Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 mai 2011 7 08 /05 /mai /2011 23:57
La démondialisation               
 
de  Jacques Sapir
Mis en ligne : [9-05-2011]
Domaine :   Idées  

SAPIR--Jacques--La-demondialisation.gif

 
Jacques Sapir, né en 1954, est économiste, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et à l'université de Moscou. Il a notamment publié : Les Economistes contre la démocratie (Albin Michel, 2002), Les Trous noirs de la science économique (Seuil, "Points Economie", 2003), Quelle économie pour le XXIe siècle ? (O. Jacob, 2005), La Fin de l'eurolibéralisme (Seuil, 2006), Le Nouveau XXIe siècle (Seuil, 2008), (Tallandier, 2010). 
 

 Jacques Sapir, La démondialisation. Paris, Seuil, avril 2011, 258 pages.


 
Présentation de l'éditeur.
Face à la crise globale du capitalisme, on voit désormais le FMI, des gouvernements ou des économistes célèbres brûler ce qu'ils ont adoré - le marché - et réhabiliter l'Etat qu'ils honnissaient. Nous vivons en fait l'amorce d'une "démondialisation". L'histoire, la politique et les nations reprennent leurs droits avec le retour des Etats, que l'on disait naguère impuissants, et le recul des marchés, que l'on prétendait omniscients. Ce mouvement réveille de vieilles peurs. Et si cette démondialisation annonçait le retour au temps des guerres ? Ces peurs ne sont que l'autre face d'un mensonge qui fut propagé par ignorance et par intérêt. Non, la mondialisation ne fut pas, ne fut jamais "heureuse". Le mythe du "doux commerce" venant se substituer aux conflits guerriers a été trop propagé pour ne pas laisser quelques traces... Mais, à la vérité, ce n'est qu'un mythe. Les puissances dominantes ont en permanence usé de leur force pour s'ouvrir des marchés et modifier comme il leur convenait les termes de l'échange. Dans ce fétichisme de la mondialisation, il y eut beaucoup de calculs et de mensonges. Il faut donc établir le vrai bilan de cette mondialisation - de ses apports et de ses méfaits - pour penser rigoureusement la phase suivante qui s'ouvre. Ce livre propose précisément les voies d'une démondialisation pensée et ordonnée par une nouvelle organisation du commerce et des relations financières internationales.
 
Entretien avec J. Sapir par V. de Filippis et C. Losson . Libération.fr, 7 avril 2011.
Jacques Sapir plaide pour une démondialisation négociée. Economiste hétérodoxe, Jacques Sapir est directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il publie cette semaine un ouvrage intitulé la Démondialisation.
Pourquoi démondialiser ? La mondialisation ne marche pas. Nous avons atteint le point où il nous faut revenir en arrière. L’ampleur de la désindustrialisation que subit notre pays devient insupportable pour la population. Toutes les études montrent que la part de la mondialisation dans le chômage est estimée entre 35% et 45% du taux de chômage avant la crise. C’est un point incontestable.
C’est surtout un sujet à controverse… Il l’est politiquement. Toutes les tentatives qui tentent d’invalider ces chiffres impliquent des manipulations statistiques.
Quel plan de démondialisation la France devrait-elle adopter ? Deux approches doivent être complémentaires. En passant par une baisse du taux de change et en adoptant certaines protections.
Vous êtes favorable à une sortie de l’euro ? Non, si l’on peut convaincre nos partenaires de déprécier l’euro aux environs de 1,05 dollar. Si on ne peut pas, alors oui, il faut sortir de l’euro. Je ne fais pas de cette question un préalable. A chaque fois que l’euro prend 10% on perd 1% de PIB. A partir de là, on peut déjà faire un calcul en terme de hausse du chômage.
Quelles protections faudrait-il réintroduire ? Des protections ciblées pour certaines industries. Qui ne devront viser que les Etats qui se sont fortement rapprochés des pays européens ou des Etats-Unis en matière de productivité, mais qui n’ont pas fait converger les salaires de la même manière.
Du protectionnisme sélectif, donc ? Pas un protectionnisme généralisé, mais un protectionnisme ciblé à l’égard des produits de certains pays. Il s’agit des pays d’Extrême-Orient, mais aussi d’Europe, comme la Slovaquie ou la République tchèque, qui nous posent les mêmes problèmes que la Chine.
En brandissant la protection contre des Etats européens comme la possibilité d’une sortie de l’euro, vous vous rangez à certains arguments du Front national ? Je ne me pose pas ce genre de question. Cela ne me concerne pas. Je dis simplement que nous avons déjà eu ce type de mesure en Europe. Nous parlions à l’époque des montants compensatoires monétaires. Ces montants existaient essentiellement pour l’agriculture. Nous pourrions les réintroduire pour certains pays. C’est la combinaison de ces mesures qui donnera, à l’évidence, une première bouffée d’oxygène à notre pays.
Vous ne dites rien sur une définanciarisation ? C’est l’étape suivante. Il va falloir s’attaquer à la puissance de la finance mondialisée. De cette finance, qui par son poids, son exigence, pèse sur le niveau des salaires.
Démondialiser risque-t-il de pénaliser les entreprises qui profitent de la globalisation ? Il faut savoir de quel niveau de protectionnisme l’on parle. Si on décidait de faire monter les droits de douanes sur la Chine de 100% ou 150%, il y aurait des répercussions. Je crois que les mesures de rétorsion seraient très limitées. Et si les Chinois veulent en découdre sur le plan commercial, nous pourrons leur répondre qu’ils prennent le risque de nous perdre comme client, car nos réserves sont encore considérables…
Vous plaidez pour une démondialisation raisonnée et négociée… Négociée, si possible. Mais il va falloir revenir sur des directives européennes dans de nombreux secteurs. Les directives sur le démantèlement sont des opérations absurdes dans la plupart des cas. Soit nous les suspendons à l’échelle de l’Europe, soit nous les suspendrons nationalement.
Critique de D. Fo., Les Echos, 21 avril 2011.
La mondialisation, un mythe ? La crise de 2008 a-t-elle sonné le glas de la mondialisation ? C'est la thèse de l'économiste Jacques Sapir, qui signe ce mois-ci au Seuil un brillant essai sur ce moment de l'histoire humaine qu'à le lire, on a eu tort de considérer comme l'aboutissement inéluctable de notre évolution. L'auteur voit au contraire dans cette notion dominante des trente dernières années une pure construction politique qui prend sa source en 1973 avec l'abandon du système monétaire de Bretton-Woods pour s'épanouir avec la globalisation financière et la libération des échanges. Il s'agissait alors d'affranchir de toute contrainte le commerce international seul à même, selon les milieux libéraux, de porter la croissance. Or c'est ce mythe de la mondialisation heureuse, du « doux commerce », écrit Jacques Sapir, qui serait en train de se décomposer sous nos yeux. A l'appui de sa démonstration, l'auteur évoque les multiples impasses, écologiques, sociales et géopolitiques auxquelles cette philosophie du développement nous aurait conduit. Il règle aussi son compte à l'illusion de la paix éternelle entre les nations dont la mondialisation était abusivement porteuse. En réalité, elle a prospéré sur la multiplication de conflits locaux dont la planète est toujours le théâtre. Livre radical, étayé, que l'on doit lire pour la critique en règle d'un système qui, c'est incontestable, n'a pas apporté toutes les promesses de bonheur universel dont il s'était abusivement prévalu. Plus surprenante, en revanche, est l'affirmation de Jacques Sapir selon laquelle nous assistons au recul inéluctable de la toute-puissance des marchés. Les dirigeants de la zone euro, contraints d'adopter à vitesse accélérée des plans d'austérité et de réduction de leurs dettes pour ne pas sombrer sous les coups de boutoir des investisseurs donnent chaque jour le sentiment contraire. C'est pourquoi, si l'on peut suivre l'auteur déplorant le retour des pulsions nationalistes et des égoïsmes nationaux, il paraît néanmoins prématuré d'en déduire, comme il le fait, le début d'un processus de « démondialisation ». Persuadé que la mondialisation n'est nullement le fruit d'un ordre naturel mais celui de la volonté des hommes, Jacques Sapir fait le pari que, comme toute construction humaine, celle-ci est bornée dans le temps et que nous saurons le moment venu nous en défaire. Le problème est qu'à ce stade, cela ressemble davantage à un souhait de l'auteur qu'à un constat scientifiquement étayé.

