L'Etat prédateur de James K. Galbraith Domaine : Idées | ![]() |
Présentation de l'éditeur.
La critique de Anne Denis. - Les Echos, 22 octobre 2009.
Ecrit avant l'élection de Barack Obama et la chute de Lehman Brothers, ce livre n'en est pas moins d'une brûlante actualité. En décortiquant l'histoire du néolibéralisme aux Etats-Unis, de sa naissance sous Ronald Reagan à « sa subversion et à son effondrement complet » sous George Bush, il relate aussi « la vie et la mort d'une idée, le marché libre ». Digne héritier de son célèbre père - l'économiste John Galbraith, qui fut conseiller de plusieurs présidents dont Roosevelt et Kennedy -, l'auteur, professeur à la Lyndon B. Johnson School of Public Affairs de l'université du Texas, se définit en achevant son livre fin 2007 comme le « dernier des keynésiens ». Il doit se sentir moins seul aujourd'hui mais reste pessimiste, estimant, dans la préface de l'édition française qui vient de sortir, que « ceux qui espèrent trop, et trop vite, de la nouvelle administration américaine seront nécessairement déçus ». Car « les forces de l'Etat prédateur sont profondément ancrées dans les deux partis politiques ». De quoi s'agit-il ? Avec l'accession de Reagan au pouvoir triomphe le mythe conservateur qui repose sur quatre grands principes cohérents : monétarisme, économie de l'offre, doctrine de l'équilibre budgétaire et libre-échange. Mais, en pratique, affirme-t-il, ces principes n'ont jamais été appliqués avec rigueur ni succès, notamment en raison du pacte social remontant au New Deal (caisse de retraite, Medicare, universités publiques). Avec George Bush, seule la rhétorique est restée. Les bases conservatrices ont été remplacées par « la capture des administrations publiques par la clientèle privée d'une élite au pouvoir ». L'auteur analyse la dérive des grandes entreprises américaines, au regard de scandales de « pillage au plus haut niveau »dont Enron a été la révélation. Pillage directement lié, selon lui, à l'explosion des salaires des PDG. Cette nouvelle classe prédatrice s'est emparée de l'Etat pour le gérer « non pour mettre en oeuvre un projet idéologique » mais « de la façon qui leur rapporte le plus d'argent ». « Alors que la droite au pouvoir a abandonné les fondements philosophiques de sa cause, ceux-ci continuent dans une large mesure à fasciner la gauche », déplore Galbraith. Et de citer Hillary Clinton qui s'est sentie obligée de proclamer, durant la campagne des primaires, qu'il n'y avait pas de force plus puissante que le marché libre… Galbraith veut donc « libérer les esprits de gauche ». Une gauche qui manque tragiquement, selon lui, d'imagination. « L'assurance-maladie, figure en tête du programme progressiste depuis… 1948 ! » L'auteur appelle donc les démocrates à revenir sans complexe à la planification et au contrôle de la répartition des revenus, et les exhorte surtout à un plus grand volontarisme. Peu de propositions concrètes. Mais peut-être James Galbraith préférera-t-il, dans les traces de son père, essayer de chuchoter ses idées à l'oreille d'Obama.