Le transfert au privé de l’Hôtel de la Marine continue de susciter beaucoup d’émoi et c’est tant mieux. On sait qu’au printemps dernier, le petit Morin, alors ministre de la Défense, envisageait sérieusement de vendre ce joyau du patrimoine national pour financer son Pentagone de Balard, projet ruineux et inutile s’il en est. En novembre, au vu des premières réactions scandalisées, on n’évoquait déjà plus qu’un transfert en gestion sous la forme d’un bail de longue durée. Après le remaniement et le limogeage de Morin, l’équipe Juppé prenait la mesure de l’héritage : « une affaire qui pue », confirmait l’entourage du ministre qui suscitait aussitôt un nouvel arbitrage de l’Elysée. Lequel est tombé le 17 janvier dernier. « Pas question de vendre l’Hôtel de la Marine ni même de l’aliéner ! » s'est écrié le Président de la République sur un ton de vierge outragé. Il est vrai que l’affaire commençait à devenir chaude : des pétitions couvertes de signatures en quelques jours, des milieux intellectuels en effervescence, l’odeur du scandale d’Etat qui commençait à allécher les rédactions… Il était temps d'allumer des contre-feux ! Alors, enterré le projet ? Pas si sûr ! Parmi les candidats intéressés par la reprise, on ne trouve pas que des philanthropes et des amateurs de belles pierres. Le consortium mené par le brasseur d’affaires Alexandre Allard, flanqué d’un ancien ministre de la culture – le nullissime Donnedieu de Vabres – et d’une star de l’architecture stipendiée – le mirobolant Jean Nouvel – a mis beaucoup d'espoir et d'argent dans ce dossier. Son projet, modestement baptisé le Royale, qui prévoit la réalisation de suites de luxe, de restaurants de prestige et de kilomètres de galeries commerciales, donne le tournis à tout ce que Paris, Londres et New-York comptent d'énarques dénaturés, de promoteurs, de banquiers et de Béotiens de la pire espèce. Ceux là et quelques autres ne sont pas prêts à lacher le morceau comme ça ! L'appel à projets en vue de "l'occupation, la mise en valeur et l'exploitation" du batiment reste d'ailleurs toujours ouvert, malgré les déclarations du Chef de l'Etat. C’est pourquoi nous invitons tous nos lecteurs à signer et à diffuser largement autour d’eux la pétition (ci-dessous) lancée par l’Association des Amis de l’Hôtel de la Marine et son président, M. le vicomte de Rohan, pétition qui a réuni en quelques jours plus de 8000 signatures. Nous engageons aussi nos amis à bien noter et à conserver dans leurs portefeuilles le nom des protagonistes de cette triste affaire. Pour le jour, qui n’est pas si éloigné, où certains d'entre eux oseront se présenter devant les électeurs. Mais aussi au cas où il serait permis à ces voraces de mettre leur dessein à exécution. Il faut qu’ils sachent et qu’ils sachent bien qu’ils trouveront en face d’eux des gens résolus à ne pas les laisser faire. Par tous les moyens, même légaux.
La Revue critique.