Autre critique :  Laurent Pinsolle , "La démondialisation : la bible économique de Jacques Sapir", Blog gaulliste libre, 8 et 9 mai 2011.

Partager cet article
Repost0
7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 22:00
Le poème à la France
 
Toi qui, dans la tourmente et les calamités
Vainquis par la santé de ton libre génie,
Tu tires de ton sol une force infinie,
O France, dans le luxe et la sérénité.

Tu sais ce que tu vaux, Nation immortelle,
La dernière à quitter les vieilles vérités,
La première à goûter les vérités nouvelles,
0 France, douce aux cœurs épris d'humanité

Jadis, t'en souviens-tu, dans l'ombre, côte à côte,
Et dans le sein de Rome, impatients d'agir,
Nos deux peuples, pressés de sculpter l'avenir,
Appelaient, anxieux, les tâches les plus hautes.

Tous deux, forgeant la vie et modelant le sort,
Remuant l'univers jusqu'à ce qu'il fût nôtre,
Nous allions, nous barrant la route l'un à l'autre,
Et les peuples étaient conquis par notre effort.

Et nous avons rempli les océans d'orages,
Pénétré, violents, dans les mondes nouveaux,
La main au glaive et le cœur plein d'un fier courage,
Certains d'être toujours de solides rivaux,
Nous avons parcouru les mers, franchi les âges!

Vous ne reculiez pas. Nous ne reculions pas.
Dites un coin du ciel qui n'ait pas vu nos luttes !
D'autres races, en vain, nous ont tendu les bras;
Toujours nous retournions à nos saintes disputes.

Émules animés d'une pareille ardeur,
Nous aimions la beauté de nos vertus égales,
Le mystère, la crainte et les forces fatales
Quel combat nous eût faits plus riches en honneur!

Nos légions s'arrachaient, comme un suprême hommage
Un cri d'admiration jailli du fond des cœurs.
Nous nous versions ce vin de fureur et de rage
Du sang, des larmes, de l'espoir, de la terreur!
Tout ce qui fait l'éclat féroce de la vie,
Tout ce qui la colore et qui la magnifie
Ah! nous avons vécu splendidement, ma Sœur

Accouplés maintenant sous les mêmes pensées,
Riant de nos griefs et des joutes passées,
Nous pardonnant, tout bas l'inlavable péché
Commis, jadis, sur cette place du Marché
De Rouen, nous allons vers l'Avenir penchés,
Et regardons monter les heures annoncées!

Nous écoutons monter les nouvelles années,
Grosses de plus d'éclairs, de cris et de rumeurs
Que n'en lançaient, jadis, nos foules déchaînées.
Aujourd'hui, nous rangeons en masses nos armées,
Et, narguant le pirate, alignons nos croiseurs!

Nous avons ferraillé, mais pour mieux nous connaître
Dans l'étreinte crispée, et les yeux dans les yeux.
Est-il au monde un jeu plus fier et plus joyeux!
A ce rude contact, les âmes se pénètrent!

Quel sang, quel fer pourraient séparer maintenant,
Ceux qui, cent fois, se sont prouvé même vaillance,
Depuis les temps où résonnait, dans la balance
De Rome, le poignard de Brennus insolent?

Nos cœurs se sont trempés dans l'airain de la guerre.
Demain, ma sœur, sous les lauriers ensanglantés,
Libres dans notre force et notre rareté,
Nous donnerons la Paix adorable à la terre!

Toi qui, dans la tourmente et les calamités
Vainquis par la santé de ton libre génie,
Tu tires de ton sol une force infinie,
O France, dans le luxe et la sérénité.

Tu sais ce que tu vaux, Nation immortelle,
La dernière à quitter les vieilles vérités,
La première à goûter les vérités nouvelles,
0 France, douce aux cœurs épris d'humanité.

 

Jeanne-d-Arc-copie-1.jpg

 

 
Rudyard Kiplng. (1865-1936), adaptation de José de Bérys. (1917)
 
Partager cet article
Repost0
7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 09:47

Demain, nous fêterons Jeanne d'Arc...   

Demain matin, vers 10 heures, nous serons nombreux devant la statue de la place des Pyramides à célébrer la fête nationale de Jeanne d'Arc et à rendre hommage à la protectrice de notre indépendance et de nos libertés. Jamais depuis des années les circonstances n'auront donné à cette journée patriotique une signification plus profonde et plus positive.

L'Europe supranationale, cette Europe allemande, atlantiste et capitaliste que nous combattons depuis toujours, ne s'est jamais aussi mal portée. L'euro, son instrument de contrôle et de domination, semble condamné et les institutions de cette "mauvaise Europe" tournent désormais à vide. La super-puissance américaine vacille, son modèle économique et culturel est contesté, de nouvelles puissances apparaissent. En Amérique latine, en Asie, dans le monde arabe, les nations se réveillent, secouent leurs jougs et mettent en échec les vieilles républiques claniques et les oligarchies mondialisées.

La France, libérée du carcan européen, aura demain toute sa place dans ce nouveau concert des nations. Débarrassé des mauvaises élites auxquels il ne fait plus confiance, le peuple français peut retrouver le goût de ces grands projets, de ces grandes aventures industrielles, de ces grands desseins spirituels qui ont longtemps été le ferment de son histoire. Une renaissance française est possible. Les premiers signes de ce changement sont apparus en 2005 lorsque les Français ont eu le courage de rejeter le mauvais traité qu'on voulait leur imposer. Les progrès sont encore timides et il y faudra du temps. Mais, comme en 1918, comme en 1944, comme en 1958, le vent qui s'est levé est pour nous. Il souffle désormais dans notre sens.

Ces pensées constructives seront dans nos coeurs demain, devant Jeanne d'Arc. Nulle doute qu'elle ne les comprenne, car cette sainte est aussi une guerrière, et elle sent d'instinct les moments où la France va se reprendre, se ressaisir et repartir au combat. Ce sera l'occasion d'associer à la mémoire de Jeanne celle de Maurice Barrès. De notre Barrès. Celui qui, le 24 décembre 1914, trois mois après cette belle victoire de la Marne où il vit la main de Jeanne, monta à la tribune de la Chambre pour défendre l'union sacrée et l'idée d'une fête nationale consacrée à la sainte de patrie. Nous redonnons ci-dessous l'intervention de Barrès, superbe morceau d'émotion contenue et d'éloquence française.

