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15 juin 2010 2 15 /06 /juin /2010 10:40

Eclaircie avant l'orage

 

Comme on pouvait s'y attendre, les irrédentistes flamands ont gagné les élections en Flandre. La Nouvelle Alliance (N-VA) de M. De Wever obtient près de 30% des voix dans la zone néerlandophone de Belgique; elle devance très nettement les partis bourgeois (chrétiens démocrates et libéraux) qui recueillent respectivement 18 et 14 % des suffrages.  Plus grave encore : si on additionne les scores du N-VA, soit-disant modéré, et des deux formations fascistoïdes flamandes que sont le Vlaams Belang (extrême droite, 12,4 % des voix) et la Liste de Decker (populiste, 3,8%), les tenants de l'indépendance de la Flandre recueillent près de 45%  des votes flamands. Depuis la dernière guerre, ils n'auront jamais été aussi puissants et aussi arrogants. Et persuadés désormais que l'indépendance de la Flandre est pour demain.

Côté francophone, l'heure est également à la mobilisation et à la fin des faux semblants. C'est le Parti socialiste qui arrive en tête, en totalisant près de 34% des suffrages Wallons et Bruxellois.  Il devance lui aussi les formations chrétiennes et libérales qui ont ces dernières années dirigées la Belgique dans le même gouvernement que leurs faux frères flamands. M. Elio di Rupo, le chef des socialistes francophones gagne en quelque sorte son pari: son attitude intransigeante face aux provocations flamandes fait de lui et de son parti le rempart de la francophonie. Il semble qu'en nombre de sièges, son parti deviennent la première formation de la Chambre belge, ce qui lui donnerait le droit de revendiquer le poste de Premier ministre.

Au final, le résultat des élections belges de dimanche a le mérite de la clarté. Les partis chrétiens, sociaux-chrétiens et libéraux qui ont fait de la Belgique une sorte de Quatrième République perpétuelle sont défaits et bien défaits, des deux côtés de la frontière linguistique. En Flandre, leurs jeux troubles et leurs tartufferies ont favorisé la montée en puissance des extrémistes. Faut-il redire que c'est la grande banque et les milieux financiers d'Anvers, très largement entre leurs mains, qui est aujourd'hui le premier soutien de la N-VA, du Vlaams Belang et des partisans de la Flandre indépendante ? Il sont en effet persuadés que le nouvel Etat flamand sera totalement entre leurs mains et que les excités et les exaltés disparaîtront, une fois l'indépendance acquise. Tragique aveuglement ! Quant à leurs frères séparés de Wallonie de Bruxelles, leur péché est autre. Ils ont voulu faire croire à la masse francophone, de Liège à Bruxelles, que le danger flamand était une chimère et que, de compromission en compromission, on finirait par sauver l'Etat belge. Ces champions des accomodements, des arrangements, des négociations ratées et des coups de pied au derrière ont fait leur temps. Ils n'auront pas tout à fait réussi à transformer le peuple wallon en un troupeau de moutons bélants.

Le discours des vainqueurs a le mérite de la franchise.  M. De Wever et M. di Rupo ne sont pas de la même race que les Leterme, Van Rompuy, Martens et autres Dehaene, souris le jour, oiseaux la nuit. Ils savent ce qu'ils veulent. Le programme du premier, c'est l'indépendance, mais, comme il le dit lui-même, par "évaporation" de l'Etat fédéral belge, vidé progressivement de tout pouvoir. Son programme, c'est aussi la cogestion de Bruxelles, où vivent pourtant moins de 10% de Flamands. L'ambition du second est tout aussi nette : assurer l'unité du pays, sans compromis batard et sans faux semblants, maintenir la solidarité entre les classes sociales malgré la coupure linguistique. Deux forces, deux légitimités, deux visions opposées de l'avenir belge. Mais il y a assez de puissance, d'assurance, de volonté des deux côtés pour que la Belgique, enfouie dans l'ombre grise des politiques de sacristie, puisse enfin regarder son destin dans la lumière. Une éclaircie propice aux décisions... avant l'orage. 

Ceux qui sont rivés au calendrier de l'Union européenne, ceux qui ne cesse de nous rappeler que la Belgique va présider l'Union à compter du 1er juillet et que ce serait une catastrophe si elle n'était pas en situation d'assumer son rôle, ceux-là ne veulent pas croire à l'orage. Pas plus que ceux qui tremblent à l'idée que la crise politique belge pourrait envoyer de mauvais signaux aux marchés. Mais l'Union européenne n'existe plus que sur le papier et les peuples qui divorcent d'avec eux-mêmes se moquent des marchés. Il y a désormais trop d'électricité dans l'air en Belgique pour que l'orage n'éclate pas. Mais il peut prendre des formes diverses. La confédération de deux Etats, sous la houlette de l'actuelle famille royale de Belgique, n'est pas obligatoirement une mauvaise solution, si les Flamands acceptent d'abandonner leur xénophobie absurde et si une solution acceptable par tous est trouvée pour Bruxelles. Toutes choses qui sont aujourd'hui entre les mains de M. De Wever.

 

  Jacques de Poncheville. 

   

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