les vieux nids | ||
Au printemps, lorsque les oiseaux, A l'ombre des feuilles nouvelles, Le long des bois, aux bords des eaux, Couvent leurs amours sous leurs ailes, Si par hasard vous découvrez, Reliques des saisons dernières, Solitaires et délabrés, Quelques vieux nids dans les bruyères, Ayez pitié de ces vieux nids Qu'afflige un printemps égoïste, Et qui de leurs bonheurs finis Gardent comme un souvenir triste. Songez aux toits inhabités, A la masure démolie, Aux berceaux, aux cœurs dévastés, Aux vieilles choses qu'on oublie. Mais surtout ne les brisez pas, Ces vieux nids qu'en vos rêveries Vous découvrirez sous vos pas, Parmi les bruyères fleuries. Car, au retour des mauvais mois, Quand la neige, emplissant les haies Et s'entassant au front des bois, A recouvert toutes les baies, Las d'avoir faim, las de souffrir, Plus d'un petit oiseau, peut-être, Les soirs d'hiver, revient mourir Dans le vieux nid qui l'a vu naître. | ||
louis mercier (1870-1951). L'Enchantée. (1897). |
un soir de grand hiver | ||
Un soir de grand hiver. La neige emplit la nuit Et sa sourde blancheur rend l'ombre plus étrange. Il neige dans la cour, il neige sur la grange, Et sur l'étable, et dans la mare et sur le puits. Tout ce que la maison peut découvrir du monde, Les champs des siens et ceux des autres, les hameaux Et les bourgs éloignés qu'on voit lorsqu'il fait beau, Tout appartient ce soir à la neige profonde. On dirait qu'elle tombe ainsi depuis des ans, Et qu'elle tombera durant toute la vie ; Il semble qu'à jamais la terre est endormie Et qu'on ne reverra jamais plus le printemps. Mais, pendant que la neige innombrable accumule Du froid et du silence autour de la maison, Et que ses flocons fous meurent dans les tisons, Le feu, paisible et fort, au cœur de l'âtre brûle; Le feu divin, source de joie et de clarté, Fils du soleil qui dort dans les arbres antiques, Rayonne, et sa lueur joyeuse et prophétique Annonce la splendeur prochaine de l'été, Et soudain, du réduit obscur dont il est l'hôte, Sentant un lumineux bien-être l'envahir, Un grillon se réveille et chante au souvenir Du chaud parfum des prés quand les herbes sont hautes. | ||
louis mercier (1870-1951). Le Poème de la maison. (1910). |
offrande d'une rose | ||
Pour bien dire ton los, glorieux Vendômois, Plutôt que de tenter, d'un doigt lourd, sur la lyre Un chant dont Apollon et toi vous pourriez rire, Que j'aimerais mieux être un jardinier françois, Maître en son art, habile à seconder les lois Des subtiles amours où les fleurs se désirent ! Lors, m’unissant à ceux que tes grandeurs inspirent Et qui vont t'acclamant du luth et de la voix, Je saurais inventer une rose nouvelle, Mignonne, veloutée et purpurine, telle Qu'elle égale en parfum, en charme, en volupté, Les lèvres de Cassandre et les lèvres d'Hélène ; Par elle avec honneur ton nom serait porté Et des roses, Ronsard, ta rose serait reine. | ||
louis mercier (1870-1951). Revue « La Muse française ». (juillet 1924). |