On notera que, malgré Rouen, malgré le procès et le bûcher de Jeanne, Barrès y exalte l'alliance franco-britannique, rappelant - comme l'avait fait quelques mois auparavant Rudyard Kipling dans son poème pour la France - que l'histoire avait effacé le passé et qu'une amitié "impérissable" accomplissait désormais le dessein de Jeanne. Cette belle amitié franco-anglaise qui s'est encore manifestée avec ferveur la semaine dernière à l'occasion du mariage princier.

Mais il faudra attendre encore près de six ans, le 14 juillet 1920, pour que la République adopte la "loi Barrès" et qu'elle accepte enfin qu'on célèbre officiellement Jeanne le deuxième dimanche de mai. C'est pourquoi nous célébrerons aussi demain la mémoire de la poignée de dissidents qui, de 1909 à 1920, pendant plus de 10 ans, en dépit de la République, bravant la loi, et la justice, faisant front face à la police, maintint par tous les moyens illégaux le cortège d'honneur pour Jeanne d'Arc .

Demain, nous honorerons les mémoires de Charles Maurras, Léon Daudet, Henri Vaugeois, Maurice Pujo, Léon de Montesquiou, Lucien Moreau, Robert de Boisfleury, Henri Lagrange, Bernard de Vésins, Maxime Réal del Sarte, Henry des Lyons, Marius Plateau, Maurice d'Auvergne, Pascal le Quen d'Entremeuse, Lucien Lacour, Gabriel de Baleine, Octave de Barral, Jean Dorange, Guy de Bouteiller, Armand du Tertre, Léon Guéraud, Lucien Martin, Louis Sousportes... et de quelques dizaines d'autres.

Nous rendrons hommage au petit groupe d'hommes libres qui, il y a un siècle, imposa à la République, au prix de dix mille jours de prison, le culte de la Sainte de la Patrie.

La Revue Critique.

  camelots du roi 4
Paris - Fêtes de Jeanne d'Arc : les comités directeurs de l'Action française

 

Barrès et le combat pour Jeanne d’Arc

Maurice Barrès déposa le 22 décembre 1914 une proposition de loi faisant du deuxième dimanche de mai le jour de la fête nationale de Jeanne d’Arc. Voici le texte de l’intervention qu’il avait préparé :

 Il y a longtemps que nous aurions du nous parer, davantage, de Jeanne d'Arc, la mettre au-dessus de nos partis et la glorifier, chaque année, dans une journée nationale, comme la sainte de la patrie et la fleur de notre sang.

Nous le désirions tous. On sait de quel culte la pensée française, la plus populaire et la plus savante, entoure la Jeune Fille de Domrémy. Dès 1884, deux cent cinquante députés de tous les bords, sur l'initiative d'un radical, M. Joseph Fabre, proposaient à la Chambre que « la République française célébrât annuellement la fête de Jeanne d'Arc, fête du patriotisme. » En 1894, la proposition revenait, et appuyée par le Gouvernement, fut votée par le Sénat. En 1912, M. Poincaré, président du Conseil, déclara que le Gouvernement était favorable, et la Chambre, ayant nommé une Commission, la quasi-unanimité, soit dix membres sur onze, conclut à l'institution de cette fête nationale.

Alors, pourquoi ces lenteurs, et comment depuis trente années l'opinion publique n'obtient-elle pas cet acte de foi et d'amour qu'elle nous réclame, cette union solennelle autour de la plus pure des gloires?

J'écarte les petites explications tirées de l'esprit ombrageux des partis, et, allant droit au centre de nos difficultés, je crois pouvoir dire que par une sorte d'instinct nous attendions, tous, une occasion parfaite. Ce n'était pas ingratitude, ni indifférence, mais scrupule de respect. Nous attendions d'être plus sûrs de notre accord profond les uns avec les autres, et de notre accord avec cette haute figure. Quelque chose nous avertissait de ne pas nous presser et qu'une heure élue sonnerait, une de ces heures magnanimes qui portent en elles la vertu de hausser tous les esprits et de réconcilier les cœurs.

Elle est venue, cette heure victorieuse,

Soudain nous avons ou la séance parlementaire du 4 août, le pacte de l'union sacrée, la mobilisation, ardente et bien ordonnée, comme le Chant du Départ, et puis par milliers ont éclaté sur tous nos champs de bataille ces actes d'héroïsme et de sacrifice dont les mises à l'ordre du jour de l'armée ne nous peuvent garder qu'une faible partie. L'envahisseur qui déjà croyait se saisir de la France est arrêté, repoussé par la victoire de la Marne, pareille et supérieure à ces trois jour- nées de Bouvines, de délivrance d'Orléans et de Denain, qui par trois fois, jadis, nous sauvèrent, et demain la nation achèvera de bouter dehors l'étranger.

C'est l'éternel miracle français, le miracle de Jeanne d'Arc. Hier, nous semblions capables de le commenter et de l'admirer, mais non de le renouveler. Aujourd'hui, les trésors de la race apparaissent, les sources souterraines se sont mises a jaillir, les plus belles vertus refleurissent et toutes les ailes se déploient. Jeanne d'Arc est éternelle». La vierge d'Orléans, le Phénix des Gaules, renaît de ses cendres. Saisissons celte minute sacrée.

Toutes les conjonctures et nos alliances même sont propices. Hier, le poète national anglais Rudyard Kipling, dans son magnifique poème à gloire de la France, chantait: « Nous nous pardonnons nos torts réciproques et le vieux crime impardonnable, le péché dont chacun de nous eut sa part, sur la place du Marché, de Rouen » Mais il y a plus : Jeanne d'Arc voulait que nous pussions collaborer. Il faut rappeler aujourd'hui que le rêve de la généreuse fille était, une fois la France délivrée et la paix faite, de chevaucher avec les Anglais eux-mêmes pour la défense de la chrétienté. Elle le leur écrivait. Sa mission complète, c'était de défendre avec les Anglais la civilisation, Et quand il semble que nous soyons en train, Anglais et Français étroitement unis par les liens d'une impérissable amitié, d'accomplir la pensée totale de Jeanne d'Arc, n'est-ce pas l'instant de glorifier en Elle le courage de nos soldats, de proclamer par Elle notre puissance vivace de résurrection, et do définir par Elle encore la magnanimité de notre génie militaire ?

La vierge guerrière qui nous ouvre le chemin par chasser l'envahisseur, montre en même temps à l'univers le visage héroïque et bienveillant de la vaillance à la française. C’est bon aux Allemands, s'ils veulent exalter les vertus qui les ont faits grands et qui peuvent les faire plus grands, d'aller chercher des modèles dans le fond des époques barbares. Ils ont installé l'effigie du roi des Vandales sous leur temple du Walhalla, dédié aux héros qu'ils jugeaient dignes de provoquer leur enthousiasme et de former leurs âmes. Leurs savants depuis un siècle recueillent toutes lés épaves des races païennes, tous les héros, tous les dieux qui sont des conseillers de massacre et de pillage, et s'efforcent pédantesquement de les introduire au fond de la conscience nationale de Germanie. Et si l'on veut comprendre ce que signifient ces appels constants et monotones de Guillaume II a son « vieux Dieu », il faut savoir que ce « vieux Dieu », dont l'usage, nous dit-on sans rire, est spécialement réservé à l'empereur, n'est rien moins que le dieu Odin, le Père universel qui, dans le brouillard du Nord, entouré des Vierges Sanglantes, préside à des tueries indéfinies, mêlées d'affreuses ivrogneries. Ah ! la Belgique et nos provinces envahies attestent à l'univers ce que sait faire un peuple formé dans une admiration religieuse pour les plus effroyables scènes de l'humanité primitive et qui fait d'une mythologie féroce ses grands textes sacrés.

