La Revue Critique des idées et des livres |
"Ce n’est pas seulement pour vivre ensemble, mais pour bien vivre ensemble qu’on forme un État." aristote |
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Ce grand vent qui se lève... | ![]() |
Vous aimez George Orwell ? Jean-Claude Michéa ? Alors, il faut lire Dany-Robert Dufour. Son dernier livre, L’individu qui vient… après le libéralisme [1], est à la fois l’œuvre d’un philosophe et d’un politique. Les analyses sont neuves et pertinentes mais Dufour n’entend pas s’en arrêter à l’exégèse, il propose, il organise, il fournit des pistes pour reconstruire un monde viable. Parti d’horizons qui sont loin des nôtres, il en arrive à des conclusions bien proches de celles que nous formulons ici. Selon lui, il n’y a aucune fatalité à ce que le monde reste ce qu’il est aujourd’hui, le vent de l’histoire est en train de tourner, il faut saisir l’opportunité de nouveaux courants porteurs pour redresser la barre. Il parle d’une politique de civilisation, nous aussi. Il envisage les bases d’une nouvelle Renaissance, suivons-le…
Pour Dufour, la crise que nous traversons n’a rien de classique. Si elle est partie de l’économie et de la finance, elle touche désormais à peu près tous les secteurs de la société, politique, écologie, morale… Contrairement à ce qu’on a voulu nous faire croire, notamment au moment de la crise américaine de 2008, il ne s’agit pas de l’ultime ruse du capitalisme pour se refaire une beauté, renaître de ses cendres, plus fort, plus neuf, plus puissant… Nul espoir en vue pour l’économie mondiale qui va depuis dix-huit mois d’échecs en échecs, de drame en drame, de chute en chute. Ce que mesurent chaque jour l’emballement des bourses, la déroute des gouvernements et des institutions internationales, c’est le désarroi du monde. Nous sommes dans une impasse.
« Après l’impasse du fascisme qui a fait disparaître l’individu dans les foules fanatisées et après celle du communisme qui a interdit à l’individu de parler tout en le collectivisant, est venu celle de l’ultra et du néolibéralisme qui réduit l’individu à son fonctionnement pulsionnel en le gavant d’objets – n’est-ce pas un symptôme parfait de notre temps que l’économiste en chef de la plus grande institution monétaire internationale, Dominique Strauss-Kahn, ait fait preuve d’un sérieux dérèglement pulsionnel jusqu’au point de se faire prendre en flagrant délit ? », questionne Dufour dans une récente tribune du Monde [2]. Sortir de l’impasse, c’est d’abord comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là, pourquoi nous avons mis autant de temps à sortir de la matrice libérale. Il y a bien sûr Marx. Marx qui annonçait ces temps où les relations humaines ne seraient plus organisées qu’autour de la marchandise et du marché. Marx qui nous enseignait également la puissance de dissimulation, de mystification du capitalisme, son caractère réellement révolutionnaire : lui seul, en changeant régulièrement tout, règles, valeurs, traditions, savoirs, a le pouvoir d’effacer et de faire oublier ses fautes, ses crimes au prix d’un monde tout neuf où la grande aventure de la « chosification » des êtres et des esprits peut se poursuivre. Tout cela, d’autres, Gramsci, Polanyi, l’avait déjà pointé du doigt, même s’il a fallu attendre aujourd’hui pour voir ces mécanismes fonctionner avec autant de netteté.
