Plus bas ! Plus bas ! Toujours plus bas ! Et vive l’égalité ! La putain ! La sacro-sainte égalité ! « Nous dénonçons depuis longtemps la persistance des devoirs à la maison, dont personne n’a jamais prouvé l’utilité et qui ne font qu’accentuer les inégalités entre les enfants selon qu’ils peuvent ou non bénéficier d’aide à la maison. » (Comment les « devoirs à la maison » arrivent-ils à accentuer les inégalités alors qu’ils n’ont pas d’utilité prouvée ? Mystère et tapioca.)
Les auteurs de cette « dénonciation », qui nous saisit par l’ampleur désespérante de sa bêtise, sont des parents d’élèves [1]. – Je me demande d’ailleurs pourquoi ces humanistes s’arrêtent en si bon chemin. Et les livres ? Et la musique ? Et Breughel ? A-t-on jamais prouvé leur utilité ? N’accentuent-ils pas les inégalités ?
Le même communiqué dénonce « cette forme de “sous-traitance pédagogique” aux familles » ; et annonce, plus loin : « à partir du 26 mars une “quinzaine sans devoirs” débutera. » Sous-traitance ! (Pourquoi pas « mal-traitance » !) Une quinzaine ! Les soldes, quoi ! – Les mots ne mentent jamais.
Aura-t-on jamais manifesté, et avec autant d’arrogance, au nom de la régressive béchamel égalitaire, pareille haine pour le savoir et sa transmission, pour l’instruction, pour l’enseignement, pour l’éducation ; et finalement, surtout, pour ses propres enfants ? Car il faut bien les détester, ceux-là, et furieusement encore, pour espérer qu’ils restent sur le barreau le plus bas de l’échelle de l’esprit, de l’intelligence, de la culture !
Sur le site de cette association de soldeurs névropathes, chacun est également invité à dire tout le mal qu’il pense de la sous-traitance en question. Ainsi, ces deux témoignages, que je donne sans en changer une virgule :
« Mon fils a été diagnostiqué tdah, l’école est source d'angoisse et de mauvaise estime de lui. Des devoirs en plus a la maison le soir après 6h d’école plus une prise en charge lourde pour lui en dehors, c’est tout juste impossible. Comme la maîtresse en donne toujours (malgré des discussions à ce sujet et bien c’est moi qui les faits ! Je ne vois pas l’intérêt d’en donner le programme est déjà bien chargé comme ça et se n’est vraiment pas bénéfique ! »
« Entièrement d’accord avec votre action. Quand j’étais enseignant, en CP, je refusais que mes élèves emportent leur livre de lecture le WE. Je proposais aux parents de leur lire simplement des histoires ... Ce n’est pas aux parents de faire l’école à la maison. Parent, je me désole de voir mes enfants crouler sous les devoirs, faisant le dimanche ce que l’enseignant n’a pas pu ou voulu faire en classe. Cela me révolte, mais je me tais, ne voulant pas mettre mes enfants en porte à faux. »
Des parents qui ne veulent pas éduquer leurs enfants, des instituteurs qui ne veulent pas enseigner leurs élèves, des parents et des professeurs qui préfèrent que tous les enfants soient ignorants plutôt que d’offrir à un petit nombre la chance de ne pas l’être : ce monde est devenu si stupéfiant de démence, si perdu pour le sens commun, qu’il laisse interdit et incrédule. Je ne peux rien lui répondre tant je suis loin de lui. L’un de nous deux est fou, et si ce n’est pas moi, ce n’est que provisoire.
Bruno Lafourcade.
[1]. Ils appartiennent à la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves.