Royaume de papier. Dans le secret des conseils et des appartements de Versailles, le métier "réel" du roi est paradoxalement peu connu. De même sont pratiquement ignorés le travail au quotidien du souverain avec ses ministres, l'activité des départements et des bureaux ministériels, les rapports entre les ministres. En fait, c'est l'ensemble de la conduite des affaires au sommet de l'Etat, au temps de Louis XIV, qui est encore, largement, terra incognita. Cette méconnaissance est en grande partie dissipée grâce à ce livre écrit à deux mains par Thierry Sarmant et Mathieu Stoll, tous deux archivistes de formation. C'est la première fois que le travail, au quotidien, des ministères est reconstitué à partir des bureaux des commis. Entre 200 et 300 personnes constituent le monde restreint des "secrétaires", "commis", "copistes" payés à la journée, tout ce petit monde des greffiers à la plume d'oie sans lesquels la machine gouvernementale s'arrêterait de fonctionner. Or, ce "royaume de papier" est le siège d'une essentielle métamorphose : de l'atelier de l'écriture où se cotoyaient au début du règne quelques parents et domestiques du ministre parvenus là par la faveur on passe à l'Administration, marquée par la pérennité, l'anonymat et surtout une connaissance des dossiers. "Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours. " Ce sont les dernières paroles prononcées par Louis XIV à la veille de sa mort. Elles résument magnifiquement la révolution silencieuse qui s'est déroulée pendant son long règne : au-delà des clientèles, des réseaux de fidélité et des "lobbys", l'émergence d'une haute administration de mieux en mieux structurée. Le gouvernement de Louis XIV inaugure ainsi une longue tradition, bien française, qui mène à nos hauts fonctionnaires, serviteurs de la "chose publique", placés à la charnière de l'administration et de la politique.