Mais depuis une trentaine d’années, les choses ont été plus loin encore. Avec l’effondrement du communisme, plus rien n’était de nature à s’opposer à l’idéologie libérale. Déjà maître des choses, il lui a fallu peu de temps pour se rendre complètement maître des nations, des savoirs, des esprits et des âmes. Cette révolution culturelle s'est engagée dès les années 60 : mai 68, la philosophie post moderniste, Foucault, Deleuze et leurs épigones préparaient les esprits à l’avènement d’un monde sans institutions, livré au Divin Marché, où l’interdiction d’interdire et la jouissance sans entrave vont servir à effacer jusqu’à la dernière trace de civilisation et de spiritualité de la surface du monde. Comme le dit Dufour, « nous vivons en quelque sorte dans un nouveau totalitarisme sans le savoir, découlant de l’impérialisme théorique de l’économisme néo et ultralibéral faisant l’impasse sur tous les autres secteurs où les hommes échangent entre eux : qu’il s’agisse des règles pour gouverner la cité, des valeurs dont ils tirent des principes, des discours porteurs de signes à la recherche du sens et des flux pulsionnels mis en jeu.» [3]
Ce monde ainsi décrypté par Dufour, nous en connaissons bien le visage. C’est celui que les Grecs stigmatisaient dans l’hybris, la démesure, la folie qui conduit l’homme à se retourner contre sa propre nature et dont Dufour nous retrace le fonctionnement : « des changements dans l’économie marchande (la dérégulation en vue de maximiser le gain) entraînent des effets dans l’économie politique (l’obsolescence du gouvernement, le déni de son rôle interventionniste et l’apparition, à leur place, de la « gouvernance »). Ce qui, à son tour, provoque des mutations dans l’économie symbolique (la disparition de l’autorité, du pacte républicain el l’apparition de « troupeaux » de consommateurs où chacun est attrapé par des produits manufacturés ou des services marchands qui lui promettent la satisfaction pulsionnelle)» [4]. Ce monde, censé fermer l'histoire, celui des derniers hommes que Nietzsche annonçait d’une formule terrible dans le prologue de Zarathoustra : « plus de pasteur, un seul troupeau ».
Qu’est-ce qui pouvait bien menacer un monde aussi parfaitement réglé ? De l’extérieur, à peu près rien, puisque les oppositions communistes, socialistes ou nationalistes s’étaient mises elles-mêmes hors du jeu par l’étendue de leurs crimes, leur échec économique, leur capitulation politique. Comme bien souvent le poison est venu de l’intérieur même du système. Son cœur financier, en s’effondrant progressivement à partir de 2008 avec la crise américaine, a provoqué une immense dépression dont nous voyons maintenant, presque quotidiennement les effets : dérèglement financier mondial, qui après l’Amérique, concerne aujourd’hui l’Europe pour se tourner bientôt vers l’Asie, déstabilisation des gouvernements, comme on le voit dans la zone euro, réveil brutal de millions de consommateurs brusquement tirés de leurs rêves et de leur addiction et qui peuvent basculer demain dans la dépression mentale ou dans la violence…
C’est alors qu’apparaît le Dufour politique. Il tire en premier lieu les effets du basculement que nous sommes en train de vivre. L’hybris, la démesure n’appelait-elle pas la destruction, la némesis ? Ceux qui nous parlaient de fin de l’histoire en sont ainsi pour leur frais. Il n’y a de fatalité en rien, comme le souligne Dufour, reprenant ici la vieille leçon d’Aristote, pour peu que les hommes se ressaisissent. Donc ressaisissons-nous et reconstruisons. Mais comment reconstruire ? Par où commencer ? A quel rythme avancer ? Faut-il agir vite, dans l’urgence, dans la violence ? Non, répond notre philosophe, méditant là encore l’enseignement du Stagirite. Le nettoyage du monde, les dieux vont s’en charger, laissons les faire. Renouons quant à nous, dans l’ordre, dans le calme, avec l’esprit de civilisation. Reprenons le grand projet humaniste occidental là où nous l’avons laissé. Faisons à nouveau circuler, nous dit Dufour, ce souffle qui a soulevé l’enthousiasme aux grandes heures de l’histoire de l’Europe, au Quatrocento, au Grand Siècle français, et jusqu’aux enthousiasmes de la Libération de l’Europe en 1945. Et puisqu’il faut éradiquer l’ignorance et la barbarie, mobilisons pour l’occasion nos deux grands récits fondateurs : celui du Livre venu de Jérusalem, celui du logos venu d’Athènes et la synthèse irremplaçable qu’en fit Rome.
