(1881-1915)
Jean-Marc Bernard est né à Valence le 4 décembre 1881. Après une enfance et une jeunesse passée en Allemagne, en Angleterre, en Belgique et en Suisse, il s’installe à Saint-Rambert-d’Albon, dans la maison paternelle. C’est là qu’il compose son œuvre poétique tout en publiant, avec son ami Raoul Monier, la revue poétique, satirique et monarchiste Les Guêpes où il accueille Paul-Jean Toulet et Francis Carco et à laquelle collaborèrent Maurice de Noisay, Henri Martineau, Eugène Marsan, Henri Clouard, Louis Thomas etc… Avec ses amis Tristan Derème, Jean Pellerin, Robert de la Vaissière, Léon Vérane, Georges Fourest et Franc-Nohain, il participe à l’aventure intellectuelle de l’Ecole fantaisiste. Proche de l’Action française, il collabore régulièrement à la Revue critique des idées et des livres, où il tient la chronique littéraire. Incorporé dans l'infanterie au début du premier conflit mondial, il est tué au front le 5 juillet 1915. Ses Œuvres complètes paraissent en deux tomes en 1923.
Comme le signale, Robert Sabatier, « quelques-uns des plus beaux poèmes fantaisistes figurent dans ses œuvres, et surtout dans son recueil Sub tegmine fagi où rôde le souvenir de La Fontaine, où des quatrains d’Omar Khayyam sont librement adaptés, où les paysages de la vallée du Rhône s’accompagnent de chants d’amour et d’amitié. »
L’homme et le Sphynx (Valence, Jules Céas et fils, 1904), La mort de Narcisse (Valence, A. Ducros, 1905), Le banquet ridicule (Valence, Ed. des Guêpes, 1909), Quelques poèmes (Nouvelle librairie nationale, 1910), Sub tegmine fagi (Ed. du temps présent, 1913), Œuvres complètes (Le Divan, 1923).
Programme
Jetons les livres allemands,
Par les fenêtres, à brassées. Foin des cuistres et des pédants, Et vivent les claires pensées! Mieux vaut, couché sur le gazon, Relire, loin des philologues, Catulle, Horace, Anacréon Et le Virgile des Eglogues. Car l'antiquité nous instruit. Chacun de ses auteurs répète : Le temps irréparable fuit... Cueille le jour, dit le poète. Ah! Contentons-nous désormais De ces vérités éternelles Que nous méditerons en paix Sous les raisins de nos tonnelles. Puisque se lamenter est vain, Ne pleurons point la mort des choses : Versons ces roses en ce vin, En ce bon vin versons ces roses. Goûtons la joie et le chagrin Que, tour à tour, chaque heure apporte; Car la Mort, pourrait bien, demain, Frapper du poing à notre porte. |
||
Jean-Marc Bernard (1881-1915). Sub tegmine fagi (1913).
|
Lentus in ombra
A Charles Maurras
Presque à plat ventre dans l'herbe
Qu'ombrage un fin peuplier, Je regarde scintiller Les eaux du Rhône superbe. Arbres et collines font, De l'autre côté du fleuve, Une image toujours neuve Sur l'immobile horizon. Ce paysage tranquille Sait emplir de sa douceur L'intelligence et le coeur Comme un beau vers de Virgile. Pourrai-je dire comment Il ravit mon indolence ? Mieux vaut goûter son silence Et me taire également... |
||
Jean-Marc Bernard (1881-1915). Sub tegmine fagi (1913).
|
La chanson de France
O mon Dieu, quel farouche amour :
Meurtres, mauvais-oeil et folie ! On voit bien que nous partons pour Le chaud pays de l'Italie. La Chanson de Naples, c'est elle Qui s'envole de ces feuillets Elle a, cette chanson si belle, Le parfum poivré des oeillets. L'amour, chez nous, est plus discret; On ne meurt pas quand il s'achève. Il ne laisse que le regret Emouvant d'une heure trop brève. J'aime mieux la "chanson de France", Au printemps clair, sous les lilas... Faut-il donner tant d'importance A des choses qui n'en ont pas ? |
||
Jean-Marc Bernard (1881-1915). Sub tegmine fagi (1913).
|