les épiceries | ||
Le soleil meurt : son sang ruisselle aux devantures ; Et la boutique immense est comme un reposoir Où sont, par le patron, rangés sur le comptoir, Comme des cœurs de feu, les bols de confitures. Et, pour mieux célébrer la chute du soleil, L'épicier triomphal qui descend de son trône, Porte dans ses bras lourds un bocal d'huile jaune Gomme un calice d'or colossal et vermeil. L'astre est mort ; ses derniers rayons crevant les nues Illuminent de fièvre et d'ardeurs inconnues La timide praline et les bonbons anglais. Heureux celui qui peut dans nos cités flétries Contempler un seul soir pour n'oublier jamais La gloire des couchants sur les épiceries ! | ||
vincent muselli (1879-1956). Les Masques (1919). |
les aventuriers | ||
Stériles comme un glaive enceint des seuls éclairs ! Vous n'avez point fondé d'état ni de famille, Rien laissé qu'aux débris d'une pourpre guenille, Cent bouches à vos noms clamantes dans les airs. La cité, les travaux, les tranquilles partages, L'inexorable abri des lois et des maisons... Pourtant si vos yeux pillent les horizons, Qu'ils sont beaux ces destins fatiguant les cordages ! Les lâches, les jaloux couvrent le parapet : Partez grands cœurs ! L'océan gronde et vous promet La gloire des dangers allumée à leurs pointes. Que votre pavillon soit frère de la nuit ! Vous verrez le ciel poindre aux morales disjointes, Et, dans le sang versé, l'ombre des dieux qui luit. | ||
vincent muselli (1879-1956). La Revue anarchiste. (janvier 1930). |
intérieur | ||
Qu'il faille leur concours pour gonfler l'édredon, Suspendre les rideaux, dresser les étagères, Les Dieux sont avec toi, belle Iris, quand tu gères La chambre et les loisirs dont l'amant te fit don. Psyché sur un tapis pleure son abandon, Le Faune au ciel du lit courtise les bergères, Et creusant l'acajou de leurs pointes légères Les flèches de l'Amour ornent le guéridon. Reine de ces trésors ils occupent tes heures, Souvent aussi, debout longuement tu demeures Rendant à ton miroir l'honneur que tu lui dois, Et sur la cheminée un couple de Silènes Ecoutent lamenter au choc dur de tes doigts Une flûte captive au creux des porcelaines. | ||
vincent muselli (1879-1956). Revue "Les Marges". (mars 1914). |