Mais les armées de la France vont à la guerre, aujourd'hui comme toujours, avec les sentiments d'héroïsme généreux qui animaient la chevaleresque Jeanne d'Arc. Nous portons en nous son exemple, et, fût-ce à notre insu, les impulsions mêmes qui l'avaient mises en mouvement, Quand les Allemands déifient la déloyauté et la cruauté, et quand, justifiés par leur idéal, ils projettent d'écraser les faibles et d'asservir le monde, groupons- nous autour d'une vierge toute faite de vaillance, de bonté, de droiture et de sacrifice, pour proclamer d'une voix unanime, Français de tous les partis, que le propre de la puissance est de délivrer et de protéger.

Tel serait le sens d'une fête nationale de Jeanne d'Arc. En conséquence, nous avons l'honneur de reprendre, pour le soumettre à la Chambre, le texte qui, dès le 8 juin 1894, avait été adopté par le Sénat, et qui propose que la République française célèbre chaque année, au deuxième dimanche de mai, la fête de Jeanne d'Arc, fête du patriotisme.

 En faveur de cette proposition, Barrès reçut, dès la première heure, le soutien de nombreux parlementaires patriotes, de droite comme de gauche. Mais le souvenir des affrontements politiques et religieux des années 1900 à 1912 continuait à marquer les esprits et il fallut attendre 1920 et la Chambre Bleu horizon pour que la loi Barrès soit votée.


Partager cet article
Repost0
6 mai 2011 5 06 /05 /mai /2011 12:42
Actualité
de Bernanos                       
BERNANOS-Georges.jpg 
  
L'excellent site georgesbernanos.fr - qu'anime le petit-fils de l'écrivain, notre ami Yves Bernanos - signale plusieurs publications et évènements importants dans l'actualité bernanosienne :
- La réédition de Un crime. On ne sait pas assez que Bernanos fut l'auteur de deux formidables romans "philosophico-policiers". Le premier, Un crime, publié en 1935, jusqu'ici introuvable, vient d'être réédité par les éditions Phébus. L'arrivée d'un nouveau curé dans la petite bourgade de Mégère (la bien-nommée) s'accompagne d'une série de crimes, aussi atroces qu'inexpliqués. Le jeune prêtre "au masque tragique, au regard pénétrant, au sourire funèbre" est-il né sous le soleil de Satan ? Explication trop simple ! Bernanos brouille les pistes d'une enquête qui n'est pas - on s'en doutait - simplement temporelle. Le second roman, Un mauvais rêve, publié en 1950, n'est plus disponible qu'en occasion. A quand une nouvelle édition ?
- Une semaine Georges Bernanos dans l'Artois. Du 7 au 13 juin 2011 se déroulera au village de Fressin, dans l'Artois - qui fut aussi déterminant pour l'enfant que pour l'écrivain Georges Bernanos - une semaine qui lui est entièrement consacrée, Georges Bernanos, terre d'enfance en haut pays d'Artois - rencontres et voyages littéraires. La communauté de communes du canton de Fruges et la municipalité de Fressin sont à l'initiative de cette manifestation, dont le programme s'annonce très riche et varié: inauguration d'un buste, représentations théâtrales, projections de films, conférences, expositions, etc. L'association internationale des amis de Georges Bernanos est partie prenante de l'évènement. Vous y êtes, évidemment, tous les bienvenus ! (pour recevoir le programme complet de l'évènement, contacter l'office du tourisme intercommunal du canton de Fruges, place du Général de Gaulle, 62310 - Fruges. Tel : 03 21 04 62 65 / ot-fruges@nordnet.fr)
- Un entretien avec Jean-Loup Bernanos, mis récemment en ligne par l'INA. Dans cet entretien avec André Bourin, réalisé en 1971, à l'occasion de la sortie du second volume de la correspondance de Bernanos "Combat pour la liberté", le fils de l'écrivain se souvient de son enfance, des voyages en famille, de l'exil au Brésil et du retour en France (lien vers le site de l'INA).
- Et, bien sûr, la réédition, fin 2010, au Castor Astral, de l'Imposture, avec une préface de Juan d'Ansensio. Le site Parutions.com en donne une belle présentation, sous la plume de Jean-Baptiste Fichet (lire).
Source:  georgesbernanos.fr   
(site de l'Association internationale des amis de Georges Bernanos)
 
Partager cet article
Repost0
4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 22:42
Une mer, trois destins
 
Le « Printemps arabe » est l’occasion de poser le regard sur la Méditerranée d’en face. Sur ces rives de l’Afrique et du Proche Orient qui font partie de notre part de rêve, tout en étant, depuis toujours, le siège de mondes différents du nôtre, dont le temps long fait apparaître les continuités. C’est la Méditerranée de Fernand Braudel, que notre ami Jean-Claude Adrian évoque ici. Une Méditerranée aux trois visages, celle de Tir et de Carthage dont l’islam a recréé l’unité, celle de Rome qui se prolonge jusqu’à nous, et celle d’Athènes et de Byzance qui retrouve aujourd’hui de nouvelles couleurs.
 