Athènes, Rome, Jérusalem… Trois noms qui sonnent agréablement aux oreilles de nos lecteurs. Qu’ils nous viennent à la fois du versant de la tradition et du versant de la révolution montre l’importance de la rupture qui se dessine. La Renaissance qu’appelle de ses vœux Dany-Robert Dufour est souhaitable, il a raison de penser qu’elle est possible. Est-ce un hasard si le grand vent qui l’annonce vient de la France ?
Paul Gilbert.
Le grand désenclavement du monde, 1200-1600 de Jean-Michel Sallmann Mis en ligne : [21-11-2011] Domaine : Histoire | ![]() |
Professeur émérite d'histoire moderne à l'université de Paris X-Nanterre, Jean-Michel Sallmann a étendu son champ d'investigation originel sur l'Italie des XVIe-XVIIe siècles à une approche globale de la Renaissance à travers l'Europe. Il a récemment publié : Charles Quint : l'empire éphémère (Payot, 2000) - La circulation des élites européennes : entre histoire des idées et histoire sociale, dir. (Seli Arslan, 2002) - Géopolitique du XVIe siècle : 1490-1618 (Le Seuil, 2003).
Hiems nova Pour fêter le retour normal de l’âpre hiver. J'ai gravi, dès le jour, ma montagne rouillée. Le vent du nord-ouest a soufflé tout hier. J'en voulais savourer la rafale mouillée, Jeux de pluie aux clartés du ravin partiel, Sur le treillis brumeux des branches dépouillées. La lumière est instable aux décors irréels Des vallons d'ombre ensoleillés de claire brume Où se joignent, pour fuir, des lambeaux d’arc-en-ciel. Le roc ruisselle et luit et les pics d'argent fument. Sous le vent brusque obstinément ailé de nuit, Et l'aile sombre éteint le rayon qui s'allume; Et tout le paysage pâle tourne et luit, Cependant qu'au taillis fauve des petits chênes Chaque feuille légère et plaintive bruit. Et le mont tout entier pleure des larmes vaincs. * Ah! fuyez, derniers étourneaux, par bandes souples! Virez, dans le brouillard, d'un miroitement d'ailes. Pour qu'en votre étain mat vibre quelque étincelle! Déjà les corbeaux tournoyants voltent par couples, A contre-vent, là-bas, presque légers et grêles Sur l'abîme, perdus aux remous des nuages. Et boivent le désir de leurs amours sauvages. * L'hiver! l'hiver! la chambre tiède où l’on va suivre, A travers le poème obscur et doux du livre, Aux songes des carreaux que le frimas fait vivre, La fougère ou le lys qui s'inscrivent en givre ! | ||
Olivier Calemard de La Fayette. (1877-1906), Le Rêve des Jours (1904). |
Vent de Limagne Pour Henri Cellerier. J'aime la brise incertaine et frivole Dont le frôlis n'émeut que les corolles Légères, les frisselis doux des folioles Au faîte gris des trembles grêles, Et la ronde ténue et frêle qui s'envole, Des éphémères sur les prêles... — J'aime avec toi, surtout, le vent large et puissant. Je n'ai pas tes sapins dans les sables, tes landes, Tes horizons barrés de vols éblouissants, Ni l'or de tes sous-bois alourdis de lavande; Mais la sève frémit en mon vieux sol de feu, Mes prés touffus et verts s'étoilent de narcisses, Mes terreaux mordorés font des pétales bleus, Et de hauts boutons d'or penchent leurs lourds calices. Pour garder mes labours d'argile rouge ou brune, J'ai des orgues de pierre en prière, où s'unit L'extase de la vague à l'orgueil du granit, La grâce de la houle aux splendeurs de la dune. Et tu croirais qu'aux jours des fusions premières, Le vent de mes sommets a durci brusquement Les laves qui roulaient leur clair bouillonnement Hors du rose cratère aux vapeurs de lumière. J'ai de jaunes iris qui flambent dans les joncs. J'ai des roseaux géants jaillis de l'eau rouillée; Mes printemps font gonfler de monstrueux bourgeons. Mes automnes des fruits pesants par corbeillées. Oui, j'aime le grand vent sur tout cela, le soir, Le vent du nord-ouest chargé de pluie et d'ombre Qui pousse sur nos monts, d'un bref coup d'aile noir. Avec des vols obscurs, la Fécondité sombre ! | ||
Olivier Calemard de La Fayette. (1877-1906), Le Rêve des Jours (1904). |
