8 février 2012
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Ils n'ont pas eu l'Hôtel de la Marine !
La République, c'est le gouvernement des imbéciles... Léon Daudet.
Voilà une histoire qui a failli tourner au scandale d'Etat et qui se termine bien. Le cas est suffisamment rare sous le régime actuel pour qu'on le souligne et pour qu'on s'en réjouisse: l'Hôtel de la Marine, ce chef d'oeuvre de l'architecture du XVIIIe siècle, ce haut lieu chargé d'histoire, restera finalement dans le giron de l'Etat. Mieux encore, c'est désormais le musée du Louvre qui veillera sur son avenir.
Ainsi en a décidé le gouvernement, après des mois d'incertitude où l'on a vu les intérêts les plus vils et les plus bas, tout ce que la République comporte de ministres affairistes, de trafiquants d'art, de financiers véreux, d'énarques douteux tourner autour de la merveille de Gabriel comme autant de guêpes autour d'un pot de miel. Il aura fallu des mois de combat aux amis de l'art et du patrimoine français pour empêcher cette sottise. Car c'est d'abord à l'Association des amis de l'Hôtel de la Marine et à son président, l'intrépide vicomte de Rohan, que l'on doit cette belle victoire. C'est l'Association qui fut à l'origine d'une pétition qui recueillit en quelques mois plusieurs dizaines de milliers de signatures, c'est elle qui mobilisa les savants, les académiciens, les artistes, les hommes de lettres, des dizaines de personnalités françaises et étrangères contre une décision de privatisation inique, c'est elle qui informa les médias, qui alerta l'opinion publique contre le mauvais coup qu'on préparait dans son dos.
Car la France a bien failli perdre l'Hôtel de la Marine . Un petit groupe de prédateurs lorgnait depuis longtemps sur le site. Il a senti venir son heure lorsque l'Etat décida de déménager l'état-major de la marine vers le futur "pentagone" de Balard. Que faire du site historique de la rue Royale, se lamentait-on alors au ministère de la Défense, et comment couvrir les frais d'un tel ensemble lorsqu'on n'a plus les moyens de faire face aux besoins courants des armées ? On imagine que nos prédateurs furent rapidement et bien reçus. Grâce à un réseau d'amis proches du pouvoir, ils n'eurent pas beaucoup de mal à convaincre un Etat désargenté et peu imaginatif que leur projet était le bon : hôtels, restaurants, galeries commerciales, appartements de luxe et argent à gogo,.... Le processus de privatisation, mené dans la plus grande discrétion, aurait sans doute suivi son cours si le pivot de l'affaire, le ministre de la Défense de l'époque, Hervé Morin, n'avait été débarqué du gouvernement. On connait la suite : son successeur, Alain Juppé, averti des aspects douteux du dossier, plaida pour qu'on y mette un terme. La presse et l'opinion commençaient d'ailleurs à s'agiter. Le gouvernement dut faire machine arrière. On désigna rapidement une commission, présidée par M. Giscard d'Estaing, qui conclut que l'Hôtel devait rester propriété de l'Etat et qu'il fallait adosser son activité sur celle du musée du Louvre, tout proche et qui a des besoins d'espaces. Le bon sens l'emportait. Il aurait pu prévaloir dès le départ si l'argent n'avait pas, sous le régime sarkozien, une odeur aussi tenace . Tout revient donc dans l'ordre. Il est même possible qu'en cas d'alternance, le projet ruineux, mal concu et sans doute inutile, du "pentagone" de Balard soit remis en cause et que le site de la rue Royale conserve quelques temps encore ses fonctions militaires. On s'en réjouira. Après tout, l'art et la marine ont longuement fait bon ménage et la Royale a rendu suffisamment de services au pays pour qu'elle ait droit, dans Paris, à un monument à sa gloire. Laissons les bons esprits de l'Amirauté et du Musée du Louvre y réfléchir ensemble et dessiner le meilleur projet. Quant à Louis XV, il peut retrouver le sourire, son Hôtel de la Marine est à nouveau entre des mains sûres.
Sainte Colombe.
. Voir notre article précédent : "Ils n'auront pas l'Hôtel de la Marine !", La Revue Critique du 25 janvier 2011.
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