Au début des années quatre-vingts, Braudel écrit certains chapitres et dirige la rédaction de deux livres, « La Méditerranée », parus aux éditions Champs Flammarion.
Après avoir campé le cadre géographique, la Terre, la Mer, il s’attarde sur « l’Aube », les premiers millénaires. En Crète, une civilisation souriante, se développe et disparaît dans des conditions inexpliquées ; l’écriture naît en Mésopotamie ; les échanges commerciaux se multiplient par le troc, avant même qu’apparaisse la monnaie ; les phéniciens, s’aventurent les premiers loin des côtes, partis de l’Orient ils conquièrent une partie de l’Ouest méditerranéen, fondent Carthage, bientôt rivale de Rome.
« C’était à Mégara, faubourg de Carthage dans les jardins d’Hamilcar ». Flaubert nous a plongés dans les fastes et cruautés d’une métropole, placée sous le culte de Tanit. L’historien confirme le romancier. A Carthage, une « vie d’affaires intense » se conjugue avec le culte d’un Dieu s’abreuvant de sang lors des sacrifices humains.
Remontent nos souvenirs de sixième, où l’Antiquité nous était contée. Ceux, personnels, d’un voyage lumineux en Syrie, l’émotion ressentie à longer l’Euphrate, l’amusement à croiser paysans et paysannes à la riche parure, inchangée depuis des siècles, entassés sur des tricycles, de retour du marché, où ils ont vendu leurs primeurs, le thé brûlant et sucré, remède improvisé contre l’insolation menaçante, avalé sous un auvent, seul endroit ombragé du site de Mari plombé par le soleil.
Braudel, l’homme de la longue durée, dépasse l’anecdote. Réunissant cet ensemble de faits, il met en évidence que depuis l’origine existe, face à la nôtre, latine, une « autre Méditerranée ». Elle « s’articule au long des rivages sahariens de la mer Intérieure, du Proche Orient aux colonnes d’Hercule.». Elle sera un moment en mesure de saisir la Méditerranée entière. Rome bisera ce rêve en vainquant Carthage. Nous retrouverons cet espace ; ce sera celui de l’Islam.
Mais ce n’est pas tout. De ce lointain passé à nos jours, sous la surface des événements, Braudel appréhende la permanence de « trois communautés culturelles, trois façons cardinales de penser, de croire, de manger, de boire, de vivre… En vérité, trois monstres toujours prêts à montrer les dents … » Trois civilisations, donc, qui recouvrent, expliquent toutes les péripéties de l’Histoire.
Trois ? Nous avons déjà rencontré deux protagonistes.
La « Romanité », latine puis catholique, s’étend jusqu’au monde protestant et, Outre-Atlantique, en Amérique du Sud. Rome survit en nous, Charlemagne, le Saint Empire Romain Germanique, Charles Quint maître d’un Empire « sur lequel le soleil ne se couchait jamais »… A chaque fois, même tentation utopique de reconstituer la « pax romana »– aujourd’hui encore?
L’Islam, du Maroc jusqu’à l’Insulinde, c’est, pourrait-on dire, « un Contre-Occident » « Quels ennemis, quels rivaux » ! Aux croisades répond le djihad ; à Rome, La Mecque. Cet Islam, comment expliquer qu’il ait si vite arraché à la Romanité les territoires du Proche-Orient autrement qu’en reconnaissant dans l’autre Méditerranée une civilisation préislamique dont il sera l’héritier. Les indices abondent. Hérodote s’offusque du salut des babyloniens, « ils se prosternent l’un devant l’autre ; ils font les chiens, abaissant les mains jusqu’aux genoux. » Les vêtements qu’il décrit, ce sont ceux de la rue musulmane de 1980.
Reste le troisième acteur. Moins visible. Une autre chrétienté, le monde orthodoxe. La Grèce, les Balkans, la Bulgarie et l’immense Russie. Son centre originel est Constantinople. Aujourd’hui ? Braudel hésite, Moscou ? Le flou sur la position du centre n’altère pas la consistance de l’ensemble. C’est le monde grec qui a survécu à plusieurs siècles de domination romaine, puis musulmane. Car, idée chère à Braudel, une civilisation ne se « soumet qu’en apparence » à son vainqueur. Que celui-ci subisse à son tour des revers de fortune, elle resurgit, reconnaissable, car le christianisme orthodoxe est une manière spécifique de comprendre le monde.
Tout est donc en place depuis l’aube de l’Histoire, les acteurs prêts à jouer leurs rôles. Hélas, les civilisations se heurtent, « trouvent dans leur combat leur raison d’être. » Car « les civilisations, c’est donc la guerre, la haine, un immense pan d’ombre les mange presqu’à moitié. La haine, elles la fabriquent, s’en nourrissent, en vivent. »
D’un seul coup, nous comprenons la guerre des Balkans des années 90, postérieures à la « Méditerranée » et à la mort de Braudel. Les trois civilisations, romaine catholique,  orthodoxe, musulmane sont au contact. Que disparaisse la Yougoslavie qui les tenait en lisière sous une unité de façade, elles s’incarneront en trois Nations ; la Croatie, la Serbie, la Bosnie se jetteront les unes sur les autres, avides de s’entre-déchirer, comme si elles n’avaient occupé cette longue veille qu’à fourbir leurs armes, bander leurs forces.
Ne restons pas sur ces images, tournons nos regards sur la partie non mangée par le pan d’ombre. Les civilisations sont aussi « sacrifice, rayonnement, accumulation de biens culturels, héritages d’intelligence. » ; « la Méditerranée est une mosaïque de couleurs ».
Sainte Sophie fut tour à tour basilique orthodoxe, mosquée et musée ; à Cordoue, après la Reconquista, au milieu de « la forêt d’arcs et de piliers de la plus belle mosquée du monde » fût comme incrustée une cathédrale mariant style gothique, renaissance et baroque – Charles Quint l’aurait regretté : « vous avez détruit ce qui était unique au monde pour faire ce que tout le monde fait. »
« Ombra et sombra » dans l’arène de l’Histoire. Trente ans après Braudel, où en sommes-nous ?
Jean-Claude Adrian.

Partager cet article
Repost0
2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 23:43
Vers l'Etat palestinien
 
Le vent de l'histoire souffle à nouveau sur la Palestine. Mahmoud Abbas avait déclaré au début du mois d'avril que la résistance prendrait prochainement des initiatives historiques. C'est chose faite. Le Hamas - qui contrôle Gaza - et le Fatah - qui contrôle la Cisjordanie - ont annoncé au Caire dans la soirée du 27 avril qu'ils venaient de conclure un accord de réconciliation. Ce compromis sera signé demain, en présence de l'ensemble des dirigeants palestiniens. Il prévoit la formation d'un gouvernement de transition, composé de "techniciens", et la tenue d'élections présidentielle et législatives à échéance d'un an. Même si plusieurs points restent encore à préciser, il s'agit là d'un acte politique de première importance. 
Le rapprochement des frères ennemis palestiniens a pris tout le monde de court, à commencer par Washington et Tel Aviv. L'administration américaine n'en laisse rien paraître mais elle est furieuse d'avoir été mise au pied du mur par le Président Abbas. La réconciliation interpalestinienne n'a de sens que si elle permet de relancer les discussions avec Israël, avait dit en substance Mme Clinton lors de son dernier déplacement au Proche Orient. Ce qui suppose une reconnaissance d'Israël par les deux parties palestiniennes. Or tel n'est pas le cas : le Hamas s'est empressé de dire que l'accord de mercredi n'envisage "ni négociations, ni reconnaissance" de l'Etat hébreu par le futur gouvernement de transition. Et que celui ci n'a aucune intention de se placer dans la roue des Etats Unis. Quant au Premier ministre israélien, M. Nétanyahou, il a réaffirmé mercredi soir que M. Abbas "devait choisir entre la paix avec Israël et la paix avec le Hamas". Visiblement, le choix vient d'être fait. Dans son dos.
Il est clair que les révoltes qui agitent le monde arabe ne sont pas étrangères à ces initiatives. A Gaza comme à Ramallah, l'opinion publique a suivi avec passion les évènements d'Egypte et elle s'informe heure par heure de ce qui se passe en Syrie. Comme au Caire et à Damas, c'est la jeunesse qui est à la pointe du mouvement. Les réseaux sociaux ont commencé à faire circuler début mars des manifestes appelant ouvertement à la réunification du mouvement national palestinien. Le 15 mars, des dizaine de milliers de manifestants ont défilé sur les places de Gaza et de Cisjordanie aux cris de "unité, liberté". La situation était potentiellement dangereuse pour les deux exécutifs : ne rien faire les exposait à être, l'un comme l'autre, balayés par la rue, se réconcilier comportait un risque de crise avec Israël et l'Occident. Ils ont préféré le second scénario, politiquement moins risqué à court terme.
M. Abbas a une raison supplémentaire d'accepter ce compromis. Il milite depuis six mois pour la reconnaissance par l'ONU d'un Etat palestinien, seul moyen à ses yeux de sortir de l'impasse des discussions avec Israël. Si cette démarche recueille le soutien de nombreux pays du tiers monde, elle se heurte encore à des réticences du côté de l'Occident. Les Etats Unis continuent de privilégier la voie d'un accord entre Israéliens et Palestiniens modérés. Les Européens sont plus ouverts. Dans une déclaration commune diffusé le 18 février dernier, la Grande Bretagne, la France et l'Allemagne ont condamné la politique de colonisation israélienne et laissé entendre que la reconnaissance d'un Etat palestinien n'était plus un sujet tabou. Lors de sa visite à Paris le 20 avril dernier, M. Abbas a obtenu le soutien du gouvernement français et M. Juppé lui a confirmé que les Européens travaillaient à une reconnaissance par l'ONU en septembre ou octobre prochain. Avec un soutien de la Russie et de la Chine et peut être une abstention américaine. Mais M. Abbas sait que sa solution n'est viable que si la Palestine est unie politiquement et territorialement. L'accord du Caire lève ces conditions essentielles.
 La perspective d'un Etat palestinien est donc ouverte. Les arabes d'Israël, de Cisjordanie et de Gaza le souhaitent, leurs dirigeants y travaillent et l'Europe a compris que c'était sans doute l'ultime levier pour faire évoluer la situation au Proche Orient. Le Gouvernement de Tel Aviv voit cette perspective avec horreur. Il porte pourtant l'entière responsabilité de la situation présente, car c'est son intransigeance, son refus de négocier sérieusement et sa politique criminelle de colonisation qui jettent aujourd'hui les Palestiniens dans cette voie. Il est vraisemblable qu'il cherchera à s'y opposer, au risque de se mettre à dos l'ensemble de la communauté internationale. Il faudra qu'il en mesure complètement les conséquences  pour Israël. Il est loin le temps de la guerre froide, de la surpuissance américaine, de l'impuissance arabe et d'une certaine indulgence vis-à-vis de l'Etat hébreu. Le monde est lassé de l'éternel conflit du Proche Orient et il voit avec sympathie les peuples arabes secouer leurs jougs. Gare à ceux qui se mettront en travers de l'histoire.
Claude Ares.