Poème ... tu, lentus in umbra.. Que de poudroiements blonds tamisent la feuillée Sur l'ombre claire où se bercent les tiges chaudes, Près du rayon vivant qui glisse, danse et rôde De la ronce fleurie à la rose mouillée ! Toi, couché sur la berge entre les roseaux jaunes, Vois à travers tes cils qu'irise la lumière Trembler des reflets d'eau sous les feuilles des aulnes, Et, comme en un palais d'irréelles verrières, Par-dessus les blocs d'ombre et les lourdes fougères, Vibrer les libellules d'or de la clairière ! * Ah! laisse pour un jour ta chimère et sommeille !... Sous la verte clarté qui croule des ramures Et brûle au front du saule en lumières vermeilles Que la brise balance au rythme d'un murmure, Les doux moucherons bleus ont du ciel sur les ailes... Et tes yeux large ouverts où le soleil ruisselle Voient passer dans son or leur prisme en gouttes pures! Ah! qu'importe à ton cœur fatigué le problème Dont la douleur se mêle au souffle des lilas ? Il ne veut plus savoir s'il le porte en lui-même, Le compagnon divin qu'il ne rencontre pas ! Les cloches des troupeaux tintent dans la hêtraie... On entend le bétail brouter près du taillis... — Eloigne ce désir céleste qui t'effraie, Dors, sous les peupliers puissants et recueillis. Et que tu sois le dieu- qui se retrouve à peine Ou la bête qui monte en créant l'idéal, Dis a ton âme, en f endormant, que la fontaine Ignore sans souffrir la cascade du val! Vois, deux martins-pêcheurs éclatants se poursuivent Jusque dans l'ombre où luit le feu bleu de leur col: Laisse, laisse comme eux, sur les fraîches eaux vives, Ton rêve fuir sans but, pour le plaisir du vol! | ||
Olivier Calemard de La Fayette. (1877-1906), Vers et Prose (décembre 1906). |
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Karl Polanyi, la subsistance de l'homme. Paris, Flammarion, octobre 2011, 424 pages.
Henri Martineau est né le 26 avril 1882 à Coulonges–sur-l’Autize (Deux-Sèvres). Il est le second fils du médecin Ferdinand Martineau, descendant d'une famille établie dans la région au XVIIIe siècle. Passionné très jeune par les lettres, il écrit ses premiers vers à l’âge de 15 ans. La fréquentation des muses ne lui interdit pas de mener à bien des études scientifiques d'abord à l'Ecole de Médecine de Poitiers puis à la Faculté de Médecine de Paris dont il suit les cours de 1903 à 1907. Il rentre alors à Coulonges–sur-l’Autize pour prendre la succession de son père. Esprit précis et rigoureux et caractère énergique lui valent très vite une réputation d’excellent praticien.
Il publie son premier poème en 1903 dans la revue Royan, qu’Henri Clouzot édite à Niort, et il fait paraître entre 1905 et 1907 trois beaux recueils de vers, Les Vignes mortes, Mémoires et Acceptation. Henri Martineau s'est expliqué sur sa conception de la poésie dans une mince brochure, La Poésie et la Musique : « Si la poésie est particulièrement une connaissance, une connaissance intuitive du monde, il ne faut pas surtout confondre cette effusion de l'âme avec la versification qui n'est qu'un moyen de l'atteindre. La versification, c'est un gaufrier et tout dépend de la pâte que l'on y coule; il importe qu'elle soit faite toujours de la plus fine fleur du froment. Un Boileau se sert du vers pour frapper fortement une sentence, et cependant il est plus rarement poète que le Jean-Jacques Rousseau des Rêveries d'un promeneur solitaire ou que le Loti de tant de merveilleuses descriptions et qui, tous deux, n'ont écrit qu'en prose. »
Henri Martineau est avant tout un grand critique littéraire et un découvreur de talents. Il crée la revue littéraire Le Divan, dont le premier numéro parait à Coulonges–sur-l’Autize en janvier 1909, et qu'il dirige jusqu'à sa mort, le 21 avril 1958. A partir de 1921, il s'établit libraire et éditeur à Paris. Il est le promoteur infatigable de Stendhal au XXe siècle, son éditeur et l'un de ses meilleurs spécialistes. Il assure également la promotion d’un grand nombre de poètes et d’écrivains de sa génération, comme Paul-Jean Toulet, Jean-Marc Bernard ou Tristan Derème. Avec son ami Eugène Marsan, il figure parmi les fondateurs de la Revue critique des idées et des livres.
