clowns anglais | ||
Dans le bruit, aux lumières électriques Fardant les corps disloqués, Mon coeur, souviens toi, tu fus consolé Par les clowns britanniques. C'est triste comme une fille exotique, Comme un port plein de bateaux Comme eux fertile en plaisir cérébraux Et très vainement pathétiques. Et c'est doux au coeur, pourtant comme un jour Facile et de songeries; Car la musique rythme tous les tours A coup d'âpres harmonies. Et le clown saute en l'air, tombe, se casse Ironique, dédaigneux Et ses pirouettes comme des aveux Ont besoin des airs de valse. Ses sauts les plus fous sont graves. Il a Cette saveur un peu grossière, Qu'ont dans les bars anglais les premiers verres De gin, de whisky-soda. | ||
René Bizet (1887-1947). Revue "Le Cahier des Poètes". (1912) |
faust | ||
Ne regarde pas la lumière Ni les femmes. Ferme tes yeux. Tu sentiras crouler les vieux Palais où logent tes misères. Et plus de soleils, ironiques A ton coeur d'hiver. Plus de bruits Insultants aux larges musiques Qui chantent en toi. Mais la nuit... En toi surgit toute la terre, Toutes les mers où les bateaux S'en sont allés, sans satisfaire Nos nostalgies d'occidentaux. Tous les cieux devinés, aux pages Des livres, au rythme d'un vers, Tout ce qui fait qu'on veut fuir, vers Les Singapour de nos images, Tout est en toi. Ferme les yeux. N'écoute rien qui ne te vienne Du fond de ton coeur riche, où règne L'heure propice que tu veux. Et vas, à ton seul gré. Contemple Les humains qui sourient et font Leurs tâches, en tournant en rond Bombay t'accueille avec ses temples... | ||
René Bizet (1887-1947). Inédit. (1913). |
ces hotels où j'ai vecu | ||
Hôtels peuplés de personnages de romans Où le jeune romantique S'isole pour surprendre un soir, sournoisement, L'Elvire maigre et phtisique. Hôtels des clowns, des acrobates, des jongleurs Du cirque, des écuyères Où tout le ramassis des routes et des coeurs Vient se mettre à "l'ordinaire", C'est dans vos murs que je voudrais, un soir, mourir, Moi, scrupuleux locataire D'années trop souvent bissextiles, qui veut fuir Vers ce qui n'est plus la terre. | ||
René Bizet (1887-1947). Poèmes posthumes. (1957). |
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