  

Partager cet article
Repost0
2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 21:49
Bismarck                                  
 
de Jean-Paul Bled
Mis en ligne : [2-05-2011]
Domaine : Histoire
Bismarck.gif
 
Jean-Paul Bled, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne, est un spécialiste reconnu de l'histoire de l'Allemagne. Il a récemment publié: Frédéric le Grand (Fayard, 2004), Histoire de la Prusse (Fayard, 2007), Histoire de Munich (Fayard, 2009), Le Général de Gaulle et le monde arabe (Editions Dar An-Nahar, 2009).


Jean-Paul Bled, Bismarck. Paris, Perrin, janvier 2011, 319 pages.

 
Présentation de l'éditeur.
Au panthéon des hommes illustres, Bismarck, né en 1815, occupe une place singulière. Il domine par sa stature et ses succès la deuxième moitié du XIXe siècle, marquée par l'unité allemande dont il a été l'architecte de bout en bout. Après avoir vaincu l'Autriche-Hongrie en 1866, il récidive quatre ans plus tard avec la France, ce qui lui permet de proclamer l'Empire allemand, dominé par la Prusse, dont il est le chancelier depuis 1862. Il demeurera au pouvoir jusqu'en 1890, longévité rare qui l'apparente à Metternich auquel l'oppose sa conception dure « par le feu et le sang » de la diplomatie et de la politique. Pour mieux dominer l'Europe, ce pragmatique oriente les puissances vers la colonisation au congrès de Berlin, tandis qu'il révolutionne l'Allemagne en engageant le combat contre l'Eglise (Kulturkampf) et en posant les jalons d'une politique sociale d'envergure pour contrer la montée du socialisme. Afin de contenir la volonté de revanche de la France amputée de l'Alsace et de la Lorraine, il inaugure une nouvelle Sainte-Alliance, l'Entente des Trois Empereurs, qui ne survivra pas à sa chute. En reniant son héritage, Guillaume II précipitera l'Allemagne à sa perte.
 
Critique de Jean Sévilla. - Le Figaro, 24 janvier 2011.
Bismarck, le rude père de l'unité allemande.Les Français ont peu de raisons de l'aimer: il fut jadis leur implacable adversaire. Et pourtant, Bismarck, personnage majeur de l'histoire européenne, mérite d'être connu. On doit à Jean-Paul Bled, professeur émérite à la Sorbonne, des biographies de François-Joseph, de Marie-Thérèse d'Autriche ou de Frédéric le Grand, dont on retrouve la facture dans l'ouvrage qu'il consacre aujourd'hui au père de l'unité allemande : rigueur de la documentation, clarté de l'écriture *. Le « Chancelier de fer » vient au monde en 1815, quelques semaines avant Waterloo, et il mourra en 1898, après avoir mis en place une partie du système d'alliances qui présidera à la tragédie de 1914. S'il domine son siècle, c'est donc en ayant été l'acteur de la transformation de l'ordre européen et l'homme qui aura hissé son pays au premier rang du continent. Après des études de droit et d'agriculture aux universités de Göttingen et de Berlin, et un passage dans l'administration judiciaire, Otto von Bismarck s'établit en 1839 dans sa propriété de Kniep hof. Issu d'une lignée luthérienne des Marches de l'Est, ce Prussien est le prototype du junker, guerrier attaché à sa terre et à ses arbres. Plus tard, il acquerra d'autres domaines, devenant un des plus grands propriétaires fonciers d'Allemagne. Député au Landtag de Prusse en 1847, classé ultra-conservateur, il défend la monarchie lors de la révolution de 1848. A partir de 1851, représentant du royaume au Parlement de Francfort - l'organe de la Confédération germanique - il réclame l'égalité des droits avec l'Autriche, entamant ce qui sera le combat de sa vie : évincer d'Allemagne les Habsbourg. En 1859, il est envoyé à Saint-Pétersbourg, où il reste ambassadeur trois ans, avant d'être mandaté à Paris. En 1862, Guillaume Ier le nomme enfin Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la Prusse. A la tête du gouvernement, il donne sa mesure, mais dans son style : à ses yeux, les problèmes ne sauraient être résolus par voie parlementaire, mais «par le sang et par le fer». Réorganisant l'armée, gouvernant sans budget, pratiquant sans vergogne l'intimidation de ses opposants, Bismarck exerce une certaine forme de dictature à l'intérieur du cadre constitutionnel. Il poursuit surtout son but : imposer l'hégémonie de la Prusse dans l'espace germanique. Jean-Paul Bled souligne néanmoins que «la conception raciale (völkisch) de la nation lui est totalement étrangère». Pas d'idéologie chez Bismarck, mais une froide logique politique. Par étapes, il travaille à l'élimination de l'Autriche :Zollverein contre les intérêts économiques de Vienne (1864), pourparlers avec la France et l'Italie (1865 et 1866) qui consacrent l'isolement diplomatique de François-Joseph. La guerre éclate alors : le 3 juillet 1866, les troupes des Habsbourg et de leurs alliés sont écrasées par les Prussiens à Sadowa. Le mois suivant, au traité de Prague, l'Autriche doit se résoudre à la dissolution de la Confédération germanique et à la création d'une nouvelle confédération, regroupant 22 Etats d'Allemagne du Nord sous la houlette de la Prusse. La dernière étape est franchie à l'issue de la guerre de 1870, que Bismarck a consciemment déclenchée comme un préalable à la réorganisation de l'Allemagne. Le 18 janvier 1871, à Versailles, le roi Guillaume Ier est proclamé « empereur allemand ».
Si la Bavière, le Wurtemberg et la Saxe conservent d'importantes prérogatives au sein du nouveau Reich, c'est une victoire éclatante pour Berlin. Victoire à la Pyrrhus ? A la fois chancelier d'Empire et Premier ministre de Prusse, Bismarck veut imposer la primauté de cette dernière tout en sauvegardant sa particularité, ce qui constitue, ainsi que l'explique Jean-Paul Bled, une tentative incertaine. Mais ce chancelier est plus complexe qu'il n'y paraît. Si nécessaire, pour les besoins de sa politique, il peut s'appuyer sur les libéraux. Toutefois, de 1871 à 1878, il mène le Kulturkampf contre l'Eglise. Et en dépit des mesures sociales qui accom pagnent l'essor éco nomique du Reich (assu rances maladie, acci dent, vieillesse ou invalidité instituées au début des années 1880), la social-démocratie allemande double ses voix de 1887 à 1890. «Catholiques et socialistes, obser ve Bled, restent à l'écart de la cultu re dominante et développent séparément leur propre subculture. En 1890, l'unité morale des Allemands n'est pas faite. Le père de l'unité politique porte la responsabilité de ce retard.» Le premier système de Bismarck, en 1872, repose sur la solidarité des trois empereurs (Allemagne, Autriche, Russie). Mais la rivalité austro-russe dans les Balkans le con traint à choisir entre Vienne et Saint-Pétersbourg. Arbitre de l'Europe au congrès de Berlin, en 1878, Bismarck s'allie finalement avec l'Autriche (1879), puis avec l'Italie (1882), tout en maintenant de bonnes relations avec la Russie (traité secret de 1887). Sur ces entrefaites, Guillaume Ier meurt en 1888 et son successeur, Frédéric III, disparaît au bout de trois mois. A peine Guillaume II règne-t-il qu'il engage une stratégie maritime et coloniale d'ambition mondiale, dressant la Grande-Bretagne con tre l'Allemagne, et qu'il s'éloigne de la Russie, la poussant dans les bras de la France. Ainsi s'enclenche le fatal mécanisme de 1914... En désaccord avec son souverain, Bismarck quitte le pouvoir en 1890 et passera le reste de sa vie à défendre son bilan et à forger sa légende. Jean-Paul Bled conclut en soulignant l'ambivalence du personnage, parfois surnommé le «réactionnaire rouge» ou le «révolutionnaire blanc». Mélange de force et de ruse, de hardiesse et de prudence, figure typique d'une époque et d'un pays, Bismarck était en tout cas un authentique homme d'Etat. Une dimen sion qui échappera, plus tard, à la plupart de ceux qui se réclameront de lui.
 