Prélude Dans l'ordre continu des effets et des causes, Sans rompre le silence unanime des jours, La tendresse et la joie à vos côtés éclosent. Comme au coeur du printemps la première des roses Parmi de lourds lilas met un frisson d'amour. La vie adamantine ouverte à vos pensées Prend soudain la fraîcheur de ces jardins du soir Où l'on goûte, rêveur, les paumes appuyées Aux balustres verdies des terrasses mouillées, Le charme languissant des sonnets de Ronsard. Au vaste paysage enfin l'oeil s'accoutume Et l'étang endormi conduit vers l'horizon Un miroir que le ciel à son couchant allume De feux si nuancés par les discrètes brumes Que ce calme décor enchante la raison. Car tout ressentiment, la haine et la colère, Le désespoir d'un front douloureux et voilé Se sont évanouis dans la pure lumière; Et la sérénité qui monte de la terre Enivre un songe encor sans audace et troublé. Se peut-il que d'un coup aveugle la fortune Ait pour jamais changé ce stérile destin? Tristesse ! Souviens-toi de nos fièvres communes Quand des larmes perlaient au bord des cils et qu'une Angoisse sans parole abritait notre sein! Dans la nuit lamentable, ironique et glacée, Où scintillaient en vain les constellations, Ni le grand chariot, ni la pâle Céphée Ni les pleurs d'Andromède et de Cassiopée Ne pouvaient étouffer le cri des passions. Aussi quelle douleur prend ce beau sortilège Où quand rien d'autrefois ne se peut oublier, L'âme, craintive et seule, en hésitant s'allège Du poids de ses terreurs dont le flottant cortège Là-bas dans le brouillard gagne les peupliers. Cette heure frêle, qui sur moi s'appuie et tremble Jamais je n'eus osé l'attendre ou la choisir, Et celle la plus blanche et la plus tiède ensemble Qui berça mon enfance et de loin lui ressemble N'eût point même tenté d'éclairer mon désir. Et si le souvenir de sa fidèle image Vient de se réveiller en mes yeux éblouis, C'est comme dans les eaux le reflet d'un nuage Ou dans la glace clair un mobile visage : Le dessin passager en est vite aboli. Mais lorsque le rappel d'une plainte infinie Vient nimber à propos d'une ombre de pastel Ce soir tout de mesure et d'ordre et d'harmonie Où le moindre détail à l'ensemble se plie Selon la loi vivante et le rythme éternel, Je ne puis oublier cette souffrance humaine Ni l'invincible attrait qui me lie à mon sort; - Et que royalement une extase m'entraîne, Je ne tâcherai plus d'échapper à ma chaîne Et je consens enfin aux rigueurs de la mort. | ||
Henri Martineau. (1882-1958), Revue Le Divan (1910). |
Soir d'été C'est au soir de l'été qu'elle poussa ma porte Et dit, en se laissant tomber sur le divan : "Cette course en auto fut folle, je suis morte, Et mes cheveux défaits se souviennent du vent." Puis elle rattacha qui toujours se dénoue Sa jarretelle jaune, épingla son chignon, Et poudra son menton volontaire et ses joues Que le soleil avait hâlés comme un brugnon. Mais le plaisir fardait d'aurore son visage Quand elle reposa son front sur les coussins Et que, par l'échancrure offerte du corsage, On voyait palpiter dans l'ombre un de ses seins. | ||
Henri Martineau. (1882-1958), Revue Le Divan (1923). |
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Revue trimestrielle
N°1 - 2009/01 |
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