce au regard des 3 milliards d'années de vie sur la Terre ou des 13 milliards et plus d'existence de l'Univers avant nous ? Il y a ceux qui ne veulent pas entendre parler de cela et ceux qui en ont conscience du matin au soir. D'un côté, les vaniteux, les imbéciles et, de l'autre, tous ceux dont ce livre entend élargir encore le cercle.
Jean d'Ormesson dit avoir eu envie d'écrire cet essai, présenté drôlement comme un roman, un jour d'été, sur une côte méditerranéenne : alors que, "fragment du paysage", il sortait de la mer, où il avait nagé "dans une espèce de ravissement", il s'est demandé, soudain, assis sur un tronc mort, ce qu'il fichait là. Le monde était devenu une question : pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? Dans cette brève histoire de nos croyances, il répond par un credo, mais un credo à la saint Augustin, qu'il cite au demeurant trois fois, signe qui ne trompe pas : "credo quia absurdum" ("je crois parce que c'est absurde"). A la fin du livre, il résume sa pensée en deux magnifiques ormessonismes : "Je doute de Dieu parce que j'y crois. Je crois à Dieu parce que j'en doute. Je doute en Dieu." Et cet autre : "A la fin de ce monde et du temps (...), il n'y aura plus que ce rien éternel qui se confond avec tout, dont le monde est sorti, où il retournera, et que nous appelons Dieu." Entre-temps, Jean d'Ormesson aura fait défiler tous ceux qui ont fait ce que nous sommes dans nos têtes : Homère, Socrate, Newton, Darwin, Einstein et quelques autres. Même si on peut regretter qu'il expédie Nietzsche un peu vite ou qu'il ne s'attarde pas trop sur Spinoza, il reste que son livre, plein de gaieté, de gratitude, de nostalgie, fait du bien et même, comme aurait dit Giono, un plein bon Dieu de bien. Jean Giraudoux, rappelle-t-il, affirmait : "Rien n'est plus vieux que le journal du matin et Homère est toujours jeune." C'est pourquoi l'auteur de C'est une chose étrange à la fin que le monde est sans doute le plus vert de cette rentrée littéraire.
 
Article de Bruno Frappat. La Croix, novembre 2010 .
De la joie d'être. Cela s’appelle « roman ». Évidemment, ce n’est pas un roman. Jean d’Ormesson, pirouettant et malicieux, s’en explique au bout de cent soixante-six pages : «L’Univers tout entier, avec tout ce qu’il contient, est un roman fabuleux. C’est pour cette raison, et non pour attirer le chaland, que les pages que vous lisez se présentent sous la rubrique : roman. » Admettons. Car, de la part de Jean d’Ormesson, on peut tout admettre dès lors que ce prince charmant du plaisir des mots (et, en l’occurrence, de Dieu) répand autour de lui une liesse d’exister, une admiration pour toute chose. Plaisir de lire, d’apprendre, de réapprendre, d’avoir l’illusion de comprendre, jovialité au bord des mystères, main qui nous tient au-dessus du vide et nous protège des «vertiges» : tout d’Ormesson est dans ce livre aisé et profond.
Mais alors, si ce n’est pas un roman, qu’est-ce donc ? Nul ne peut le dire en enfermant cette promenade sous le soleil dans un étiquetage. Ce n’est pas un essai : pas assez structuré. Ce n’est pas un livre de souvenirs : peu d’anecdotes. Ce n’est pas un pamphlet : trop gentil. Des pages de journal intime ? Peut-être, mais il se garde de le dire. Une méditation ? Parfois. Une sorte de Conférence du Figaro, plaisante aux yeux d’un public acquis d’avance ? Il y a de ça, mais pas que… Finalement, au risque d’être impertinent vis-à-vis de notre académicien national, on risquera cette comparaison : le dernier livre de Jean d’Ormesson ressemble aux Histoires de l’Oncle Paul qui ont réjoui notre jeunesse. L’Oncle disserte, raconte, étale sa science universelle sans cuistrerie. Et nous, neveux aux mines ébahies, nous le suivons avec délice dans cette randonnée philosophique.
N’oublions pas : Jean d’Ormesson a dépassé les quatre-vingt-cinq ans et il est agrégé de philosophie. Toute sa vie, et toute son œuvre, il aura été marqué par cette matrice culturelle dans laquelle ont baigné à leurs débuts les élèves de Normale Sup. Ce sont de grands liseurs. Ils s’intéressent à tout. Ils ont appris beaucoup de choses sur tout et sur rien. Ils ont toujours dix citations à portée de discours. Ils savent écrire, sont diserts. Dès lors qu’ils avancent en âge, tout ce qu’ils ont engrangé représente une somme, un trésor dont on s’approche, modestement, mais avec délices. Parmi tous ces khâgneux, Jean d’Ormesson a de longue date fait la preuve qu’il était l’un des plus délicieux. Dès lors, tout coule de source et il nous mène dans ses bateaux avec une humeur égale.
Talent particulier de notre écrivain multifonctions : il épate toujours par sa joie de vivre, d’écrire et par l’un des quatre sentiments dont il fait état aux approches de la fin de son parcours terrestre : l’admiration. Il admire tout, aime tout, ne regrette rien. Il est lucide. Il sait qu’il aura été un privilégié, qu’il a eu une chance folle, né dans la soie, nourri du meilleur de la culture, amoureux du beau, protégé du laid.
Très bien, mais, au fait, de quoi est-il question dans cette histoire de l’Oncle Jean ? De tout, figurez-vous. De toutes les questions qu’un esprit affûté pose et se repose en voyant approcher le terme de ses jours. Du sens de la vie, de la formation de l’univers, des pourquoi et des comment que tous les hommes de science et tous les philosophes ont creusés depuis que l’homme, sur Terre, est en âge de penser. De tout ce qu’un adolescent anxieux se pose comme tourments : la vie, la mort, l’amour, Dieu. Tout, on vous dit. Comme le grand adolescent en question est gai, talentueux, limpide dans l’expression, le lecteur glisse avec bonheur, grâce à lui, sur le fleuve des grands questionnements.
Dieu – appelé « le Vieux » au début du livre – est présent à chaque pas de cette promenade. D’Ormesson se dit, à certains moments, agnostique : il ne sait pas. Ce n’est pas qu’il Le refuse (il serait athée), non c’est qu’il n’est ni pour ni contre, ne l’ayant jamais rencontré. Et puis, vers la fin du livre, quand même, cette remarque qui ne relève pas seulement de la jonglerie avec les mots : « Je doute de Dieu parce que j’y crois. Je crois à Dieu parce que j’en doute. Je doute en Dieu. » Et plus loin, à trois pages de la fin, cette confidence encore plus levée : « Je ne sais pas si ce livre est bon, ni s’il aura changé, si peu que ce soit, les lecteurs. Il m’a changé, moi. Il m’a guéri de mes souffrances et de mes égarements. Il m’a donné du bonheur, une espèce de confiance et la paix. Il m’a rendu l’espérance. »
Ne lui demandez pas de se livrer plus. Son parcours dans l’histoire de l’Univers, dans celle de la science et de la philosophie, ses vertiges sur l’avant-big bang, sa randonnée dans les immensités de la beauté terrestre et artistique, sa foi en l’écriture, de Gilgamesh à Aragon (dont un vers donne son titre à l’ouvrage), son absence d’illusions sur les pouvoirs qui tous finissent en ruines, sa connaissance du fait que toute œuvre périra (la sienne, la nôtre) quand le Soleil aura englouti la Terre et tout projet humain, sa connaissance du passé, sa gourmandise du présent, son incertitude tranquille de l’avenir, tout cela, et le reste, donne à Jean d’Ormesson une force et un allant entraînants. Pas optimiste, pas pessimiste : ce n’est pas son sujet. Il ne cesse de rendre grâce d’avoir vécu. Voilà un livre simple et requinquant. 