Autre critique: Marc Riglet, "De l'Allemagne", Lire, mars 2011.
 
Partager cet article
Repost0
29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 22:11
Franc-Nohain
(1872-1934)
 
Maurice Antoine Legrand, dit Franc-Nohain, nait le 25 octobre 1872 à Corbigny (Nièvre), dans une famille modeste (son père est agent-voyer). Brillant élève, il fait ses études au lycée Janson-de-Sailly, où il se lie d'amitié avec André Gide et Pierre Louys. Avocat, sous-préfet, écrivain, librettiste, poète, il publie ses premiers vers dans la revue Le Chat noir. Il écrit de nombreux livrets d'opérettes, dont celles de Claude Terrasse, et notamment le livret de L'Heure Espagnole de Maurice Ravel. Marié avec l'illustratrice Marie-Madeleine Dauphin, il a deux fils, l'animateur Jean-Nohain et le comédien Claude Dauphin. Franc-Nohain fonde la revue Le Canard Sauvage, puis prend la direction du quotidien L'Echo de Paris. Il meurt le 18 octobre 1934 à Paris. 
Plein de verve, de trouvailles charmantes, de diversité, Franc-Nohain sait extraire du quotidien, celui qui tente Courteline et que métamorphose Cami, des réjouissances subtiles. Selon Henri Clouard, son pseudonyme littéraire est devenu synonyme de raillerie flegmatique et de cocasserie bonhomme : "Il s'était forgé, sous l'influence de Banville, de Glatigny et des décadents, mais aussi par instinct personnel et par nécessité d'un genre, ce vers irrégulier sinon libre, assonancé, narquois dans ses enjambements, qui devait faire merveille au service de ses jeux d'esprit".  
 
Flutes (Editions de la Revue Blanche, 1898). - Chansons des Trains et des Gares (Editions de la Revue Blanche, 1900). - Le Dimanche en famille (Juven, 1902). - Fables (1921). - Le Kiosque à Musique (Edition Charpentier, 1922). - Nouvelles Fables (La Renaissance du Livre, 1927). - Poèmes amorphes (Jean-Jacques Pauvert, 1969).  
Bibliographie : Henri Clouard, Histoire de la littérature française, du symbolisme à nos jours (Albin Michel, 1947). – Robert Sabatier, Histoire de la poésie française, la poésie du XXe siècle (Albin Michel, 1982). 
 
 
Le triangle orgueilleux
 
Le triangle orgueilleux a dit :
- Je suis symbole de science,
C'est en m'étudiant que le savant pâlit. -

Le triangle orgueilleux a dit :
- Je suis symbole d'harmonie,
Et ma voix argentine à l'orchestre s'unit. -

Le triangle orgueilleux a dit :
- Je rayonne au fronton des temples,
Et c'est en mon milieu que l’œil de Dieu luit. -

Mais voici dans les cieux une voix qui s'écrie :
- Toi qui te dis Science et te dis Harmonie,
Qui t'égales aux Dieux en d'insolents discours,

0 Superbe, courbe la tête :
Tu ne seras jamais la roue de la bicyclette
Avec laquelle on va jusqu'à Saint-Pétersbourg.
 
     
 
Franc-Nohain (1872-1934). Flûtes (1898).
 
 
Chanson française
 
Faisons ripaille et largesses,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Vive la France aux Français,
Bouillabaisse et Cassoulet !

France, ô pays d'allégresse.
Cassoulet et Bouillabaisse,
Chaque province a son mets.
Bouillabaisse et Cassoulet!

A nous, poulardes de Bresse,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et pâtés de Pithiviers,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Dans nos prés les gigots paissent,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et les boudins guillerets,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Sous les ramures épaisses,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Voyez courir les civets,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Pour la pêche, que l'on tresse,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Miraculeux, des filets.
Bouillabaisse et Cassoulet !

Les arbres fruitiers se baissent,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et se cassent sous le faix,
Bouillabaisse et Cassoulet!

Les noisettes et les fraises.
Cassoulet et Bouillabaisse,
S'offrent au coin des forêls,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Et dans les champs, sous les herses,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Jaillit la vigueur des blés,
Bouillabaisse et Cassoulet !

Paradis des abbesses.
Cassoulet et Bouillabaisse,
Et des prieurs grassouillets,
Bouillabaîfese et Cassoulet !

Les ventres se gonflent d'aise,
Cassoulet et Bouillabaisse,
Le panache est un plumet.
Bouillabaisse et Cassoulet !

Notre chair est en liesse
Cassoulet et Bouillabaisse,
Notre esprit est en gaité.
Bouillabaisse et Cassoulet :

Faisons ripaille et largesses,
Cassoulet et Bouillabaisse
Vive la France aux Français,
Bouillabaisse et Cassoulet !
 
     
 
Franc-Nohain (1872-1934). La nouvelle cuisine bourgeoise (1900).
   
