Les identités remarquables de Sébastien Lapaque Mis en ligne : [12-10-2009] Domaine : Lettres | ![]() |
Présentation de l'éditeur.
"Tu vas mourir, aujourd'hui, et tu ne le sais pas encore." Dès la première phrase de cette chronique d'une mort annoncée - dès la première minute de cette journée particulière où se reflète la brièveté de toute existence -, un homme fait à la fois figure de héros et de victime. Et c'est lui, inconscient, égotiste et jouisseur, que le roman interpelle et tutoie comme s'il tendait à notre insouciante finitude un miroir. Plaisir de se croire si beau, privilège d'aimer, hélas fort mal, une exquise petite marchande de jouets, délice de convoiter une banquière aux yeux de biche, de se couler dans l'hédonisme d'une vie simplifiée. Mais en secret, une vierge froide et un tueur prédestiné trament le scénario de la vengeance familiale. Sur cette inexorable partition qui emprunte son tempo au roman policier, ses arpèges au catalogue de la consommation courante, ses harmoniques à la liberté de parole et son andante aux mirages des satisfactions éphémères, Sébastien Lapaque chante la vie derrière soi et salue, non sans ironie, le passage du temps.
Critique de Michel Crépu. - Revue des deux mondes, octobre-novembre 2009.
Journal littéraire. Resté un long moment perplexe à la lecture des Identités remarquables, très beau livre de Sébastien Lapaque, mieux connu, si je puis dire, pour la critique littéraire qu'il tient au Figaro que pour son travail d'écrivain. Or il y a bel et bien un travail à considérer. L'occasion m'en est donnée ici avec ce livre insaisissable, écrit à la première personne, un "je" annonçant d'emblée qu'il va mourir aujourd'hui, mais qui ne le sait pas encore. Cet aujourd'hui, dirait-on, a une valeur autant métaphorique que circonstancielle, Lapaque jouant des deux avec finesses acuité, pudeur. Les souvenirs sont là, les corps désirables, la présence de Caroline, "la grâce de la rue qui le mène jusqu'à elle", tous ces menus détails du chemin, connus par coeur, récités comme un poème, les amitiés aussi bien, comme celle qui l'attache à Laroque le professeur. Pour les souvenirs, il y en a beaucoup, ils forment comme un tissu, une substance de fond - mais rien ici qui emprunte à la fausse chronique autobiographique - et parfois ouvrant sur des blessures terribles. Ainsi le père qu'on devine, moqué par ses frères qui le traitent entre eux de "tapette", et l'enfant, son fils, entendant ces mots à la dérobée, les recevant comme un coup de poignard... Je m'en moque un peu, de l'intrigue, je préfère me laisser prendre par cette sensibilité à l'instant qui permet de tout filtrer jusqu'à un certain vertige. Un livre étrange, sans fond, certainement un des plus secrets de cette rentrée.