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sultanes | ||
Avec leurs robes à ramages Leurs turbans où l'aigrette luit Sortent-elles pas de vos pages Contes des Mille et une nuits ? Dans un jardin à Samarcande Ont-elles sous les cyprès verts Croqué la pistache et l'amande En écoutant des calenders ? Ont-elles sous l’œil de l'eunuque En des vasques de marbre et d'or Baigné de l'orteil à la nuque Toutes les roses de leur corps ? Pour elle, fit-on choir la tête D'un infortuné chamelier Qui vit leur face sans voilette, Leurs seins parés des seuls colliers ? Non, ces Sultanes d'opérette Ointes des parfums d'Houbigan, Ignorent la loi du Prophète Bagdad et ses minarets blancs. Et si tu les vois en image Avec la fleur et le miroir C'est que les fixa sur la page Monsieur Iribe, certain soir, Alors que sur de hautes chaises Ces prêtresses des tangos tous Dégustaient des boissons anglaises, Devant un comptoir d'acajou. | ||
léon vérane (1886-1954). Poèmes inédits (La Muse française, 1922). |
bonheur | ||
En ville un cabinet tout tapissé d'estampes, D'armes, de plats ornés de fleurs et de sujets Et des cartes qu'on scrute à l'heure de la lampe Escomptant le départ, supputant le trajet. A la campagne, un toit qu'agrémente une treille, Un verger où les fruits s'enflent de jus sucrés, Un jardin où les fleurs se couronnent d'abeilles Et des blés que le vent creuse de plis dorés. Des chiens familiers, des pigeons, des colombes Dont la gorge au soleil et s'irise et se bombe, Du vin dans le cellier, dans l'âtre un feu de bois; Horace au temps d'Auguste en eut-il davantage ? Je ne sais! mais jouir de tels biens à la fois C'est être aimé des dieux et c'est la part du sage. | ||
léon vérane (1886-1954). Poèmes inédits (La Muse française, 1932). |
cirque | ||
Le clown dont la houppe de laine Oscille comme un œillet blanc Fait à l'écuyère hors d'haleine Des compliments sur sa jument. Des lévriers prompts comme des flèches Crèvent des cerceaux de papier Et des nains roulent tête-bêche Entre les jambes des coursiers. Monsieur Loyal fait sur l'arène Siffler son fouet comme un serpent, Des chiens dans un carrosse traînent Un chimpanzé ceint d'un turban, De poignards courbes et de disques Des jongleurs sont auréolés. Mais celle là, qui frêle, risque Ses pas au dessus du filet Et qui va guidant une biche Sur l'étincelant fil de fer Celle là tient comme un fétiche Mon cœur contre son maillot vert. | ||
léon vérane (1886-1954). Poèmes inédits (La Muse française, 1923). |
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