 

corbeille-de-fruits.jpg

 
 
Partager cet article
Repost0
29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 00:18
Nation, empire, civilisation
 
Le philosophe Pierre Manent a publié en octobre dernier deux livres - Les Métamorphoses de la Cité  [1]; Le Regard Politique  [2]  - qui ont marqué les esprits et qui suscitent encore aujourd'hui beaucoup de commentaires. Le premier de ces ouvrages est en tous points remarquable. Pierre Manent y poursuit ses réflexions sur ce qui fonde le parcours historique singulier de l'Occident, entre religion et politique. Il en tire un grand nombre d'analyses utiles pour notre temps, qui viennent - faut-il s'en étonner ? - contredire la pensée dominante et les discours à la mode.
Il en est ainsi des institutions. Au cours de son histoire, l'Europe a connu différentes formes politiques: la cité, l'empire, l'Eglise et dernièrement la nation. Pour Manent, la forme nationale garde aujourd'hui toute sa pertinence car elle permet à chacun des peuples d'élaborer et d'articuler, dans l'espace politique qui lui est familier, discours citoyen, action et décision publique. Il se montre en revanche extrêmement sceptique à l'égard de la construction européenne. Dans un entretien publié par la Revue des Deux Mondes (janvier), il dénonce une Europe à la dérive, sans pilote, qui évoque de plus en plus "un empire sans empereur" :
 
L'Europe actuelle, l'Union européenne, s'est formée à partir de nations qui ont justement renoncé à l'empire et ont considéré essentiellement illégitime l'impérialisme colonial. Si l'Europe est un empire, manque à ce groupement humain l'agent impérial qui détient la responsabilité et qui lui donne forme d'empire. L'Europe évoque une forme d'empire sans empereur ni domination impériale... Ce qui me frappe dans la disposition d'esprit des Européens, c'est qu'ils paraissent incapables de penser la différence entre eux et le reste du monde. L'Europe se pense comme le commencement de l'unité de l'humanité et comme le dépassement de toutes les formes de médiation traditionnelles, notamment celle de la nation. Si je regarde l'union européenne actuelle avec autant de scepticisme, c'est qu'elle repose sur la possibilité, sur le postulat que l'humanité pourrait s'organiser sans se gouverner. Elle semble avoir l'ambition, ou l'espoir, de faire l'économie du "se gouverner". L'espoir d'échapper à la nécessité du gouvernement de soi, c'est ce que le mot "gouvernance" suggère justement. Aujourd'hui, l'humanité est considérée par l'opinion commune européenne comme la seule ressource et référence disponible après l'épuisement des nations. Mais cette humanité est dépourvue d'existence politique; elle est tout au plus le cadre de référence d'un "sentiment du semblable" sur lequel il est impossible d'appuyer aucune construction politique. Il s'agit d'une humanité en quelque sorte immédiate, englobant indifféremment tous les hommes et tout homme, qui n'offre aucune ressource pour la médiation politique. Aujourd'hui, parmi les Européens. l'humanité est cette référence immédiatement opposable à toute entreprise, à toute action politique effective. Il y a toujours un droit, il y a toujours un juge pour vous dire : ne bougez pas ! Le résultat est que l'Europe est politiquement moins présente dans le monde que l'Angleterre et la France l'étaient il y a cinquante ans.

 

Constat cruel mais parfaitement juste ! Prenons l'épisode récent des révoltes arabes: où était  la soi-disante "diplomatie" européenne ? Mme Ashton, après deux ou trois faux pas, a été rapidement réduite au silence. Sur le terrain, ce sont les diplomaties nationales - anglaise, française et italienne - qui ont agi et qui ont marqué des points. La preuve est à nouveau faite que l'Union européenne ne peut pas avoir de politique étrangère propre. Il faudrait pour cela, comme le dit Manent, que cette Union soit autre chose qu'un consortium d'Etats, qu'elle soit un empire et qu'un empereur la gouverne. Or les Européens, éclairés par l'histoire des derniers siècles, ne veulent ni d'un empire ni, encore moins, d'un empereur. C'est aux nations, au vieux savoir-faire des nations, qu'ils font confiance.
Manent reproche d'ailleurs aux intellectuels, à nos clercs modernes, leur indifférence aux choses de ce monde et leur méconnaissance de l'histoire.  Dans un autre  entretien, publié par la revue Commentaire (hiver 2010), il se livre à une vaste critique de la modernité. L'aventure humaine, et singulièrement celle des peuples d'Europe, ne détruit pas le passé, elle le sédimente et nos institutions politiques ou religieuses gardent, plus qu'on ne le pense, la mémoire de la cité grecque, de Rome et du christianisme médiévale :

Mon propos est surtout d'essayer de faire sentir la tension de l'arc qu'est notre histoire depuis la cité grecque, comment cette tension entre le visible et l'invisible est à l'oeuvre dans chacune des trois grandes phases de l'histoire de l'Europe et dans le passage d'une phase à l'autre : paganisme, christianisme, démocratie et liberté moderne. Le point le plus important, c'est que les phases passées ou dépassées ne disparaissent pas simplement. Elles on trouvé leurs limites, mais restent présentent et actives. Comment le paganisme serait-il complètement derrière nous quand la vie politique en tant que telle se déroule toujours dans l'ordre visible et ne peut donc pas entièrement échapper à la perspective ou au critère de la gloire ? Semblablement, comment le christianisme serait-il entièrement derrière nous quand nos droits subjectifs qui nous sont si chers se logent dans un espace intérieur qui a été dégagé par la conscience chrétienne dont nous avons rejeté les lois ? De sorte que, reprenant une métaphore utilisée par Platon, je comparerais le développement de l'Occident à la succession de trois vagues, la suivante naissant de la poussée et des défaillances de la vague précédente. Succession et superposition, car chacune repose sur la vague qui la précède, qu'elle recouvre mais qui la porte. Dès lors, aussi superficiels, c'est-à-dire aussi modernes que nous soyons ou voulions être, nous ne pouvons nous contenter de nous laisser porter par la dernière vague.  Nous devons, comme Glaucus, nager en eaux profondes, puisque, au-dessous de nous, s'étagent les épaisseurs distinctes de la gloire païenne, de la conscience chrétienne et des droits modernes. La vague qui nous porte ne doit pas nous faire oublier les vagues qui la portent. A nous de discerner, sous la surface miroitante qui nous captive et où nous nous complaisons, la densité et la salinité différente des eaux. A nous de discerner que nous porte et nous fait vivre ce que nous croyons avoir laissé depuis longtemps derrière nous.

C'est une modernité trompeuse que nous décrit Pierre Manent. Elle est en réalité plus complexe et plus riche qu'on ne le pense généralement et elle s'enracine d'elle-même dans le passé. Nous partageons cette vision positive de l'histoire.
Paul Gilbert.
 

[1]. Pierre Manent, Les Métamorphoses de la Cité. Essai sur la dynamique de l'Occident, Flammarion, 2010.
[2]. Pierre Manent et Bénédicte Delorme-Montini, Le Regard politique,  Flammarion, 2010.

Partager cet article
Repost0
24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 09:53
Stances
                                                                                                                                      
Ô ciel aérien inondé de lumière,
Des golfes de là-bas cercle puissant et pur,
Immobile fumée au toit de la chaumière,
Noirs cyprès découpés sur un rideau d'azur;

Oliviers du Césiphe, harmonieux feuillages
Que l'esprit de Sophocle agite avec le vent ;
Temples, marbres brisés, qui, malgré tant d'outrages,  
Seuls gardez dans vos trous tout l'avenir levant;

Parnès, Hymette fier qui, repoussant les ombres,
Retiens encor le jour sur tes flancs enflammés;
Monts, arbres, horizons, beaux rivages, décombres,
Quand je vous ai revus, je vous ai bien aimés.
MARILHAT Prosper L'erechtéion
 
Jean Moréas. (1856-1910), Les Stances. (1899-1901)
 
Partager cet article
Repost0

 
Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01
 
Présentation
 

Accueil

Présentation

Manifeste

Historique

Rédaction

Nous contacter

Recherche