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23 janvier 2011 7 23 /01 /janvier /2011 23:00
Mainstream                              
Enquête sur cette culture
qui plaît à tout le monde          
 
de Frédéric Martel
Mis en ligne : [24-01-2011]
Domaine :  Idées  
Martel--Frederic--Mainstream.gif

 

Frédéric Martel est chercheur et journaliste. Il enseigne à HEC et anime le principal magazine d'information sur les industries créatives et les médias à Radio France.  Son dernier livre, De la culture en Amérique. (Gallimard, 2009), a été traduit et discuté dans de nombreux pays.  


Frédéric Martel, Mainstream - Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde. Paris, Flammarion, mars 2010, 457 pages.


Présentation de l'éditeur.
Comment fabrique-t-on un best-seller, un hit ou un blockbuster ? Pourquoi le pop-corn et le Coca-Cola jouent-ils un rôle majeur dans l'industrie du cinéma ? Après avoir échoué en Chine, Disney et Murdoch réussiront-ils à exporter leur production en Inde ? Comment Bollywood séduit-il les Africains et les telenovelas brésiliennes, les Russes ? Pourquoi les Wallons réclament-ils des films doublés alors que les Flamands préfèrent les versions sous-titrées ? Pourquoi ce triomphe du modèle américain de l'entertainment et ce déclin de l'Europe ? Et pourquoi, finalement, les valeurs défendues par la propagande chinoise et les médias musulmans ressemblent-elles si étrangement à celles des studios Disney ? Pour répondre à ces questions, le journaliste et chercheur Frédéric Martel a mené une longue enquête de Hollywood à Bollywood, du Japon à l'Afrique subsaharienne, du quartier général d'Al Jazeera au Qatar jusqu'au siège du géant Televisa au Mexique. Ce qu'il nous rapporte est à la fois inédit, fascinant et inquiétant : la nouvelle guerre mondiale pour les contenus a commencé. Au coeur de cette guerre : la culture " mainstream ". De nouveaux pays émergent avec leurs médias et leur divertissement de masse. Internet décuple leur puissance. Tout s'accélère. En Inde, au Brésil, en Arabie saoudite, on se bat pour dominer le Web et pour gagner la bataille du " soft power ". On veut contrôler les mots, les images et les rêves. Mainstream raconte cette guerre globale des médias et de la culture. Et explique comment il faut faire pour plaire à tout le monde, partout dans le monde.


Article de Yves Landevennec. Royaliste n° 979 du 22novembre 2010.
Courants dominants. On sort du livre de Frédéric Martel admiratif et quelque peu étourdi. L’admirable, c’est l’enquête menée dans trente pays, auprès de 1250 personnes aux fonctions très diverses, par un docteur en sociologie qui a suivi de près, à des postes de premier plan, les relations culturelles internationales en France puis aux États-Unis. Mais l’analyse des flux financiers, des stratégies des groupes industriels, des productions culturelles, des enjeux politiques et des questions de civilisation est d’une telle complexité que certains lecteurs auront l’impression de perdre tout repère.
Réflexion faite, ce sont surtout des préjugés que l’on perdra. La lecture de Mainstream dissipe une angoisse largement répandue : la mondialisation des techniques et les réseaux planétaires de diffusion massive de contenus culturels (films, musiques, écrits) n’aboutissent pas à l’uniformisation tant dénoncée. D’ailleurs, le titre du livre est démenti par la conclusion de l’enquête : Frédéric Martel constate que mainstream (la culture populaire, au sens positif du terme ou négativement la culture de marché) est à mettre au pluriel.
De fait, il y a plusieurs courants dominants qui se mêlent plus qu’ils ne s’opposent. Nous baignons, comme toujours, dans la diversité des cultures mais nous avons en même temps une claire perception, grâce aux médias, des éléments communs au monde entier. Il ne faut pas confondre le goût mondial pour certains types de spectacles modernes (le cinéma, la télévision) et la stratégie globale des groupes capitalistes qui produisent des contenus culturels destinés à être acquis par le plus grand nombre possible de consommateurs.
Quant à la stratégie des groupes, nous sommes obnubilés par les États-Unis en général et par Hollywood en particulier. Ce n’est pas sans raisons : le cinéma américain est prépondérant en Europe de l’Ouest, où il n’y a plus qu’une seule production cinématographique nationale – la nôtre. Sans oublier la richesse de l’héritage culturel accumulé dans le passé, Frédéric Martel n’a pas tort d’écrire que la culture mainstream américaine est actuellement la seule culture commune à l’Europe, réduite par lui à l’Union européenne.
Il y a bien un effet de domination, avec des particularités et des résistances qui ne sont pas locales comme le disent les firmes capitalistes et les altermondialistes, mais bel et bien nationales. Mais cette progression de la culture américaine de masse n’est pas un phénomène qui se vérifie dans le monde entier. Notre constant oubli de l’Inde nous fait ignorer ou sous-estimer la puissance et la séduction du cinéma indien (3,6 milliards de billets vendus en 2008) qui attire les foules bien au-delà des frontières du pays ; en Asie centrale, dans le Caucase, on chante, on danse, on vibre au rythme de ces comédies qui constituent, à l’opposé des productions américaines, un spectacle complet. De même, les Français ignorent - sauf s’ils sont familiers du monde hispanique - la popularité des telenovelas, ces séries télévisées qui sont appréciées aux États-Unis comme en Europe de l’Est.
Parfois charmants, parfois médiocres, ces films, ces chansons et ces séries sont adaptées aux marchés nationaux (les productions japonaises sont souvent déjaponisées pour être vendues partout enAsie) et ne détruisent pas les cultures traditionnelles. C’est une banalité qu’il faut souligner: on peut étudier Descartes et aimer la bande dessinée, réciter Omar Khayyâm, écouter de la musique soufi et fredonner Enta Eyh en regardant une vidéo de Nancy Ajram, chanteuse libanaise immensément populaire dans tout l’Orient chiite et sunnite, arabe ou non.
Ce mélange des genres a pris des proportions considérables en raison des moyens modernes de diffusion - il existe d’ailleurs aux États-Unis, qui ne se réduisent pas au petit monde de Disney. La culture hispano-américaine (entre autres) est pleine de vitalité, les classiques de la littérature américaine sont massivement diffusés (nous devrions imiter les Américains sur ce point) et ce sont les universités américaines qui assurent pour une large part la créativité du cinéma hollywoodien.
Il est passionnant d’observer en compagnie de Frédéric Martel les réactions chinoises à l’offensive des grands groupes occidentaux et d’examiner l’identité des nouveaux venus (les télévisions arabes) sans pour autant le suivre dans toutes ses conclusions. S’il ressort de son ouvrage qu’il n’y a pas de choc culturel des civilisations, on peut s’interroger sur la réalité de ces guerres culturelles qu’il annonce tout en décrivant une très large hybridation des cultures. Nous sommes plutôt dans une concurrence entre groupes industriels et financiers qui profitent du libre-échange pour vendre leurs productions sans trop se soucier de l’idéologie et de la politique.
Les groupes occidentaux qui veulent conquérir le marché chinois - très protégé - gomment toutes les critiques émises envers la Chine et le puissant groupe du prince Al Waleed (Arabie saoudite) affirme que son objectif est la défense des valeurs tout en misant sur le divertissement pour séduire la jeunesse. Mais toute affirmation mérite maintes nuances : elles se trouvent dans le livre de Frédéric Martel qui est conscient que les maintreams vont être bouleversés par les innovations technologiques qui sont en cours.
 
Autre critique à signaler :   Jean-Louis Lambert. Esprit, décembre 2010

 

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