Pise 1951 de Dominique Fernandez Mis en ligne : [7-03-2011] Domaine : Lettres | ![]() |
Présentation de l'éditeur.
Article de Aliocha Wald Lasowski, Le magazine littéraire. - janvier 2011
La divine Italie de Fernandez. Dominique Fernandez est italien comme Stendhal était milanais. On le savait : Pise 1951, son dernier roman, le confirme, comme un tampon sur un passeport. Le 15 septembre 1951, au matin, le narrateur et son ami Octave, deux jeunes parisiens, arrivent donc en gare de Pise. Le charme de l'Italie - "le velouté de l'air, le parfum des arbustes, la douceur de la brise", les palazzi somptueux et le chic de la mode - suscite excitation et enchantement. Le lecteur à son tour oublie l'heure et le temps, transporté par Dominique Fernandez sur les rives de l'Arno, débouchant sur la piazza dei Cavalieri au côté de ses héros, séjournant avec eux dans l'ancien palais des chevaliers de Malte. Le romancier nous plonge dans l'Italie de l'après-guerre. Ses personnages sont reçus en audience au Vatican par sa Sainteté Pie XII, dans la salle capitolina, conduits par l'aumônier de l'école. Là, ils s'enflamment dans des conversations sur l'art. Comment choisir entre Florence, l'austère cité, et Pise, où tout n'est que "négligence et poésie" ? On lit chaque matin un chant de La Divine Comédie, on s'enchante de la cuisine italienne, "nette, simple, pure", avec ses légumes al dente et son merveilleux San Daniele. On participe aux discussions politiques sur la démocratie et les rêves de justice sociale, on se réunit dans l'arrière-salle du café Gambero rosso, tenu par un militant communiste, Arnaldo, fidèle d'Antonio Gramsci : "Plan Marshall, ONU, Otan agitaient aussi furieusement les esprits que la rivalité du pape et de l'empereur au Moyen Âge." L'Italie de Fernandez mêle sans cesse le passé et le présent, le sacré et le profane, les vivants et les morts. Les couloirs de l'école bourdonnent encore des rumeurs provoquées par le suicide de Cesare Pavese, en août 1950. Garçons et filles s'interpellent chez Gigi, le glacier près du pont. Espace de liberté, lieu de l'initiation : avec ses bordels des villas élégantes - "double perron, marquise de fer forgé, lionne de bronze en guise de heurtoir" -, avec ses longues promenades dans la campagne, Pise est pour l'écrivain ce qu'est Rome pour Fellini. Et voilà que les deux héros tombent amoureux. L'un de Renata, paysanne du Frioul, "c'était ce que j'appelle une vraie italienne. formes rebondies et simplicité animale, comme sont les reines d'opéra". L'autre d'Iavanka, "très pâle, une apparition", issue de la plus ancienne noblesse de Pise... L'Italie triomphe jusque dans le corps de ces filles. Avec ce retour à sa terre d'élection, aux saveurs, aux parfums, aux paysages qu'il aime, Fernandez prouve indubitablement que le romanesque est italien.
Autres critiques : Guillaume de Sardes, "Octave et Robert", Service littéraire, février 2011.