 

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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 10:00
Le clos au levant
 
Lorsque le soleil se lève,                                     
Il se lève sur un clos :
La fraise y vient sous la fève,
Le cassis sous le bouleau.

Loin des fumées du village
Et des jardins en casiers,
Un clos qui sent le sauvage
Plein d'ombre et de framboisiers.

J'entends le vent des collines
Qui m'apporte son odeur
De cerfeuil et de racine,
Son goût d'herbe de senteur.

Juste un toit pour une couette,
— Les nuits sont fraîches, l'été,
Et puis, comme l'alouette,
Y vivre de liberté.

L'âme là-haut se délivre
Et prend tout son avenir.
C'est là qu'elle pourrait vivre,
Là que je pourrais mourir.

henri pourrat 

Henri Pourrat, (1887-1959). Liberté.(1921)
 

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6 novembre 2010 6 06 /11 /novembre /2010 01:34

Fébrilités

  
L'Elysée et la Place Beauvau sont en émoi depuis la publication de l'article du Canard enchaîné [1] qui accuse Nicolas Sarkozy de superviser "personnellement" l'espionnage de certains journalistes, notamment dans l'affaire Bettencourt.
Invité de France 2 ce jeudi, le ministre de l'Intérieur est apparu assez agité sur le sujet. Il a déclaré avec toute la finesse qu'on lui connait : "La DCRI ce n'est pas la Stasi ou le KGB". "Il n'y a pas de police politique dans notre pays", a t-il ajouté avant de préciser que "l'objectif de la DCRI, ce n'est pas de suivre des journalistes, c'est d'interpeller des terroristes". On pouvait le penser jusqu'à ce que la DCRI finisse elle-même par avouer ses agissements dans la recherche des fuites de l'affaire Bettencourt. Visiblement, le pouvoir lui a confié d'autres missions que l'antiterrorisme !
L'Elysée a évoqué une accusation "totalement farfelue" tandis que Xavier Bertrand, futur ex secrétaire général de l'UMP, qualifiait de "grand n'importe quoi" les accusations de l'hebdomadaire. On apprenait samedi que le secrétaire général de l'Elysée, M. Guéant, et le patron de la DRCI, M. Squarcini, avaient l'intention de porter l'affaire devant les tribunaux pour diffamation.
Le rédacteur en chef de l'hebdomadaire satirique Claude Angeli regarde toute cette agitation avec le plus grand calme. Il affirme avoir été informé par "plusieurs personnes de confiance". "Ayant peur des fuites, Nicolas Sarkozy a plus recours aux services secrets et aux services de la police que Chirac et Mitterrand", a-t-il assuré.
Leon-daudet-la-police-politique-2-copie-1.jpg  

Nos lecteurs, qui sont parfaitement au fait des méthodes et des circuits de la nouvelle police politique [2], attendent avec impatience la suite de cette affaire. D'ici là, nous leur conseillons de se plonger dans l'excellent ouvrage publié par Léon Daudet en 1934, La Police politique, ses moyens et ses crimes [3]. Il prendront de l'avance sur l'actualité...

Hubert de Marans.



[1]. Le Canard Enchaîné du 3 novembre 2010. Article de Claude Angeli en page 3. 
[2]. Hubert de Marans, La police politique (RCIL du 25 septembre 2010), Comédie policière (RCIL du 27 octobre 2010).
[3]. Léon Daudet, La police politique, ses moyens et ses crimes. (Denoël et Steele, 1934). 

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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01
 
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