vestiges
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I.
A fleur d'aube, les toitures,
Les grilles, les pavés Soupirent, —- achevé Leur roman d'aventures. Ils vont ruminer tout seuls Les étranges épisodes Que de plus étranges rhapsodes Ont chuchoté sous des linceuls. Hermétiques, ils refoulent Leur émoi, farouchement; Excédés du mouvement Et des propos de la foule. Mais quelquefois un taudis Qui dans la brume rêvasse Sourit de toutes ses crevasses Comme à la vision d'un Paradis. II.
Que de carreaux sont vides,
Sur le damier des jours ! Mais ce sont les noirs, toujours, Qui comblent le coeur avide. Aladin, Monte-Christo Et les sorciers d'Egypte Ont laissé dans ces cryptes Scintiller des cristaux. Mystérieuses vierges Des obscurs firmaments, Allumez lentement, Rituellement les cierges. Un calme torrentiel Couvre clairière et grève Que traversent pour le rêve Les vedettes du ciel. III.
Est-ce le sycomore
Ou le chemin aux éboulis Que cet instant te remémore Dans le parc qui se désemplit ? Tapi dans une vieille romance, Au fond d'un magazine jauni Ou dans le fichu de Clémence, — Car baroques sont ses nids ; Tel jour de l'adolescence Sort, insatisfait encor, Et rôde, envoûté d'une chère absence, Dans un immuable décor. Et c'est lui que le conventicule Des arbres s'effeuillant Verse avec le crépuscule Sur l'horizon défaillant. IV.
Que n'êtes-vous venue,
Surgie au fond de l'avenue ? Surgie au fond de l'avenue, Lassitude, vous êtes venue. Que n'êtes-vous apparue, Blottie au coin de quelque rue ? Blottie au coin de chaque rue, La solitude m'est apparue. Quand les feuilles rendront Sa nuit à l'avenue, Le long des rhododendrons Où vous n'êtes pas venue ; Quand les rideaux se gonfleront A la brise, dans chaque rue, Les rayons danseront en rond Avec mon coeur, ma disparue. |
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emmanuel lochac (1986-1956). La Phalange (décembre 1935).
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nocturnes
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I.
Descends les degrés du silence
Et de l'obscurité Où le temps redouté Est pure défaillance. Ton immobilité Permet que tu respires; Te voici dans l'empire Vague, de l'illimité. Cette nuit presque ancienne, Tranquille infiniment, Te verse son calmant A travers les persiennes. Les battements de ton sang, N'est-ce pas une présence ? Écoute-les, et pense A l'Inconnu saisissant. II.
Salutaire atonie,
Je me confie à toi. Inerte sous le toit, Je goûte l'insomnie. Cohésion, dans la paix, De l'ombre et de mon être. Tache de la fenêtre Sur le dehors épais. Nulle part d'influence Que de l'aérien; Et la vie, à ce rien, D'irréel se nuance. Tout ce qui se conçoit Est de nature floue; Mais le vaisseau se renfloue Qu'on sentait sombrer en soi. |
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emmanuel lochac (1986-1956). La Revue de Paris (août 1936).
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sixain
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Les premiers vers qu'il lit pour une blondinette. Il ne sait pas chanter le progrès social ; Et toujours il revient au thème initial. L'unique chant, du roi Salomon à Verlaine Est un refrain d'amour fleuri de marjolaine. |
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emmanuel lochac (1986-1956). La Phalange (décembre 1935).
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